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Titre : Histoire de Fontaine-Française, par Richard-Edouard Gascon,... (13 novembre 1891.)
Auteur : Gascon, Richard-Édouard (1828-1906). Auteur du texte
Éditeur : (Dijon)
Date d'édition : 1892
Sujet : Fontaine-Française (Côte-d'Or)
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34116616s
Type : monographie imprimée
Langue : français
Langue : Français
Format : In-8°
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Description : Collection numérique : Fonds régional : Bourgogne
Description : Avec mode texte
Droits : Consultable en ligne
Droits : Public domain
Identifiant : ark:/12148/bpt6k1419354
Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, 8-LK7-28105
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 16/01/2012
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HISTOIRE
DE
FONTAINE-FRANCAISE
PAR
RICHARD-EDOUARD GASCON
Conducteur-voyer principal des ponts et chaussées.
Membre correspondant de là Société d'émulation du Doubs,
de la Commission des Antiquités de la Cote-d'Or, de la Société d'histoire et d'archéologie de Chalon-sur-Saône.
de la Société d'agriculture, sciences et arts de la Haute-Saône.
de la Société bourguignonne de géographie et d'histoire,
etc. etc.
Faict bien, laisse dire.
C'est en travaillant, en sacrifiant à l'étude tous ses instants, tous ses loisris, que l'homme parvient à se tendre utile dans la société. » DUMORTIER (de la Belgique).
Arma scabinorum majoriae regalis Fontanae
DIJON IMPRIMERIE DARANTIERE
65, RUE CHABOT-CHARNY, 65
MDCCCXCII
HISTOIRE
DE
FONTAINE-FRANÇAISE
A LA MÉMOIRE
DE
MADAME LA MARQUISE DE LA TOUR DU PIN,
NÉE PRINCESSE HONORINE DE MONACO,
ET DE
MADAME LA COMTESSE F. DE CHABRILLAN,
NÉE PRINCESSE ANNA DE CROY,
qui avaient, de leur vivant, accepté la dédicace de cet ouvrage
AUX HABITANTS DE FONTAINE-FRANÇAISE
MON PAYS D'ADOPTION
13 novembre 1891.
HISTOIRE
DE
FONTAINE-FRANÇAISE
PAR
RICHARD-EDOUARD GASCON
Conducteur-voyer principal des ponts et chaussées
Membre correspondant de la Société d'émulation du Doubs,
de la Commission des Antiquités de la Côte-d'Or, de la Société d'histoire et d'archéologie de Chalon-sur-Saône, de la Société d'agriculture, sciences et arts de la Haute-Saône, de la Société bourguignonne do géographie et d'histoire, etc., etc.
Faict bien, laisse dire.
« C'est en travaillant, en sacrifiant à l'étude tous ses instants, tous ses loisirs, que l'homme parvient à se rendre utile dans la société. »
DUMORTIER (de la Belgique).
Arma scabinorum majoriae regalis Fontanae
DIJON
IMPRIMERIE DARANTIERE
65, RUE CHABOT — CHARNY, 65
MDCCCXCII
NOTE DE L'AUTEUR
L'histoire de nos ORIGINES CELTIQUES et ROMAINES, plus tard BOURGUIGNONNES, étant peu connue du public, j'ai pensé faire plaisir aux lecteurs, notamment aux habitants de Fontaine-Française, en commençant cet ouvrage par une notice peu détaillée, mais suffisante, je crois, sur ces Origines, sur les Coutumes des Gaulois, leurs moeurs, leur Religion, le Pagus Attuariorum (pays desAttuariens, le nôtre), l'établissement des Bourguignons dans le pays gallo-romain et leur gouvernement jusqu'aux IXe et Xe siècles, époque avant laquelle FONTANAS, Fontaine, est déjà désignée dans divers cartulaires, celui de Bèze, par exemple : Fontanoe, en 630, suivant la Chronique, quoiqu'il soit certain que ce bourg, cette cité, cette ville, comme plusieurs titres la désignent, dût exister bien avant, ainsi que le démontrent les antiquités gauloises, romaines et mérovingiennes qu'on y rencontre fréquemment.
Après cette description succincte, je ferai un chapitre spécial sur l'origine proprement dite de Fontaine, et je suivrai chronologiquement son histoire en disant ce qui s'y rattache sous chacun des seigneurs qui l'ont possédé du Xe au XIXe siècle, car, il faut bien le reconnaître et le constater : l'histoire d'un pays, d'une localité, est réellement l'histoire de ses seigneurs. En narrant celle-ci on écrit l'autre, jusqu'au moment où l'administration des communautés a commencé à relever de plus en plus directement du pouvoir central, pour aboutir au régime consacré par la révolution de 1789.
HISTOIRE
DE
FONTAINE-FRANÇAISE
CHAPITRE Ier
ÉPOQUE GAULOISE ET ROMAINE
La Gaule (1) proprement dite était renfermée à peu près dans les anciennes limites de la France. Elle comprenait tout le pays entre le Rhin, les Alpes, la Méditerranée, les Pyrénées et l'Océan Atlantique.
Les Gaulois étaient grands et forts. Ils avaient la peau blanche et les cheveux blonds. Ils étaient braves, hardis, violents, prompts à se quereller et à combattre, aimaient la guerre et les aventures. Ils se jetaient avec une ardeur sans égale sur leurs ennemis ; mais si on leur résistait longtemps, ou s'ils étaient vaincus, ils se décourageaient facilement. Ils avaient l'âme généreuse et tous se rassemblaient pour venger une injustice faite à l'un d'eux.
Si les Gaulois étaient le peuple le plus brave, il
(1) De Gallus qui signifie surmonter les eaux. Anastase de Langres, 1649.
était aussi le plus fier de toute l'Europe. Ils prétendaient descendre de Pluton, et disaient qu'ils portaient leur droit à la pointe de l'épée et que tout appartenait aux gens de courage. Une de leurs coutumes, assez bizarre, mérite d'être signalée ici : ils ne permettaient pas à leurs enfants mâles de paraître devant eux avant qu'ils ne fussent en âge de porter les armes.
Les Gaules formaient plusieurs provinces, l'une d'elles la Gaule celtique comprenait le territoire des Eduens, qui avait à peu près la même étendue que notre Bourgogne et dont la capitale était Bibracte, aujourd'hui Autun.
Le pays Éduen doit nous occuper d'une manière toute spéciale, puisque, comme on le verra dans la suite, nos contrées en faisaient partie, la Saône formant sa limite à l'est.
Le Vergobert (1), dans la Celtique, était le magistrat suprême. Il avait le droit de vie et de mort, et ne devait pas sortir du territoire pendant toute la durée de ses fonctions.
Le généralissime de l'armée s'appelait Vercingétorix (2). Il pouvait commander parfois toutes les armées gauloises réunies.
Un Celte était maître absolu dans sa famille ; il en retranchait, à son gré, tout membre qui la déshonorait.
Leurs demeures, bâties assez solidement, étaient de forme ordinairement ronde et enfoncées dans le sol.
Leurs vêtements consistaient en une tunique, un manteau et une braie, sorte de culotte large et de
(1) Vergobert signifiait force, autorité.
(2) Vercingétorix n'était pas le nom du général, c'était son titre, son grade.
diverses couleurs. Leurs armes primitives étaient en silex ou en jade. Ils en faisaient des couteaux, des haches, des lances et des javelots, Plus tard ils eurent l'épée et une pique recourbée en forme d'hameçon en bronze. Leurs boucliers étaient très grands et leurs casques couverts d'ornements bizarres et effrayants. Quelques-uns portaient des cuirasses en mailles de fer ; mais le plus grand nombre combattait nu.
L'hospitalité des Eduens était si grande qu'ils ne fermaient jamais leurs portes pendant la nuit, de crainte qu'un passant ne pût trouver un gîte.
Leur chevelure faisait leur principal ornement ; aussi tous les jours ils la lavaient avec de la chaux pour en rendre la blancheur plus éclatante.
Leur nourriture était simplement du pain cuit sous la cendre en petite quantité, mais beaucoup de viandes bouillies ou rôties.
Dans les repas, le chef occupait le premier rang et buvait toujours le premier. Il faisait ensuite passer sa coupe à ses convives qui le saluaient avant de boire, ainsi que cela se pratique encore dans les grandes maisons où on salue en élevant son verre sans trinquer à la bourguignonne.
La langue celtique, commune à toute la Gaule, s'est fractionnée en idiomes et en dialectes que la langue latine a remplacés après la conquête romaine.
A quelle époque les Gaulois ou Celtes sont-ils venus occuper nos contrées ? On n'en sait vraiment rien, les renseignements manquent. Ceux mêmes que nous avons sont très vagues sur l'époque de l'invasion des Kymries (1) ou Belges (Bolg-Belg) dans le nord de la
(1) Les Kymries étaient de souche gauloise, mais plus dense, plus
Gaule. « Quant aux Galls et aux Ibères, dit Guizot, personne ne parle de leur première entrée dans ce pays, car on les y trouve au moment où le pays même apparaît pour la première fois dans l'histoire. » Des auteurs avancent même que les Celtes habitaient l'Europe bien avant le règne de Salomon.
La Gaule, selon César, était divisée en trois parties : a Gaule celtique, appelée par les Romains chevelue, (celle que nous habitons), parce que la longue chevelure y était en usage, surtout chez les nobles qui se distingnaient par ce signe, et les deux autres la Belgique et l'Aquitaine. Les moeurs, le langage et les coutumes de ces trois peuples étaient tout à fait différents.
La Gaule celtique se subdivisait en plusieurs Etats à peu près indépendants, tels que ceux des Eduens, dont il est déjà question plus haut, des Séquanais et des Lingoniens.
Les Eduens, dont nous descendons, tenaient le premier rang dans la Gaule celtique. Leur république comprenait tout le pays entre la Saône, la Loire, l'Yonne et la Seine.
Cette république était gouvernée par les Druides ou prêtres et les nobles ou chevaliers.
La Saône (l'Arar) séparait le pays des Eduens de celui des Séquanes ; ceux-ci s'étendaient entre cette rivière, le Rhône, le Jura, le Rhin et les Vosges.
Les Lingons, dont je parlerai plus tard et peut-être beaucoup, parce que Fontaine s'est trouvé sous leur domination à plusieurs époques, étaient aussi renommés et distingués parmi les Gaulois. Leur territoire
résistante, d'un caractère plus accusé et laissant partout des traces ineffaçables.
touchait au nord et à l'Ouest celui des Eduens et comprenait le Tonnerrois, le Bassigny et le Châtillonnais. Leur capitale était Andematunum, aujourd'hui Langres, du nom de ce peuple.
Je viens de dire que les Druides (1) étaient les prêtres des Gaulois. Ils étaient aussi leurs chefs suprêmes et exerçaient un empire tel qu'on regardait comme scélérat et déchu de sa qualité d'homme celui qui osait contrecarrer leurs décisions.
Ils étaient divisés en quatre classes (2) : Les Sarronides, qui enseignaient la jeunesse et rendaient la justice ; les Bardes qui chantaient les exploits des peuples ; les Eubages ou Vates, augures et devins qui présidaient aux sacrifices, et les Vacies, philosophes et prêtres.
Dans le pays des Eduens, ils habitaient Talant ; la Lingonie tirait également ses druides du même lieu.
Les druides avaient en tout temps et en tous lieux une influence considérable sur les peuples. Aux jours de bataille, ils se tenaient toujours aux premiers rangs, animant les combattants par leur présence et surtout par leurs ordres.
Leur religion excluait tout temple : leurs cérémonies se faisaient dans les forêts. Le chêne était un arbre divin sur lequel on récoltait, avec une serpette d'or, le Guy, cette plante sacrée, talisman vénéré contre les accidents et les maladies. Le grand prêtre avait seul
(1) Ce nom de Druide vient d'un mot grec qui veut dire Chêne. De là la Suprême Majesté et de l'arbre et du prêtre. Ils étaient électifs ; leur costume consistait en une grande robe blanche et ils portaient toute leur barbe.
(2) Anastase de Langres, 1649.
le droit de le couper et le distribuait aux populations au commencement de l'année.
Ce sont les Kymries, en envahissant la Celtique, qui y introduisirent le Druidisme, cette religion sanscrite par sa cosmogonie et grecque par son rite.
Les Gaulois reconnaissaient l'unité de l'Etre suprême, l'immortalité de l'âme et la résurrection. Ils étaient tellement imbus de cette dernière doctrine qu'ils brûlaient, avec le corps du défunt, le compte exact de ses affaires et jetaient sur le bûcher des lettres qu'ils lui écrivaient, pensant qu'il les lirait.
Des religionnaires leur prêtaient même de l'argent dont ils ne devaient demander le paiement que dans l'autre monde. Quand on les enterrait, on plaçait avec eux leurs armes, leurs vêtements et des objets précieux pour leur faciliter l'entrée dans l'autre vie et la leur rendre plus agréable.
Les druides, qu'Appien appelle contempteurs de la mort ou espérance d'une autre vie, enseignaient aux peuples de la Gaule à adorer Dieu, à ne faire jamais le mal, à se distinguer par la bravoure et à mépriser la mort. Tels étaient les points fondamentaux de leur morale.
Le principal Dieu des Gaulois était Teutatès, Tûdhad-hès, qui signifiait Dieu père des hommes.
Ils croyaient à la métempsycose (passage de l'âme d'un corps dans un autre), aussi est-il remarqué par Golut, livre X, c. LXVI, d'après Aspicuel, tome III, « qu'ils tenaient que la Vierge Marie, Mère de Dieu, devait enfanter, bien que Vierge en son enfantement, devant et après, et qu'ils lui avaient dressé un autel à Chartres avec cette inscription: Virgini Parituroe, et un autre à Talant, leur demeure habituelle ».
Malheureusement les sacrifices humains n'étaient pas rares. On croyait ainsi apaiser la colère de Dieu.
Le sacrifice consistait tantôt à brûler vives les victimes dans une sorte de statue d'osier, représentant le Dieu à calmer, tantôt à les égorger sur des dalles brutes (dolmens) posées en forme de table sur deux pierres debout.
Le séjour des druides est incontestable dans nos pays, de tous côtés des noms de climats, de lieuxdits, de ruisseaux les rappellent : je citerai le ruisseau de la Douys, entre Courchamp et la Romagne, le lieu appelé en Drouys sur Sacquenay, anciennes carrières au milieu d'immenses forêts, où on a trouvé plusieurs dolmens ; et puis beaucoup d'expressions celtiques dont je parlerai plus loin, telles que la Vâte, la Vaite, etc.
Il est ainsi bien des lieuxdits qui témoignent encore dans nos contrées du séjour des Celtes et de leurs druides. Le climat de Faâs (Fées) (1)sur le chemin de Chazeuil, où est bâtie la ferme de ce nom ; la roche des Faâs, à Pouilly, le moulin de Faâs, à Courchamp ; la Vaite, sur Fontenelle, de Vates, Fatidica (Fée), ou de Vates, augures et devins parmi les druides. Il est à remarquer à l'appui de ce qui précède que plusieurs usages gaulois se sont conservés dans notre pays. Ainsi on clouait et on cloue encore, à la porte des maisons, les têtes d'oiseaux de proie ou d'autres animaux carnassiers. Cet usage vient de ce que les Gaulois, nos pères, et les Francs coupaient la tête de
(1) Les fées, femmes devineresses qui accompagnaient toujours les armées gauloises, les précédaient quand elles étaient en marche pour consulter les augures et ordonner le combat ou l'empêcher.
leur ennemi tué en guerre et l'attachaient comme trophée à la porte de leur maison.
La loi des Francs-Saliens contenait une défense expresse d'enlever les têtes placées ainsi à l'entrée des maisons.
Un autre usage qui, s'il est modifié, n'est nullement perdu, consistait en marques de joie que les Gaulois manifestaient à l'inhumation de leurs parents.
« Bien loin, dit Courtépée, d'accompagner leurs funérailles de pleurs ou de quelques marques de deuil, ils les faisaient suivre d'un festin de réjouissance qu'ils donnaient aux principaux assistants, ce qui a fait croire à quelques auteurs qu'ils mangeaient leurs morts. » Ces réjouissances étaient la conséquence de leur croyance à l'immortalité de l'âme et à un séjour bienheureux après la mort.
Or cet usage se retrouve en partie dans les moeurs actuelles (1).
Dans bien des localités peu éloignées de Fontaine, après l'enterrement, les parents, les amis du défunt, non pas seulement les étrangers, mais ceux de la localité, se réunissent dans la maison mortuaire où un repas, quelquefois très copieux, souvent trop animé, presque joyeux, termine la cérémonie commencée avec toute la tristesse, les pleurs et les gémissements naturels en pareille circonstance.
Les monnaies gauloises, dont j'ai trouvé des échantillons sur notre territoire, avaient le cheval pour marque la plus ordinaire. Cependant l'animal le plus estimé de la Gaule éduenne était le cochon. C'était son
(1) Si je mentionne cet usage, qui est à peu près général, c'est tout simplement pour que le lecteur en connaisse l'origine.
symbole. Quand les Romains eurent donné aux Éduens des lettres de fraternité, ils prirent une laie pour emblême, comme on le voit sur la plupart de leurs médailles.
Après la prise d'Alise (1), en l'an de Rome 701 ou 53 avant J.-C., Jules César devint maître absolu de la Gaule et la mit sous la domination des Romains, qui en restèrent maîtres pendant environ quatre siècles et demi. Tout y prospéra : lettres, commerce, industrie, sciences et arts. Les monuments romains si nombreux en France en sont une preuve évidente.
Les Gaulois adoptèrent alors les moeurs, les coutumes et la langue des Romains, la langue latine.
Avant cette époque, le langage grec était en usage et le seul employé pour les actes publics et les registres de la nation.
C'est pendant la domination romaine, vers l'an 178 de notre ère, sous le règne de Marc-Aurèle, que le christianisme fut prêché dans nos pays, d'abord par saint Bénigne, à Dijon.
Le druidisme fut attaqué de toute part, et bientôt la religion du Christ fut la seule pratiquée (2). Cette
(1) On a supposé (Defoy, 1863) que le combat de cavalerie que Vercingétorix livra à César, dans le Langrois, a eu lieu dans les plaines des environs de Cusey. On a en effet trouvé, lors d'un curage de la Vingeanne, des milliers de fers de chevaux romains. L'auteur en a vu charger des tombereaux. L'armée de Vercingétorix devait probablement s'étendre jusqu'à Sacquenay, où elle occupait trois points : la Côte, le Soc et Montormentier. On croit encore distinguer, au-dessus du plateau de la Côte, des restes de fortifications gauloises. Dans ce combat, disent les auteurs, César manqua d'être pris ; il y perdit roême son épée que les Gaulois suspendirent comme un trophée dans un de leurs temples.
(2) Courtépée dit que Claude II, vers 269, acheva d'exterminer les druides, et de les chasser entièrement des Gaules. Cependant leur re¬
nouvelle religion, toute de paix et de conciliation, adoucit les moeurs, supprima les sacrifices sanglants et jeta les bases de la civilisation dont nous nous enorgueillissons aujourd'hui.
Dès le commencement de la conquête toutes les Gaules, et nos pays en particulier, furent sillonnées de voies, routes, levées ou chaussées dites romaines.
Celle qui nous intéresse le plus est la grande Via Agrippa, cette voie de Langres à Genève, qu'Agrippa, gendre d'Auguste et gouverneur pour lui dans les Gaules, fit commencer l'an 742 de Rome ou douze ans avant J.-C., pour établir une communication directe entre la Lingonie et l'Helvétie, s'embranchant à Vaux-sous-Aubigny, sur la grande voie militaire de Langres à Lyon. Elle passe sur le territoire de Sacquenay, entre Chazeuil et Chaume, sépare les territoires de Bourberain et de Fontaine-Française, touche Bessey, où elle fait presque un demi-cercle pour contourner une ancienne ville romaine, facile à reconnaître, s'approche de Blagny, traverse les territoires de Mirebeau, Pontailler, franchit la Saône, arrive à Poligny, passe par-dessus le mont Jura et aboutit à Genève.
Ce fut cette route que suivit l'empereur Claude, à son retour de la conquête d'Angleterre, lorsqu'il se rendit en Italie, et sur laquelle il fit placer des colonnes milliaires, 43 ans après J.-C., semblables à celle qui a été trouvée vers Sacquenay et qui est actuellement au musée des antiquités à Dijon. Ces colonnes indiquaient les distances par milles (1).
ligion, comme toutes celles qui sont bien enracinées dans la croyance des peuples, survécut à Claude, clandestinement, il est vrai ; et ce n'est que longtemps après qu'elle disparut complètement.
(1) Le mille romain était de 750 pas, environ 600 mètres. La lieue
Les voies romaines étaient presque toujours tracées en ligne droite, élevées au-dessus du sol, soit pour dominer le pays alors couvert de broussailles, soit pour servir de rempart. Le plateau supérieur avait de 5 à 7 mètres de largeur, était bien bombé et toujours entretenu avec soin (1).
En général elles se composaient de trois lits : le stratumen, couche inférieure, en grosses pierres, le rudus, pierres rangées à la main en hérisson à lits superposés et souvent liés avec du ciment ; enfin l'arena ou lit supérieur en sable et gravois. Telle est la construction de notre voie Agrippa comme il est facile de le constater sur bien des points.
La Gaule doit à l'empereur Probus (de 276 à 282) la replantation de ses vignes, que Domitien avait fait arracher, les patriciens de Rome et d'Italie voulant se reserver le monopole du commerce des vins. Ainsi la création des riches vignobles qui font la renommée du sol bourguignon remonte au règne de cet empereur.
Sous le même Probus, en 276, la Gaule était tellement abandonnée que l'Empereur fut obligé d'envoyer des hommes et des boeufs de la Germanie pour arriver à remettre les terres en culture.
L'empire romain marchait à sa ruine. Le luxe dominait, les folles dépenses étaient à l'ordre du jour.
Bientôt les barbares envahirent la Gaule, venant de la Germanie : ce sont les Burqondes (2), qui donnèrent
gauloise était de 1500 pas, soit deux railles romaius. Le pas gaulois était de 5 pieds (Pline).
(1) Les voies dites d'Agrippa, faites par les légions aux dépens du fisc, furent réparées par la reine Brunehaut et par Charlemagne.
(2) On dit que Burgondes vient de Bourg ou Burg parce que ce peuple bâtissait des bourgs, villes, aux lieux où il séjournait. Première version.
leur nom à la Bourgogne ; les Visigoths, qui s'établirent entre la Loire et les Pyrénées, et les Franks (1), qui n'occupèrent d'abord que le nord de la Gaule.
Tout devint si cher, dans ce pauvre pays, qu'il peut être intéressant de donner ici un travail de M. Moreau de Jonès, qui a calculé, en argent de notre monnaie, le prix moyen des denrées sur la fin du IIIe siècle. Il estime,
Qu'une paire de chaussure valait .
22f 50
La livre de viande coûtait . . .
350
La livre de porc
3 60
Le vin tout ordinaire, le litre . .
1 80
Une oie grasse
45 »
Un lièvre
33 »
Un poulet
43 »
Un cent d'huîtres
22 »
(1) Nom qui signifie braves, hommes qui, d'origine germaine, s'étaient rendus fameux par leur courage.
Extrait de la Carte
d'une
de l dressée pour les Chartes des IXe, Xe
Le
S
CHAPITRE II
ÉPOQUE BURGONDE (1) ET ORIGINE DU PAYS DES ATTUARIENS
C'est vers l'an 273 qu'eut lieu sans succès la première irruption des Bourguignons dans les Gaules, ils passèrent le Rhin et se rendirent maîtres de soixante villes ou châteaux, mais au bout de deux ans Probus les défit et les obligea à se retirer.
Ils revinrent en 287, mais sans plus de résultat que lors de leur première invasion.
La troisième et dernière irruption eut lieu en 407 ; ils s'établirent alors solidement dans leur conquête et formèrent, comme on le verra plus loin, le royaume de Bourgogne qui eut cinq rois dans l'espace de 120 ans.
(1) Burgundia, burgonde, du verbe allemand Burgen, s'associer, se reunir, parce qu'à l'origine, les burgondes étaient un peuple de guerriers confédérés, unis ensemble pour se protéger et se défendre mutuellement. Deuxième version. On lit dans l'Anastase de Langres que Bourgogne, Bourg. Ogne signifiait Bourg des Dieux. Tel est Ogne près de Lux, ville détruite vers 270, lors de la fondation de Divio,
Dijon.
Les auteurs ne sont pas d'accord sur l'époque à laquelle les Bourguignons embrassèrent le christianisme. Dom Plancher dit en 317, d'autres vers 330, d'autres encore en 401. Quoi qu'il en soit, ils étaient chrétiens quand ils se furent définitivement fixés dans la Gaule.
Les Bourguignons étaient d'origine germaine et vandale. Leur première patrie est sur les bords de la Vistule en Poméranie.
Quand, en 413 ou 414, sous leur premier roi Gondicaire, ils prirent définitivement possession d'une partie de la Gaule, ils occupèrent le pays compris entre la Saône et le Jura. Ce fut le cinquième peuple envahisseur de la Gaule au Ve siècle.
Les Bourguignons étaient de très grande taille, on dit qu'ils avaient sept pieds. Pasteurs, chasseurs et guerriers, ils ont longtemps erré du Rhin à la Baltique. Ils se nourrissaient de fruits, d'oignons, de légumes, de lait et de gibier. Leurs armes principales étaient : la framée, sorte de lance et hallebarde en même temps, l'épieu ferré et la hache. Pour symboliser leur indépendance, ils employaient la figure d'un chat.
Leurs chefs portaient le nom de hondins ou hendins. Mais chaque famille avait à sa tête un herman, guerrier dont la renommée était en proportion avec le nombre de leudes ou fidèles qui s'attachaient à lui. Leur Pontife, appelé Siniot, était perpétuel.
Quand ils eurent passé le Rhin, en 407, sous la conduite de Gondicaire, et qu'ils furent maîtres du pays de la Saône au Rhin, Constance, général d'Honorius, fit avec eux un traité solennel qui leur assurait, à titre d'hôtes ou confédérés, la plus grande partie du pays qu'ils occupaient. Ceux qui étaient passés les premiers dans la Gaule et y avaient été pourvus de terres à titre
d'hôtes ne furent pas compris dans les nouveaux partages qui se firent dans la suite (1).
Ils mirent sept ans à se consolider, à prendre les habitudes des Romains, à se civiliser ; enfin ils s'adonnèrent à la culture des terres et devinrent industriels. On les appelait Faramus, ce qui signifiait ancienne génération ou famille, pour les distinguer des nouveaux venus.
La parole des Burgondes était sacrée. Qui ne connaît ce vieux proverbe dont nous sommes encore fiers :
La parole d'un Bourguignon vaut une obligation.
Voici la liste des cinq premiers rois burgondes :
Gondicaire, 1er roi,
qui règna de 414 à 456,
Gondioc, 2e roi,
— 456 à 473,
Gondebaud, 3e roi,
— 473 à 516,
S. Sigismond, 4e roi,
— 516 à 524,
Godomar, 5e roi,
— 524 à 534.
Avec Godomar finit le premier royaume de Bourgogne.
Alors commença le règne des Mérovingiens dans cette partie de la Gaule, dont Clotaire et Childebert, fils de Clovis, s'emparèrent.
Sous les Mérovingiens, les Bourguignons conservèrent leurs lois et leur titre de royaume, ils eurent une nouvelle souche de rois qui commença en 534 par Théodebert et qui finit en 591 par Thierry II.
Mais à la bataille des Testry, en 687, la Bourgogne perdit son indépendance, ses privilèges, son titre de
(1) Dunod, Histoire de Bourgogne.
royaume et devint, sous les Carlovingiens, un simple fief de la Couronne de France.
Les princes français prirent en 562 le titre de rois de Bourgogne qu'ils conservèrent jusqu'en 879, alors que la Bourgogne, pour la seconde fois, eut des rois à part, dont le premier fut Roson, 3 octobre 879.
Il y eut une sorte d'interrègne de 691 à 753. Cependant Charles Martel, victorieux à la journée de Poitiers, en 731, donna la Bourgogne à Pépin le Bref, qui prit, ainsi que ses successeurs, de 753 à 840, le titre de rois de France et de Bourgogne.
Sous Louis le Débonnaire, la Bourgogne fut divisée en Duché et en Comté, Bourgogne basse et Bourgogne haute.
Le règne ou régime féodal commence.
La Bourgogne proprement dite, ou le Duché fut donnée à des Ducs (1) bénéficiaires ; et le Comté, appelé depuis Franche-Comté (2), appartint à des seigneurs vassaux de la couronne de France puis de l'Empire.
Les ducs bénéficiaires furent au nombre de huit, de 879 à 1032.
Par le traité de 1034, le duché et le comté furent partagés entre le roi Henri I et l'empereur Conrad. Après la mort de ce dernier, décédé sans enfants mâles, le roi eut le duché et l'empereur le comté.
On sait que le comté ou la Franche-Comté ne fut définitivement réunie à la couronne de France que par Louis XIV en 1676.
C'est dans cet intervalle qu'en 888 les Normands
(1) De Dux, conducteur d'armées.
(2) On disait Franche-Comté de Bourgogne parce que ce comté était libre, exempt de toutes tailles et impositions envers son souverain.
entrèrent dans nos pays, y mirent tout à feu et à sang, ravageant tous lés villages et l'abbaye de Bèze.
En 940, les Hongrois commirent les mêmes atrocités, pillèrent de nouveau l'abbaye de Bèze qui resta 50 ans avant de se relever.
Pour terminer cette esquisse de l'histoire de Bourgogne, il me reste à dire que de 1032 à 1361 elle fut gouvernée par douze ducs capétiens dit de Rouvres qui la tenaient du roi de France (1).
En Philippe de Rouvres, douzième et dernier duc de la première race royale, finit la première maison ducale (1361), et la Bourgogne fut incorporée au royaume de France (2). Mais Jean le Bon, roi de France, donna en fief la Bourgogne à Philippe le Hardi, son quatrième fils, qui y régna de 1363 à 1404. Son fils Jean-sans-Peur posséda ce fief de 1404 à 1419, Philippe le Bon de 1419 à 1467, et son fils Charles le Téméraire de 1467 à 1477. Alors Louis XI, en vertu du droit féodal, en sa qualité de parent et tuteur de la princesse Marie, unique héritière du duc Charles, réunit définitivement la Bourgogne à la couronne de France. Un édit du 18 mars 1477 confirma les privilèges du pays et de chaque ville et créa le Parlement de Dijon.
Depuis lors et jusqu'en 1789, un gouverneur et des lieutenants généraux représentèrent l'autorité du roi; des intendants et des subdélégués, dont les pouvoirs
(1)Le duc Hugues III, qui vivait de 1162 à 1192, donna, en 1187, à son oncle l'évêque de Langres le comté de Langres érigé depuis en Duché-Pairie.
(2) Après le traité de Bretigny (1361) le roi Jean vint à Dijon et là solennellement et officiellement il unit et incorpora le duché à la couronne.
allèrent toujours en augmentant, furent chargés de l'administration.
Avant d'entrer plus avant dans l'histoire de Fontaine-Française, je suis obligé de revenir sur mes pas et de reprendre l'époque gauloise pour faire connaître l'origine du Pagus Attuariorum, Pays des Attuariens, celui que nous habitons, dont Ates (Hête), proche Rozières, était la capitale, et dont relevaient plus de quatre-vingts villages ou bourgs, parmi lesquels Fontanas, Fontaine, était un des principaux.
Constance-Chlore (1), créé César en 292, devint Auguste par l'abdication de Dioclétien et partagea l'empire avec Galère-Maxime en 305. Il eut les Gaules et s'y fit chérir. Sans faire bruit de ses victoires, il anéantit la faction des Bagaudes parisiennes et battit Alectus-Caurausius et les Francs. Une bande de Germains étant entrée sur le territoire des Séquanes et des Eduens, il courut au-devant d'eux ; accablé par le nombre et blessé en combattant on le transporta à Langres, dans une ville amie. Mais dès le lendemain, il oublie sa blessure, réunit les habitants à ses légions et se précipite sur l'ennemi qu'il surprend et taille en pièces. On poursuivit les fuyards avec tant d'acharnement que 60,000 barbares restèrent sur le champ de bataille. On donna à cette victoire le nom de bataille de Langres.
Le territoire de Peigney, à l'est de cette ville, a toujours été regardé comme le théâtre de ce combat ; les champs voisins connus sous les noms de la Grande
(1) Constance fut surnommé Chlore à cause de sa pâleur (Dictionnaire des grands hommes).
et de la Petite Bataille confirment cette tradition (1).
Plusieurs provinces de la Gaule Celtique étant presque désertes, depuis les dernières guerres, Constance-Chlore, y envoya des habitants pris surtout parmi les peuples francks vaincus, et entre autres des Attuariens. Il leur ordonna de fertiliser le sol des Tricanes, celui des Lingons, et de peupler les vallées désertes dans les environs de Bèze. Ce serait là l'origine du Pagus Attoarensis (2).
Voyons maintenant ce que dit Courtépée à ce sujet.
« Constance-Chlore, ou le Blond, fut surpris et blessé par les Germains, à Langres, vers l'an 300 de de notre ère, où il s'enferma. Mais il sortit à la tête des habitants et de ses soldats, fondit sur les Germains et leur tua 60,000 hommes. Ceux qui échappèrent au carnage s'enfuirent jusqu'au Rhin où ils furent faits prisonniers. Il les dispersa et il plaça entre autres les Attuariens, colonie de Franks, originaire des Celtes, sur la Tille, la Bêze et la Vingeanne. Ils ont formé dans la suite le Pagus Attuariorum. »
Leur capitale, je l'ai déjà dit, était Ates, entre Saint-Seine et Champagne, près le vieux château fort actuel de Rozières, et non pas Antua, dans la forêt de Velours, comme on l'a prétendu bien à tort ; car Antua n'a dû être entouré de fossés et de murailles en parapet que bien longtemps après (3).
La Chronique de Bèze paraît assigner pour limites
(1-2) Chronique de l'Evêché de Langres, 1792.
(3) On y trouvait le puits des Grands Jours, aujourd'hui comblé, nom que la tradition a conservé, parce que les ducs tenaient en ce lieu les assises ou Plaids de Dieu. Dans ces Grands Jours, on réprimait les injustices, on jugeait les procès, on réglait les affaires, et on cherchait les moyens de remédier aux maux qui affligeaient la nation.
au canton des Attuariens, la Saône à l'est et l'Ouche au sud ; ou plutôt il était renfermé entre les comtés de Chalon, d'Amont et de Langres, comme le disent les Annales de Saint Bertin, sous l'an 839. Il pouvait ainsi avoir neuf lieues de longueur depuis Mantoche jusqu'à Saint-Jean-de-Losne, sur une largeur de six à sept lieues, de la Saône jusqu'à Dijon (1).
Les Francks comptaient ou plutôt mesuraient le temps par le nombre de nuits, comme les Gaulois, persuadés qu'ils étaient que les ténèbres avaient précédé la lumière. La nuit précédait toujours le jour quand ils parlaient soit de leur naissance, soit de faits remarquables, ou du commencement des mois et des années. Ainsi un propriétaire qui avait perdu un esclave, un animal, avait quarante nuits pour le trouver et non pas quarante jours.
Cette coutume subsistait encore en Bourgogne au IXe siècle.
L'année bourguignonne commençait au jour de la revue générale des troupes, qui était le 1er mars.
Sous les rois carlovingiens c'était au jour de Noël et à Pâques, sous les Capétiens.
Ce n'est que depuis 1593 qu'en France l'année commence le 1er janvier.
On a appelé depuis longtemps les habitants de la Bourgogne, Bourguignons salés.
On n'est pas d'accord sur l'origine de cette expression.
(1) Voir la carte dressée par M. Garnier, archiviste, en 1845. — Marcelin rapporte que le César Julien, dans la guerre qu'il fit aux Germains en 355, s'empara d'un pays de Francks, appelés Attuariens et qu'après en avoir défait une partie il fut obligé de leur donner la paix.
Les uns disent que dans les premiers siècles de notre ère, comme ils étaient chrétiens, on tournait ainsi en ridicule la cérémonie de leur baptême (1). Pasquier dit que c'est à l'occasion de leurs salines, causes de graves démêlés avec les Allemands.
Ce quatrain court encore de nos jours :
Bourguignon salé,
La barbe au menton,
L'épée au côté,
Saute Bourguignon.
(1) On mettait déjà du sel dans la bouche des enfants en les baptisant, ainsi que cela se pratique dans toute la chrétienté.
CHAPITRE III
ORIGINE LE FONTAINE-FRANÇAISE
Fontaine, de Fontanas, en raison de la quantité de sources ou de fontaines qui s'y trouvent, est désigné dans Courtépée sous le nom de Fons-Galicus, FontiGallicum (1). C'est fort bien, mais comme Fontaine ou Fontenne, ainsi écrit dans un grand nombre de titres, n'est réellement devenu français que lors de l'annexion définitive de la Bourgogne à la France, je maintiendrai le seul nom, la seule dénomination de Fontanas ou Fontaine, dont je me servirai jusqu'à l'époque de sa réunion à la France (2).
(1) Fontanoe, suivant la Chronique de Bèze, 630. Fontes-Francise, selon un titre de la Commanderie de la Romagne de 1247. Fontana, Çartulaire de Flavigny, IXe siècle.
(2) Le nom de Fontanas, Fontaines, s'applique bien à notre localité. Ainsi outre la Vingeanne qui traverse les prairies, les ruisseaux suivants, tous pérennes autrefois, arrosent le territoire dans toutes les directions, ce sont : la Torcelle qui sort des étangs, les ruisseaux de Cotiron, de la Borde, de la Combe du Chêne, de Chaume, de Pré Morot et le Rainot. Sans compter une quantité de fontaines jaillissantes, visibles ou invisibles (on en connaît plus de vingt dans les étangs du
Faut-il dire, comme la plupart des historiens, que Fontaine a une origine qui se perd dans la nuit des temps? Ce qu'il y a de certain, c'est que le ruisseau, formé par cette quantité de sources, connues ou inconnues, qui traversait librement le vallon avant la création des étangs, les gras pâturages qui le bordaient ; l'endroit frais et agréable, caché qu'il était par les hautes forêts qui devaient l'environner, tout cela a dû etre remarqué et le lieu choisi par les Gaulois pour y asseoir une de leurs agglomérations. Des silex taillés intentionnellement, les haches celtiques que j'ai trouvées et d'autres vestiges de même origine, nous le prouvent péremptoirement.
Quant à l'occupation de Fontaine par les Romains, dès leur conquête de la Gaule, elle n'est pas douteuse, pas plus que le séjour des Burgondes. Des fragments de poteries rouges, des meules entières ou brisées, des armes, des monnaies ont été trouvées par tout le finage. Une voie pavée venant d'Ates, notre ancienne capitale et traversant la prairie et la Corvée, aboutissait au centre actuel, une autre voie partant du même centre, et passant vers la Croix-Bruno, se reliait à la levée romaine de Langres à Genève. Une troisième voie, dont on a trouvé des vestiges indéniables, comChâteau
comChâteau du Fourneau). Les principales du finage sont celles de Berthaut, Chaussier, de Bullot, du Pont des Carres, du Boulanger, de Deillot, de Pré Morot, du Defoy, de la Borde, du Vesseux, etc., etc. Cest à partir de 1307, quand Jeanne de Bourgogne, fille d'Othon IV, épousa le fils de Philippe le Bel, devenu roi de France sous le nom de Philippe V dit Le Long, que Fontaine, un des sept bourgs du Dijon-nais, prit définitivement la dénomination de Française. Depuis dans tous les actes on trouve Fons-Gallicus, Fontanae-Francisae, Fontenne-Françoise.
Fontenne-Françoise.
mençait près de N.-D., traversait les Charmottes et tombait sur la grande levée à environ cent mètres au levant du premier bois dit des Vieilles Haies. La Corvée est encore traversée par un chemin hérissonné se dirigeant du nord au sud, enfin la proximité de cette grande route militaire de Langres à Genève construite, comme on le sait, l'an 742 de Rome, 12 ans avant J.-C., par Agrippa, gendre d'Auguste et son lieutenant dans les Gaules, vient apporter de nouvelles preuves à l'appui de mon opinion (1).
Tous ces témoins du séjour des Romains dans notre pays nous paraissent irréfutables. Et si Fontaine n'avait pas été un centre, un lieu habité par les Romains, les voies qui y aboutissent n'auraient certainement pas été construites.
Plus tard les Burgondes et les Mérovingiens l'ont également habité, occupant toutes les positions prises par les Romains.
La Motte, le monticule de la chapelle Notre-Dame, est un cimetière mérovingien qui renferme des cercueils en pierre, tels que celui que M.Baize (Pierre) a découvert et qu'il a transporté près du pavillon de son grand clos. Ces cercueils se distinguent des romains en ce qu'ils sont plus larges à la tête qu'aux pieds, tandis que ceux de l'époque romaine avaient la forme rectangulaire.
Le petit ruisseau dit le Rainot se rapprochait des habitations mérovingiennes ; j'ai recueilli contre le parc des fragments de poteries, d'urnes en terre noi-
(1) Une tuilerie ou au moins de vastes habitations romaines, ont existé sur le bord du chemin qu'on voit entre la remise dite la Charme Robert et le fourneau. On y trouve, sur une certaine étendue, des fragments de tuiles à rebord qui datent bien de cette époque.
râtre, des scramassaks, etc. On se rappelle que Constance-Chlore, après avoir battu les Germains sous Langres, envoya l'une de leurs colonnes, celle des Attuariens, cultiver les terres des bords de la Bèze, de la Tille et de la Vingeanne. Ce peuple dut se répandre partout où l'eau abondait et où les terres étaient le plus faciles à défricher et à cultiver. Ces conditions ne se trouvent-elles pas dans notre vallon ?
Les Romains ayant disparu, les Attuariens et les Burgondes les ont remplacés et ont nécessairement occupé toutes leurs résidences. Ils ont alors fondé des villes, des bourgs et, pour les établir, ils ont naturellement choisi les endroits les plus propices.
Fontaine est dans ce cas ; aussi dans la carte du Pagus Attuariorum (pays des Attuariens) trouve-t-on Fontanas, mais alors divisé en deux parties : Fontanas proprement dit, sur la rive gauche du ruisseau qui existait, comme je l'ai dit, avant la création des étangs, et Berthariacum (1) sur la rive droite, c'est-à-dire Fontaine et Berthaut, ou la cité Berthaut dont une rue porte encore le nom.
Fontaine, de création gauloise, romaine, plus tard attuarienne, existait donc à coup sûr au IIIe siècle, et nous verrons bientôt qu'il fut donné à l'abbaye de Bèze lors de sa fondation, en 630.
(1) Berthariacum, cité dans la Chronique de Béze, 630, distinct de Fontanas, a eu ses seigneurs particuliers et sa forteresse appelée Tour d'Anthoison, démolie vers 1446, au moment de la réunion de ce fief à la seigneurie de Fontaine.
CHAPITRE IV
DESCRIPTION GÉNÉRALE DE FONTAINE-FRANÇAISE
RÉSUMÉ HISTORIQUE
ARMES DE FONTAINE-FRANÇAISE
D'argent à la croix de gueules.
Ce sont, d'après d'Hozier, les « armes des officiers de la mairie royalle de Fontaine-Françoise. »
(Arma scabinorum majoriae regalis Fontanae.)
, Fontaine-Française, ancienne baronnie, puis marquisat de 1424 à 1683, compris dans le duché de Bourgogne, n'a jamais eu le titre de bailliage et n'a député à aucune époque. Aujourd'hui simple chef-lieu du canton de ce nom, de l'arrondissement de Dijon et du département de la Côte-d'Or, c'est un joli bourg, bâti sur la route de Dijon à Bourbonne-les-Bains et à Gray, à 233 mètres d'altitude, 47° 31' 25" de latitude nord et 3° 2' 10'' de longitude est et en temps 12m 8S.
Fontaine a été longtemps du diocèse et archidiaconé de Langres, doyenné de Grancey, sous le vocable de Saint-Sulpice et le patronage de l'abbé de Flavigny (1).
(1) Courtépée dit que les bénédictins, qui y avaient un prieuré, ont desservi l'église jusqu'en 1611. Ce prieuré a réellement existé, ainsi qu'on le verra au chapitre Eglise.
UNE VUE DE FONTAINE-FRANÇAISE
LE CHATEAU ET L'ÉGLISE D'APRÈS UN DESSIN DU XVIE SIÈCLE
Fontaine-Française, resté en litige depuis 1363, rentre définitivement au royaume de France par suite du traité du 15 février 1612, conclu à Auxonne entre Louis XIII et les archiducs Fernand et Isabelle. En 1330 la Bourgogne est distraite de la couronne de France et rentre au duché.
Du grenier à sel de Mirebeau, de la subdélégation d'Is-sur-Tille, du même bailliage et du même district pendant longtemps, Fontaine est passé du diocèse de Langres au diocèse de Dijon en 1731 (1), et est devenu doyenné peu de temps après. Le titre de doyenné avait été aboli en 1790, mais Mgr l'évêque Rivet le rétablit en 1854.
La population, qui n'a jamais dépassé 1300, est maintenant de 1005 habitants ; elle a été souvent bien au-dessous de ce chiffre, par exemple en 1636 et au moment des grandes guerres de Bourgogne.
Fontaine a eu ses armes comme toutes les autres villes. Elles ont dû lui être octroyées en septembre 1693, lorsque le roi Louis XIV en nomma le premier maire.
D'Hozier nous les donne sous forme d'une croix de gueules (rouge) sur fond d'argent et dit que ce sont les « Armes des officiers de la mairie royalle de Fontaine-Françoise. » Nous portons donc, en langage de blason : d'argent à la croix de gueules, signe de neutralité, de paix et de respect.
Fontaine-Française, divisée autrefois en deux parties: le Bourg proprement dit et la Cité Berthaut, a dû être
(1) Lors de l'érection du diocèse de Dijon vainement sollicitée pendant 156 ans, depuis 1575, à l'avènement de Henri III. Cependant la chapelle du château est restée sous la juridiction de l'évêque de Langres jusqu'à la révolution de 1789.
fortifié en dehors de son château. Un plan fait par Schalle, 1640, en suite des grands partages de 1464 et 1465, nous indique trois constructions à l'extrémité des principales rues et juste dans leur milieu, savoir au bout de la rue d'Aval, ancien chemin de Mirebeau, une grosse construction carrée ; au bout de la rue de la Maladière, une construction ronde, une tour probablement, et enfin au gué au-dessous du moulin, ancien chemin de Dijon, deux constructions carrées flanquant probablement une porte.
Le village, ou le bourg, si l'on veut, assis sur un terrain presque plat, possède de belles rues, larges, bordées de trottoirs et très bien entretenues. L'auteur de cette histoire y a fait établir l'éclairage des rues.
Les environs, peu accidentés, présentent cependant des collines du sommet desquelles on jouit d'un point de vue étendu.
Le château avec ses quatre tours fermait le bourg du côté de la rue de France. Les quatre seules entrées principales de Fontaine étaient donc bien fermées.
En outre on peut suivre sur le plan de Schalle les marques d'un fossé, figuré par deux lignes parallèles, qui, partant du climat appelé les Antes, sur le bord de l'étang du Fourneau, passait au nord de la rue d'Aval, entourait l'église, suivait le bout des jardins de deux côtés de la Corvée, arrivait à la porte ronde de la rue de la Maladière, en face de la maison Lambert-Haute-plein, passait à peu près où se trouve le treige des Murots et se terminait au château.
Les canaux du château aujourd'hui l'Etang Pagosse ou du Château, avec le ruisseau qui coulait de cet étang jusqu'à celui du Fourneau formaient une réelle défense de ce côté. C'est le long de ce ruisseau qu'en 1373 les
Figure ou Plan de 1640 qui montre que
Fontaine - Française était fortifié et avait encore trois portes fermant les trois rues principales, en dehors du château qui défendait la quatrième.
habitants avaient construit des barricades pour soutenir le siège que Guillaume de Vergy, seigneur de Mirebeau, vint mettre devant leur bourg, appuyé par la Tour d'Anthoison qui existait encore et qui appartenait, comme Berthaut probablement, à Guillaume de Vergy, ou dont il aurait pu s'emparer.
Ce plan est encore bon à consulter pour se donner une idée exacte de la position des anciennes voies de communication, de la division du territoire, du lieu où se trouvaient les fourches, etc., etc.
Les bâtiments communaux n'offrent rien de remarquable. L'hôtel de ville, le presbytère, l'école des garçons et celle des filles sont de construction récente. La corniche et les piliers des halles de l'hôtel de ville proviennent des démolitions de l'abbaye de Theuley (1806).
L'église et le château attirent seuls l'attention.
Ces deux monuments feront chacun l'objet d'un chapitre spécial.
La population, exclusivement agricole, est intelligente et laborieuse. Les habitants y sont généralement à l'aise, grâce à leur travail, à leur activité bien connue et aux bonnes méthodes de culture qu'ils emploient.
De moeurs douces et faciles, on y accueille parfaitement les étrangers, et tous ceux, fonctionnaires ou autres, qui ont habité le pays, en conservent le meilleur souvenir.
Le commerce et l'industrie y sont presque nuls. Il n'en était pas de même autrefois. Un haut-fourneau, bâti dans l'intervalle de 1629 à 1658 (1), éteint depuis
(1) Il ne faut pas s'étonner d'un aussi long intervalle. Le fourneau n'était pas achevé en 1636 et Gallas ayant ravagé tout le pays, les tra¬
1869, occupait beaucoup d'ouvriers et produisait de la fonte fine de première qualité.
Lorsque M. de la Tour-du-Pin a fait construire en 1828 le passage voûté qui conduit l'eau de l'étang sous la roue du fourneau, on a trouvé une grande quantité de grosses épingles, ainsi qu'on les faisait autrefois, et plusieurs outils employés à leur fabrication. En 1858, quand M. Louis Magnieux, régisseur de la terre de Fontaine, a fait construire le bâtiment d'habitation dit des Forgerons, il a également trouvé des épingles semblables aux premières, des outils et certains arrangements qui prouvent que là existait une forge adjointe au fourneau.
Il est donc évident qu'on ne se bornait pas à couler de la fonte de fer; on la dénaturait et on fabriquait des épingles, des barres de fer, et tous autres objets occupant, ainsi que je viens de le dire, beaucoup d'ouvriers.
Les tisserands étaient nombreux, ainsi que les fabriques de droguet (espèce d'étoffe grossière mais solide, dont la chaîne est en fil de chanvre et la trame en laine, colorié ordinairement en vert ou en bleu foncé) et les potiers dont les produits avaient une certaine renommée. Malheureusement cette poterie, dont la forme était assez élégante, s'altérait au feu et ne pouvait servir qu'à renfermer des liquides froids. Une tuilerie, dite la Tuilerie Robelot, aujourd'hui disparue et qui se trouvait entre le fourneau et la Charme Robert, donnait de beaux et bons produits, entre autres une tuile plate de grandes dimensions (1).
vaux ne purent être repris que vers 1650, par François de la Rochefoucault.
(1) J'y ai découvert aussi beaucoup de fragments de tuiles romaines, ce qui me fait croire que la tuilerie Robelot était construite sur l'emplacement même d'une tuilerie romaine.
Une brasserie a été établie à Fontaine au commencement de ce siècle, mais elle n'a pas prospéré. On donne encore le nom de brasserie aux bâtiments qui occupent l'emplacement de l'ancien moulin à vent, détruit il y a près de deux cents ans.
La commune n'est pas riche, tant s'en faut. Ses revenus suffisent à peine pour faire face à ses dépenses obligatoires. Avec quelques terrains sans valeur, friches, etc., elle n'a que cent quatre-vingt-dix-neuf hectares de bois, dont le quart en réserve, est aménagé à trente ans. Le surplus forme l'affouage annuel des habitants qui est à peine de trois stères par feu en moyenne.
Ainsi que je l'ai dit dans ma Géognosie du canton de Fontaine-Française (1866), notre finage se prête facilement à la culture des céréales, du houblon et de la vigne. Avec la belle et immense prairie de la Vingeanne et la production considérable des fourrages artificiels, les habitants peuvent élever beaucoup de bétail, et, joignant les engrais artificiels aux engrais naturels, ils arriveront en quelque sorte à la culture intensive, c'est-à-dire à faire rendre à leurs terres tout ce dont elles sont capables et à supprimer entièrement la jachère morte, le sombre, comme on dit en Bourgogne.
Fontaine-Française n'était pas seulement composé des rues de l'Eglise, du Moustier, d'Aval, de la Maladière et de France, il comprenait, quoique pendant longtemps du comté de Bourgogne, Bertariacum, cité dans la Chronique de Bèze, 630, distinct de Fontanas. Cette localité a eu ses seigneurs particuliers et sa forteresse appelée Tour d'Anthoison, démolie vers 1446, qui s'élevait alors sur l'emplacement du clos de la Ferme.
Ce fief relevait de la Franche-Comté et faisait partie des seigneuries d'Autrey et de Mirebeau.
En 1379, il passa à la maison de Longvy et par suite à celle de Fontaine.
En ce qui concerne les rues de Fontaine, l'auteur doit ajouter à son histoire que, pour perpétuer le souvenir des bienfaits et des libéralités faits à la commune par la famille de la Tour-du-Pin, en particulier par le marquis tué à Sébastopol en 1855, le conseil municipal, par reconnaissance,sous la présidence de M. Emarot, médecin, alors maire de Fontaine-Française, a, par délibération du 4 novembre 1866, donné le nom de rue de la Tour-du-Pin à l'ancienne rue des Ormeaux qui s'étend de la place du Centre à la porte du Château. Cette appellation a été sanctionnée par décret impérial, signé Napoléon, à Paris.
En 1888, le conseil municipal renouvelé, à la tête duquel se trouve, comme maire, le capitaine en retraite François Laurent, a voulu, à son tour, reconnaître les bienfaits de feue Mme la marquise de la Tour-du-Pin, née princesse Honorine de Monaco, et rappeler aux habitants le souvenir d'hommes illustres dont Fontaine est le berceau ; le conseil a, par délibération du 11 novembre 1888, sanctionnée par décret présidentiel, signé Carnot, à Paris, le 27 décembre 1888, donné à trois rues les noms suivants :
1° Rue Honorine-de-Monaco à la rue de l'Etang, du château à la rue de France ;
2° Rue Général-Gandil, de la rue de France à l'hôtel de ville ;
3° Et rue Moine-Fourcaut à la rue du Faubourg du
Champ Grassot, appelé vulgairement Faubourg souffrant.
Les autres rues, qui ont des noms historiques ou de localité, conservent leur ancienne appellation.
Les annexes de Fontaine étaient : 1° Fontenelle (Fontanellis) pour le culte seulement, ce village ayant fait partie du comté de Bourgogne jusqu'à l'annexion de cette province à la France. L'érection de l'église de Fontenelle en succursale, en 1831, a mis fin à cet état de choses ; 2° Le Fourneau, construit dans l'intervalle de 1629 à 1658, commencé par Jacques Chabot et achevé sous François de la Rochefoucault ; 3° Enfin Chaume (1) en toute souveraineté, et la métairie de la Borde, l'ancienne léproserie ou maladrerie de Fontaine.
Près du fourneau, édifié à la place de deux moulins qui étaient mus par les eaux du grand étang, existait encore, en 1249, un hameau disparu depuis et qui portait le nom de Vallis-Molane, Valle-Moulin, mentionné en 1247, dans un titre de la commanderie de la Romagne, qui est une donation du deuxième jour après la fête de saint Laurent, par laquelle, « Dom Thierry, chevalier de Fontaine et dame Jeanne de Culey, son épouse, Girard et Guy, ses enfants, donnent aux frères de la Chevalerie du Temple de la Romagne, diocèse de Langres, pour la rémission de leurs pé-
(1) Calvos, Calmetas, suivant la Chronique de Bèze, XIe siècle.
Il y avait autrefois à Chaume une grosse tour qui a été ruinée par les guerres de Bourgogne au XVLe siècle. Elle se trouvait en face de la chapelle, dans la propriété de M. Jobart, ingénieur de marine, l'un des nombreux amis de M. de Saint-Jullien, et arrière-grand-père par alliance de l'auteur de cette histoire. Cette propriété est possédée aujourd'hui par Mme veuve Moins, dont le mari a été maire pendant vingt-neuf ans et neuf mois, de 1848 à 1878.
chés, tous les droits qu'ils ont ou doivent avoir aux dixmes et autres choses dans le finage de ValleMoulin (1). »
Au climat dit les Curtillots, de curtil, courtil, qui veut dire jardin, on trouve de nombreuses fondations qui démontrent qu'une agglomération de maisons a dû y exister. C'est encore un lieu détruit depuis des siècles.
Les seigneurs qui ont possédé Fontaine après les rois de Bourgogne et l'abbaye de Bèze (à laquelle il avait été donné vers 630 par le duc amovible de Bourgogne Amalgaire à son fils Wualdelène, premier abbé, lors de la fondation de cette abbaye) sont les Evêques ducs de Langres en suzeraineté, les comtes Attuariens (2), puis les maisons de Fouvent, de Vergy, de Longvic, de Vienne, de Chabot, de la Rochefoucault, d'Arnault, de Mazel, de la Tour-du-Pin, La Charce, de Saint-Jullien.
Aujourd'hui cette terre appartient à M. le comte Fortuné de Moreton de Chabrillan, l'aîné des deux petits-fils de Mme la marquise de la Tour-du-Pin, princesse Honorine de Monaco, née en 1784, décédée en 1879.
Le château, Maison forte, Donjon, autrefois forteresse sur laquelle le nouveau château est bâti, était isolé.
Le village s'étendait au sud, bien au delà de l'église,
(1)Archives de la Côte-d'Or, E. 292.
(2) Le canton des Attuariens fut gouverné par des comtes dès le commencement du IXe siècle et ne fut plus désigné que sous la dénomination de Comitatus Un Hildegamus gouverna les Attuariens en l'an 815 ; il eut pour successeur un Hugues de Beaumont. Vers 950 c'est Gérard de Fouvent qui les gouverna et devint alors le premier seigneur de Fontaine.
et formait ainsi de ce côté une longue rue, celle de Moustier, aujourd'hui rue de l'Eglise et rue d'Aval. Les principales rues de Fontaine étaient d'abord, comme je viens de le dire, la rue du Moustier (Eglise), la rue de la Maladière, de la Maladrerie, de la Borde, des Lépreux et la rue de France qui conduisait en France par Chaume et Sacquenay.
Le séjour de Fontaine devait être très agréable, ainsi que le prouve la quantité de maisons bourgeoises ayant pignon sur rue (1), tourelle et même colombier.
Dans la rue d'Aval, on voit encore deux maisons portant l'une la date de 1546, construite par Boudet, tabellion royal, et l'autre de 1579, également construite et habitée par un tabellion dont j'ignore le nom, car il y avait alors deux notaires ou tabellions royaux à Fontaine.
Il existe encore quatre ou cinq de ces anciennes maisons ; mais il y a trente ans, j'ai pu en compter plus de quinze, la plupart démolies sans nécessité absolue.
Toutes les charpentes de nos anciennes maisons, même celles du XVIIIe siècle, sont en châtaignier. Les maisons modernes ont encore une grande partie de leurs poutres et de leurs solivages de la même essence de bois.
Cette circonstance nous démontre que le châtai-
(1) A propos de pignon sur rue, voici ce que certains auteurs en pensent. Les habitants, manants ou autres, payaient un impôt suivant la longueur de leurs maisons joignant la rue. Pour se soustraire à une partie de cet impôt ils imaginèrent de mettre toutes leurs maisons pignon sur rue et payaient ainsi beaucoup moins. Mais les seigneurs ne furent pas dupes et on mesura les maisons dans leur plus grande longueur, qu'elles joignissent ou non la rue.
gnier devait être très commun dans nos forêts et surtout très prospère, car il n'est pas rare de rencontrer des mères poutres ayant cinquante centimètres et plus d'équarrissage à vives arêtes. On trouve encore quelques sujets de cette essence dans les grands bois du seigneur et dans les remises Longue et du Champ de la Tour ; mais l'arbre croît mal, trop lentement, ne donne que des fruits très petits, sans saveur ; aussi at-on complètement abandonné sa culture.
Les habitants de Fontaine ont toujours joui de grands privilèges, certainement dus aux services signalés qu'eux et leurs seigneurs ont rendus aux rois, aux princes et à la nation. Philippe le Bon leur accorda, au commencement de son règne, le privilège de n'être sujets à aucune gabelle ni imposition sur leurs denrées ; de négocier partout sans payer aucuns subsides. Ces privilèges furent confirmés par lettres patentes en 1458, maintenues par arrêt du Conseil et du Parlement de Dijon en 1613 et par lettres patentes de Louis XV en 1716 et 1755.
Fontenelle, Fontanellis in pago Attuariorum (Courtépée), comme je l'ai déjà dit, était une annexe de Fontaine. Ce petit village avec la rue de Berthaut, celle du Moustier et de la Maladière, était « au nombre des terres de « surséance ou de débats, c'est-à-dire qui étaient en litige entre plusieurs souverains prétendant respectivement les comprendre dans leurs Etats à défaut de limites fixes ».
Je reviendrai sur cette question dans la chronologie historique, surtout à cause de la Souveraineté de Chaume (1).
(1) Voir Courtépée, 2e édition, t. IV, page 728.
Grâce à la construction des routes par M. de Saint-Jullien, aux. plantations qui les bordent et à l'aspect riant de la campagne, Fontaine-Française a du charme. De quelque côté qu'on aille, la vue s'étend au loin, les promenades ne manquent pas et si les étangs sont un peu envahis par les roseaux et les joncs, leur eau n'en donne pas moins un certain attrait au paysage.
Les étrangers, fonctionnaires, commerçants, et autres y sont, je l'ai déjà dit, accueillis avec une urbanité peu commune et la société ne manque pas à qui veut en profiter.
Pendant longtemps on a cru et on croit encore à la parfaite insalubrité de Fontaine en raison des étangs qui longent le village au sud-ouest.
« A mes yeux et au dire d'hommes expérimentés et savants, parmi lesquels je citerai le docteur Andriot, les fièvres qui jadis décimaient la population n'avaient pas les étangs pour cause unique. La malpropreté des rues, où, pendant des années entières, croupissaient d'infectes mares et d'éternels fumiers sur lesquels on jetait, même sans les enfouir, les animaux morts, leurs dépouilles et tous les débris ménagers ; la mauvaise construction des maisons de la basse classe ; l'étroitesse des ouvertures, le manque d'air et le défaut d'assainissement ; tout cela joint à la nourriture peu substantielle de l'époque, aux mariages trop répétés entre proches parents, était loin d'être sans influence sur la cause principale des fièvres intermittentes alors si répandues et si tenaces.
« Ces fièvres, on peut le dire, ont disparu par suite des efforts du docteur Andriot, des mesures d'hygiène prises par l'administration, de l'amélioration de
la nourriture et enfin des derniers travaux qui, tout en embellissant la cité, ont définitivement empêché les dépôts délétères sur la voie publique, régularisé les pentes des rues et rendu constant et facile l'écoulement des eaux (1). »
On arrive à un âge fort avancé à Fontaine. Il n'est pas rare d'y rencontrer des vieillards de quatre-vingt-cinq et quatre-vingt-dix ans encore fort allègres.
Un titre de la Chambre des Comptes porte qu'en 1430 un sieur Bouvalin, laboureur, mourut à Fontaine, à l'âge de cent vingt ans.
Le territoire de Fontaine-Française, d'une superficie de trois mille cinquante-six hectares quatre-vingt-sept ares trente-cinq centiares, est généralement formé de dépôts silicéo-argileux et argilo-calcaires très propres à toutes sortes de culture. Le sous-sol appartient géologiquement aux dépôts tertiaires renfermant beaucoup de minerai de fer pissiforme, au kimméridien, à l'astartien et au corallien supérieur. Le village est bâti sur le corallien grumeleux, coquillier à fleur de terre (2).
Un fait que les habitants s'expliquent difficilement est le suivant : toutes les caves, ou presque toutes, qui se trouvent au nord de la rue de la Maladière et au couchant des rues de l'Eglise et d'Aval sont constamment humides et souvent pleines d'eau, tandis que celles qui sont de l'autre côté de ces rues sont très saines. Il en est de même des puits qui sont généralement
(1)Voir ma Géognosie du cardon de Fontaine-Française, 1866, page 141.
(2) Voir encore ma Géognosie, pages 135 et suivantes, où je donne en détail la formation géologique de tout le territoire.
bons du côté est de la rue de l'Eglise, et mauvais de l'autre côté. La géologie explique ce fait. Une faille, une fissure verticale s'est produite, qui a abaissé un terrain ou surélevé l'autre (du corallien au kimméridien) ; les sols n'étant pas les mêmes, par leur niveau géologique, se comportent différemment, dans l'un les filtrations sont fréquentes tandis que dans l'autre elles n'existent pas.
Si les maisons à l'ouest des rues de l'Eglise et d'Aval sont toutes inclinées au sud, ne pourrait-on pas expliquer l'existence de ce fait par le trouble géologique produit par cette faille, qui a bien pu déterminer un mouvement oscillatoire du sol du nord au sud.
Depuis trente-neuf ans j'ai l'honneur d'être, sans interruption, secrétaire de la Commission de statistique cantonale agricole, et depuis vingt ans secrétaire du Comice agricole, j'ai donc pu voir mieux que beaucoup d'autres les progrès qu'a faits l'agriculture. J'établirai quelques chiffres comparatifs du rendement seulement depuis 1842 à 1882.
Le tableau suivant fera juger des progrès et donnera la mesure des améliorations obtenues.
Production des céréales en hectolitres par hectare
NATURE
DES PRODUITS
1812
1814
1816
1820
1823
1850
1872
1882
Froment. .
4h 1/2
12h
7h 1/2
7
10h
13
15h
25h
Méteil
6 1/2
15
9
8
17
»
»
»
Seigle
9
15
7
8
10
11
15
15
Orge
6 3/4
12
10
10
14
15
18
30
Avoine ....
9
15
11
8
15
17
30
35
En moyenne les prairies naturelles rendent 37 quintaux à l'hectare ; les prairies artificielles 45 quintaux à l'hectare.
S'il y avait des vignes aux environs de l'emplacement actuel de Fontaine, du temps des Gaulois, au commencement de la domination romaine, elles eurent le sort de toutes les autres : Domitien, l'an 92 de notre ère, fit arracher les vignes de toutes les Gaules qui nuisaient au commerce italien ; mais en 281, Probus en permit la replantation.
La vigne avait été importée dans la Gaule 600 ans avant J.-C.
La culture du houblon, qui comprend aujourd'hui une surface de 20 hectares 10 ares et environ 77.500 pieds, a produit en moyenne, depuis 10 ans, 10 quintaux à l'hectare.
Le bâtiment de la dixme, du dixme (1), comme on l'appelle dans la localité, situé dans le Meix du Fief de Berthaut, a été construit par M. de Saint-Jullien, vers 1760 (2).
Il a 55 mètres de longueur, 10 mètres de largeur ou profondeur et une hauteur utilisable sous les combles de plus de 10 mètres.
Il pourrait contenir environ 42.000 gerbes de blé. Or comme le produit moyen annuel est maintenant de 190.000 à 200.000 gerbes, ce vaste bâtiment ne pourrait donc contenir que le cinquième de la récolte en blé seulement.
(1) L'ancien bâtiment de la dixme se trouvait autrefois derrière le château fort, vers le chemin de l'Abreuvoir, de la rue de France ; il a été démoli en 1755 et 1756.
(2) J'écris dixme, suivant l'ancienne orthographe, le mot venant de dix quoique la dixme n'était que par exception le dixième des récoltes sur lesquelles l'impôt se prélevait.
Il est certain qu'il y a quelque cent ans toute la récolte en céréales aurait pu être renfermée dans le bâtiment de la dixme. L'agriculture a donc quintuplé ses produits depuis le milieu du siècle dernier.
Près de la grange de la dixme se trouve une énorme tour, servant de pigeonnier au seigneur. Elle a été bâtie vers 1760. Depuis que les pigeons fuyards sont bannis de nos contrées, cette tour est abandonnée et en assez mauvais état.
A Fontaine le seigneur n'avait pas seul le droit d'élever colombier, car la plupart des anciennes maisons possédaient des tourelles dont la partie supérieure était disposée en cases ou nids à pigeons.
A environ un kilomètre du village, sur la route de Gray, se trouve le Pré Morot, où Henri IV battit les Espagnols le 5 juin 1595. Les Elus de la province ont fait construire dans le siècle dernier, je crois vers 1750, un monument aujourd'hui disparu pour perpétuer le souvenir de ce fameux combat. Plus tard, sous l'administration du préfet Guiraudet, la commune de Fontaine lit construire, en 1806, la Fontaine de Pré Morot, aujourd'hui nommée Fontaine Henri IV.
Le portique, faisant face à la route, fut décoré d'un médaillon en bronze de Henri IV, qui a été volé en 1852 (1). Sur le fronton on a gravé ces vers de la Henriade :
Bon prince, grand guerrier,
Il vainquit ses rivaux et sut leur pardonner.
Et plus bas ; Victoire remportée par Henri IV.
(1) J'ai modelé un nouveau médaillon, je le ferai couler en fonte, et, avec l'autorisation de l'administration, je le placerai où était celui en bronze.
Et au-dessous : 1595.
En faisant réparer le pont de Pré Morot, les Elus ont fait mettre l'inscription suivante sur les quatre faces du parapet en pierre.
Hic. HEN. MAG. HOSTES. DEBELLAVIT.
HIC HENRICUS MAGNUS HOSTES DEBELLAVIT.
ICI HENRI LE GRAND DÉFIT SES ENNEMIS.
Un second monument avait été édifié, presque en face du pont, par Mme de Saint-Jullien, en 1818. Inauguré en grande pompe en 1820, ce monument a été ruiné et démoli.
Mais j'en parlerai plus loin au chapitre que je consacrerai tout particulièrement à la bataille du 5 juin 1595.
Une chapelle, qui a aussi sa légende, Notre-Dame de la Motte, bâtie contre le chemin de Fontenelle, sur une petite éminence, une Motte, ancien cimetière mérovingien, mérite une mention toute particulière.
Cette chapelle, fondée depuis bien des siècles, tombée en ruines, a été reconstruite telle qu'elle est aujourd'hui dans le XVIIe siècle. L'intérieur n'offre rien de bien remarquable. Assez spacieuse, elle peut contenir plus de cent personnes.
Les habitants ont toujours eu et ont encore cette chapelle en grande vénération. On y officie très souvent, soit pour des messes à dévotion, ou pour attirer la bénédiction de Dieu sur la paroisse.
Il y a vingt-cinq ans, le fronton était surmonté d'un campanile en pierre laissant visible la cloche actuelle qui date de 1818.
Ce campanile, qu'on a eu grand tort de détruire, a été remplacé par une flèche, d'assez mauvais goût, lors de réparations exécutées en 1857.
Avant ces dernières réparations on lisait contre le mur, derrière l'autel, cette inscription : A la dévotion de Laurent Pinard et de Catherine Fourcault. 1713.
C'étaient les bienfaiteurs de cette chapelle dont ils avaient réparé l'autel et qu'ils avaient doté.
Pourquoi a-t-on effacé cette inscription, et pourquoi ne l'a-t-on pas plutôt réparée ou reproduite ?
Il en a été de cette inscription comme du campanile et peut-être d'autres choses qui auraient permis d'assigner une date certaine à la construction de cet édifice.
J'ai dit que la chapelle de Notre-Dame de la Motte avait sa légende comme tant d'autres.
Dois-je la raconter? Beaucoup d'habitants y croient encore. Et pourquoi pas? Je le ferai même en patois du pays, le récit n'en aura que plus de sel.
« Et ny évô, vai le XVIe sièque, de not'Seigneur J. C., ain vachai que m'nô seuvan ses bètes su eune petite montée qu'est aivue, esqu'et parait, c'ment disent lai saivants. ain Ceumetaire Mérovigien. Leu vachai sai bayé d'gade qu'ain beu maigeô enne troiche d'arbe qu'atô sus enne meutte, troiche teujou pu varte, pu dru qu'les aôtes du pàquoi, et que le lendemin c'te troiche atô repoussée pu belle, pu varte et pu yaute que lai voille.
« En apernant çai les gens d'Fontenne en son aivu tout aibobi. On s'demandô poquoi que c't'arbe vend c'ment çai dan nune neu. On ai airaichie lai troiche d'arbe, fouillie lai meute ; ma au grand ravissement des gen qu'ataint lai présens on ai trouvai enne petite sainte Vierge Marie teut' en bô.
« Mossieu l'Curé prévenun, aiveu teu lai gen du paii on potai en procésion lai Sainte Vierge en l'église parochiale. Mâ le lendemin pu d'sainte Vierge en l'église, teu l'monde en ai évu aibôbi ; on ai vite eur toné vô lai troiche d'arbe ; elle atô pu belle que jamai passe que lai sainte Vierge aivô retôné dedan.
« On repote lai sainte Vierge en l'Eglise : elle retôno encô se remette dezeu lai troiche. On crie alors au miraque ! en disant que lai sainte Vierge veulô qu'on ny bâtisse enne chaipelle dedan c'endroit lai.
« Enne quette ai évue faite teu d'suite pas lai parochiens ; ai peu on ai bâti lai chaipelle et on ai convenu qu'on l'aipellero Notre Dame de lai Meutte (1). »
Les seigneurs de Fontaine, suzerains de divers fiefs, ont toujours été hauts justiciers, c'est-à-dire qu'ils avaient la haute, moyenne et basse justice sur tous leurs vassaux et jouissaient du droit d'avoir des signes patibulaires, le gibet, les fourches, etc.
Les fourches, comme on appelle communément les signes de la haute justice, ont été élevées autrefois successivement dans deux endroits ; d'abord à droite de la route de Bourberain, non loin de la remise longue, dans un climat appelé encore les Fourches, et ensuite au-dessus du Mineroi où se trouve la remise de ce nom, contre le chemin de Lavilleneuve (2).
(1)La tradition nous apprend qu'une autre chapelle existait au climat dit la Croix Mézières, contre la voie romaine.
Une famille Mézières ou Maizières a en effet habité Fontaine, elle a bien pu édifier une croix sur les ruines de la chapelle. Cette croix a disparu depuis longtemps.
(2) Le noyer qui se trouve dans le champ de M. René Caron est sur l'emplacement même des fourches. On y trouve encore des vestiges de construction.
En dernier lieu, M. de Saint-Jullien, avec autorisation du roi Louis XV, les avait relevées à gauche de la route des Romains. Le lieu s'appelle encore en l'homme mort. Cette dernière construction, comme les deux autres, a complètement disparu, on n'en retrouve aucune trace ; mais elle est parfaitement indiquée sur les anciens plans du château où elle ligure avec quatre piliers et quatre liens, signe de la plus haute justice seigneuriale.
Je peux dire tout de suite, au grand avantage des habitants de Fontaine et de leurs seigneurs, que je n'ai trouvé dans aucun des vieux titres, et il m'en est passé beaucoup dans les mains, qu'aucune exécution capitale ait été faite depuis bien des siècles aux Fourches de Fontaine. Cependant, d'après les vieillards que j'ai connus, une exécution, comme on le verra plus loin, aurait eu lieu à la fin du siècle dernier, mais les condamnés étaient étrangers, voleurs et probablement assassins.
Aujourd'hui Fontaine-Française, simple et petit chef-lieu de canton, n'a plus rien qui puisse le faire distinguer d'une manière particulière.
Il a les fonctionnaires ordinaires : juge de paix, receveur des postes et télégraphes, percepteur, receveur d'enregistrement ; il est aussi la résidence d'un conducteur voyer et d'une brigade de gendarmerie.
Jusqu'en 1807, il n'y avait pas de gendarmerie à Fontaine. C'est cette même année que les habitants demandèrent que la gendarmerie de Mirebeau y fût transférée parce que le canton limitrophe de la Haute-Saône et de la Haute-Marne, très éloigné de Dijon et de Mirebeau, ne voyait pas assez souvent ces représentants de la force et de la sécurité publiques. Le
gouvernement impérial octroya cette demande, et la gendarmerie fut installée à Fontaine en 1808. Plus tard on a rétabli une brigade à Mirebeau.
La brigade à pied de Fontaine a existé jusqu'en 1853 ; elle est alors devenue brigade à cheval, telle qu'elle existe encore.
Fontaine-Française est malheureusement assez pauvre en grands hommes. A part les divers seigneurs qui l'ont possédé et dont nous pouvons nous glorifier, et Mme de Saint-Jullien qui y est née en 1729, Courtépée ne cite que le père Fourcault, minime, célèbre naturaliste, habile empailleur d'oiseaux, mort en 1775.
Le R. P. Fourcault (Jean-Baptiste) est né à Fontaine-Française le 4 mai 1719.
Sa soeur a épousé M. Cordelet, médecin à Fontaine-Française.
De ce mariage naquirent deux enfants :
Claude-Auguste Cordelet, curé de Chalindrey, et Catherine Cordelet qui devint épouse de Claude Blondel, docteur en médecine à Pontailler-sur-Saône.
Claude Blondel, né à Pontailler le 4 février 1745, est décédé à Auxonne le 14 avril 1847, à l'âge de cent deux ans deux mois et dix jours.
Il était l'aïeul de Mme Elise Blondel, épouse de M. Henri Blondel, ancien notaire à Dijon, auquel je dois cette notice.
Jean-Baptiste Fourcault, qui avait la vocation religieuse, embrassa de bonne heure l'état monastique ; il choisit l'ordre des Minimes et sa première maison conventuelle fut celle de Mâcon où il résida pendant vingt ans.
Tous ses loisirs étaient consacrés à l'étude des sciences naturelles et il constitua un cabinet d'ornithologie
(histoire des oiseaux), qui devint tellement célèbre que l'Académie des sciences de Paris délégua deux de ses membres, MM. Duhamel et de Fougeroux, pour aller le visiter. Le rapport de ces deux commissaires fut infiniment flatteur pour le R. P. Fourcault et son cabinet fut trouvé au-dessus de ce que la renommée en avait publié.
Sa réputation se répandit au loin et les témoignages d'estime lui arrivèrent de toutes parts ; il fut nommé successivement membre de l'Académie des sciences de Paris, membre de l'Académie des sciences, arts et belles-lettres de Lyon, membre de l'Académie de Dijon, membre de l'Institut de Bologne (Italie) et membre de l'Académie des Arcades de Rome.
Le duc de Parme, ayant eu connaissance des mérites du R. P. Fourcault, voulut se l'attacher pour l'éducation de l'Infant Dom Philippe et il fut continué en cette qualité sous l'Infant Dom Ferdinand.
En 1775, le R. P. Fourcault fit un voyage dans la capitale du monde chrétien.
Le vénérable pape Pie VI l'accueillit avec beaucoup d'affabilité et une distinction marquée et le combla de présents pieux.
Mais le présent le plus important qui fut fait au R. P. Fourcault fut le corps entier de saint Vital, martyr. Ce don témoignait de l'estime toute particulière que S.S. le pape avait pour le R. P. Fourcault, car ordinairement ces sortes de présents ne se faisaient qu'aux princes, à leurs ambassadeurs ou à quelques églises privilégiées. Tout Rome fut étonné de cette distinction et toutes les gazettes d'Italie en ont publié le récit.
Le R. P. Fourcault ne put mieux faire que d'offrir
la précieuse relique à l'église de Chalindrey qui avait alors pour pasteur Claude-Auguste Cordelet, son neveu, originaire de Fontaine-Française.
Sur les registres de la fabrique de Chalindrey sont relatés tous les détails de l'arrivée de la précieuse relique, ainsi que ceux des fêtes et des cérémonies qui furent présidées par Mgr de la Luzerne, évêque de Langres, duc et pair de France.
Les fatigues qu'éprouva le R. P. Fourcault pendant son séjour à Rome lui furent fatales ; une fluxion de poitrine le força à s'arrêter à Florence où il mourut, le 4 août 1775, à l'âge de 56 ans et demi.
Le Journal de Florence de cette époque rendit compte de sa mort dans les termes suivants :
« J.-B. Fourcault, minime français, célèbre ornithologiste, attaché en cette qualité à la maison du duc de Parme, est mort ici le 4 de ce mois ; il était membre des Académies de Lyon, de Rome et de Bologne, et passait pour un de ceux qui avaient porté le plus loin la partie de l'histoire naturelle à laquelle il s'était appliqué. »
Cependant on pourrait encore citer certains membres des familles Hugon et Labotte, dont il sera question plus loin.
Mais je dois, ainsi que je l'ai fait pour le R. P. Fourcault, parler du général Gandil, dont Fontaine est la patrie.
« Gandil (Fabien-Pierre-Edmond), né à Fontaine-Française le 12 août 1822, fils de Fabien Gandil, ancien maréchal-des-logis de gendarmerie, et de Françoise Turlot, originaire de Licey, fit ses études
au Lycée de Dijon. Il entra à l'École polytechnique en 1840 et en sortit, avec le n° 38, en 1842, pour entrer comme sous-lieutenant à l'École d'application de Metz. Lieutenant en second le 7 janvier 1845, au 8e régiment d'artillerie, il passa au 4e où il fut promu à la première classe de son grade le 3 juin 1847. Capitaine au 6e régiment d'artillerie le 6 décembre 1851, chevalier de la Légion d'honneur le 23 avril 1852, il était en Afrique depuis 1846, où il resta jusqu'en 1870. Il entra au bataillon de tirailleurs algériens en 1854 et le 12 août 1856 il fut nommé chef de bataillon au 65e de ligne. Officier de la Légion d'honneur en 1859, il fut promu lieutenant-colonel au 2e tirailleurs algériens le 14 août 1860. Il fut nommé colonel le 20 décembre 1864 au 3e régiment de la même arme. Rappelé en France en 1870, il fut nommé général de brigade et combattit à Sedan, où il fut blessé, par un éclat d'obus, à la main droite, le Ier septembre. Emmené prisonnier, il rentra en France le 15 mars 1871. Il prit part à la guerre contre la commune du 28 mars au 7 juin 1871. De 1871 à 1875, il exerça divers commandements ; le 30 décembre 1875, il fut promu général de division, et appelé le 20 avril 1876 au commandement de l'Ecole supérieure de guerre et de l'École d'application d'état-major. Décédé le 5 décembre 1877, ses restes ont été ramenés à Villegusien, Haute-Marne, et inhumés dans la sépulture de sa famille.
« Le général Gandil était commandeur de la Légion d'honneur du 11 août 1867 et décoré de l'ordre du Nicham-Ifftikar, de Tunis (1). »
(1) Panthéon de la Légion d'honneur, 1878.
L'esprit militaire a été, de tout temps, une des vertus dominantes des habitants de Fontaine.
Combien de noms ne pourrais-je pas ajouter à celui du général Gandil... les Mastier, les Laurent frères, les Berquin, les Martin, les Robelot et tant d'autres qui se sont volontairement enrôlés sous le drapeau français quand il a fallu défendre la patrie contre l'étranger.
Le premier manuscrit de l'histoire de Fontaine-Française était écrit lorsque M. l'abbé Carra a été nommé, en 1885, recteur des Facultés catholiques de Lyon, qui comprennent toute la région de l'est de la France, même l'Algérie, et s'étendent sur quatre archevêchés et vingt et un évêchés.
M. l'abbé Jean-Louis-Jules Carra est né à Fontaine-Française, le 28 mars 1825, d'une famille honorable et chrétienne mais fort éprouvée par des revers de fortune.
Son éducation classique fut commencée par M. l'abbé Roze, curé-doyen de Fontaine-Française et continuée par les libéralités de la noble et à jamais regrettée châtelaine du lieu, Mme la marquise de la Tour-du-Pin, née princesse Honorine de Monaco.
M. l'abbé Carra se rendit digne de ses bienfaiteurs, et sans suivre toutes les étapes de sa vie, je le trouve au moment de sa promotion au Rectorat : chanoine honoraire de Dijon, docteur en théologie et en droit canon, maître en Saint-Thomas, officier d'Académie, ancien directeur du grand séminaire de Dijon, premier aumônier du Lycée de Dijon (1).
S. S. le pape Léon XIII, reconnaissant les mérites
(1) Voir le Bulletin mensuel des Facultés catholiques de Lyon, année 1885, juin, n° 6.
de M. l'abbé Carra, a daigné lui conférer les honneurs de la Prélature, le 24 février 1886.
Mgr Carra est, à tous égards, une illustration de Fontaine-Française.
Avant de clore ce chapitre (le lecteur me pardonnera de changer si brusquement de sujet), je veux donner ici la nomenclature des mesures autrefois en usage à Fontaine et dans les environs, comparées aux nouvelles.
La perche de neuf pieds et demi qui vaut. .
3m 146
L'aune de quatre pieds ..
1 188
La toise carrée de six pieds
7 949
Le pied linéaire
0 325
La toise cube
7 404
Le journal de huit ouvrées ou 360 perches .
34» 28e
L'ouvrée
428
La perche
0 09 52
L'arpent des forêts de 100 perches de 32 pieds de roi
51 07
Le boisseau
20l 4d
Le peneau ou pénal ......
27 757
La mesure à grain
17 277
L'émine
26dd2/3 (1)
La coupe des meuniers 1/12 de boisseau.
La pinte
1l 25c
Le chauveau »
0 62
La livre (poids) de seize onces
489gr
L'once, composée de huit gros
31gr
Le gros, composé de 80 grains
4gr
(1) L'émine, de 26 doubles-décalitres deux tiers, pèse 400 kilog. Le mot émine vient de éminage, du latin eminagium qui veut dire mesurer.
Le grain 0 05e
Un franc valait 1 livre 1 liard 3 deniers ou 20 sous.
Le sou valait 4 liards et le liard 3 deniers.
Le minot, mesure de sel, pesait 35 livres.
J'ai dit plus haut que le patois de Fontaine, comme celui d'à peu près tout le Dijonnais, était le français, quelque peu défiguré des XIVe, XVe et XVIe siècles. Il est facile de s'en convaincre, ainsi que j'ai pu le faire, par la lecture des actes des siècles derniers.
Mais je dois dire aussi que beaucoup d'expressions sont grecques ou dérivent du grec, langue qui était en usage chez les Gaulois, sinon pour le langage habituel, du moins pour les registres de la nation, les affaires publiques, les actes et les contrats. César, livre Ier, chapitre XXIX, et livre IV, chapitre XIV. Je fais une citation :
« Demandez dans nos villages le nom de la pomme de terre. Petits et grands de vous répondre : TREUFE, qui vient de TREPHO, nourrir (de la pomme de terre). Voyez-vous ce gamin qui vous fait la nique ? NIKÈ, victoire. Et ce maniaque donc? MANIA, folie. Et cette lance, grande herbe des étangs, LAKIAS. Connaissez-vous ce mot patois bailler, beiller, pour dire donner ? BALLO, BALLEI, payer, jeter. Bougre, dites-vous ? Mais vous jurez en grec : BOU, particule augmentative de GRU, cochon ; aussi dit-on souvent bougre de cochon, qu'on prononce ousse. Ecoutez ce fermier qui boucane son monde, il parle grec aussi : Bou, particule augmentative, KANÉ, rocus, bruit; BOU-KANÉ, faire tapage. Que tient à la main cette jeune fille ? C'est une Ormesse ou ermesse, balai qui vient de ORMÈ,
impulsion. Et cet enfant qui gueule ? Il crie en grec : GUEÔ. On bricole partout, comme à Athènes : BRI, particule augmentative et KOLOS OU KOLÉO, tronquer, BRI-KOLÉO, bricolle. Enfin, voyez-vous cet argonier ? ARGONIER, ARGOS, inculte, brut, qui n'a pas bien travaillé, ARGOS-NOS qui ne sait pas son métier, qui est disgracieux, etc. (1). »
Je terminerai cette description générale par un essai étymologique des climats ou lieuxdits de notre finage.
(1) Odyssée étymologique gallo-grecque en Bourgogne, par A. Bar-ranger, 1858. Voir aussi mon Glossaire, ou expressions franc-comtoises dont la majeure partie peut s'appliquer au patois de Fontaine-Française, 1870, Annales de la Société d'Emulation du Doubs.
CHAPITRE Y
ESSAI ÉTYMOLOGIQUE DES TERMES EMPLOYÉS POUR DÉSIGNER LES CLIMATS OU LIEUXDITS DU FINAGE DE FONTAINE-FRANÇAISE (1)
BARIGAUD (en). En Beauregard. Lieu élevé, d'où l'on jouit d'un beau regard, d'une vue étendue.
BELLE-CHARME. Belle friche sur un tertre élevé.
BERNE, de Bernage, baronnage, fossé limite des baronnies.
BON BLÉ. Dans les anciens titres Belon-Belé, probablement de blé blond qu'on y récoltait (1).
BOIS BAUBERT OU Vaubert. En patois baôbai, bôbert, bôvert, bois vert. Le b étant employé fréquemment
(1) Il est bien entendu que je ne fais ici qu'un Essai et que je ne saurais affirmer les explications que je donne, car en matière d'étymologie, à moins de preuves, de titres irrécusables, on n'est jamais sûr de ce qu'on avance.
Je dois cependant dire que cet Essai a été revu : 1° Par M. l'abbé Balland, prêtre du diocèse de Langres, étymologiste distingué, qui travaille à un grand ouvrage sur le Sens des mots en Europe ; 2° Par M. Henri Corot, de Savoisy, aussi étymologiste et toponomaste érudit, membre de plusieurs sociétés savantes. La toponomastique est la science de l'explication des noms donnés à diverses parties du sol des communes.
pour le v, et vice versa. Le terrain humide de ce climat est toujours couvert d'herbe verte.
BORDE (La). Léproserie, Maladrerie. On appelait Borde la grange, l'habitation des lépreux. On y faisait des feux de borde pour purifier l'air. Ce nom de Borde a été donné à beaucoup de fermes isolées. C'était encore un enclos de planches pour parquer les moutons. Ici c'était la léproserie de Fontaine.
BRUYÈRES (les). Ce mot est celtique mais il s'explique facilement. Le sol est siliceux et la bruyère y croissait en abondance.
CAVE (la). Lieu où se trouvait le Cellier de la Tour d'Anthoison qui s'élevait dans le jardin actuel de la ferme. Forteresse détruite au xve siècle.
CENSES (les), du latin census. Terres imposées à des cens, droits qu'on devait payer au seigneur. Les terres censières donnaient un certain droit électif à leurs propriétaires.
CHAIRE OU LACHAIRE. Vient de lochères, laiches, terrain où croissent les plantes appelées laiches. En patois lôches.
CHALVY. Vient de calvus, chauve, lieu inculte, infertile.
CHAMOTS OU CHAMPMOTS (les). Peut venir du patois champ des mô, des morts. En effet dans ces climats on a trouvé des sépultures anciennes, des ossements humains épars, surtout aux abords de la voie romaine. Au surplus sur le monticule au Nord-Est s'élevaient autrefois les fourches ou signes patibulaires. Le chemin du Foucheroy l'indique encore. Cependant Chamôts pourrait encore venir de Charmots, charme, car le langage populaire a eu dans un temps horreur de l'r.
CHAMP GRASSOT ET LE DÉSERT. Terre grasse, argileuse,
très compacte. Toute cette partie du territoire jusqu'au bois pouvait bien n'être qu'un désert. Il y a trente ans n'y ai-je pas encore vu une quantité de buissons épars et très étendus.
CHAMP AU CURÉ. Terre dont le curé jouissait autrefois.
CHAMP CLAIR. Probablement que le terrain, ingrat ou mal cultivé, rapportant peu, était clair semé d'épis. Vient peut-être plutôt du nom d'un propriétaire.
CHAMP DE LA TOUR. C'était la corvée de l'ancienne tour d'Anthoison, du fief de Berthaut. Dans le langage du peuple, tour et château étaient synonymes.
CHAMP MION. Lieu à fond marécageux, où, au moment de la passe, se posaient beaucoup de canards sauvages appelés mions dans le pays, parce que leur cri
est mion-mion, mion-mion .....Telle est l'explication
locale. Cependant ce pourrait être le nom d'un propriétaire.
CHAMP MOUFFLÉ. Lieu où l'on puisait la terre pour faire les mouffles, sorte de vases, de vaisseaux destinés à garantir des flammes les poteries placées dans un four pour les cuire, car il est bon de dire qu'il y avait autrefois plus de vingt potiers à Fontaine.
CHAMP LANOIS. Champ aux noyers, à la noix, ou à l'Aulnois, plantation d'aulnes.
CHAMPS SÉBILLOTES. Probablement du nom de son propriétaire, autrefois commun dans nos contrées.
CHARME CHAUFFOUR. Ainsi désignée en raison des fours à chaux qu'on y faisait. C'est la charme des chaufourniers.
CHARME SANSONNET. On peut croire que ce terrain en friche, couvert de buissons, était fréquenté par les sansonnets, les étourneaux, ou qu'il tenait son nom d'un propriétaire.
CHARMOTTE (les). Lieu où croissait le charme. On appelle aussi charme des terres en friche : la charme de Saint-Seine, par exemple. On décharme pour défricher.
COMBE A LA MAROSSE. En patois combe à la Matrôce, la matrosse, la maîtresse, la Dame de Fontaine. En effet tout ce lieudit, en terres d'excellente qualité, appartenait à la Dame, la Maîtresse de Fontaine. Courtépée dit que les redevances onéreuses s'appelaient Matroce, parce qu'en l'absence des princes on les livrait aux duchesses sur leurs greniers : de là le nom de redevance à la Dame, à la Maîtresse, et par corruption Matrosse. Cela peut encore venir de Matrosse qui signifiait autrefois une double dixme qu'on appliquait quand le souverain ou le seigneur abandonnait la propriété aux habitants, Marosse pourrait s'expliquer par mare, lieu marécageux, mais tel n'est pas le cas ici.
CORNE VIENNOT. Bois de Chazeuil. Vient de ce que, par jugement du 30 août 1386, la forêt de Velours a été écornée sur Henri de Vienne qui a dû céder trois arpens par un chacun feu aux habitants de Fontaine ; de la, Corne de Vienne, de Viennot, Corne Viennot.
CORVÉE (la grande). Terrain, toujours très fertile, au seigneur où les vassaux faisaient leurs corvées de labourage ou de main-d'oeuvre pour semer et récolter gratuitement pour le seigneur.
COTTE DE MAILLE. Lieu où l'on a probablement trouvé une cotte de mailles, sorte de cuirasse, de chemise en acier tissé et à mailles serrées. C'est douteux, cependant cela pourrait être, car pendant des siècles, le territoire de Fontaine a été le théâtre de bien des combats.
COURVIOTTE (la). Petite courvée, petite corvée, ou peut-être métairie, petite ferme, du latin cors, cour, basse-cour, car on y trouve des restes d'habitation.
COUVEROYE (la). Probablement de roye-couverte qui veut dire raie ou aqueduc couvert ; ou de courbe roye, petit cours d'eau courbe.
CROIX BRUNO. Il faut dire Croix Brunehaut, car elle est placée sur une ancienne route pavée que la reine Brunehaut avait fait construire au VIIe siècle, reliant Fontaine à Licey où il y avait une abbaye.
CROIX MÉZIÈRES, OU Mazières, d'une croix, d'une chapelle qui aurait été édifiée par les Mazières qui étaient alliés aux Hugon de Fontaine dans le XVIIe siècle, ou de Maizellerie, léproserie, croix des maizelliers, des lépreux. On donne le nom de Maizières à d'anciens murs, d'anciennes constructions ruinées.
CURTILLOTS (les) de Curtil, courtil, jardins, petits jardins dans des cours ; de cors, cour, habitation. On y voit encore des ruines de construction.
DELLIOT (En). Vient de délié, terre qui était liée à un seigneur susceptible de redevance et devenue franche, ou de délioure (liberatus) libre, exempt. Ce serait à peu près la même chose.
ELUS. En patois Aileux. Bois et terre des élus, appartenant à des élus. Terre ou bois d'Alleu, de franc-alleu, terre franche. D'un nom franc et féodal.
ENDOUSSOIR (l'). Entonnoirs naturels où l'eau se perd dans les terres. En patois andouzeux, du latin inducere, introduire.
FAULX DE FAAS (les). Dans toutes nos contrées, le mot Faâs veut dire Fée. Ferme de Faâs, moulin de Faâs, lieux hantés par les fées. Mais vient aussi du bas latin fagetellus, fagus qui signifie foyard, hêtre, bois
de hêtres, habitation dans les hêtres. Faulx de Faâs est la répétition du même mot, fagus, foyard.
FAYÈRE (la). Carrière, creux où se tenaient les faàs, les fées, même étymologie que ci-dessus.
FOUCHEROY (le). Fourche-roy, Fourches du roy. Où étaient les fourches du seigneur ayant le droit de haute justice. Dans bien des localités Foucheroy est un lieu où croît la fougère du latin Felix.
FOURQUE (la). De Fourca, qui veut dire aussi fourche. En vieux français bande, troupe. C'est aussi le nom d'un chemin bifurqué.
HANTES (les). Très bonnes terres où se trouvaient autrefois beaucoup de pépinières renommées. On y entait les arbres, d'où le nom hantes. Doit plutôt venir du latin unda, ou de terrain aqueux.
HERBUES (les) du latin herba. Terres franches, douces, assez légères, un peu siliceuses et ne contenant pas de pierres, où l'herbe peut pousser en abondance sans culture.
HOMME MORT (l'). Lieu situé près des fourches ou sur lequel elles s'élevaient au XVIIIe siècle, où on a peut-être seulement trouvé un cadavre.
LINGRET (pré). De petit, maigre, herbe fine, peu abondante, ou du nom d'un propriétaire.
LOBRET. Peut-être de Loba, paille de millet, ou de morelle, plante grimpante appelée lobret qui croît dans les terrains frais et marécageux.
LOCHÈRES (les). Lieu où les laiches croissent en abondance, du mot bas latin lisca, plante des lieux marécageux.
MARCHET-MONY, OU Marchay, vieux terme des anciens manuscrits, pour désigner l'empreinte de la corne du pied des vaches. Un marchet, dans nos pays, est
en effet un endroit humide, une mare. Mot rappelant les Gaulois qui veut dire fosses, margelles, ancien lieu de sépulture, c'est aussi une mare plus factice que naturelle où l'on recueillait les eaux. Mony est le nom du propriétaire.
MATROSSE. Voir combe à la Marosse, page 65.
MEIX-ROND (le). Meix veut dire jardin. Le Meix rond est en effet un lieu arrondi, terre à jardin. Meix, maise ou manse, veut aussi dire maison, du latin mansio, dont on a fait en bas latin mansus.
MANSE. Veut dire maison, habitation, de mansio.
MENSE. Héritage, ferme, d'un vieux mot Mensenne. C'est aussi une partie d'un bien servant à payer la nourriture ou la table d'un individu, d'une famille.
MIGNEROY (le) ou Mineroi, lieu dont le sol renferme beaucoup de minerai de fer.
MINGEOTTES (les). De Manges, lieu couvert en tout d'herbe fine que le bétail pouvait manger (??).
MORTE VIEILLE. Il y a ici deux étymologies à donner. Ou ce nom vient de ce que le lieu est bas, sans écoulement où l'eau reste stagnante. Ces endroits s'appellent mortes dans bien des pays. Ou ce nom peut venir de la proximité du climat où s'élevaient les fourches il y a deux siècles. On y aura peut-être trouvé une vieille femme morte.
NOUE DE LA HAIE. C'est noue de la haâge, ou aige qui veut dire bois. C'est en effet une noue entre des bois, dont une partie est défrichée.
ORMOY (l'). Climat emplanté d'ormes, du latin ulmus.
PAGOSSE (l'étang), ou du Château. Probablement du nom d'un propriétaire qui l'aura cédé au château.
PATTE D'OIE. Point où plusieurs chemins se réunis-
sent. Ce terme est encore employé dans les Ponts et Chaussées.
PERDRISET (en). Terrain à passage de perdrix à pattes jaunes, ou du nom d'un propriétaire.
PERFONDEVAUX. Par le fond de la vallée. Profonde vallée.
PRÉ MOROT. DU nom d'un propriétaire. Au-dessus de la fontaine il y avait en 1595 des bois, arrachés depuis, qui s'appelaient bois Morot, aussi du nom d'un propriétaire, ou de mare, mare, pré dans les marais, bois dans les marais.
PRÉ D'ECOT. On devrait écrire Pré des Cots ou Quots qui veut dire queue ; terme patois donné, en Franche-Comté à la colchique. On appelle ici cette plante Coue de Prêtre. Ce serait pré près de l'eau, écot venant de aguo.
PERROIS (en). Veut dire perrière, pierrière, carrière.
PLANTE-FOLIE. Climat ingrat, sol brûlant où c'était folie de planter.
POIRIER-CREVET. C'est perrière, carrière Crevet, du nom d'un propriétaire.
RHÉNAU. Raineau, Rainot, raie, petit ruisseau encaissé qui coule dans une rainure.
RHÊTRE (le), ou reître, aujourd'hui soldat de cavalerie allemand ; autrefois soldat vagabond. On a pu trouver un reître mort dans ce climat (??).
RIBAUT (en). Lieu ou les ribauds (soldats aventuriers, licencieux et redoutables) campaient aux abords de la tour d'Anthoison, dont l'entrée leur était défendue,
Ru ou RUPT, de rivus, ruisseau.
SARGILLOTTES (les). Il faut lire Les Essards Gilotte, bois, broussailles à un propriétaire. Le cadastre en a tronqué la dénomination.
SENTERET (le). Sentier à travers champs, de Semi-iter,
demi-chemin qui conduisait à la forêt.
TAILLEVANT. Bois taillis, élevé à tous les vents. TERRIÈRES (les). Ainsi appelé à cause du fossile nérinée, en forme de tarrière, de vis, qu'on y trouve abondamment.
VAITE (la). Doit venir de faite, ou de guette. Ce climat est en effet le faîte, le point élevé entre deux anciens ruisseaux et l'étang du Fourneau, lieu de guet.
VESSEUX OU VERSEUX (le). Baisseux, terrain s'abaissant
s'abaissant
VIE. Voie, route, chemin. En latin via.
Tous les autres noms de lieuxdits n'ont pas besoin d'explication : les Longues Pièces, les Longues Raies, Champ carré, la Garenne, Poirier dame Jeanne, etc. etc., viennent de la forme des champs, de leur situation, du nom de leur propriétaire, ou de toute autre cause facile à distinguer.
CHAPITRE VI
PARTIR CHRONOLOGIQUE
DE L'HISTOIRE DE FONTAINE-FRANÇAISE,
divisée en périodes seigneuriales, depuis les Burgondes jusqu'à nos jours.
FONTAINE-FRANÇAISE SOUS LES BURGONDES ET LES COMTES ATTUARIENS
On a vu, dans les préliminaires de cette histoire, comment Constance-Chlore, après avoir battu, vers l'an 300 de notre ère, les Germains qui s'étaient avancés jusque sous les murs de Langres, envoya une de leurs colonies, celle des Attuariens, s'établir sur les bords de la Saône, de la Seine, de la Tille, de la Bèze et de la Vingeanne, pour cultiver, dit Boudot, le vaste pays compris entre ces rivières « qui était en friche, désert, sans habitations, détruit qu'il avait été par les fréquentes dévastations des Germains » ; et comment ensuite, vers 413, les Burgondes vinrent à leur tour s'établir dans ces mêmes pays et finirent par en devenir les maîtres absolus en 476.
Fontaine, si près de la Vingeanne, dans un vallon arrosé par de nombreuses sources, s'est créé. Les colons s'y sont groupés et, succédant aux Gallo-romains,
ils y ont laissé des traces indéniables de l'occupation burgonde et mérovingienne.
L'histoire écrite est complètement muette sur Fontaine jusqu'à la fondation de l'abbaye de Bèze, en 630. En effet à cette époque la Chronique de Bèze appela Fontaine Fontanae et cite Berthaut : Bertariacum.
Peu de temps après la fondation de l'abbaye de Bèze un grand événement a marqué l'époque mérovingienne.
Il existe aux confins de la Bourgogne et de la Champagne, à quelques lieues de Fontaine, un petit village, Montormentier, de Monstormentorum, Mont du tourment, où, suivant la chronique locale, auraient été recueillis les restes de l'infortunée reine Brunehaut, la bienfaitrice de nos pays qu'elle habitait souvent, dit-on, et dans lesquels elle a fait construire plusieurs routes hérissonnées qu'on appelle encoreVoies Brunehaut. L'une de ces voies, venant de la direction de Bèze, aboutissait à Fontaine par la rue appelée encore aujourd'hui rue Brunehaut, mais dont on a tronqué le nom en Bruno.
Si c'est à Montormentier que les restes de Brunehaut ont été recueillis, ce qui d'ailleurs n'est pas sûr, le cheval qui l'emportait aurait bien pu traverser le territoire de Fontaine. Quoiqu'il en soit, je crois devoir donner, d'après Courtépée et Mille, les détails du supplice de cette reine, fille, épouse, mère et aïeule de tant de rois, arrivé en l'an 614 de notre ère.
Varnachaire II, maire de Bourgogne, gagné par Clotaire, conseilla à Brunehaut, ou Brunehild, de se retirer en Bourgogne après avoir été l'instigatrice de la guerre entre les deux frères, ses petits-fils, Thierry
et Théodebert. Thierry victorieux fit massacrer Théodebert et mourut peu de temps après.
Brunehaut voulut faire monter sur le trône de Bourgogne un des fils de Thierry, mais Varnachaire la trahit et chargea le connétable Herpon ou Herpin de l'arrêter.
Cette reine est prise à Orville, bourg entre Langres et Dijon (près de Selongey, Côte-d'Or), où elle s'était sauvée avec Theudelane, soeur de Thierry, et amenée à Renève, sur la Vingeanne, où Clotaire avait assis son camp.
Le roi, après avoir fait couper les cheveux à Méro-vée, fit égorger Sigebert et Corbe en présence de Brunehaut, leur bisaïeule, l'accabla de reproches, l'accusa de tous les maux arrivés en Austrasie et en Bourgogne, même du crime qu'il venait de commettre, informa et prononça contre elle un terrible arrêt de mort dont l'exécution commença sur-le-champ. On la tourmenta durant trois jours ; on la promena sur un chameau dans tout le camp afin de l'exposer à la risée des soldats ; ensuite on l'attacha par les cheveux, par les bras et par un pied, à la queue d'un coursier fougueux qui, par ses bonds fréquents et sa course rapide, lui brisa les os et mit son corps en pièces.
Ses restes, livrés aux flammes et réduits en cendres, furent transportés dans l'église de l'abbaye de Saint-Martin d'Autun dont elle était fondatrice.
Elle avait 80 ans.
C'est après cette sanglante catastrophe que le royaume de Bourgogne fut uni, pour la seconde fois, à la couronne de France. Fontaine passa vraisemblablement à la France, comme toutes les autres cités bourguignonnes, mais la dénomination de Française ne lui est pas encore donnée.
Notre histoire est trop liée à celle de Bèze pour que je ne réserve pas une page au récit de la fondation du monastère qui eut lieu en l'an 630.
Suivant une charte de Dagobert Ier qui régna de 628 à 638, Amalgaire ou Amalgar, duc amovible de Bourgogne, reçut Bèze (Bézua) à titre de bénéfice.
Cet Amalgaire, comte des Attuariens, était (dit l'appendice de Courtépée) l'un des chefs ou ducs (de dux, conducteur de troupes) qui commandaient l'armée du roi contre les Gascons révoltés.
Son Commandement ou duché comprenait la basse Bourgogne et s'étendait sur toute la province ecclésiastique de Lyon.
Le monastère de Bèze fut donc fondé dans le canton d'Attouar, en 630, sous le pontificat d'Honorius Ier et le règne de Dagobert Ier (Berthoal étant évêque de Langres (628 à 654) et possédant tous nos pays), par Amalgaire, époux d'Aquiline, de laquelle il eut trois enfants : Amalric, l'aîné, qui recueillit le duché, Waldelène, premier abbé de Bèze, et Adalsinde, abbesse de Battan, à Besançon.
Waldelène fut confié dès son jeune âge à saint Colomban, abbé de Luxeuil, et fut mis ensuite à la tête du monastère que son père et sa mère fondèrent au lieu appelé Fons Besua (la fontaine de Bèze), monastère d'hommes sous la protection ou vocable de saint Pierre et saint Paul (1). La jeune abbaye suivit d'abord la règle de saint Colomban jusqu'en 834, et elle l'abandonna alors pour celle de saint Benoît.
(1) L'Histoire des évèques de Langres nous apprend qu'Amalgar fonda à Bèze deux abbayes, l'une pour son fils Waldelène, et l'autre pour sa fille Adalsinde. Celle-ci fut bientôt ruinée et les religieuses fondèrent alors le monastère de Battan, près Vesoncio, Besançon.
L'abbaye de Bèze possédait des biens immenses à Bourberain, Fontaine, Saint-Seine, Mornay, Pouilly, Licey, Dampierre, Champagne, Véronnes, etc., etc.
Les donations soit aux monastères, soit aux fidèles, aux soldats même sont déjà en usage.
C'est Clovis qui, bien établi, commença par donner en toute propriété des alleux ou allods à ses antrustions ou fidèles qui s'appelaient aussi leudes.
Les alleux ne furent d'abord donnés et pris que sur les terres des ennemis.
On lit dans l'Histoire du moyen âge, de J. Andrieux, « qu'aux soldats ordinaires on distribuait des féods (fiefs) révocables, souvent viagers, rarement héréditaires. Les serfs ou esclaves, liés à leurs maîtres, formaient bien des catégories : il y avait les adroits et les maladroits, possédant ou non un lopin de terre, attachés les uns à des guerriers, d'autres à des prêtres.
« Dès ce moment les donations faites aux prêtres, au clergé, étaient et restèrent irrévocables. »
Nos gouverneurs furent alors des ducs, des comtes amovibles qui tenaient leur autorité du monarque.
« Dans le VIIe et le VIIIe siècle, l'officier nommé comte était chargé de rendre la justice. Il avait sous lui un Centenier ou Vicomte qui le remplaçait de droit dans ses fonctions, pour juger les causes des particuliers de sa juridiction, ce qui se faisait dans une place publique appelée Malle, Mallum publicum. Il était accompagné de sept assesseurs, gens du pays, instruits des lois et coutumes locales qui jugeaient avec lui. On les nommait Scabins ou Eschevins (1) (Scabini Jurati).
(1) Ce titre d'Eschevins a été donné et conservé jusqu'au siècle
« Le pouvoir de ces comtes amovibles s'accrut au point qu'ils devinrent souvent les oppresseurs et les tyrans du peuple, au lieu d'en être les pères et les défenseurs. Mais ils étaient contrôlés par les Missi dominici, envoyés royaux, qui rendaient compte au roi.
« Les Comtes ruraux, tels que celui qui gouvernait Fontaine, sans l'habiter encore, et ceux des villes, s'érigèrent souvent en petits souverains, s'arrogeant de beaux droits et se perpétuant dans leurs dignités qu'ils transmettaient à leurs descendants (1). Voici la féodalité qui commence à poindre et nous ne sommes encore que vers 697 ou 700. »
Tous les hommes valides étaient soldats, on défendait son pays, sa famille, ses biens ; au premier signal d'alarme, on se levait en masse, mais le nombre écrasait la valeur. Ainsi les annales bénédictines nous apprennent (2) : « que l'an 732 les Sarrasins étant entrés en France, sous la conduite d'Abdéram, s'emparèrent d'Arles, firent des incursions jusque dans la Haute-Bourgogne (le Dijonnais et la Franche-Comté), pillèrent et renversèrent les monastères de Bèze et de Luxeuil, ainsi que tous les environs. » Fontaine ne fut certes pas épargnée, et si la colonie attuarienne et les Burgundes qui l'habitaient avaient agrandi la cité celle-ci fut bientôt détruite et ruinée.
Par la Chronique de Bèze, nous savons en outre que leur monastère et tous leurs environs, à plusieurs lieues, furent de nouveau ravagés par les Hongrois et les Nordernier
Nordernier personnes remplissant ce qu'on appelle aujourd'hui les fonctions de conseillers municipaux.
(1) Courtépée, t. I, pages 413, 414 et 415.
(2) Boudot, Histoire de Mirebeau, page 134.
mands en 888, 891 et en 937. Voilà encore notre pays complètement dévasté. Saint Geilon, trente-huitième évêque de Langres, désespéré de voir son diocèse si maltraité, ne put survivre à cette catastrophe et mourut de douleur.
Sur la fin du VIIIe siècle, beaucoup d'églises avaient le droit d'asile. Charlemagne défendit cependant de porter à manger aux criminels réfugiés dans les églises, « ne voulant pas qu'on trouve sa sûreté dans un lieu consacré à adorer la Divinité ».
C'est seulement sous Louis XII que le cardinal d'Amboise, son ministre, obtint la révocation absolue du privilège des asiles.
Au VIIe siècle, les comtés de Dijon, d'Ouche, et des Attuariens ou des Tilles, étaient gouvernés séparément, mais dans la suite, au IXe siècle, ils furent réunis au Dijonnais et ne formèrent qu'un seul comté jusqu'au XIIIe siècle.
D'après Courtépée, les comtes dijonnais furent Manassès Ier, sire de Vergy, Manassès II, Raoul de Vergy, Hugues de Beaumont, Richard de Beaumont, Léthalde et enfin Othe Guillaume, évêque de Langres, qui fut le dernier comte de Dijon, ce comté ayant été réuni au duché de Bourgogne en 1015.
Les chartes font mention que vers 815 un Hildegarnus était comte des Attuariens et un Hugues de Beaumont lui succéda. C'est de ce comté que les cantons de Dijon, de Bèze et d'Ouche ont été démembrés dans la suite.
Le canton des Attuariens fut gouverné par des comtes dès le commencement du IXe siècle et ne fut plus dès lors désigné que sous la dénomination de Comitalus.
Courtépée donne la nomenclature, au IXe siècle, de quarante-trois villages formant le pays des Attuariens, parmi lesquels Fontaine (Fontanas).
Voici comment les choses se passèrent sous les derniers comtes attuariens.
Hugues I de Beaumont, succédant à Hildegarne, était comte de Dijon en 946. Son fils Hugues II, comte des Attuariens, exerçait les fonctions suivantes : il était juge de ce territoire ; toutes les contestations qui s'élevaient entre les particuliers, à l'exception des causes des évôques, des abbés, et des grands seigneurs, que les souverains ne s'étaient pas réservées, étaient jugées par lui.
Il condamnait les criminels au bannissement ou à la mort ; mais dans tous les jugements il devait être assisté de sept personnes suffisamment instruites des lois et des usages du pays. Ces sept assesseurs, choisis par le peuple, entendaient les parties, les admettaient à telles épreuves qu'ils jugeaient convenables et prononçaient.
Ils signaient les jugements avec le comte, chef du tribunal et souvent avec une partie des habitants. Dans ce temps, le comte attuarien, tel que Hugues II, connaissait de la guerre, des finances ; la garde des places lui était confiée ; il conduisait à l'armée les vassaux et les commandait ; il veillait sur les monnaies pour empêcher leur altération.
Il devait entretenir le bon ordre, poursuivre les voleurs, les punir même par la mort. Il était le tuteur des veuves et des pauvres, devait faire honorer la religion, respecter ses ministres, vivre en paix avec l'évêque et lui prêter secours (1).
(1) Boudot, page 67.
Déjà avant la féodalité le Colonnat, le colon, existait, c'était un état intermédiaire entre la libre propriété et l'esclavage. Le colon cultivait par et pour lui-même, moyennant une redevance annuelle inaugmentable, payée au propriétaire.
Il se mariait à sa volonté ; ce qu'il gagnait était à lui et il pouvait le transmettre à ses enfants. Mais il ne devait pas abandonner la terre sur laquelle il était né.
Il acquittait la capitation ou impôt foncier et d'autres contributions personnelles que le propriétaire percevait.
Le seigneur ou propriétaire qui percevait ces impôts se faisait ainsi juge ou justicier, du mot latin judex, officier chargé du recouvrement des impôts.
Les contributions personnelles, ou justices, consistaient principalement : 1° sur les personnes en corvées, service militaire, tailles, droit de gîte, de past, de logement, amendes condamnations, droits de passage, de hallage, d'habitation, etc. ; 2° sur les choses : droits de mutation, d'épaves, de vacance, de déshérence, de bâtardise, d'aubaine, de confiscation, de banalités, de censives, de chasse, de pêche.
Tous ces droits existaient déjà avant la féodalité et étaient réglés par le comte et ses assesseurs (1).
« Le premier mercredi du mois de mai 815, seconde année du règne de Louis I, dit le Débonnaire, roi et empereur, une grande assemblée publique, appelée
(1) La féodalité n'a en somme pas amené grands changements dans les charges du peuple. Seulement comme chaque seigneur exerçait ses droits en maître absolu dans ses terres, les dixmes, les corvées et autres impôts étaient souvent perçus d'une manière vexatoire, autoritaire, cruelle, même sans bases fixes ce qui n'existait pas absolument auparavant.
alors mallum (1), comme je l'ai dit plus haut, fut tenue à Mons-Ignis, Montigny-sur-Vingeanne, par Hildegarne, Vildegarnus, comte des Attuariens, de l'avis de ses assesseurs et présidée par Betto, évêque de Langres, qui y fait juridiquement reconnaître les limites des intérêts matériels du monastère de Bèze et de ses dépendances, dont une fraction de Fontanas faisait partie (2). »
Jusqu'alors aucun document à ma connaissance du moins ne parle de l'église de Fontaine. On ne saurait cependant douter de son existence. La religion catholique était la seule observée à cette époque, et Fontaine, déjà centre important, appartenant à Bèze, était nécessairement desservi par les religieux de ce monastère. Bientôt l'église est érigée en Prieuré (3), octobre 865, et à cette époque, Isaac, alors évêque de Langres, nomma Egilo, moine et abbé de Flavigny, premier prieur. L'église et les dixmes de la paroisse Saint-Sulpice furent alors données au monastère de Saint-Pierre de Flavigny (4).
La prise de possession du Prieuré de Fontaine a eu lieu le jour de la fête de saint Sulpice. Il était réputé Office claustral et fut érigé sous le titre de Prieuré lorsqu'il commença à avoir des offices perpétuels et en titre à l'abbaye de Flavigny (5).
(1)De malum, mal, malheur, dommage, assemblée où l'on discutait le moyen de remédier aux maux publics, aux dommages, ou aux torts causés par autrui.
(2) Courtépée et Histoire de Beire. C'était Berlariacum.
(3) Bénéfice donné à un ecclésiastique qui habitait son couvent et qui n'allait dans son prieuré que pour la fête patronale et pour en lever les revenus.
(4)Archives de la Côte-d'Or, E. 292.
(5) Histoire de sainte Reine d'Alise, Ansart, 1783.
Le premier prieur de Fontaine, Egilo, n'avait pas ce seul prieuré, car on lit dans un manuscrit latin de la bibliothèque nationale, 17,720, Chartularicum Buhericenum, p. 44, « qu'en 865, Isaac, évêque de Langres, donne à Egil, abbé de Flavigny, des autels (1) consacrés en l'honneur de saint Pierre, le prince des
apôtres, dans deux églises ; et un autre autel,
dédié en l'honneur de saint Sulpice, évêque et confesseur, autel qui est dans l'église à Fontaine. »
Dès ce moment le service religieux se fait dans notre église d'une manière régulière et permanente, car si le prieur n'habite pas son bénéfice, il doit y entretenir constamment un ou plusieurs prêtres, suivant l'importance de la population.
Nous arrivons à une époque remarquable de notre histoire, c'est le régime, je pourrais dire le règne de la féodalité qui s'établit d'une manière définitive.
Les véritables maîtres du pays, du pagi (2), étaient les ducs et les comtes, bénéficiaires d'abord, c'est-à-dire révocables à volonté, puis devenus héréditaires depuis le Capitulaire de Kiersy-sur-Oise, en 877.
Leur pouvoir était tellement illimité, que les Chroniques de Saint-Bénigne de Dijon et de Bèze n'hésitent Pas à le qualifier de royal.
Alors à l'imitation des Romains, les souverains, rois et empereurs, élevèrent des châteaux-forts pour assurer leur domination.
La garde en était confiée à des capitaines, ducs, marquis, comtes, sergents, qui devaient en rendre les clefs lorsque le prince leur ôtait leur charge ou les en-
(1) Par cette donation d'autels, il faut entendre prieuré, bénéfice. (2) Le pagi était un petit peuple subordonné à la cité (civitas) dont il prenait le nom.
voyait ailleurs. Aussi nul n'en pouvait construire de nouveaux qu'avec l'agrément du souverain et pour son service. Mais les derniers Mérovingiens, après eux les fils de Charlemagne, virent partout s'élever un grand nombre de forteresses, au mépris de leur autorité.
De là, ces seigneurs ayant bannière, cour de justice, s'érigeant en maîtres, battant monnaie, guerroyant sans cesse et ne reconnaissant souvent plus leur souverain.
Il me semble opportun de donner ici une explication étymologique des titres dès lors en usage pour désigner tous les chefs depuis le plus élevé.
Il y avait d'abord le roi, de rex, souverain monarque, chef d'un peuple ou d'une nation.
L'empereur, de imperator, général des armées.
Le prince, de princeps, premier suzerain, seigneur dominant plusieurs comtés, châtellenies, etc.
Le duc, de dux, conducteur de troupes.
Le marquis, de mark, frontière, prince préposé à la garde des frontières.
Le comte, de cornes, compagnon, celui qui accompagnait un roi, un prince ; ou de comitatus, président des assemblées publiques, des comités, gouverneur d'un comté.
Le Vicomte, de comitatus, le suppléant, le second, le représentant du comte.
Le baron ou ber, de vir, homme brave, guerrier, héros.
Le chevalier, de caballus, cheval, homme d'armes, gratifié d'un cheval par son seigneur.
La féodalité a eu son origine dans l'association militaire, les guerriers s'attachaient au plus brave et le choisissaient pour chef. Ce chef en retour donnait à
ses compagnons une solde, un fief, du saxon feh qui veut dire prix, salaire, consistant soit en argent, soit en butin, armes, chevaux, soit en terres conquises sur l'ennemi. Un roi donnait des fiefs avec réserve de la main et de la bouche, c'est-à-dire ne rien dire ni rien faire contre lui qui puisse le mécontenter.
Dans le droit du moyen âge, le mot fief, que l'on écrivait fié, fieu, fiement, feu, etc., en latin feudum, feodum, feum, servait à désigner, comme je le dis plus haut, non seulement un prix, un salaire, mais encore une terre, un office, même une simple rente concédée à une personne par une autre, soit à titre onéreux, vente gracieuse, donation, ou par succession, sous la condition que le preneur reconnaîtrait le bailleur pour son seigneur.
Jusqu'aux croisades les nobles seuls pouvaient posséder des fiefs, mais à cette époque les roturiers obtinrent la même faveur moyennant le droit spécial dit droit de franc-fief.
D'ailleurs les croisades ruinaient les nobles, ils se trouvaient obligés d'aliéner leurs terres, de créer des fiefs, des arrière-fiefs pour se procurer de l'argent ; leurs vassaux, les manants (1) purent ainsi devenir propriétaires dès cette époque.
Le possesseur d'un fief devait en faire foi et hommage a son seigneur ou à son suzerain. Voici en général comment on prêtait hommage.
Le vassal se mettait à genoux, tête nue, sans épée, sans éperons, les mains dans celles du seigneur qui
(1) Manant, du latin manens, celui qui demeure, celui qui reste, qui cultive la terre et qui ne court pas après les vains honneurs que donne la guerre ou après les chances souvent malheureuses du commerce.
était assis et la tête couverte ; dans cette posture, il récitait cette formule : « De ce jour, en avant, je deviens votre homme, de vie, de membres, de terres et d'honneur, et à vous serai féal et loyal, et foi à vous porterai des tennemens que je reconnais tenir de vous. »
Le seigneur baisait alors son vassal et on dressait l'acte d'inféodation, par lequel le seigneur mettait le vassal en possession de son fief.
« Mais si le vassal qui doit reprendre son fief ne trouve pas son seigneur au lieu et seigneurie dont la terre est mouvante, ou personne ayant puissance de recevoir ledit vassal, après qu'il aura dûment appelé ledit seigneur, peut ce vassal se transporter au châtel ou à la porte du lieu principal duquel est mouvant son fief, faire ses offres et devoirs tout ainsi qu'il le ferait s'il était devant ledit seigneur féodal, faire les protestations requises, et après baiser le verrouil, verrou, de l'huys, la porte, ou autre chose de ladite porte.
« Malgré cela le seigneur peut plus tard, par cri général ou particulier mander son vassal devant lui et lui assigner jour et heure pour faire son devoir envers lui (1). »
Au commencement de la féodalité, le roi était le chef suprême ; venaient au-dessous le duc, qui pouvait dresser un gibet à six piliers ; le baron, dont le gibet n'avait que quatre piliers ; le châtelain, que trois ; le seigneur haut justicier deux piliers à liens, en dessus et en dessous, en dedans et en dehors ; le moyen justicier deux piliers sans liens par dehors et enfin le bas justicier, qui ne connaissait que des causes civiles
(1) Coutumes de Sens.
ne pouvant entraîner à une amende au-dessus de sept sols six deniers.
Suivant l'ancienne coutume de Sens, qu'on observait en grande partie à Fontaine, les majorités féodales et roturières furent ainsi fixées. « Enfans nobles sont réputez âgez pour faire et porter la foy et hommage de leurs héritaiges, terres et seigneuries, c'est à scavoir : le fils à 18 ans et un jour, et la fille à 14 ans et un jour. La foy et hommage doit être réitérée par les majeurs au moment de leur majorité, quoique leurs gardiens l'eussent fait auparavant pour eux.
« Les enfants orphelins, non nobles, sont pourvus de tuteurs et curateurs jusqu'à 25 ans, âge de leur majorité. »
Nous allons bientôt avoir un seigneur particulier, le château-fort de Fontaine est élevé et ce seigneur voulant jouir de son droit, usurpé sur celui du comte attuarien encore maître de nos pays, agira lui aussi en maître et s'attribuera tous les bénéfices du régime de la féodalité.
Liste des seigneurs de Fontaine-Française de 950 à 1879
Les Fouvent, premiers seigneurs. .
de 950 à 1202.
Les Vergy .................
de 1202 à 1385.
De Vienne
de 1385 à 1427.
Les Longvy.
de 1427 à 1526.
Les Chabot-Charny
de 1526 à 1630.
Marie de Loménie, veuve de Jacques Chabot
de 1630 à 1638.
La Rochefoucault (François de). . .
de 1638 à 1656.
D'Arnault
de 1656 à 1677.
Les Mazel
de 1677 à 1684.
Les la Tour-du-Pin, Gouvernet, et de la Charce et Claude de Mazel . .
de 1684 à 1748.
Bollioud de Saint-Jullien ....
de 1748 à 1788.
Mme de Saint-Jullien, née de la Tour-du-Pin
de 1788 à 1820.
Enfin les la Tour-du-Pin de la Charce et Monaco
de 1820 à 1879.
Depuis 1879 c'est M. le comte Hippolyte-Camille-Fortuné Guyques de Moreton de Chabrillan, qui est propriétaire de la terre de Fontaine, qu'il tient de son oncle le colonel marquis Aynard de la Tour-du-Pin et de son aïeule la marquise la Tour-du-Pin, née princesse Honorine de Monaco.
Armes des Seigneurs de Fontaine - Française (Côte-d'Or)
FOUVENT
de 950 à 1202
VERGY
de 1202 à 1385
VIENNE
de 1385 à 1427
LONGVY
de 1427 à 1526
Cardinal de GIVRY
Claude de Longvy
de 1505 à 1561
CHABOT-CHARNY
de 1526 à 1638
ia ROCH E FOUCAU LT
. de 1638 à 1656
ARNAULT Antoine
Lanquedoc
de 1656 à 1677
MAZEL
de 1677 à 1684
La TOUR-du-PIN
de 1684 à 1748 puis de 1820 à 1879
St-JULLIEN
de 1748 à 1820
CHABRILLAN
1879
CHAPITRE VII
FONTAINE-FRANÇAISE SOUS LES SEIGNEURS DE FOUVENT
DE 950 A 1202
ARMES DES FOUVENT
Ils portaient : de gueules à cinq fasces, ou burelles d'or, la deuxième chargée d'un croissant d'azur.
Les premiers seigneurs de Fontaine appartenaient à la maison de Fouvent (1) déjà connue comme l'une des plus anciennes et des plus puissantes de la Bourgogne.
Girard, ou Gérard I fut seigneur de Fontaine à partir du milieu du xe siècle.
Ce Girard, comte de Fouvent, qui vivait encore vers 990, eut deux fils, « Girard II et Humbert, mentionnés avec lui dans une charte de l'abbaye de Flavigny, et une fille nommée Judith qui épousa Walon, seigneur de Vergy.
« Girard II obtint en fief de Hildric, abbé de Flavigny, la terre de Fontaine, en 995 (2). Son épouse fut
(1) Fouvent-le-Châtel dit aujourd'hui le Haut, était enclavé dans le Comté de Bourgogne, mais il faisait partie du Duché. Le nom de Fouvent vient de Fonsventis, fontaine exposée à tous les vents.
(2) Histoire de Champlitte, abbé Briffaut, 1869. Mais je lis d'autre part dans l'Histoire de Vergy, de Du Chesne Tourangeau, 1625, que « Walon, frère d'Aymon, comte d'Auxois et de Duesmois, eut en 970
Gertrude, dame d'Arsoncourt. Ils fondèrent ensemble, devant leur château de Fouvent, en l'honneur du saint Sépulcre et de Notre-Dame, un prieuré dépendant de l'abbaye de Bèze, du consentement de Lambert, évêque de Langres, dont leur seigneurie relevait aussi pour le spirituel et le temporel (1019). Leurs enfants étaient Girard, chanoine et archidiacre de la cathédrale de Langres, Humbert I qui continua la lignée et une fille épouse d'Arnould, comte de Reynel.
« Humbert I, comte de Fouvent, seigneur de Fontaine, fut marié à Gerberge avec laquelle il vivait en 1040. »
Je suivrai jusqu'en 1202 la lignée des Fouvent, d'après l'Histoire de Champlitte, Abbé Briffaut, 1869, puis je reviendrai sur les faits à signaler pendant leur possession de la seigneurie de Fontaine.
« Humbert I eut trois fils : Girard III, seigneur de Fouvent et de Fontaine, qui succéda à son père, renonçant à porter le titre de comte et mourut sans postérité vers l'an 1076 (1) ; il transmit la terre de Fontaine à son frère puiné Humbert II, dit le Brun, tué en guerre pour le service de l'Eglise de Langres, dont il était vassal, et Guillaume nommé en plusieurs chartes de 1099 à 1114 (2).
la forteresse et la seigneurie de Vergy. Il s'allia à Judith, vers 990, fille de Gérard I, comte de Fouvent, et soeur de Gérard II et de Humbert, auxquels Hildric, abbé de Flavigny, bailla en fief la seigneurie de Fontaines l'an 995, du consentement de Gauthier, Eves-que d'Autun. »
(1)Gérard III fit partie de l'assemblée solennelle tenue au monastère de Bèze, le vendredi de la deuxième semaine de carême 1066, pour régler des différends entre l'abbé de Saint-Bénigne de Dijon et les officiers de Robert, duc de Bourgogne. Courtépée.
(2) On appelait chartes, du latin carta, des écrits, des traités, des
« Humbert II fut père de Humbert III dit le Roux, et de Guy, qui vivait en 1098, seigneur de Fouvent et de Fontaine.
« Humbert III mourut sans postérité vers 1098 et laissa tout son héritage à Guy, son frère, qui eut entre autres enfants Girard IV et Thierry.
« Girard IV épousa en 1162 Clémence, fille de Richard de Montfaucon et de Sophie de Montbéliard.
« En 1170 il partit pour la Terre-Sainte et ne revint pas de cette expédition. Il laissait deux enfants : Humbert IV et Thierry. Le premier, seigneur de Fouvent et de Fontaine, eut pour successeur son fils Henri de Fouvent, vivant en 1190, qui épousa damoiselle Agnès, morte sans enfant mâle, mais laissant Clémence, dame de Fouvent et de Fontaine.
« Henri promit à l'évêque Manassès dedonner cours à la monnaie de Langres en toutes ses terres. Il fut en 1201 arbitre d'un différend entre les religieux de Cherlieu et Renaud de Torcenay, chevalier. Deux de ses enfants Girard et Henri moururent avant lui ; le troisième, Énselme, fut chanoine de Langres. Clémence la plus jeune, dame de Fouvent et de Fontaine, devint seule héritière de la seigneurie de son père et fut mariée, en 1202, à Guillaume de Vergy, seigneur de Mirebeau, d'Autrey, de Fouvent et de Fontaine du chef de sa femme. »
C'est ainsi que Fontaine passa dans la maison de Vergy.
Et c'est aussi au moment où la féodalité établissait
arrangements qui énuméraient, limitaient et déterminaient les droits des seigneurs et les privilèges qu'ils accordaient ou les donations qu'ils faisaient soit à l'église, soit à leurs vassaux, tant des villes que des campagnes.
sa puissance que Fontaine eut ses premiers seigneurs.
Je veux donner une large idée de ce régime, et je me permets d'abord de copier ce qu'en dit avec tant de clarté et un laconisme peu commun, M. Sautereau dans sa Notice historique sur Sombernon.
« La féodalité est le régime des fiefs ; ce fut le régime de la nation française pendant plusieurs siècles. Le fief était la base du système féodal ; on trouve son origine dans les donations faites par nos rois francs à leurs compagnons d'armes, sous condition de fidélité et de service militaire.
« A l'époque féodale, les biens étaient divisés en biens nobles et en biens roturiers.
« Le fief était un domaine noble ; il était donné à charge de foi et hommage. Le seigneur qui donnait la terre constituant le fief s'appelait suzerain ; le seigneur qui la recevait portait le nom de vassal. Le seigneur suzerain conservait la seigneurie directe sur le fief qu'il cédait. On donnait aussi au fief le nom de mouvance, c'est-à-dire qui mouvait, qui dépendait du domaine suzerain.
« Trois cérémonies accompagnaient la concession d'un fief : l'hommage par lequel le vassal se reconnaît l'homme de son seigneur, le serment par lequel il lui jurait fidélité, et l'investiture par laquelle il était mis en possession de son fief (1).
« Le seigneur suzerain devait protection, défense, bonne justice à son vassal; celui-ci, de son côté,
(1) On disait reprendre un fief, faire reprise de fief. C'était une déclaration faite au suzerain et à la cour des comptes, de la terre dont le nouveau seigneur prenait possession. On pourrait dire que c'était une déclaration de propriété analogue à celle qu'un héritier ou un donataire fait au bureau de l'enregistrement et des domaines.
contractait l'obligation de suivre son suzerain à la guerre, de l'assister dans sa cour de justice et de lui fournir des aydes ou subsides en certaines occasions : l'aide de la chevalerie quand son fils aîné était fait chevalier, l'aide du mariage quand sa fille aînée se mariait, l'aide de rançon quand il était fait prisonnier. Les roturiers pouvaient recevoir et posséder un fief, mais c'était à condition de payer la taxe de franc fief. Le suzerain avait le droit de retirer les fiefs de sa mouvance, quand ils étaient vendus ou aliénés par acte équivalent à une vente.
« C'est ce qu'on appelait le retrait féodal. Cet acte n'était autre chose qu'une action en justice à laquelle recourait le suzerain pour reprendre le fief vendu et le replacer sous sa propre autorité.
« La féodalité formait une vaste association ou hiérarchie qui remontait du simple chevalier jusqu'au roi. Le roi était au sommet; au-dessous de lui étaient les grands vassaux appelés aussi grands feudataires. Pour se faire des alliés, ceux-ci donnaient une partie de leurs domaines à leurs subordonnés, qui pouvaient à leur tour user du même droit pour s'attacher des hommes d'armes, des fidèles, d'où naquirent les fiefs et les arrière-fiefs, les vassaux et les arrière-vassaux.
« Le seigneur féodal avait non seulement ses vassaux autour de lui et sous sa dépendance, il avait aussi dans ses terres de véritables sujets : les uns attachés à la terre, au domaine sur lequel il avait le droit de vie et de mort ; les autres répandus dans les manses (fermes) ou villas (villages), appelés à cause de cela vilains (1), qui payaient une redevance fixe
(1) Le mot de vilain n'a pas la signification exagérée qu'on veut
sur les terres qu'ils cultivaient et conservaient une certaine liberté.
« Les liefs concédés à d'autres seigneurs formaient la mouvance du seigneur principal.
« Les terres accordées à charge de redevance formaient la censive. C'étaient les héritages roturiers. En vertu du retrait censuel les seigneurs pouvaient retirer les héritages vendus dans leurs censives.
« Les seigneurs à tous les degrés exerçaient l'autorité sur les populations qui leur étaient soumises par la haute, moyenne ou basse justice.
« Les seigneurs exerçaient toutes sortes de droits sur leurs sujets, appelés aussi vassaux : ils avaient le droit de mainmorte, le droit de cens, le droit de taille, de corvées, de banalité, de lods, quelquefois déminage, et d'autres encore qui seront expliqués plus loin.
« Par le droit de mainmorte les sujets étaient attachés à la glèbe, c'est-à-dire à une terre, à un domaine, et étaient privés de la faculté de disposer de leurs biens.
« Le cens était une rente que certains biens payaient au seigneur dont ils relevaient.
« La taille (1) était une imposition en argent, frapbien
frapbien prêter : le vilain était celui qui habitait le village. On dit aujourd'hui villageois. N'est-ce pas la même chose?
(1) La taille est un droit qui prenait son nom d'une petite bûchette de bois que l'on fendait dans sa longueur et à laquelle on faisait une entaille à chaque paiement. Nous avons encore dans le genre nos tailles de boulanger et de boucher.
On disait taillable haut et bas, à merci et discrétion, cela pouvait être quelque peu vrai, mais seulement dans de graves circonstances, guerres, fléaux, prises d'armes, rançon du seigneur, on l'appelait alors taille des loyaux aydes. On régularisa cet impôt, par abonnement à un chiffre fixé d'avance. Elle pouvait être à Fontaine, aux XIe et XIIe siècles, du dixième du revenu des biens meubles et immeubles.
pant toutes les personnes qui n'étaient ni nobles, ni ecclésiastiques, ni exemptes par concession.
« La corvée était un travail, un service gratuit dû au seigneur par le paysan tenancier, soit en journées de corps, soit en journées de chevaux, de boeufs, de harnais pour faire chemins, labourer les terres réservées, transporter le bois du four banal, etc.
« Il est facile de voir en toutes ces charges l'origine de nos impôts actuels et de nos prestations.
« La banalité (1) assujettissait les vassaux à moudre au moulin du seigneur, à pressurer à ses pressoirs et à cuire le pain à son four.
« Les lods étaient un droit sur la vente de tous héritages censables ou non censables. C'était le droit de mutation de l'époque féodale.
« L'éminage est un droit qui était perçu sur chaque mesure de grains vendus.
« Parmi les droits du seigneur il y avait encore l'égandillage, c'est-à-dire la vérification des poids et mesures. On ne pouvait se servir d'autres mesures que celles égandillées par le seigneur et marquées de son poinçon. »
Cela ressemble bien à ce qui se fait aujourd'hui, seulement c'est l'Etat qui a remplacé les seigneurs.
(1) La banalité était le droit que les seigneurs prélevaient dans les moulins, fours, pressoirs qu'ils avaient d'ailleurs bâtis à leurs frais et lui leur appartenaient.
Il ne faut pas confondre les banalités avec les bans, ces derniers dits de moisson, de fenaison, de vendange. Ces bans avaient pour objet d'interdire de moissonner, faner, vendanger, avant le jour fixé parce que « pour éviter la dixme du prêtre et le choix part du seigneur, dit un vieux jurisconsulte, les paysans avaient la malice de cueillir les fruits avant leur complète maturité. »
Les bans de fauchaison, qu'on s'obstine à mettre à Fontaine en plein XIXe siècle, sont tout uniquement un reste du régime de la féodalité.
Les impôts dus aux seigneurs et tous les droits, plus vexatoires que lourds, ont été supprimés dans la séance de nuit de l'Assemblée Constituante du 4 août 1790 et ensuite par le décret du 14 juillet 1793.
Le principal droit des seigneurs était les dixmes ou la dixme. Ceux qui viennent après complètent la série que j'ai donnée dans les pages précédentes.
La dixme, droit de prélever la dixième partie des récoltes sur les terres que les propriétaires louaient aux colons : c'était le prix de l'amodiation, en somme comme aujourd'hui, avec cette différence qu'au lieu de payer en nature on paie en argent. Ce droit ne devint une obligation civile que sous Charlemagne. On verra dans la suite de cette histoire que la dixme a été prélevée beaucoup plus légèrement à Fontaine que dans d'autres localités (1).
Le Champart (campi-pars), terrage agrier, tenait lieu de censive et de taille ; quelquefois il s'appliquait en dehors de ces deux impôts, pour des causes particulières et suivant la fertilité du sol, de trois, quatre, ou cinq gerbes sur cent.
Dans les vignes on l'appelait carpot, quart de pot, d'une mesure déterminée.
Le complant était une concession de terre faite sous condition d'y planter des arbres.
Le bordelage, pesant sur les héritages ruraux, consistait en une redevance annuelle en argent, grains et volailles.
Le banvin était un privilège, dit-on, du seigneur,
(1) La dixme, contre laquelle on a tant dit, avait un immense avantage sur l'époque actuelle : elle ne prenait rien au laboureur quand il n'avait rien récolté, tandis qu'aujourd'hui il paie quand môme l'impôt à l'Etat et la redevance au propriétaire.
qui interdisait aux vignerons la vente de leurs vins pendant un certain temps pour écouler le sien et le vendre au prix qu'il voulait.
Voilà en général, tous les droits seigneuriaux qui étaient ou non en usage, suivant les localités et suivant les seigneurs. Ici, en raison de la bonne entente qui a toujours régné entre les habitants et les seigneurs, ces derniers n'usaient que des droits réels qui représentaient leurs revenus aussi peu élevés que possible.
On se fait généralement une fausse idée de la mainmorte. Je vais donner des explications puisées à bonne source sur cet impôt, ce droit du seigneur.
« On appelait, aux premiers siècles de la féodalité, gens de mainmorte ou mainmortables les serfs dont les biens, soit en totalité, soit seulement immeubles, soit seulement meubles, appartenaient au seigneur quand ils décédaient sans hoirs (héritiers) issus de leurs corps et procréés en légitime mariage.
« Ainsi mainmorte signifiait puissance morte, incapable de transmettre, ni par testament, ni par décès.
« Voici une autre application très singulière du droit de mainmorte. Après la mort d'un chef de famille de condition serve, le seigneur envoyait prendre le Plus beau meuble de la maison ; où il n'y en avait Point à sa convenance, on coupait la main droite du défunt pour la lui offrir et lui signifier ainsi qu'il ne le servirait plus (1).
« Le seigneur hérite des mainmortables s'ils meurent sans que les enfants vivent et demeurent avec eux depuis la naissance et usant du même pot et du même feu.
(1) Dictionnaire de Trévoux.
« Quiconque vient occuper une maison dans le domaine d'un seigneur et y demeure un an et un jour devient serf.
« Pour que la fille du serf hérite de son père et de sa mère, il faut qu'elle prouve qu'elle ait passé la première nuit de ses noces dans la maison paternelle (1). »
La mainmorte n'était pas odieuse au fond, c'était une sorte de bail d cens, à durée de famille, avec conditions faites suivant le temps et les lieux.
Elle ne consista d'abord qu'en redevance de grains, bétail ou habits, et, moyennant ces prestations, les serfs étaient propriétaires des terres qu'on leur abandonnait.
Mais plus tard elle prit malheureusement la teinte de l'esclavage ; le seigneur ayant repris la liberté des biens et des personnes, elle devint arbitraire, méconnaissable et fut une des plus lourdes charges du peuple.
Il est bon encore que le lecteur sache ce qu'était la justice seigneuriale ; je veux entrer ici dans quelques détails pour n'avoir pas à y revenir dans la suite.
La justice seigneuriale se divisait en trois catégories suivant les coutumes des bailliages de Langres et de Sens, applicables dans nos pays :
1° Seigneurs hauts justiciers, ayant le droit de haute justice ;
2° Seigneurs moyens justiciers, ayant le droit de moyenne justice ;
3° Seigneurs bas justiciers, ayant le droit de basse justice :
Celui qui a haute justice a juridiction, puissance
(1) Coutume de Franche-Comté.
et connaissance des cas requérant mort et dernier supplice, mutilation, incision de membres et autres peines corporelles, comme fustiger, pilorer, écheler, bannir, marquer et autres semblables.
Les marques de la haute justice sont le gibet ou les signes patibulaires (les fourches), le pilori, le carcan. Les signes patibulaires variaient, suivant la qualité du seigneur, deux, trois ou quatre piliers reliés par des pièces de bois auxquelles on pendait les condamnés (1).
Celui qui a moyenne justice peut et doit créer et donner tuteur et curateur ; donner et décréter sauvegarde à ses sujets pour leurs corps et biens et aussi commissions et gardes spéciales en cas possessoire. Il appartient à la moyenne justice de faire mainmorte, inventaire, subhastation, interposition de décret et émancipations. Au moyen justicier appartient juridiction et connaissance des délits et maléfices extraordinaires, où il peut choir amende pécunière jusqu'à soixante sols tournois.
Pour l'exercice de la moyenne justice le seigneur doit avoir siège notable, juges, procureur d'office, greffier, sergent, prisons au rez-de-chaussée sûres et bien fermées.
Au seigneur bas justicier appartient la juridiction de toutes causes civiles, personnelles et possessoires, réelles et mixtes, et des méfaits de ses sujets amendables jusqu'à soixante sols tournois.
Le seigneur bas justicier peut avoir siège notable, maire, sergent et prisons pour garder les prisonniers.
(1) Les seigneurs de Fontaine, étant hauts justiciers avaient deses
fourches à quatre piliers. On peut les voir figurer sur un ancien plan
dans les archives du château de Fontaine.
La basse justice s'occupait des droits dus au seigneur, des dégâts et injures dont l'amende n'excédait pas sept sous six deniers.
On l'appelait justice féodale ou foncière, le juge était le prévôt ou sénéchal.
Il va sans dire que les hauts justiciers exerçaient tous les droits des moyens et bas justiciers et que les moyens exerçaient les droits des derniers.
Les temps étaient malheureux à cette époque, car on compte dans le Xe siècle dix famines et treize pestes, mais la Bourgogne avait déjà été bien affligée avant.
En 472, il y eut une horrible famine. Celle de 551 dura treize ans sans interruption. Nouvelles famines en 656, 779, 793, 820. En 843 les hommes font du pain avec de la terre et un peu de farine.
II y eut onze années de famine de 855 à 876.
En 989 et 990 plus de 40,000 personnes moururent de faim.
En 1031 le règne de Henri I fut signalé par d'épouvantables fléaux. Toute la Bourgogne et les provinces voisines furent en proie à la plus affreuse famine qui ait désolé la France.
Pendant trois années consécutives les fruits et les moissons ne mûrirent pas à cause des pluies continuelles et du dérangement des saisons. La disette fut extrême, surtout en Bourgogne, où elle donna lieu à des scènes terribles. Les gens du peuple consommèrent l'herbe des prairies, et réduits au désespoir, ils se nourrirent des cadavres qu'ils déterraient. Les hommes se faisaient la chasse les uns aux autres pour se dévorer. On vit même, dit-on, un boucher exposer de la chair humaine au marché de Tournus.
Près de Mâcon, on trouva chez un aubergiste qua¬
rante-huit têtes d'hommes, dont les corps avaient servi de nourriture aux passants.
Ces monstres furent brûlés vifs.
La mortalité devint alors si grande que les morts étaient abandonnés, sans sépulture, dans les rues et sur les chemins.
Les loups, attirés par l'odeur des cadavres, arrivèrent par bandes et les dévorèrent. Ils s'enhardirent et attaquèrent les vivants jusqu'au milieu même des villages.
Sous Hugues Capet, Robert et Henri I, en soixante-dix-huit ans, on compte quarante-huit années de famine, et sous Philippe I, Louis VI et Louis VIII, trente-trois années en cent vingt ans.
La peste et la faim firent mourir le tiers de la population en 1315,1338 et 1348. On appela ces trois années les années de la Grand'Mort.
La Bourgogne a son dicton dans ces fatales années :
En mil trois cent quarante et huit A Nuits de cent restèrent huit.
L'Histoire abrégée du comté de Bourgogne nous apprend que la mortalité du XIe siècle fut causée par la nourriture grossière de nos ancêtres, le défaut de linge, l'indigence, la malpropreté des gens, la saleté des habitations et des villes ou villages. Aussi la peste, la lèpre, le feu sacré, le mal des ardents, furent la suite funeste de cet état de choses, des désordres de toutes sortes et des moeurs grossières de l'époque (1).
(1) Il pourrait se faire que la léproserie de Fontaine eût été fondée à cette époque, comme celles de Sacquenay, Autrey ,etc. Cependant je serais d'avis que sa fondation date de plus tard, au moment des croisades, avant Louis VIII, qui régna de 1 223 à 1226.
La culture était abandonnée, on ne voyait partout que buissons, ronces et épines. La famine de 1031 dura trois ans. Elle fut si horrible qu'on broutait l'herbe et, comme je le dis plus haut, en 1031, on mangea de la chair humaine. Cependant le peuple reprit courage et en 1033 l'abondance des récotles fut telle, dit le moine Glaber, qu'elle surpassa seule celle de cinq années entières. Cette abondance ne put arrêter le brigandage qui était à l'ordre du jour. L'anarchie était à son comble : les seigneurs se pillaient, leurs vassaux les imitaient, le fer et le feu dominaient. L'Eglise, conservant quelque autorité, s'efforça de remédier à ces désordres. Elle établit la Paix de Dieu, puis la Trêve de Dieu. Ces mesures, quoique souvent violées, contribuèrent puissamment à adoucir la férocité des moeurs et à rendre un peu de tranquillité au royaume.
L'ignorance était alors telle (c'était, a dit un auteur, le sommeil de la raison) que le fameux Gerbert fut traité de magicien pour avoir inventé des orgues hydrauliques, et on qualifia d'invention du diable une horloge à roues du même savant.
Dans ces siècles d'ignorance, la science était si rare qu'une coutume, ayant force de loi, accordait le bénéfice de clergie, c'est-à-dire la grâce à tout criminel condamné qui saurait lire.
Je ne clorai pas l'époque de la domination des Fouvent sans apprendre au lecteur que les évêques de Langres, souverains spirituels de nos pays depuis plusieurs siècles, sont devenus nos souverains temporels et nos seigneurs leur devaient foy et hommage comme étant leur suzerain direct.
En effet, je lis dans Courtépée, t. I, p. 330 : « Les évêques de Langres ont été pendant des siècles souverains temporels et spirituels de Dijon (c'est-à-dire du Dijonnais) qu'ils gouvernaient par des comtes.
« L'évêque Lambert en céda la souveraineté au roi Robert, en 1015. Gauthier de Bourgogne confirma cette cession en 1179, à Hugues III, en échange du comté de Langres, qui fut dès lors érigé en duché par Louis VII. « Ce monarque annexa la ville à la couronne. « Depuis ce temps les évêques de Langres devinrent très puissants en qualité de seigneurs féodaux, et ils comptaient autrefois parmi leurs vassaux des ducs et des rois. Charles le Chauve leur accorda le droit de battre monnaie, et Louis le Gros le leur confirma. Quoiqu'ils aient perdu beaucoup de leurs privilèges, ils ont conservé, depuis Philippe-Auguste, celui d'être ducs et pairs de France et de précéder dans certaines occasions le métropolitain, quoique plus ancien en sacre, ce qui fut jugé par arrêt de 1526. Gauthier, 60e évêque de Langres, dont nous venons de parler, fut le premier qui, en cette qualité, assista au sacre de Philippe-Auguste, en 1180 (1). »
Vers l'an 1098, Valeur Colombe de Beaumont fut témoin du don fait au monastère de Bèze par le chevalier Hugues de Fontaines, le jeune, dont on ignore le nom de famille, d'un manoir franc, en ce lieu, lorsqu'il Prit à l'article de la mort l'habit de religieux, afin d'avoir part aux prières du monastère (2).
(1)En 1187, le duc Hugues III donna à son oncle, l'évêque de Langres, à titre daumône, le comté de Langres érigé en duché-pairie, Par Louis VII et Philippe-Auguste.
(2) Boudot, Histoire du canton de Mirebeau, pages 79 et 162. Au moyen âge, comme chez les Romains, les actes publics ne suffi¬
Un manoir, une maison forte, un château étaient dits de franc-alleu de première origine, si son possesseur ne reconnaissait aucun seigneur suzerain. Telle n'était pas précisément la condition du manoir de Fontaine, quoique franc, puisque les évêques de Langres y exerçaient déjà un droit de suzeraineté.
L'Histoire de Saint-Etienne de Dijon nous apprend qu'Alsinde de Fontaine donna, en 1111, la moitié du pré qui avoisine le Moulin des Prés à l'abbaye de Bèze ; l'autre moitié fut concédée aux religieux de Verfontaine, par Hugues de Vergy, en 1199.
Vers 1142, le chevalier Hugues de Fontaine, pour le repos de l'âme de son frère Aymon, qui depuis peu avait été tué et inhumé avec tous les honneurs à Bèze, donne à ce monastère, du consentement de sa soeur et de ses neveux, son manoir de Fontenelle, un pré et une partie des dixmes de ce lieu.
Sous Louis VI, qui régna de 1108 à 1137, la chevalerie naît de la féodalité et l'esprit de cet ordre réagit d'une manière remarquable contre la brutalité et la rudesse des moeurs de l'époque.
Les chevaliers, contrairement aux seigneurs féodaux qui accaparaient tout ce qu'ils pouvaient (tous les moyens leur étant bons), faisaient voeu de défendre la veuve et l'orphelin, de secourir l'opprimé, en un mot de faire rendre la justice à tous ceux qui étaient lésés.
Les Fouvent d'alors et ensuite les Vergy, seigneurs
saient pas pour transférer la propriété. Il fallait encore l'investiture, soit par la glèbe, la paille, une branche d'arbre, soit par un couteau, c'est-à-dire que le donateur donnait avec l'immeuble, des esclaves, de la paille, du bois, de la pierre du manoir cédé. Milon de Beaumont, en donnant son manoir au monastère de Bèze, en 1144, donna un couteau
de Fontaine, furent des premiers à se faire armer chevaliers et à prendre part aux croisades. C'est parce qu'ils étaient chevaliers que ces seigneurs et leurs successeurs ont toujours vécu en bonne intelligence avec leurs vassaux.
C'est alors que l'ordre militaire des Templiers fut fondé par Hugues de Payus, en 1118, et peu de temps après saint Bernard prêchait la seconde croisade en 1146.
Aux archives de la Côte-d'Or, E. 292, titres et papiers de la baronnie de Fontaine, je lis :
« Les dixmes de Fontaine-Française au XIe siècle étaient inféodées parce qu'aux premiers temps de l'inféodation, il n'y avait aucun seigneur audit Fontaine que le Comte de Bourgogne, qui jouissait de la souveraineté de toutes les terres de surséance, comme Fontaine qui est de ce nombre et partant il se pourrait que ladite terre et les dixmes ont été usurpées sur le domaine des comtes de Bourgogne par les seigneurs de Vergy, qui y ont été les premiers seigneurs qui paraissent. »
C'est une grave erreur de l'auteur de la note que j'ai copiée, car on a vu, et les documents en sont authentiques, que la maison de Fouvent a possédé la terre de Fontaine, qui était franche, depuis la fin du siècle, jusqu'à 1202.
En même temps que je copiais aux archives la note ci-dessus, je trouvais précisément dans Pincedé, t. XVII, p. 411 : « En l'an 1196, Girard de Fouvent donne à l'abbaye de Theuley paturage en tout le territoire de Fontaine. » Donc la terre de Fontaine appartenait encore au XIIe siècle aux Fouvent ; elle n'est advenue à la maison de Vergy qu'en 1202, comme je l'ai dit plus haut.
Vers la fin du XIIe siècle, les communautés prennent naissance ; alors il s'est produit dans nos pays une transformation réelle de la vie sociale, dont je crois utile de donner une description.
Chaque maison était simplement composée d'une cuisine et d'un poêle ; on vivait en commun : à commun pot et commun feu. Les maisons ressemblent encore aujourd'hui à celles de cette époque reculée : il y a d'abord la cuisine et le poêle, c'est le logement du cultivateur et de l'ouvrier. Les autres chambres, s'il en existe, indiquent l'aisance ou la richesse que tout le monde n'a pas.
Dans une maison, dite communauté, tout le monde vivait ensemble et dans la même chambre.
Les associés prenaient le nom de partsonniers, du vieux mot français partçon ; ils s'appelaient aussi frères-cheurs, frères-soeurs, vivant en frérage.
On vivait, on mangeait ensemble ; au même pain, d'où le mot compaing, compagnon, copin, à commun pot, sel et dépense.
La réunion de ces familles constituait un feu. Il n'y avait qu'un four, « où s'apprêtait à manger pour tous, auprès duquel tous dînaient et soupaient et n'y avait cheminées ni chambres particulières de chaque marié.
« La communauté exista toujours, même entre familles habitant différentes maisons ; mais à condition d'user du même pain et du même sel.
« C'est ainsi que s'établirent les feux et l'usage de baser les redevances et impôts par feu, famille ou communauté.
« Plus tard la communauté composait tout un village, un bourg, quoique les feux fussent divisés et que chaque mariage eût son ménage.
« Les témoignages les plus authentiques établissent qu'en Bourgogne, dès les premiers temps de la monarchie, focus, feu, fut employé comme synonyme de domus, maison, et de familia, famille. Ducange cite à ce propos le titre 38 § 1 et 9 de la loi burgonde, ainsi que deux passages de chartes, également du pays, l'une datée de 1279 et l'autre de 1291, qui ne laissent aucun doute à cet égard.
« On est moins affirmatif en ce qui concerne le nombre des individus dont se composait chaque feu. Certains auteurs l'évaluent à 4 1/2, 4 3/4 ; les autres à 3 ; d'autres à 7 et même plus. Néanmoins dans la comparaison que j'ai faite de ces différents systèmes, il m'a paru que celui suivi par M. Dureau de la Malle, dans son mémoire sur la population de la France, devait avoir la préférence et, comme lui, je compterai cinq habitants par feu.
« Les feux étaient francs, abonnés, taillables haut et bas ou serfs, ces derniers presque toujours comptés comme misérables dans les cerches ou recherches (espèces de rôles formant l'assiette des impôts aux XIIe, XIIIe, XIVe, et xve siècles).
« En Bourgogne, les cerches étaient prescrites par les Elus, pour la répartition de ce que l'on appelait les fouages au XIVe siècle, les aydes au XVe, le don gratuit et l'octroi aux suivants (1).
Les feux des bonnes villes, c'est-à-dire celles qui etaient fortifiées, étaient taillables à 13 gros ; ceux des villes marchandes ayant foires et marchés, comme Fontaine, à 10 gros ; ceux des villes du plat pays à 6 gros et les feux serfs à 1 gros seulement.
(1) Garnier, Annuaire du département, 1874.
J'aurai occasion de parler des eschevins, il est bon qu'on en connaisse l'origine.
En rentrant de la quatrième croisade, le duc Eudes III créa l'eschevinage, ou administration de la cité ; il accorda aux communautés le sceau armorié, le droit de sing (1), cloche, pour convoquer l'assemblée des eschevins et le droit de beffroi pour faire la garde du haut des clochers.
Fontaine comme toutes les autres communautés, bourgs, ou villages, jouit de ces privilèges et en usa jusqu'au XIIIe siècle sans difficulté.
On créa aussi les armoiries par suite de l'usage de combattre sous les bannières des seigneurs ou des paroisses. Ces bannières étaient faites pour que les soldats, les chevaliers reconnussent leur chef dans les combats et pussent se rallier à lui.
C'est des bannières que les drapeaux, les étendards et les fanions tirent leur origine.
(1) On a appelé Sing les cloches, du mot latin signum, signal, d'où toc-sing, tocsin, toquer la cloche.
CHAPITRE VIII
FONTAINE-FRANÇAISE SOUS LES SEIGNEURS DE VERGY
DE 1202 A 1385
ARMES DES VERGY
Ils portaient : de gueules à trois quinte feuilles d'or.
Leur devise était : Sans varier, Dieu et mon ëpée.
Leur cri de guerre : Verhy, Vergy, et plus tard, sous Charles V, Vergy Notre-Dame.
« Le nom de Vergy vient d'un célèbre chasteau de son domaine que les anciennes chartes et chroniques appellent en latin Virzeium, Virgeium,Vergeum, Vergiacum, et en français Vergy, Vergé, Vergier, Vergey
Vergey
« Des chroniqueurs attribuent la fondation de ce lieu a Vercingétorix ; d'autres à Virginius, capitaine romain, au moment de la domination de l'empire ; d'autres encore disent que Vergy vient de Verg qui en vieux langage gaulois signifiait craint et redouté (2).
« Quoi qu'il en soit de cette étymologie », dit l'historien Du Chesne, « le chasteau de Vergy, a été construit de très longue ancienneté, dans le diocèse d'Autun, sur le sommet d'une haute montagne qui paraît
(1 et 2) Histoire de la maison de Vergy, par A. du Chesne, 1625.
à la main droite de Nuits, comme l'on va de Dijon à Beaune. L'édifice basty en forme de navire estoit partout environné du roc avant qu'on le bastit et n'avoit qu'une avenue du costé du portail, encore si mal-aisée et difficile qu'on ne la pouvoit gaigner. Ce qui la maintenu en réputation d'une des plus fortes places durant la révolution de plusieurs siècles et a baillé subjet mesme à quelques roys d'en faire estat, comme si elle eust esté à l'abry de toutes sortes de violence. Car le pape Alexandre III s'estant réfugié en France, et craignant l'armée de Frédéric I, le roy Louis VII offrit à S. S. le chasteau de Vergy pour lui servir de rettraicte asseurée, à cause que c'estoit une forteresse imprenable (1). »
On raconte qu'un Vergy, étant en ambassade près d'un roi d'Espagne, lui dépeignant son château, lui dit : « les fossés sont si grands et si profonds que tout le foin de votre royaume ne suffirait pas à les combler. » En effet, le château bâti sur un rocher élevé, avait pour fossés toute la plaine sur une vaste étendue.
Hugues III, duc de Bourgogne, l'assiéga en vain pendant quatre ans. Eudes III, son fils, donna la terre de Mirebeau et la sénéchaussée de Bourgogne (2) au seigneur Hugues de Vergy, pour le faire seulement jurer de lui ouvrir les portes de son château quand il l'en requerrait et lui permettre de l'occuper quatorze jours, car les Vergy disaient ne dépendre « que de Dieu et de leur épée. » En effet, après bien des démêlés, auxquels prirent part plusieurs grands seigneurs bour-
(1) Histoire de la maison de Vergy, 1625.
(2) Le sénéchal était un officier qui remplissait les plus hautes fonctions judiciaires. La sénéchaussée était son tribunal, l'étendue de sa juridiction.
guignons, un accord se fit entre le duc Eudes et Hugues de Vergy.
« Hugues de Vergy jura de rendre dorénavant son chasteau de Vergy au duc Eudes toutes les fois qu'il en serait requis, avec pouvoir de le garder l'espace de quatorze jours, pour la nécessité de ses affaires. Lequel temps expiré le duc le remettroit entre ses mains en pareil estat qu'il auroit esté livré, en récompense de quoy le duc donna au même Hugues la seigneurie de Mirebeau pour luy et ses descendants... et la sénéchaussée de Bourgogne, quand Gaucher de Chastillon cesseroit fie la tenir (1). »
De la forteresse démantelée par Henri IV, il ne reste que l'aire de la chapelle et une tour en grande partie démolie.
La plateforme n'avait, dans le temps, pour rempart que la saillie bizarre d'un banc de rochers qui donnait à la forteresse la figure d'un pont de vaisseau de 150m de long sur 11m de large (2).
Ce duc Eudes épousa Alix de Vergy, fille du sénéchal Hugues, vers 1200, et eut en propriété ledit château de Vergy, avec la châtellenie.
Les ducs de Bourgogne et les rois de France l'ont entretenu et possédé jusqu'à Henri IV, qui le fit démanteler et en ruina les murailles en novembre 1609.
La situation élevée de la maison de Vergy lui avait facilité de nombreuses alliances (plus de quarante) qui rehaussaient encore son éclat et sa puissance.
Je citerai seulement les noms des maisons qui se rattachent à l'histoire de Fontaine. Ce sont celles de
(1) Lettres passées à Cîteaux en 1097 (Histoire de Vergy). (2) Répertoire archéologique de la Côte-d'Or, page 94, 1872.
France, Bourgogne, Beaumont-sur-Vingeanne, Fouvent, Longvy, Chabot-Charny, Saulx, Toulongeon, etc.
La maison de Vergy, qui a joué un si grand rôle dans les XIIe, XIIIe et XIVe siècles, est encore légendaire à Fontaine. On parle des Vergy comme s'ils vivaient encore, comme si, nos seigneurs, ils étaient encore dans leur splendeur (1).
Le manoir de Fontaine, fondé plusieurs siècles avant que la maison de Vergy ne prît possession de la seigneurie, fut agrandi par elle et ses fortifications durent être bien augmentées.
Guillaume Ier de Vergy, de 1202 à 1240
Nous avons vu que Guillaume de Vergy, premier du nom, second fils de Hugues, mort le 19 décembre 1200, succéda à celui-ci et épousa en 1202 Clémence, héritière de la maison de Fouvent et de Fontaine, comme on le sait l'une des plus anciennes et des plus illustres de la Bourgogne, dont les ancêtres portaient le titre de comte avant l'an 1000. Clémence descendait de Gérard II, comte de Fouvent, qui obtint en fief, comme on l'a vu, de Hildric, abbé de Flavigny, la seigneurie de Fontaine.
Du chef de sa femme, Guillaume de Vergy, qui était déjà seigneur de Mirebeau et d'Autrey, devint seigneur de Fouvent, de Fontaine en 1228, et de Champlitte en partie. Il hérita de son père de la sénéchaussée de
(1) Le premier qui ait porté le célèbre nom de Vergy est Guerin ou Warin, Vuarin, comte de Mâcon et Chalon qui mourut en 850.
Bourgogne, qui lui fut confirmée peu de temps après.
Un titre de 1203, conservé aux archives de la mairie, dit que Guillaume octroie aux habitants le droit de glandée dans ses bois, moyennant six deniers par chacun porc payable à la Saint André.
Il prend une grande part à la quatrième croisade prêchée par Thibaut de Champagne en 1204, et qui devait servir à la fondation d'un empire avec Constantinople pour capitale.
Dès l'an 1202, il ratifia la concession dé quelques serfs donnés à l'abbé de Cîteaux par Guy, son aïeul.
« Guillaume, en 1214, avoua être homme lige (1) de l'évesque de Langres, après Eudes, duc de Bourgogne, et recognut tenir de lui en fief la maison forte de Renevettes (2). » Fontaine, comme la plupart des villes, bourgs et villages de cette époque, était soumis à la mainmorte. Mais vers 1215, Hugues de Montréal, évêque de Langres et parent du duc de Bourgogne, voulut en affranchir les habitants du consentement du duc et de Guillaume de Vergy, leur seigneur.
Il ratifia en 1216 le traité par lequel le duc Eudes s'obligeait à donner à Hugues de Vergy, son père, la sénéchaussée de Bourgogne et le retour à lui et à ses descendants du château de Vergy.
Il devint en effet sénéchal (3) en 1219 et donna sous Ce titre plusieurs libertés et franchises à ses hommes
(1) Hommelige signifiait vassal, qui reconnaît un maître, un suzerain.
(2) Histoire de lamaison de Vergy, 1625.
(3)Le sénéchal ou dapifer était, suivant un auteur, un officier qui avait soin de la maison des rois, recevait leurs revenus, réglait leurs dépenses et les servait à table les jours de cérémonie. Il présidait à tous les conseils, dirigeait aussi les finances de l'Etat et commandait
chef les armées.
de Mirebeau et de Fontaine, du consentement de Clémence, sa femme.
En 1223, il les affranchit définitivement et fonda à Mirebeau un hôpital pour les pauvres ; il fit plusieurs dons aux abbayes et aux églises et octroya entre autres à l'abbaye de Collonges (aujourd'hui la ferme de Collonges vers Broyé) dix hémines de bled, moitié froment moitié avoine, à prendre sur les terres de Fontaine, pour célébrer son anniversaire.
Voici la traduction du titre en latin qui se trouve aux archives du château de Fontaine.
« Fait savoir à tous ceux qui ces présentes lettres verront, que Guillaume de Vergy, d'heureuse mémoire, sénéchal de Bourgogne, étant dans son lit malade, mais très sain d'esprit, a donné à Dieu et à la bienheureuse Marie de Bellemont, et à ses soeurs servant Dieu avec elle, à perpétuité, et par pure aumône, et à la condition de faire un service tous les ans pour le repos de son âme, dix hémines, moitié bled, moitié avoine, à percevoir chaque année vers la fête de Saint Martin d'hiver, à Fontaine (apud Fontanas) à la mesure de ce lieu, cette aumône faite du consentement de Clémence de Fouvent et dame de Mirebeau, femme dudit seigneur de Vergy, Henri et Guy, leurs enfants, y donnant leur plein consentement, sur la foi du serment, et se soumettant à l'excommunication de l'évêque de Langres qui existe alors, et à l'interdiction de leurs terres si eux ou leurs héritiers revenaient jamais contre cette aumône.
« En foi de quoi, et pour que ce soit chose stable à perpétuité, nous, Etienne, abbé de Theuley, après avoir pris le serment d'Henri et de Guy, avons signé le présent avec ladite dame Clémence. Fait l'an
1241 depuis l'incarnation de Notre Seigneur (1). »
En 1228, il acquit la moitié de la ville de Champlitte (Channitte) de Eudes II, châtelain de Gand.
Ce Eudes II, dit le Champenois, avait épousé Eudette, fille de Guillaume de Vergy, qui possédait cette moitié de Champlitte. Trop éloignés de cette terre et de Fouvent et ayant besoin d'argent, Eudes et Eudette vendirent à Guillaume tout ce qu'ils possédaient en Bourgogne pour 7.200 livres parisis, ainsi que le constate une charte de 1228 « du dimanche le plus proche avant l'Assomption de la Bienheureuse Vierge Marie ».
L'autre moitié de Champlitte appartenait à Philippe d'Antigny.
Devenu seul possesseur, à la mort de Henri, son beau-frère, 1228, de la terre de Fouvent, par le droit de Clémence, sa femme, Guillaume I en eut toute la baronnie dont dépendaient plus de dix-sept villages et soixante fiefs (2), qu'il reprit en foi et hommage de Hugues II, évêque de Langres, le lendemain de la Saint-Denis en l'an 1228, « sauf les droits de l'évesque en tout ».
En 1228, Guillaume de Vergy (premier du nom) possédait en outre la maison forte de Beire, comme seigneur suzerain (3).
En 1230, il assista à l'assemblée des barons de Erance, que le roi saint Louis avait convoqués dans la ville de ^lelun, où fut rendue la célèbre ordonnance contre les Juifs habitant le royaume. Guillaume jura de
(1) Archives du château. Le titre en latin a été envoyé par Mme Esmaugart, abbesse de Bellemont, à M. de Saint-Jullien, par lettre (datée de Bellemont, le 10 mars 1775.
(2) Histoire de la maison de Vergy (1625).
(3) Histoire de Beire, par M. l'abbé Bourgeois.
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l'observer et la scella de son sceau, avec tous les seigneurs présents.
« En 1233, sept jours après la nativité de saint Jean-Baptiste, Guillaume I de Vergy promit à l'évêque de Langres, que ni lui ni ses héritiers ne fortifieraient la montagne de Montcierge (1), par lettres insérées en la page 184 des preuves de Duchesne. L'an 1234, Thibaut de Champagne lui fit pareil hommage (2). »
Suivant l'Histoire de la maison de Vergy, ces lettres seraient datées de juillet 1231, septième jour après les octaves de la Nativité de saint Jean-Baptiste.
En 1234 il donna à l'église de Theuley la moitié du fief de Percey-le-Grand.
En 1236 « il reprint de luy mesme évesque Robert (de Langres) en fief la maison et ville de Fontaine avec toutes les appartenances, du consentement de Clémence, sa femme, jurant de la lui livrera grande et petite force quand il en aurait besoin, moyennant la somme de sept cents livres reçues depuis à Bourg. Ce que le duc Hugues son neveu confirma par lettres scellées de son scel (3). » Cet hommage, confirmé par le nouvel acte de 1238, approuvé le 8 novembre par le duc de Bourgogne, fut confirmé par Lettres patentes du roi de France.
Voici les preuves de ces donations et reprises de fief que je tire des titres en latin du château de Fontaine, des lettres qui se trouvent au Trésor des Chartes du roi et du cartulaire des fiefs de l'évêché de Langres. 1236. « Je Guillaume de Vergy, sénéchiaus de Bourgoigne
(I ) Montagne très élevée est très propre à être fortifiée, au-dessus de Percey-le-Grand.
(2) Anastase de Langres.
(3) Histoire de la maison de Vergy, et archives du château de Fontaine-Française.
et segnor de Fouvenz faz scavoir as présens et futurs qui ces presentes lettres verront que suivant la volonté et le consentement de ma trez chère espouse Clémence, dame de Fouvenz, je ay reçu au fief de mon vénérable père et segnor Robert, par la grâce de Dieu, evesque de Laingres et de ses successeurs les évesques de Laingres, ma maison de Fontaines jurable et rendable à grande et petite force avec la vile de Fontaines et totes les appartenances et dépendances de la dite ville, en tesmoignage de ceste chose, je et la devant dite Clémence mon espouse aposons de sur la présente lettre la puissance de nos seaux. Faict l'an de grâce MCCXXXVI au mois de mars le lundy jour de la scène après le dimanche où on cante l'Invocabit me. » (6 mars 1236).
4238. « Guillaume de Vergy, sénéchiaux de Bourgoigne, à tos cels qui verront la présente lettre salut et dilection. Vos aurez congnu que des septante livres que nostre vénérable père Robert par la grâce de Dieu evesque des Langrois nous avoit doné par nostre maison de Fontaines que nos avons reçu de luy-mesme en fief, homage nos avons en nostre gratum en argent compte, etc. En tesmoingnage de ceste chose nos avons livré la présente lettre fortifiée de la puissance de nostre scel. Doné près de Bourg le Dimanche où on cante Reminiscere l'an du Seigneur MCCXXXVIII. » (C'est le 2e dimanche du Carême)
1238 « Je Hugues, duc de Bourgogne fas sçavoir à tos lez présens et futurs, que icelui constitué en ma présence mon trez cher oncle et mon fidèle Guillaume de Vergy, sénéchaulx de Bourgoingne et seigneur de Fontaines a recognu que lui mesme avoit reçu en fief et homage sa maison et la ville de Fontaines avec
totes ses dépendances de mon vénérable père et renduable, par la grâce de Dieu, Evesque de Lengres et de ses successeurs les Evesques de Lengres, jurable et renduable à grande et petite force ; Assurant à celles la maison et la vile de mes dites avec les dépendances avoir esté jusque à présent alleud (c'est-à-dire de franc-alleu n'étant susceptible d'aucune charge) promettant aussi lui devoir porter garantie contre tos au mesme Evesque et à ses successeurs les Evesques de Lengres pour cela comme pour son propre alleud. En tesmoing de laquelle chose je ay fait la présente lettre à la demande du dit Guillaume mon oncle, fortifiée de la puissance de mon scel.
« Fait l'an du Seigneur MCCXXXVIII ou mois de novembre. » (C'est la confirmation de la reprise de fief du 6 mars 1236.)
L'Histoire des évêques de Langres dit qu'à cette occasion Guillaume renonça à Bèze (bourg et abbaye).
En effet en 1237, Guillaume de Vergy reconnaît qu'il n'a aucun droit de garde sur le bourg et l'abbaye de Bèze, sans la volonté expresse de l'évêque de Langres, à qui en appartient la justice temporelle. Il promit alors son secours au prélat toutes les fois qu'il en serait requis (1).
La même année, 1237, Guillaume ratifia un arrangement survenu entre lui et Gérard de Montigny, son vassal, et l'évêque de Langres, touchant la seigneurie de Montigny-sur-Vingeanne.
Guillaume mourut le 18 janvier 1240 laissant trois enfants, Henri, Guy et Hugues.
Par la mort de ses frères, Henri devint le seul héritier de toutes les seigneuries de son père.
(1) Histoire des évêques de Langres.
Avant d'aborder l'histoire de son temps, je crois, intéressant de parler de la lèpre et des léproseries.
Il est bon de dire d'abord que c'est vers 1220, avant le règne de Louis VIII, que la lèpre fut rapportée par les croisés, en revenant de la Terre-Sainte et que Guillaume de Vergy fonda aussitôt la léproserie de Fontaine. Cette léproserie ou malaclrerie fut bâtie près de l'emplacement actuel de la Borde, contre la source du petit ruisseau de ce nom qui tombe dans l'Etang-Dessus.
La principale rue de Fontaine, celle qui va de la place à la Borde, porte encore le nom de rue de la Maladière.
Le lecteur me saura gré, j'espère, de lui donner quelques détails sur les léproseries, les mesures prises contre les malheureux lépreux et la triste existence qu'ils menaient.
On donnait aux léproseries diverses dénominations : telles que maizelleries, ladreries, maladreries, maladières, mazelleries, bordes. Ces asiles étaient le plus souvent dédiés à saint Ladre ou Lazare.
On donnait aux lépreux les noms de maiseuls, maizaux, ladres.
Boudot, dans son Histoire du canton de Mirebeau, nous dit, page 171, à propos de maladrerie ou léproserie : « Louis VIII, dans son testament fait en 1224, légua 100 sols qui reviennent à environ 84 francs d'aujourd'hui, à chacune des deux mille léproseries de son royaume.
« On chassa les lépreux des villes, les campagnes se couvrirent d'hôpitaux ; elles ne retentirent que du bruit des cliquettes, sorte de castagnettes, que devaient porter ces infortunés pour avertir les gens sains, qui ve¬
naient à leur rencontre, de s'éloigner au plus tôt.
« Les lépreux devaient toujours se tenir au-dessous du vent quand quelqu'un leur parlait ; sonner leur tartavelle (espèce de crécelle) quand ils demandaient l'aumône ; ne point sortir de leur borde (grange), sans être vêtus de la housse ; ne boire en aucune fontaine ou ruisseau qu'en celui qui est devant la borde ; avoir devant cette fontaine une écuelle fichée sur un droit bâton ; ne passer ponts ni planches sans gants ; ne point sortir au loin sans congé ou licence du curé et de l'official ; n'habiter avec autres femmes que les leurs, car cette maladie avait cela de singulier qu'on disait de l'épouse d'un lépreux : felix uxor leprosa juncta marito. »
La lèpre était devenue si commune en France qu'il fallut permettre aux familles des lépreux d'avoir, dans bien des localités, leurs paroisses particulières.
On était obligé, pour éviter la contagion, de traiter les lépreux avec beaucoup de rigueur. Dès qu'un homme portait sur lui les marques de la lèpre, on avertissait le curé ; celui-ci assemblait aussitôt son clergé, allait en procession à la maison du lépreux qui attendait à sa porte couvert d'un voile noir, ou d'une nappe telle qu'on en met sur les cercueils ; le prêtre faisait sur lui quelques prières, ensuite la procession retournait à l'église ; le lépreux suivait le célébrant à quelque distance. Arrivé à l'église, il entrait dans le choeur et se plaçait au milieu d'une chapelle ardente, comme un corps mort ; on chantait une messe de requiem et à l'issue de l'office on faisait autour du lépreux des encensements et des aspersions et on disait les libera.
Il sortait alors de l'Eglise, la procession le conduisait au cimetière ; mais quand il y eut des hôpitaux, des bordes, elle l'y conduisait au milieu des chants
lugubres et le prêtre lui faisait des exhortations à la patience et à la résignation ; ensuite on lui faisait défense expresse, ce qu'il jurait d'ailleurs, d'approcher qui que ce soit, de ne rien toucher de ce qu'il devait demander à acheter avant que cela lui appartînt, de n'entrer dans aucun lieu de réunion, églises, maisons, tribunaux ; de ne point regarder dans les puits, les fontaines; de n'y point laver ses pieds, ses mains, son linge, ses vêtements ; de ne se servir que de son baril et de sa tasse pour boire.
La lèpre n'était pas le seul fléau qui décimait les populations, elle avait pour auxiliaires la peste noire et la mûrie de la bosse, terribles maladies qui tuaient infailliblement ceux qui en étaient atteints.
Nos pays ont dû horriblement souffrir de ces fléaux, car de tous côtés, à Autrey, Bèze, Sacquenay, Beaumont, Mirebeau, on établit des maladreries.
Il me semble maintenant utile de faire connaître un peu les coutumes, les moeurs, et les habitudes de l'époque qui nous occupe.
Fontaine, par la volonté de l'Evêque de Langres, en 1215, fut affranchi de la mainmorte, c'est alors que le nom de Bourg lui fut donné.
On n'attribuait, en effet, la qualité de Bourgs, au XIIIe siècle, qu'aux lieux francs de la mainmorte et les seigneurs, qui ont établi des bourgs près de leurs châteaux, déclaraient que ceux qui y habiteraient seraient de franche condition. Les hommes de ces bourgs portèrent alors le nom de Bourgeois, ce qui signifiait homme franc (1).
C'est de cette époque que date la franchise de Fon-
(1) Histoire du Comté de Bourgogne, de Dunod.
taine. On verra plus loin que ce bourg a obtenu d'autres privilèges tout aussi importants.
Dès ce temps les seigneurs faisaient de grandes donations aux monastères. Ces donations étaient assurées par les garanties les plus solennelles et très souvent elles étaient sanctionnées par le consentement authentique du suzerain et des héritiers directs ou collatéraux.
Toutes ces précautious étaient fort utiles car trop souvent le brigandage remplaçait le droit.
Pour rendre ces donations plus sacrées on établit l'investiture de la propriété cédée, qui se donnait en Bourgogne et autres lieux, soit par le vêtement, dont le donateur ou le vendeur se dépouillait pour en revêtir le donataire ou l'acquéreur, soit par la porrection de petits bâtons, qui, en passant d'une main à l'autre, symbolisaient la transmission de la chose donnée. On échangeait ensuite des serments sur le livre des saints Evangiles, et les personnages les plus considérables étaient appelés à signer les actes et à y apposer leurs sceaux.
Avec la création des chancelleries, des officialités, des prévôtés et enfin des offices de notaires ou tabellions, ces usages tombèrent en désuétude et les nouvelles prescriptions légales donnèrent plus de garantie et de stabilité aux chartes de ventes, de donations, de transactions et de transmissions.
Dans le XIIIe siècle, on fouettait publiquement à la porte des monastères ou des églises ceux qui avaient à se faire pardonner ou absoudre de certains crimes, tel est le cas d'un nommé Qorbor, en 1221, qui, pour s'être battu dans un cimetière, fut fouetté, à la porte du monastère de Bèze, le lendemain de l'Assomption.
La cérémonie de l'absolution de l'excommunication était toute religieuse : un prêtre, à la porte de l'église, accompagné de plusieurs autres en surplis, demandait à l'excommunié s'il voulait subir la pénitence pour les crimes qu'il avait commis. L'excommunié demandait alors pardon, recevait des coups de verge, des prières étaient dites et enfin le coupable absous rentrait dans l'église (1).
Vers 1232, Guillaume I deVergy, seigneur de Fontaine et de Mirebeau, « fonda une grande messe pour quatre mesures de blé, après laquelle on donnait un repas de pois ou d'andouilles aux officiers de justice, recteurs d'écoles, chantres et autres » (2). C'était, il faut l'avouer, une singulière coutume.
L'année de sa mort Guillaume de Vergy fit un don considérable pour l'époque à l'abbaye de Cîteaux, ainsi que cela résulte d'une pièce en latin que j'ai copiée aux archives, Cartulaires de Citeaux, n° 168, Page30, au n° 40. En voici le sommaire en français :
« Tout le monde sait que le duc Guillaume de Vergy d'honorable mémoire, oncle maternel du duc Hugues, dlustre duc de Bourgogne dans la plénitude de son intelligence, a légué par ses dernières volontés, à Cîteaux, dix scolarios (émines) de froment à prendre sur les revenus de la ville fortifiée dudit duc Guillaume, lui s'appelle Fontaine les Françoises (3). »
La dixme de Dieu, ou dixme ecclésiastique n'était
(1) Boudot, page 161.
(2) Boudot, page 3.
(3) On voit qu'en 1240 Fontaine était une ville fortifiée. Elle avait alors
une certaine importance surtout à cause de sa position frontière. On
sait qu'un plan de 1640 indique encore trois portes à Fontaine-Française.
pas très forte alors, elle ne consistait le plus souvent qu'en une seule gerbe au journal.
Voici un aperçu de divers prix des objets de première consommation en 1229. Dans les privilèges de la ville d'Auxonne, il est dit que l'hesmine de bled de Dijon pesait 480 livres (c'est beaucoup moins que notre ancienne hesmine qui pesait 800 livres. On se sert encore de cette expression dans le langage usuel).
La valeur de cette hesmine de 480 livres était de 40 sols.
Cent oeufs à Pâques valaient 3 sols 6 deniers.
Quarante-cinq poules... 11 livres.
La nourriture d'un cheval était d'un denier par jour (un sol valait 12 deniers).
L'aune d'étoffe de laine fabriquée à Beaune, comme le droguet de Fontaine, se vendait 10 sols. Huit aunes suffisaient pour habiller un homme et une femme, ce qui faisait 40 sols par personne (1).
Guillaume I de Vergy mourut le 18 janvier 1240.
Henri Ier de Vergy, de 1240 à 1258
Henri I du nom, fils aîné de Guillaume I, seul héritier de son père, par la mort de ses deux frères Guy et Hugues, devint sénéchal de Bourgogne, seigneur de
(1) L'émine de blé vaut aujourd'hui en moyenne cent francs, le cent d'oeufs cinq francs, la poule deux francs, la nourriture d'un cheval un franc cinquante, l'aune d'étoffe de laine cinq francs, quatre aunes d'étoffe vaudraient donc vingt francs au lieu de quarante sols par personne.
Fontaine, d'Autrey, de Mirebeau, de Champlitte, de Fouvent, de Fahy, etc.
Il se reconnut homme lige de Mahaut, comtesse de Nevers, en 1241. « Il délivra pareillement à Hugues III, évesque de Langres, son château et ville de Fontaine, pour en ordonner ainsi qu'il lui plairait, suivant la charte de Guillaume, son père, et Clémence de Fouvent, sa mère, laquelle charte il ratifia en aoust 1246. Il confirma les libertez et franchises octroyées par son père aux habitants de la ville de Mirebeau du consentement de son épouse, en 1248 (1). »
L'abbé Mathieu, dans son Histoire des évêques de Langres, page 108, dit : « Henri I de Vergy, ayant besoin d'argent, a recours à Hugues III, évêque de Langres, son suzerain, pour une somme de 300 livres langroises (2) ; il lui donna en paiement son château de Fontaine-Française avec toutes ses dépendances, et reconnut tenir de lui les revenus quelconques de cette terre. Il attesta, par un autre diplôme, qu'il a remis le château entre les mains du prélat qui en ordonnera selon sa volonté et son bon plaisir ; et il ajoute que son bailli et ses autres officiers ont juré fidélité à l'évêque, comme à leur seigneur. »
D'un autre côté, je lis dans l'Anastase de Langres que Hugues III, dit de Clugny, 65e évêque de Langres, en 1240, reçut au mois d'août, de Henry de Vergy, « son-chasteau et ville de Fontaine, suivant les lettres de Guillaume, son père, et de Clémence, sa mère, qui
(1) Histoire de la maison de Vergy, 1625.
(2) Dès 874 Charles le Chauve accorda à Isaac, évêque de Langres, le droit de battre monnaie. Les pièces s'appelaient Lingoin ou Langoin ; la livre langroise valait 12 livres 2 sols 2 deniers. Ce droit exista jusqu'à François Ier.
se lisent chez du Ghesne, livre IVe, chapitre II, en la page 193 des preuves. »
« Cet évêque, suzerain de Fontaine, accompagna saint Louis à la septième croisade en Terre Sainte, même à Damiette, où il mourut le 18 mars 1239. »
C'est peu après que saint Louis fut pris par le Sultan, devant cette même ville, le 5 avril 1250.
Henri avait épousé, en 1248, Elisabeth de Ray, soeur de Jean, sire de Ray, lequel avait épousé Yolande de Choiseul.
En 1252 il reconnut que son château de Fouvent était jurable et vendable à grande et petite force à l'évêque de Langres ainsi que son père l'avait fait.
L'évêque de Langres, Hugues III de Rochecorbon, s'étant plaint qu'Henri de Vergy avait fait construire une forteresse sur la montagne de Montcierge, à Percey-le-Grand, Henri lui donna, sous le sceau de Hugues, duc de Bourgogne, son cousin germain, une déclaration contenant qu'il n'avait pas le droit d'élever aucune construction, ni ville, ni forteresse, en ce lieu sans le consentement de l'évêque. C'est alors que le duc de Bourgogne, qui appelait Henri noble baron, lui donna ce qu'il possédait à Montsaugeon.
En 1254 vivait Simonnet de Beaumont, dit Rigneria ; son cousin, Jean de Vergy, sénéchal de Bourgogne, qui devint en 1258, seigneur de Fouvent, Autrey, Mirebeau, Fontaine, Port-sur-Saône, Morey, Mantoche, etc., etc., lui succéda dans la seigneurie de Beaumont-sur-Vingeanne (1).
Henri, comme seigneur de Mirebeau, signa en avril 1254, un traité passé entre Robert, sire de Beire, et
(1) Boudot, Histoire de Mirebeau, page 84.
l'abbé de Bèze. Ce traité fut scellé des sceaux de l'abbé de Saint-Etienne de Dijon et de Monsignor Henri, aussi seigneur de Fontaine et suzerain de la maison forte de Beire (1).
C'est sous Henri I de Vergy que Fontaine commença a prendre la dénomination de Française. En effet sur un titre de 1247 de la Romagne, ancienne comman-derie de Malte, située près de Saint-Maurice-sur Vingeanno, on lit Fontes-Francisci.
Mais je crois que ce mot de Française a dû être ajouté à Fontaine beaucoup plus tôt (2).
Ne serait-ce pas vers 1001 (quoique aucun titre ne l'indique), c'est-à-dire lors de l'annexion du duché à la couronne de France?
L'an 1256, Henri reçut de Hugues, palatin de Bourgogne, et d'Alix, sa femme, la montagne de Montcierge, a Percey-le-Grand, sur laquelle il ne devait établir aucune fortification (3), ainsi que je l'ai dit plus haut.
C'est depuis cette donation que les seigneurs de Fontaine étaient aussi seigneurs de Percey-le-Grand. On verra plus loin que les la Tour-du-Pin ont encore possédé, dans le XIXe siècle, une partie de ce fief donné a Henri de Vergy.
Ce seigneur mourut le 27 octobre 1258 et fut inhumé dans l'église de l'abbaye de Cherlieu.
Sa femme mourut le 1er avril 1277, laissant trois fils, Guillaume, Jean et Henri.
Guillaume fut sénéchal de Bourgogne, seigneur de Mirebeau et d'Autrey.
(1) Histoire de Beire.
(2) La donation de Guillaume de Vergy, 1240, dit déjà : « ... sur les « revenus de la ville fortifiée qui s'appelle Fontaine-Françoises. »
(3) Anastase de Langres.
Henri fut chanoine de Langres et ensuite revêtu de la dignité de chantre du chapitre de Besançon. A la mort de son frère Guillaume il eut une partie de la seigneurie d'Autrey.
Guillaume mourut sans postérité en 1272, laissant ainsi veuve Lore de Lorraine qui eut Autrey dont elle fit hommage en 1281 à Othe, comte de Bourgogne (1).
Jean I de Vergy, de 1258 à 1310.
Jean I du nom, qui continua la lignée des Vergy; fut aussi sénéchal de Bourgogne par hérédité, et, par la mort de son frère, devint seul possesseur du patrimoine de ses pères, et seigneur de Fouvent, Champlitte en partie, Autrey, Mirebeau, Fontaine,Port-sur-Saône, Morey, Mantoche, etc. (2).
Il porta d'abord le titre de seigneur de Fouvent (son aïeule Clémence, dame de Fouvent, vivant encore) et c'est sous ce nom qu'il épousa Marguerite de Noyers, fille de Mile, seigneur de Noyers.
Jean ratifia toutes les donations de ses aïeux, foi et hommage. Il confirma en 1276 à l'abbesse et aux religieuses de Collonges les deux hémines de bley que feu Henri de Vergy, son père, leur avait octroyées et les dix autres hémines sur les rentes de Fontaine, de la donation que Guillaume de Vergy, son aïeul, leur avait faite et leur donna aussi entre autres Voulon et Maigny.
(1) Histoire d'Autrey.
(2) Histoire de la maison de Vergy.
« En réparation de divers dommages que ses gens avoient faits sur la terre de Guy, évesque de Langres, il reprint de luy en fief-lège, au nom de l'Eglise de Langres, la maison forte de Montigny-sur-Vigenne, la ville et tout le finage, la Villeneuve, Champis, Thoarz, Mornai, avec la dixme de Poilly ce qu'il fit au mois de mars 1277 (1). »
Les religieux de Bèze ayant offert au roi de France une partie de leur terre de Lantilly, pour qu'il prît le monastère sous sa garde et protection, Jean de Vergy, sire de Fouvent, seigneur de Fontaine-Française, séréchal de Bourgogne, s'y opposa, prétendant qu'il tenait des moines, moyennant redevance, la garde générale de l'abbaye, composée du bourg de Bèze, Lantilly, Viévigne, Saint-Seine, etc.
Il fut effectivement maintenu dans son droit par traité de juin 1275 (2).
La même année l'abbé de Bèze, moyennant redevance, plaça son monastère sous la garde et protection de Jean de Vergy, conformément au traité.
Il donna des preuves de valeur en plusieurs occasions. En 1282, il accompagna le duc Robert de Bourgogne en Italie, dans l'expédition de la Pouille, Pour venger les Français indignement massacrés à la journée des Vêpres Siciliennes et porter du secours à Charles, roi de Sicile.
« Vers 1280, Jean reçut en sauvegarde des marchands d'Ast (des Juifs) demeurant dans ses châteaux, avec Permission d'aller, venir et commercer. Il les affranchit
(1) Histoire de Vergy.
(2) La taxe de ce droit de garde était d'environ 20 sols par an et Par paroisse (Boudot, page 63).
de tous péages, chevauchées, rentes, corvées, héminage et autres coutumes, et ordonna que ni eux ni leurs familles ne seroient appelés en champ de bataille. »
Qu'avaient donc fait les juifs au seigneur Jean de Vergy pour qu'il leur accordât tant d'immunités ?
Comme seigneur suzerain de la maison forte de Beire, Jean revêt, en mars 1290, de son sceau, une reprise de fief faite par Othes, sire de Beire, au duc Robert de Bourgogne (1).
Philippe, comte de Vienne, seigneur de Pagny (2), ayant eu de grands démêlés avec le duc de Bourgogne à l'occasion d'une vente que ledit Philippe avait faite au duc de plusieurs fiefs et châteaux qu'il refusait de livrer, Jean de Vergy et Guillaume de Montaigne eurent le soin d'arranger cette affaire et une transaction fut signée en l'an 1294, le mercredi après les Bordes (3).
Il fut désigné dans le testament de Robert, duc de Bourgogne, en 1297, comme chef du conseil de son fils pendant sa minorité, et de nouveau nommé dans le codicille de ce testament au moment où il accompagna ce duc en 1302, pour faire la guerre à la Flandre soulevée contre le roi Philippe le Bel.
En 1297, Jean de Vergy fit bâtir la chapelle qui a existé jusqu'en 1536 et qui se trouvait devant le château de Fontaine-Française, vers la tour de l'angle du nord, contre le chemin de France.
(1) Archives de la Côte-d'Or.
(2) Pagny-le-Château, vers Seurre, qui appartint plus tard à Jean do Vienne, seigneur de Fontaine, de 1385 à 1427.
(3) Histoire de Pagny. Le dimanche des Bordes est le 1er dimanche du carême. On avait l'habitude, d'ailleurs perpétuée jusqu'à nos jours, de faire sur les hauteurs, à la tombée de la nuit, de grands feux qu'on appelait feux de hordes ou des brandons.
« En 1302, le 5 août, le roi écrit au seigneur de Vergy, le prie et requiert de s'acheminer le plus hastivement qu'il pourra ès parties de Flandres, afin d'être à Arras le jour de la Semonce (1). »
En 1303, Jean de Vergy accorde aux habitants certains droits dans ses bois. Voici un extrait de la charte qui les octroie :
« Nous Jehanz de Vergey seneschauz de Bourgoigne faicons à savoir a touz que nous avons doné en héritaige
héritaige touzjorz a nos prodomes de Fontaines
lou passege de touz nos boiz de touz nos booisons et de totes les aiges de la fin de Fontaines, de pomes, de poires sauvaiges, de glan de faine, de charmine, de perneles, de civeles, de botons et de touz aultres fruy des quex porc... en tel menière que chasque pors devra chascun an six deniers de la monot corant au
luc (2). »
On devait payer les six deniers à la Saint André, mais sans faire amas, seulement les porcs de la ville (de Fontaine) et leur nurrien à peine de 61 sols d'amende. Défense aussi est faite de cueillir les fruits :
« Et les volous que sera trouvez cuellant ou aportant glan ou fayne en motant de plain poin qui soit an
l'amende de soixante et eine solz et permettons
an bonne foy a touz les prodomes de la ville que nous ne ferons amas de pors se lez autre prodomes ne lou
font en tesmoignaige de la quele chose nous avons
scelée ceste lectre de nostre scal, faicte et donée en lan de grâce mil trois cenz et trois (3). »
(1) Histoire de Vergy.
(2) Archives du château.
(3) Ibid.
En 1309 il octroya aux religieux de Theuley la justice de Percey-le-Grand, pour fonder son anniversaire et celui de sa femme. Il fut enterré dans leur église, en 1310, année de sa mort, sous une tombe plate, derrière le grand autel, avec une inscription en vers latins où il est qualifié de « Noble et gracieux à tous, défenseur de l'Eglise et dévot serviteur de la bienheureuse Vierge » (1).
Dans la même année, il avait largement doté l'église de Fontaine en particulier et beaucoup d'autres de sa vaste seigneurie.
Jean I de Vergy laissa cinq enfants :
Henri II de Vergy, sénéchal de Bourgogne, seigneur de Fouvent, Autrey, Champlitte, etc., qui continua la postérité des aînés; il avait épousé en 1298 Mahaut de Dammartin, dont il eut Philiberte, inhumée en 1318 dans l'église de Fontaine où sa tombe existe encore.
Guillaume III du nom, seigneur de Vergy, de Mirebeau et de Fontaine, qui commença la branche des seigneurs de Mirebeau.
Henri, chanoine de Langres,
Hélissard, mariée au comte de Vaudemont, Et Jeanne de Vergy, qui épousa Artaut, seigneur de Roussillon. Elle eut en dot une partie de la terre de Fontaine « vulgairement appelée Fontaines Françoises, comme on apprend de deux tiltres des années 1323 et 1338. Mais étant décédée sans lignée, la seigneurie de Fontaines demeura entière à Guillaume de Vergy, seigneur de Mirebeau, son frère (2). »
(1) Histoire de Vergy.
(2) Ibid.
C'est au XIIIe siècle que les baillis succèdent aux comtes et aux vicomtes.
Depuis cette époque Fontaine a fait partie, jusqu'au XVIIIe siècle, du grand bailliage de Dijon, qui comprenait deux villes : Dijon et Talant ; sept bourgs : Is-sur-Tille, Mirebeau, Saulx-le-Duc, Selongey, Fontaine-Française, Gemeaux et le Fays-Billot, ce dernier quoique enclavé dans la Champagne ; en outre quatre-vingt-dix paroisses, trente-huit annexes, cent vingt villages et hameaux (1).
En 1294 une loi somptuaire défendait de donner au grand mangier, au souper, plus de deux mets et un potage au lard, sans fraude ; et au petit mangier, au dîner, plus d'un mets et un entremets.
Aux jours de jeûne, on ne devait servir que deux potages aux harengs et deux mets (2).
C'est dans le XIIIe siècle que la langue a été divisée en deux dialectes distincts, savoir :
La langue d'Oc ou du Midi,
La langue d'Oil ou du Nord; romane, wallonne, elle fut plus tard notre français.
Leur dénomination vient du mot employé dans chacune d'elles pour exprimer le oui.
Dans le Midi on disait oc pour oui, et dans le Nord oïl.
Cette expression est conservée dans le patois de nos pays. On dit familièrement uail pour oui, venant certainement d'oïl.
(1) Courtépée. (2) Ibid.
Dès le XIIIe siècle, et peut-être bien avant, la seigneurie de Fontaine était une châtellenie, parce qu'elle possédait un château-fort et que le seigneur, son maître, était châtelain haut justicier.
Il avait le droit de remparement, droit aux grands écharguets, droit de retro hauts ou retrayants. Ce qui signifie que les habitants devaient réparer les remparts et faire les grands services de guet et de garde.
Pour marquer la haute justice du seigneur il y avait, on l'a déjà vu, les signes ou fourches patibulaires à quatre piloris ou piliers et la grosse tour carrée du château appelée le donjon (1).
Les manoirs des vassaux inférieurs, qui n'avaient que moyenne et basse justice, étaient simplement munis de tourelles et de murs crénelés.
Au lieu de fourches patibulaires, les signes de ces juridictions étaient, comme on le sait, le simple pilori, espèce de colonne munie de carcans.
La basse justice n'avait pas de signes patibulaires, elle prononçait simplement les amendes de cinq sols au maximum.
Les châtelains proprement dits ont cumulé les deux autorités judiciaires ou civiles et militaires jusqu'à Louis XIV.
A partir de cette époque, ils cessèrent d'être gens d'épée et ne furent plus que des officiers de justice.
(1) A Fontaine cette tour était dans la courtine faisant face à la rue du Château appelée aussi rue des Ormeaux, aujourd'hui rue de la Tour-du-Pin. Voir le plan du donjon dressé en 1727 par Cheuzy.
Guillaume III de Vergy, de 1310 à 1360.
Guillaume III, second fils de Jean I de Vergy, seigneur de Mirebeau, Fontaine-Française, Bourbonne, etc., lieutenant général et gouverneur du Dauphiné, « portait les armes de Vergy brisées d'une bordure d'argent, et eut pour partage la terre et seigneurie de Mirebeau, avec une partie de Fontaines-Françoises, lui comme on scay lui demeura entière après la mort de sa soeur Jehanne de Vergy, comme l'on peut recueillir des deux lettres franchises octroyées l'une au mois de juin 1323, à Perrenin dit Briot de Fontaines, l'autre à Jehan, fils de feu Estevenin le Barbier, du mesme lieu de Fontaines, passé au chasteau de Mirebeau le second jour du mois de may 1338 (1). » Voici le dispositif de ces lettres :
« Extrait des tiltres de la terre de Fontaines-Françoises, 1323. Lettres de Guillaume de Vergy, seigneur de Mirebel, Fontaines-Françoises, et de noble dame Jehanne de Vergy, sa soeur, par lesquelles ils confirment les franchises octroyées à Perrenin dit Briot, dudit Fontaines, tant par deffunt messire Jehan de Vergy, sénéchal de Bourgogne, leur père, que par messire Henry de Vergy, leur frère, quand il tenoit et possédoit lesdites Fontaines-Françoises. Données l'an de N. S. courant 1323 au mois de juin.
« 1338. Lettres de Guillaume de Vergy, sire de Mirebeault et de Fontaines, par lesquelles pour les bons
(1) Preuves de l'Histoire de Vergy, livre VIII.
et agréables services que Jehan, fils de feu Estevenin le Barbier de Fontaines-Françoises, lui a faict et faict toujours de jour en jour, en rémunération desdicts services il donne et octroie audit Jehan et à ses hoirs perpétuelle franchise et pleine liberté. Faict en son chasteau de Mirebeau, le second jour du mois de may de l'an de grâce courant 1338 (1).
En 1325, Fontaine eut à souffrir de certains malfaiteurs ainsi qu'on va le voir, d'après Boutaric.
« Mandement au bailli de Mâcon de punir Rigaud « de Sancto Morre », et Richard, « de Columbario », écuyers, et leurs complices, prévenus d'avoir pénétré, avec des armes prohibées, dans la ville appelée Fontaines-Françoises, d'y avoir enlevé différents objets et plusieurs habitants qui se mirent à crier : Aboc, aboc (cri bourguignon qui se faisait dans le tumulte). A ce cri, d'autres habitants accoururent dont trois furent tués par les malfaiteurs. In requestis, per laycos Gorgem (2). »
Guillaume épousa en premières noces Isabeau de Choiseul, dame de Bourbonne (3). Il en eut plusieurs enfants au nom desquels il reprit en fief-lige de Philippe de Valois, roi de France, « le chasteau de Bourbonne avec 400 livrées de terre assises sur la chastellenie d'iceluy et en la ville de Courchamp-sur-la-Vigenne, de franc-alleu, en 1338 (4).
(1) Histoire de Vergy, page 365.
(2) Actes du parlement de Paris 1254 à 1328, Boutaric 1863 à 1867, n° 7689, Fontaine-Française, ville, 27 mars 1325, page 589, vol. II. (Criminel III, fol. 181, verso).
(3)On verra au XVIIe siècle les seigneurs de Fontaine s'allier de nouveau à la maison de Choiseul.
(4) Histoire de Vergy.
Il se maria en secondes noces avec Agnès de Durnay, et quelques mémoires lui attribuent avec raison une troisième femme, Jeanne de Montbelliard (1).
De ce troisième lit naquit Henriette de Vergy, dame de Fontaine-Française, qui épousa Jean de Longvy, damoiseau, seigneur de Beaumont-sur-Cerain, tué en Hongrie dans la guerre contre les Turcs.
Les auteurs ne sont pas d'accord sur la naissance d'Henriette de Vergy : les uns lui donnent pour mère Agnès de Durnay et les autres Jeanne de Montbelliard. Ces derniers ont assurément raison, car la preuve en est donnée par un titre du 2 juin 1361 copié plus loin.
Guillaume fut au nombre des chevaliers bannerets (portant bannière) qui accompagnèrent Eudes IV, duc de Bourgogne, à l'expédition qu'il entreprit à Saint-Omer, l'an 1340, contre Robert d'Artois, comte de Beaumont-le-Royer, qui lui disputait l'Artois (2).
Il y servit avec sept chevaliers et vingt-sept écuyers, depuis le 12 mai jusqu'au 26 septembre 1340.
C'est à cette époque que les Greniers à sel furent établis, 29 mars 1342. C'étaient des tribunaux pour juger en première instance les contraventions concernant la gabelle ou tribut. Les appels de leurs sentences étaient portés aux cours des aydes (3). Ces tribunaux se composaient d'un président, de deux conseillers, d'un contrôleur, d'un procureur du roi, d'un grenetier, d'un greffier, d'un huissier et d'un sergent.
Il fut élu et nommé par le duc, Eudes de Bourgo-
(1) Pincedé affirme ce mariage, t. XVII, p. 18.
(2) Histoire de Vergy.
(3) Chéreul.
gne, exécuteur de son testament fait au château de Maisy, le 12 octobre 1346 et y apposa son sceau.
Charles, fils aîné de Jean, roide France, bien informé de sa valeur et prudence, le choisit pour être soubs luy lieutenant et gouverneur de Dauphiné (1).
Il prit part à la guerre contre Renaud de Bar, en 1350 et acquit en 1355 de Pierre de Chevilly, des biens à Beaumont, Baissey (Bessey) et Champagne.
Boudot, dans son Histoire du canton de Mirebeau, dit, en effet, que « vers l'an 1350, Guillaume eut une longue guerre à soutenir contre Renaud de Bar, chevalier, seigneur de PetraFieta (Pierre Fiette) qui avait, avec ses complices, incendié et pillé les terres de Mirebeau, assassiné ses sujets et commis sur eux des crimes atroces. »
Le roi Jean mit fin aux fureurs de ce seigneur de Bar et le força « à faire un traité de paix avec le seigneur de Fontaine-Françoise et Mirebeau, et le roi lui accorda alors et à ses confédérés des lettres d'abolition de leurs crimes. »
Je répéterai que c'est l'an 1355, quoique avancé en âge, que Guillaume fut nommé lieutenant du Dauphin Viennois.
Le dernier acte qu'on trouve de ce seigneur est un règlement ou taxe du droit de sceau de la chancellerie dauphinale du 13 juin 1360.
Il mourut en 1360 ne laissant qu'un fils unique, Jean, qu'il eut de sa première femme et qui fut seigneur de Mirebeau, de Bourbonne et de Soilley ou Soyers.
(1) Histoire de Vergy. La maison de Vergy n'est pas la seule de celles des seigneurs de Fontaine qui ait gouverné le Dauphiné. Les la Tour-du-Pin en furent aussi gouverneurs.
C'est du temps de Guillaume III, en 1338 et 1349, que deux terribles fléaux, dont j'ai déjà parié, décimèrent notre pays. Déjà en 1315 la famine tua le tiers de la population. On vit à cette époque d'horribles scènes: les loups entraient dans les villages, pénétraient dans les maisons et dévoraient les enfants au berceau que leurs mères n'avaient plus la force de leur disputer (1).
Ces scènes se reproduisirent en 1338 et en 1349, à la suite de la Grand'Mort, de cette terrible peste qui sur vingt en épargnait à peine deux.
Cette peste, dite la Peste noire, importée d'Orient, se communiquait comme la poudre de proche en proche, de famille en famille, de hameau en hameau, de ville en ville, tellement qu'elle devint européenne et son ravage fut si grand en Franche-Comté, qu'un auteur contemporain a écrit ce distique :
En mil trois cent quarante neuf De cent ne demeuraient que neuf...
Courtépée dit qu'en Bourgogne plusieurs villages furent même réduits en solitude, c'est-à-dire qu'il n'y resta pas un seul habitant.
La guerre avait ravagé la Franche-Comté et la Bourgogne, la peste continua la désolation de ces pays qui tous furent cruellement atteints sans épargner ni Pays bas ni pays hauts. Fontaine, aux confins de la Comté et de la Bourgogne, fut décimé et resta longtemps sans se relever.
« Le duc Eudes IV fut une des victimes de ce fléau.
« Dans les villes et les villages, sur les grands che-
(1) Histoire de la Jacquerie, d'Eugène Bonnemère.
mins, on n'apercevait que malades au teint livide, aux regards mourants, dont la peau était couverte d'ulcères noirs, rouges, bleuâtres, ou des cadavres gisant çà et là, exposés à la porte des maisons, ou jetés par les fenêtres et se corrompant dans les rues. Avec le souci de se préparer au jugement de Dieu, en face du trépas, une seule préoccupation dominait toutes les pensées de ceux qui possédaient quelque chose, celle de faire leur testament (1). »
Quinze ans après, les brigandages des routiers ramenèrent encore avec eux, sur nos pays, une autre peste, non moins fatale, la Mûrie (2) de la bosse, espèce de gros bubon qui donnait la mort en quelques heures et qui avait déjà fait tant de ravages au siècle dernier.
Jean III de Vergy, de 1360 à 1379, et Henriette de Vergy, de 1379 à 1385.
Guillaume III n'ayant pas donné la terre de Fontaine à son fils, issu de son premier mariage, les fils de Jean II, son neveu, savoir Jean III et Jacques en devinrent coseigneurs fonciers d'une partie, tandis que l'autre partie fut dévolue à Henriette, sa fille, qui en devint la Dame.
« Le 2 juin 1361, la susdite dame Jeanne de Montbelliard, femme de feu Guillaume de Vergy, IIIe du nom, seigneur de Mirebeau et Fontaine, au nom
(1) Essai sur l'histoire de Franche-Comté.
(2) On emploie encore en patois le mot mûrie, pour désigner quelque chose de mauvais, de dégoûtant.
d'Henriette, sa fille, remit audit Pierre de Bar » auquel Guillaume avait fait la guerre « audit nom d'Henriette le château de Mirebel, en vertu du traité du 30 mai 1361, entre Jeanne de Montbelliard et Pierre de Bar, et ledit Pierre remit à madite Dame le château de Fontaine et tout le restant de la succession de Guillaume de Vergy, comme héritière d'icelui (1). »
Suivant une transaction de la même époque, 30 mai 1361, la coutume du pays ne permettait pas au père de faire un de ses enfants meilleur que l'autre, c'est-à-dire qu'il ne pouvait avantager l'un au détriment de l'autre. On voit par là que le droit d'aînesse n'était pas en usage.
« A la prière de plusieurs habitants de Bourberain et sur la requête d'Henriette de Vergy, dame de Fontaine-Française et autres lieux, Jean de Rye, chevalier, seigneur de Thil-Chatel, accorda, à certaines conditions le droit de vain pâturage, panage et usage de toute la fin du territoire dudit Bourberain aux habitants dudit lieu, sauf réserve de droit de ceux de Fontaine-Française qu'ils ont en Velours, etc. (2). »
En 1364, Jehan de Granson s'empare de la Tour de Fontaine et du trésor de la maison de Vergy qui y était renfermé ; mais Philippe de Rouvres les lui fait rendre.
En 1366 les grandes compagnies jetèrent l'alarme dans toute notre province. Ces bandits connus sous les noms d'écorcheurs, routiers, retondeurs, tard-venus, malandrins, etc., commirent toutes sortes d'horreurs.
(1) Pincedé, t. XVII, page 18, B. 11224.
(2) Extrait des archives de la commune de Fontaine-Française.
Ces hordes de barbares étaient composées d'Anglais, de Gascons, de Navarrois et de mauvais Français.
Ils rôtissaient les enfants et les personnes âgées quand on ne voulait pas leur payer rançon. Un chef de tard-venus portait sur sa bannière : l'ami de Dieu, l'ennemi des hommes, belle devise, ma foi, pour piller, brûler, tuer et tout anéantir.
« Vers 1439, les écorcheurs osèrent encore reparaître. Ils pillèrent Fontaine, les environs, Is-sur-Tille, Gemeaux, laissant partout des traces sanglantes de leur passage. Le maréchal de Fribourg leur fit une telle guerre que la Saône et le Doubs furent remplis de leurs cadavres ! »
Dans ces temps d'horreurs et de calamités, les seigneurs, même voisins, n'étaient pas toujours d'accord. Ainsi à propos de la fête patronale de Beire, saint Laurent, 10 août, une information judiciaire, ordonnée par Philippe le Hardi, eut lieu le 2 septembre 1368, relativement à la garde de la fête dont plusieurs seigneurs se disputaient le droit (1).
Ce droit avait donné lieu, en 1368, à un conflit le jour de la saint Laurent. La garde de la fête était faite par les sergents de Jean de Perrigny et Guy de Bricon, seigneur de Fouchanges. Le seigneur de Mirebeau, Guillaume II de Vergy, prétendant en sa qualité de suzerain que ce droit de garde lui appartenait, y avait envoyé Jacques de Besançon, dit l'Armurier, son prévôt. Une querelle s'éleva entre les hommes de ces sei-
(1) En 1228, Guillaume de Vergy, seigneur de Mirebeau et de Fontaine, possédait la maison-forte de Beire (le château) comme seigneur suzerain. En 1259 Henri de Vergy exerçait les mômes droits sur Robert, sire de Beire.
gneurs, à la suite de laquelle le prévôt du seigneur de Mirebeau fut appréhendé au collet par Aubry, sergent du duc de Bourgogne, et enfermé dans la tour de Fouchanges. Mais un arrangement intervint et l'affaire n'eut pas de suite (1).
A cette époque la Gabelle (tiré du saxon Gabel, tribut, imposition) existait en France sur les draps en 1332, et en 1342, dix ans plus tard, elle fut exclusivement appliquée sur le sel, à raison de 4 deniers par livre.
En 1313, le sel était encore marchand, c'est-à-dire que la vente en était libre. La première ordonnance touchant la gabelle du sel est de Philippe V, en 1318. Elle fut supprimée en 1330 et rétablie en 1383 par Charles VI (2).
Philippe le Hardi est le premier duc de Bourgogne qui établit, en 1370, des greniers à sel soumis à la gabelle, par une ordonnance datée de Talant. Le peuple de tout le duché en fut fort mécontent et faillit se soulever.
La gabelle rapportait aux ducs environ 8,000 livres Par an. La taxe était de huit livres par muids (450 litres), deux livres six deniers et obole par charge, la charge pouvant être de cent livres.
En 1371 Jean et Jacques ou Jacquot de Vergy, damoiseaux, frère et fils de Jean II de Vergy, partagèrent les biens de Guillaume de Vergy, archevêque de Besançon, leur frère et ceux de leur père, « ès villes d'Autrey, Mirebeau, Fontaines-Françoises, etc. et la
(1)Extrait de l'Histoire de Beire
(2) Notre grenier à sel était à Mirebeau.
gageriede larue Berthaut dudit Fontaines-Françoises ». Jacques eut la rue Berthaut et le four banal (1).
Il vendit la rue dite de la cité Berthaut, comme de franc-alleu (2) et le four, à Henri de Longvy, sire de Raon, en 1379, pour 300 livres d'or. C'est ainsi que les Longvy devinrent coseigneurs de Fontaine. En 1383, le 12 juillet, Henri de Longvy cède la rue de Berthaut à son fils Jean de Longvy et à Henriette de Vergy, sa femme.
L'ancien four banal, qui a existé jusqu'à la fin du siècle dernier, était comme on le sait dans la maison Tournier, vannier, rue du Moustier, aujourd'hui rue de l'Église. Il avait douze pieds, quatre mètres environ de diamètre. Les murs qui l'entouraient, et dont on voit encore les restes, avaient trois pieds, un mètre d'épaisseur. L'atelier de Tournier était la chambre précédant le four.
En 1372, les habitants de Fontaine, moyennant redevance, eurent le droit de prendre du bois dans les aiges, buissons, bois, forêts du seigneur. Ce mot d'aige est très commun dans nos pays. Beaucoup de climats aujourd'hui cultivés portent ces noms : les aiges, sur l'aige, l'aige rond, l'aige doublant, l'aige dallé, etc.
L'histoire ne mentionne qu'un seul siège régulier de Fontaine-Française avant le XIVe siècle.
En 1373, Guillaume de Vergy, seigneur de Mirebel, (Mirebeau), qui prétendait avoir des droits sur le bourg
(1) Pincedé, B, 260, t. II.
(2) On donnait, il est bon de le répéter, le non d'Alleu ou de franc-alleu à toute terre qui ne reconnaissait pas de seigneur et qui n'était assujettie à aucune obligation féodale, par opposition au mot fief qui sert à désigner toute propriété tenue d'un seigneur féodal, d'un suzerain et par conséquent obligée envers lui à certaines charges.
de Fontaine, possédé par Henriette de Vergy, sa cousine ou sa nièce, vint en faire le siège.
Les habitants se défendirent bravement. Mais bientôt l'assiégeant « eut ordre » (de la Duchesse de Bourgogne, le duc étant absent) « de ne méfaire, ne luy ne ses gens, au pays du duc (1) » et se retira précipitamment.
A propos de ce siège, voici la copie exacte du compte d'Amiot Arnaut, receveur général des finances du duc de Bourgogne, en ce qui concerne Jehan de Jus, son panetier, chargé de faire lever le siège de Fontaine.
« Jehan de Jus, panetier de Monseigneur, pour faire les dépens de lui et de Guillaume de Chamesson, escuier en allant de l'ordonnance de Madame, devers Guillaume de Vergy lequel avait mis le siège devant Fontaines-les-Françoises auquel voage ils ont vaque a quatre chevaulx trois jours, par jour XVI gros viez Par mandement de Madite Dame sanz autre quittance.
« Donné à Monbar le VIe jour de mars 1374.....
4 franz (2). »
Dans ce moment Fontaine appartenait à deux seigneurs : le bourg et le château-fort à Henriette de Vergy, et la cité Berthaut avec la tour d'Anthoison à Henri de Longvy.
Le ruisseau qui sort de l'Etang du Château faisait la limite de ces deux seigneuries, qui furent réunies en 1383 et n'en formèrent dès lors plus qu'une seule.
J'ai déjà dit que dès le XIVe siècle les vilains (habitants des villages) pouvaient très bien acheter et posséder
(1) Courtépée, t. II, page 196.
(2) Archives départementales, B. 1445, fol. 107, verso.
des biens fonds. En voici une preuve tirée des Archives du château de Fontaine.
« Ainsi en 1382, le mardi après la fête de saint Pierre, Jean de Longvy, sire de Belmont-sur-Cerain et de Fontaine-Françoise, et Henriette de Vergy, dame desdits lieux, femme dudit Jean, vendent maison, meix, terres, etc... à Guyot, fils de Jean Berthaut, de Fontaines... » Non seulement il fallait payer aux termes convenus sous peine de reprise des biens, amendes et autres punitions, mais encore on excommuniait ceux qui ne payaient pas leurs dettes.
Autre preuve que les vilains pouvaient acquérir copiée dans l'Histoire de la maison de Vergy. « Extraits des tiltres de la terre de Fontaines-Françoises, 1382. Lettre de Jehan de Longvy, sire de Belmont-sur-Cerain et de Fontaines-Françoises, et de Henriette de Vergy, dame des dits lieux, femme du dit Jehan, par lesquelles ils vendent à Guiot dit de Berthat, fils de Jean dit de Berthat de Fontaines, pour luy, ses hoirs et ses successeurs, la maison que naguaires vouloit tenir d'eux dame Othenette, fille de feu Marguerite de Vivier, jadis femme de Messire Jehan de Noseroy, chevalier à sa vie tant seulement assise en la ville de Fontaines en la rue de la Maladrerie, etc...
« Données en leur chastel du-dict Fontaines le mardy après la feste de saint Pierre et saint Pol apostres, l'an de Notre Seigneur 1382 (1). »
Jean de Longvy mourut en 1383, laissant un fils unique, Mathieu de Longvy, qui lui succéda, mais sa mère Henriette de Vergy conserva jusqu'à sa mort, arrivée en 1427, la seigneurie de Fontaine.
(1) Preuves du livre VIII, page 387.
Entre Jean I de Longvy et la reprise de sa succession par ses descendants naturels se présente un autre seigneur de Fontaine, du chef de sa femme, Jean de Vienne dont il va être question.
Ce fut sous Jean III de Vergy, qu'en 1375. à Fontaine comme dans toute la province, on fit la Cerche des feux qui se renouvela en 1431.
Cercher les feux c'était les compter dans chaque localité : villes, bourgs, villages, hameaux, etc., et en dresser des rolles.
CHAPITRE IX
FONTAINE-FRANÇAISE SOUS JEAN DE VIENNE, SEIGNEUR DE PAGNY, DE 1385 A 1427.
ARMES DE VIENNE
Il portait : de gueules à l'aigle éployée d'or, membrée d'azur. Sa devise était : Tout bien à Vienne, ou tout bien advienne.
Henriette de Vergy, veuve en 1383 de Jean I de Longvy, se remaria en 1385 à Jean de Vienne, dit le Barbu, seigneur de Pagny (près Seurre) et de Bignan.
Henriette a presque constamment habité Fontaine avec ses deux maris. Les habitants n'eurent qu'à se louer d'elle, car elle joignit à ses largesses de nouvelles franchises, des dons à l'église et des fondations qui durèrent très longtemps.
Henriette confirma en outre, avec Jean de Vienne, toutes les immunités et franchises octroyées aux habitants de Fontaine, par Guillaume de Vergy et autres seigneurs, depuis cent ans, par lettres datées des années 1407 et 1424, ainsi que les preuves en seront données dans les pages suivantes.
Jean de Vienne fut l'un des seigneurs de son époque qui rendit de plus de services à la royauté et l'un des
guerriers les plus braves et les plus estimés de son temps.
« Les Anglois voulurent surprendre Besançon en 1362. Ils avoient déjà franchi le premier mur à la porte de Charmont lorsqu'ils furent repoussés.
« Mais, grande perte de leur part. Deux ans après les citoyens, à la vue d'un danger toujours présent, appellèrent à leur secours plusieurs gentils hommes et habitants des villages voisins.
« Ils donnèrent le commandement de leurs soldats à Jehan de Vienne, qui, avec un détachement composé des plus braves, alla surprendre les Anglois auprès de Chambornay, où il perça leur général d'un coup de lance, et vit succomber sous les armes des siens presque tous les soldats anglois (1). »
Je prends quelques pages de sa vie dans l'Histoire de Pagny, par Boudot.
« Jean, fils aîné de Hugues IV du nom, seigneur de la baronnie de Pagny, lui succéda en 1384 et posséda la terre de Pagny pendant un demi-siècle et celle de Fontaine-Française pendant 42 ans.
« Il se distingua dans les guerres de Flandres, assista au siège de Bourbourg en 1392 et accompagna le roi Charles VI, lorsque, pour venger l'assassinat de Clisson, ce prince marchait sur la Bretagne et ne put dépasser la forêt du Mans, où une apparition fantasque acheva de troubler sa raison.
« Au commencement du siècle suivant, en 1402, Jean de Vienne contribua puissamment à chasser de la chàtellenie de Montréal, un certain Lacorne de Rou-
9) Histoire abrégée du comté de Bourgogne, 1776.
gemont qui, à la tête d'une de ces bandes qui désolaient la France, s'était emparé de plusieurs châteaux forts de la Bourgogne d'où il se répandait dans le pays pour y exercer toutes sortes de cruautés et de brigandages.
« Il fut du nombre des principaux seigneurs qui accompagnaient le duc Jean-sans-Peur lorsqu'il fit son entrée solennelle à Dijon, le 17 juin 1404.
« Quelques années plus tard le jugement et la mort de Montaigne ayant occasionné des désordres à Paris, le duc de Bourgogne craignant des troubles fit venir des compagnies commandées par les seigneurs sur le dévouement desquels il comptait. Jean de Vienne fut de ce nombre et eut part aux largesses du duc qui consistaient en cent marcs d'or, et quatre cents marcs de vaisselle d'argent.
« Il fut un des conseillers intimes de la duchesse de Bourgogne qui dirigeait les affaires pendant l'absence du duc, retenu à Paris pour le service du roi. Elle n'entreprenait rien d'important sans ses avis.
« Quand elle résolut d'aller à Paris pour rejoindre le duc, en janvier 1411, elle voulut être accompagnée de Jean de Vienne, seigneur de Pagny et de Fontaine-Française, et de sa femme, Henriette de Vergy.
« En 1417 plusieurs seigneurs bourguignons, entre autres Jean de Vienne, Toulongeon, Montaigu, Bauffremont, etc. allant, par ordre du roi Jean, rejoindre le duc de Bourgogne, assiégèrent la ville et le château de Nogent-le-Roi qui capitulèrent le 14 juillet.
« Trois ans après la paix de Vincestre, les partisans du duc d'Orléans menacèrent la Bourgogne. Le duc donna ordre à ses grands seigneurs de venir à son secours. Jean de Vienne, ayant réuni tout ce qu'il put
d'hommes d'armes se rendit à Montereau pour s'opposer à l'envahissement du duché.
« Jean de Vienne était d'une rare sagacité, aussi était-il souvent appelé à terminer des différends qui s'élevaient entre seigneurs.
« En 1388, Etienne de Germigney jeta son gage par devant Jean de Vienne, qui était déjà amiral de France, contre Jean le Guignet de Pontarlier, qui avait blessé a mort un parent d'Etienne. Sur les conseils de Jean de Vienne, le duc intervint et le combat n'eut pas lieu.
« Lorsque Jean de Vienne épousa Henriette de Vergy, en 1385, et qu'il devint seigneur de Fontaine, il fit mettre à sa main lesdits chastel et ville du dit Fontaine Françaises, ensemble toutes leurs apartenances et les mist, fist, institua, ordonna et estably, chastelaing, gouverneur recepveur Begin de Fontaines... (1). »
Jean de Vienne omit de faire foi et hommage du fief de Fontaine à l'évêque de Langres, qui en était suzerin, ainsi que cela devait se faire la veille de la Sainte Nativité de la même année 1385. Son châtelain le sieur Begin refusa (est-ce de son chef ou par ordre de son Maître ?) d'accomplir ce devoir. L'évêque s'en plaignit au roi qui, par une ordonnance du 29 août 1390, dont copie datée de 1661 est aux archives du château, envoie les parties devant la cour de son Parlement royal. Dans cette ordonnance c'est le sieur Begin qui est sur-
(1) Archives du château, ordonnance de Charles VI, 1390.
Sur un des registres d'arrêts du Parlement, Jean de Vienne et sa femme sont ainsi désignés : « Anno 1389, Joannes de Vienna miles dominus de a Peigny et de Fontibus Gallicis et Henrica de Vergeio ejus ixor. »
tout nommé et sur lequel paraît retomber toute la responsabilité.
Le parlement donna raison à l'évêque, Begin dut rendre compte et payer reliquat audit évêque reconnu suzerain de la seigneurie de Fontaine.
Largesse de Jean de Vienne et d'Henriette de Vergy.
« Extraits des tiltres de la terre de Fontaines.
« Lettres de Jehan de Vienne, seigneur de Paingney et de Ilenrye de Vergey, dame de Fontennes Françoises sa femme, par lesquelles pour les bons, agréables services et curialitez que Huguenin Guillempot demeurant à Fontennes Françoises leur homme leur a faicts et faict encore de jour en jour, en recompensation et guerredon d'iceux, ils le quittent et affranchissent avec tous ses hoirs présents et avenir, de toutes tailles, de prize de toux gaiz, d'ost de chevaulchie, de breulle, de courbées et par my payant le jour de la feste de Toussaints chacun an au chasteau de Fontennes une livre de cire au poix du dict lieu a cause de annuelle et perpétuelle cense. Données au chastel du dict Fontennes le lundy après la feste de Saint Martin d'estey l'an de grace 1402 (1). »
Toujours chevaleresque et brave, on trouve Jean de Vienne parmi les chevaliers du duc Jean-sans-Peur assemblés (en août le 7 et 8 de l'année 1410) contre la ligue du duc de Berry (2), l'un des fils du duc d'Orléans que Jean-sans-Peur avait fait assassiner à Paris en 1407.
La même année 1409, par « lettres de Jehan de Vienne, seigneur de Paigney et de Fontaines Françoises, c'est
(1) Histoire de Vergy. Preuves. (2) Dom Plancher, t. III, page 583.
assavoir du dict Fontaines a cause de sa chere et amée compagne et espouse Henriette de Vergy, par lesquelles ils confirment les franchises du dict lieu de Fontaines octroyées aux habitants par feu Messire Guillaume de Vergy jadis seigneur du dict Fontaines et aultres seigneurs du dict lieu depuis cent ans. Données au chasteau de Fontaines le neuvième jour de feuvrier 1407 (1). »
Pendant que je cite ces documents je crois utile de donner encore copie de celui de 1424 puisé aussi aux preuves de l'Histoire de la maison de Vergy.
« A tous ceulx qui ces présentes lettres verront et ourront, Nous Jehan devienne, seigneur de Peigny, de Bignan et de Fontaines-Françoises et Henriette de Vergey nostre chiere amée campagne et femme, Dame des lieux dessudits, Faisons sçavoir à tous que nous avons vehues et tenues certaines lettres de franchises données jadis par nos prédécesseurs seigneurs et dames du dit Fontaines. C'est assavoir par nobles seigneurs Jehan de Vergey et Henri de Vergey et Guillaume de Vergey et dame Jehanne de Vergey sa soeur, desquelles lettres de franchise les teneurs s'ensuivent » (2).
Voici l'une de ces lettres.
« Nous Jehan de Vergey, seneschal de Bourgogne, faisons assavoir a tous que nous en guerredon de plusieurs bons services que Perrenin de Briet notre amé varlet a fait à nous, et fait encore de jour en jour avons donné et donnons pour nous et pour nos hoirs à tous jours, mais par remanciation des services au dit Per-
(1) Histoire de Vergy. Preuves. (2) Ibid.
renin et à ses hoirs la maison qui fut Govel et le meix et le verger, etc. Et je Henry filz de mon chier seigneur dessudit le dit don et oustroy fait au dit Perrenin et a ses hoirs, vueil et loues et m'y consents, etc. Ce fut fait l'an de Notre Seigneur 1289 au mois de mars. »
Suivent deux lettres de confirmation, données par Henri de Vergy en février 1315, et une quatrième confirmant toutes les autres donnée par Guillaume de Vergy et sa soeur Jeanne, en 1323.
Enfin Jean de Vienne et Henriette de Vergy confirment toutes ces lettres par celles du 14e jour de mars de l'an 1424.
En 1422, à la mort de Charles VI, Henri VI d'Angleterre avait été proclamé roi de France et d'Angleterre. Le roi de France Charles VII avait dû se retirer à Bourges. La France n'était alors que le vaste théâtre d'une guerre à laquelle les Bourguignons prirent une large part. La Champagne était au pouvoir des Anglais : aussi Jean de Vienne prit des précautions à l'égard du château de Fontaine.
Je lis, en effet, dans Pincedé : « Vidimus d'une lettre de Jehan de Vienne, seigneur de Paigny, Fontenne et qui déclare que pour les périls éminents de la guerre entre la France et le duc de Bourgogne unis aux Anglais, il avait prié sa soeur, la dame d'Autrey ayant la garde et administration de son neveu, Charles de Vergy, son fils à lui, elle permit à ses habitants de Berthaut de venir faire la garde en sa forteresse de Fontenne-Françoise, et afin que cela ne tirât à un droit pour l'avenir, lui avait donné les présentes lettres au dit Fontenne-Françoise, le 9 janvier 1422 (1). »
(1) Pincedé, t. I, page 850. B. 1 0479.
Henriette de Vergy mourut le 27 décembre d427, après avoir fondé à l'abbaye de Theuley trois messes par semaine et trois anniversaires.
Il est probable qu'elle décéda au château de Fontaine, d'où on la transporta à Theuley où elle fut inhumée dans l'église.
« L'épitaphe gravée sur une tombe plate en l'église de Theuley (1) » portait :
« Cy gist haute et puissante Dame Madame Henriette de Vergy, qui fut dame de Fontenne-Françoise, femme premièrement de noble et puissant damoisel Jehan de Longvy, fils de Monseigneur de Raon : et après femme de messire Jehan de Vienne, seigneur de Pagney, qui trépassa le XXVII du mois de décembre l'an MCCCXXVII (2) .»
Cette tombe portait deux écussons : l'un de Vergy, parti de Longvy, et l'autre de Vergy, parti de Vienne.
Henriette n'eut qu'une fille de son second mari, Jeanne de Vienne, dame de Pagny, de Bignan et de Fontaine-Française qui fut mariée à Jean II de Long vic, chevalier, dont vinrent Jean, Olivier, Gérard, Philippe, un autre Jean, Etienne et Jeanne.
Jean de Vienne, son mari, mourut la veille des Bordes, l'an 1435 et fut enterré dans la chapelle de son château de Pagny.
On lit dans l'Histoire de Pagny, par Boudot : « Sous le mausolée de Jean de Vienne à la longue barbe (dans la chapelle du château de Pagny) est un petit caveau
(1) Histoire de Vergy. Preuves. Cette tombe est, comme toutes celles de l'église de l'abbaye de Theuley, dans les fondations du moulin Tramoy, à Gray, où la Bande Noire les a transportées.
(2) Histoire de Vergy, Preuves.
qui ne présente aucune issue et dont l'existence était ignorée lorsque, peu après la révolution de 1789, la duchesse de Châtillon, désirant rétablir la desserte de sa chapelle, y fit exécuter des réparations par suite desquelles les ouvriers employés à ce travail découvrirent ce caveau où était déposé le corps de Jean de Vienne, tout revêtu de son armure de chevalier. Cette précieuse armure fut enlevée et alors envoyée à Paris à la duchesse de Châtillon : le corps seul de Jean de Vienne repose aujourd'hui sous cette voûte cachée. Nous regrettons, ajoute l'auteur, que cette armure n'ait pas été placée dans la chapelle, près du tombeau de l'illustre chevalier. »
Par transaction du 20 août 1386, Jean de Vienne céda aux habitants de Fontaine une partie de ses bois joignant la forêt de Velours. Ce bois, d'une contenance de soixante-treize hectares, a porté depuis le nom de Corne Viennot.
Cette transaction fut faite pour abolir certains droits de pacage, de glandée, de paisselage que les habitants de Fontaine possédaient dans une partie de ladite forêt de Velours.
La justice, aussi bien spirituelle que temporelle, offrait aux xive, xveet xvie siècles de singuliers spectacles. D'après l'ancien code pénal, les bêtes qui tuaient, blessaient ou dévoraient des créatures humaines étaient appréhendées, mises en prison, jugées et condamnées à être pendues, étranglées ou brûlées vives « pour faire perdre la mémoire de l'énormité du crime ».
Ainsi, en 1349, les échevins de Montbard envoient à ceux de Dijon une information par laquelle il est prouvé qu'un cheval avait méchamment occis un homme.
On condamna gravement le cheval à mort et on le
renvoya au seigneur du lieu, chargé de faire exécuter la sentence.
En 1415, le seigneur de Tréchateau obtint du duc de Bourgogne la permission d'élever des fourches patibulaires pour y pendre une truie malfaisante qui avait dévoré un enfant et que ses officiers retenaient en prison depuis cinq ans.
En 1404, trois porcs furent suppliciés (pendus) à Rouvres pour avoir tué un enfant au bers (1) (berceau).
En 1419, une truie fut également pendue à Labergement-le-Duc, près Nuits, par sentence, pour avoir mangé un enfant au bers (2).
En 1512, un cochon, pour un fait à peu près semblable, fut pendu à Arcenant (3).
Jean Milon, officiai de Troyes, intenta un procès contre les hurchets qui dévastaient les vignes de Villenoxe.
A Beaune, ce fut contre les mouches qui détruisaient les raisins que s'élevèrent les juges.
Un procès fut également intenté en 1540 contre les rats qui désolaient un canton de la Bourgogne (official d'Autun). Le savant Chasseneux, leur avocat, mit les juges en défaut et arrêta l'instance pour quelque temps en disant que sa partie ne pouvait comparaître tant que les chats occuperaient les avenues du Palais.
Il n'est pas jusqu'aux évêques de Langres qui n'aient pris de semblables mesures.
« L'an 1516, Michel Boudot, 89e évêque de Langres, décerna commission contre les rattes, souris et hurbez qui rongeaient les bleds emplantez, le 27 avril ; mo-
(1, 2, 3) Courtépée.
nition et incrépation le 3 juin en suivant, que l'on m'a fait veoir, avec une copie de la rénovation du voeu fait par les chanoines et habitants de Langres de jeusner la veille de Sainct-Mamès (1). »
Ces affaires qui nous paraissent ridicules étaient cependant gravement et sérieusement traitées.
D'autres coutumes, non moins singulières, ont existé à Fontaine dans les XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles.
Ainsi, la matronne (sage-femme) était choisie et nommée à l'élection, qui se faisait dans l'église, par les femmes mariées. Le jour de cette élection était annoncé par le curé au prône du dimanche précédent.
Les femmes veuves n'attendaient pas dix mois, comme aujourd'hui, pour convoler en deuxièmes ou troisièmes noces.
Les actes de l'état civil tenus à cette époque nous montrent que des veuves se sont remariées le lendemain de l'enterrement de leurs maris. Une seule condition pouvait probablement être imposée : c'est que la veuve devait déclarer qu'elle n'était pas enceinte. On a même vu, dans plusieurs paroisses de Bourgogne et de Franche-Comté, le curé nommer au prône les femmes ou filles enceintes. Quelle bizarre coutume !
(1) Amstase de Langres.
CHAPITRE X
FONTAINE-FRANÇAISE SOUS LES SEIGNEURS DE LONGVY, DE 1427 A 1526
ARMES DES LONGVY
Ils portaient : d'azur à une bande d'or.
Leur devise était : Abundancia diligentibus (1),
Mathieu de Longvy, de 1427 à 1435.
Henriette de Vergy, fille unique de Guillaume III de Vergy et de Jeanne de Montbéliard, s'était mariée, comme nous l'avons vu, en premières noces, avec Jean I, seigneur de Longvy, damoiseau, duquel elle eut un fils unique, Mathieu de Longvy, qui devint seigneur de Fontaine, bien que sa soeur par mère, Jeanne de Vienne, issue du second mariage d'Henriette de Vergy avec Jeane de Vienne, fût dame de cette seigneurie.
Henriette conserva pendant toute sa vie la haute main sur les affaires de Fontaine, et ce n'est qu'après sa mort, et même celle de son second mari, que la
(1) L'abondance aux diligents.
Jacques de Molay, le dernier grand maître des Templiers, brûlé vif à Paris en 1314, était membre de la famille des Longvy, branche de l'illustre maison de Chalons.
maison de Longvy devint réellement maîtresse « du chasteau-fort et de la ville de Fontenne-Françoises ».
Mathieu de Longvy, seigneur de Givry, de Raon et Fontaine, est peu connu ; il n'a exercé, que je sache, aucun droit dans cette seigneurie. Marié à Bonnet de la Trémoille, fille de Guillaume IV, maréchal de Bourgogne et de Marie de Mello, il laissa plusieurs enfants, entres autres Jean de Longvy, IIe du nom, chevalier, seigneur de Fontaine-Française, vivant en 1435, et Olivier de Longvy, seigneur de Rahon, co-seigneur avec son frère dudit Fontaine-Française.
Jean II de Longvy, de 1435 à 1462.
Jean de Longvy était seigneur de Gevrey-sur-le Doubs, ainsi que le porte la déclaration qui suit : « Transcription à la Chambre des Comptes, en l'an 1436, de certaines lettres de partage, du 14 janvier 1435, entre Jean de Longvy, seigneur de Gevrey-sur-le-Doubs (1), et Olivier de Longvy, seigneur de Rahon, chevalier, frères, de ce qu'ils possèdent entre eux, encore par indivis et à partager, sçavoir : le Chastel et Seigneurie de Fontaines-Françoises environ la moitié du village de Poilly en Bassingy, Gilly-les-Fouvent et certaines vignes de Courchamp.
« Par lequel partage est intervenu et advenu audit Jehan, comme aîné, ledit Fontaines-Françoises, Poilly, Gilly et Courchamp et le reste audit Olivier. »
(1) D'où vient le nom de la chapelle dite des Gevrey, à l'église de Fontaine.
« De la reprise de fief de 1436 appert que lesdits de Longvy étaient fils de feu messire Mathieu de Longvy, petit-fils de feue dame Henriette de Vergy, qui était femme de Henri de Longvy, sire de Rahon (1). »
Du vivant de Jean II de Longvy, la Bourgogne devint de nouveau la proie des écorcheurs.
En 1437, après avoir ravagé la Picardie et la Champagne, une bande de cinq à six mille de ces pillards, commandée par le bâtard de Bourbon, envahit le duché du côté de Langres, précisément par la Haute-Vingeanne, Fontaine-Française et les pays voisins, jusqu'à Selongey.
A Orville, elle se sépara en deux corps. Le seigneur de Thil-Châtel investi, demanda du secours. « Le duc de Bourgogne, effrayé de tant de désastres et ne voulant pas qu'ils se renouvelassent, s'empressa d'envoyer en 1467, à Guillaume de Gevigny, 25 livres de poudre à canon pour la défense du château de Thil-Châtel.
« Il lui avait fallu trente ans de réflexion pour accorder vingt-cinq livres de poudre (2).
« En 1442, information par le Procureur du duc au bailliage d'Amont, aux fins de prouver que Fontaine-Française était du ressort du comté de Bourgogne comme du royaume selon les limites y relatées. »
« Le chastel dudit Fontaine relevait alors du château de Montsaulgeon (3). » Ce dernier appartenant à l'évêque de Langres.
Olivier de Longvy, seigneur de Fontaine et son frère, en sa qualité de seigneur haut-justicier de Fontenelle,
(1) Pincedé, t. XXV, B. 11938, page 126.
(2) Ephémérides Bourguignonnes, 14 décembre 1437.
(3) Pincedé, t. II, page 585, liasse 2° B. 258.
dont la déclaration lui avait été faite, le 16 novembre 1433, par Nicolas Girard et Henri de Saulx, qui en avaient une partie, vendent cette terre, compris la Craye, le 30 mars 1441, à Alexandre de Saulx, aidés des bons offices de Guillaume d'Andelot (1).
C'est à cette époque que s'élevèrent ces grandes difficultés à propos des limites, dans nos pays, du duché, de la Comté et de la Champagne.
Les informations furent sans fin ; on n'allait pas vite en affaires alors. Aussi combien de terres, au détriment des seigneurs et de ceux qui les cultivaient, restèrent dans l'indécision, c'est-à-dire en surséance, pendant plus d'un siècle et demi.
On appelait terres de surséance, de débats, ou territoires de surséance ceux qui n'étaient pendant un temps attribués à aucun des Etats limitrophes.
Mettre une terre en surséance, c'était donc la dégager complètement de toutes celles voisines.
En 1442, un traité est fait entre l'évêque de Verdun, conseiller du duc, et les Elus, procureurs et receveurs du roi à Langres, par lequel « Tréchatel, Bèze et Fontaine-Françoise seront tenus de surséance jusqu'à la Saint Remy, premier octobre. » Ce traité a été fait et signé, le premier septembre 1442, par Berthineau, le Comtois et Perrot (2).
Mais l'évêque de Langres, suzerain de Fontaine, mit aussi cette terre en surséance, en 1442, au profit de Jean de Longvy, son seigneur, au moment de sa reprise de fief dudit évêque.
Je me suis demandé souvent ce qui s'est passé lors-
(1)Archives du château.
(2) Pincedé, t. I, page 739, B. 258.
que notre bourg était mis en surséance par le duc et en même temps par l'évêque de Langres ?
Malheureusement les conséquences de cet état de choses étaient des troubles et des désordres qu'on avait peine à faire cesser. Ainsi beaucoup de seigneurs profitèrent de ce désordre pour usurper le droit de battre monnaie et d'imposer des tailles nouvelles et la gabelle. Mais Jean de Longvy, respectant les immunités et franchises octroyées à Fontaine par ses prédécesseurs, ne nous imposa aucune nouvelle charge.
Jaloux du bien être dont on jouissait à Fontaine, comme on le verra plus loin, les habitants des pays voisins y firent de fréquentes incursions et y commirent toutes sortes d'exactions et de cruautés.
Cependant par quatre lettres pressantes, Philibert de Bruey, conseiller et chambellan du roi, gouverneur et capitaine de Langres, ainsi que les Elus de Langres, mandent au chancelier de Bourgogne l'impossibilité de pouvoir prolonger la surséance de Tréchatel, Bèze et Fontaine-Françoise, parce qu'il s'est trouvé en la chambre des comptes de Paris que les aydes desdites châtellenies (les impositions) se levaient au profit du Roy, sous Charles VI ; auxquelles lettres le duc répond, le 4 février 1443, qu'il ne doute point que les Aydes de Tréchatel, Bèze et partie de Fontaine-Françoise ne fussent levés au profit du Roy, avant le traité d'Arras (1414) ; mais comme par iceluy le Roy a cédé toutes les terres enclavées dans le duché, il en doit jouir comme il fait de celle de Gevrey, évêché d'Autun, aussi enclavée dans le duché (1).
D'après le traité relaté plus haut, la surséance de
(1) Peincedé, B. 258, liasse I.
Fontaine devait cesser à la Saint Remy, premier octobre 1442. Les affaires ne marchèrent pas assez vite pour qu'il en tût ainsi.
Je trouve aux archives de Dijon un cahier d'information faite en 1444, signé Berjoud, sur le fait des enclavements des châtellenies de Tréchatel, Bèze, Fontaine-Françoise et autres lieux voisins, dans laquelle information sont désignées plusieurs bornes, une entre autre au bout de la rue de Berthaut.
Les commissaires nommés par le duc sont : Messire Estienne Arménien, Messire Robert de Saux, Berbis et Courcelles (1).
Je continue les citations de Peincedé et la copie ou l'analyse des documents que j'ai consultés aux archives départementales de la Côte-d'Or.
« Information et enquête faites en 1444, le 16 décembre, tendant à prouver que les rues de Bertaut, du Moustier (de l'Eglise aujourd'hui) et de la Maladière de Fontaine-Françoise, sont et meuvent d'ancienneté du fief bâti et ressort du Comté de Bourgogne, où il est dit Franche-Comté et il appert qu'une borne de pierre qui était au-dessus de la Chaussée de l'étang Pagosse, près du chastel dudit Fontaine, faisait séparation du duché de Bourgogne et de la Franche-Comté et une autre borne en la rue de Bertaut ; cela est affirmé par Simon Tarbouchier, du village de Saint-Maurice, âgé de quatre-vingts ans, fils de Barbode et qu'il l'a ainsi ouï dire à feu Huguenin Tarbouchier, son grand-père, qui avait bien quatre-vingt-dix ans quand il trépassa. »
« Rem André Villain de Fontaine-Françoise demeu-
(1) Archives départementales, B. 257.
rant en la rue Neuve (qui est du royaume), âgé d'environ quatre-vingts ans, dit : qu'il l'a ouï dire à feu son père qui avoit nom Oudot Villain (1) lequel avoit d'âge, quand il trépassa, sept vingt et six ans (2). »
« Un nommé Jehan Fèvre, dudit Fontaine, âgé de cinquante-six ans, dépose qu'il a souvenance de la bataille de Liège en laquelle il fust et était page de ung gentilhomme nommé Jehan de Courbeton, jadis écuier qui étoit avec Jehan de Vienne, jadis seigneur de Paigny et dudit Fontaine et au retour de la bataille en vinrent à Paris où ledit seigneur de Paigny trouva deux habitants dudit Fontaine qui plaidoient contre son gruier qui leur demandoit à ung chascun cinq sols par an, pour ce qu'ils se disoient être francs et avoir leur usage es bois et es forêts dudit seigneur, qu'ils perdirent ledit procès et qu'il n'y a que la rue Neuve qui soit du royaume (3).
« Autres informations faites audit an 1444, par devant le commissaire du duc de Bourgogne, faisant voir ce qui est du duché de Bourgogne (comme ci-dessus) à Fontaine-Françoise et les villes enclavées des environs. »
Au mois d'avril 1445, notre contrée, sous le poids de la fameuse surséance, fut envahie. La garnison de Montbéliard et les Allemands, voisins du comté de Bourgogne, ayant reçu du dauphin (depuis Louis XI), l'autorisation de faire des courses en Bourgogne, s'étaient promptement répandus à Percey, Montsaugeon,
(1) Aussi à son grand père qui avait nom Perrenin Villain.
(2) Peincedé, t. Il, page 830, B. 260, volume des Limites.
(3) Ibid. Cette rue neuve pourrait bien être la rue de France, ou la rue aujourd'hui route de Dijon.
Montigny, Saint-Seine, Fontaine, Licey, Bèze, Viévigne, Mirebeau. Ils avaient le projet d'attaquer la forteresse de Beaumont et d'aller loger à Bèze, également fortifié, en faisant, ainsi qu'ils le disaient dans une lettre du sire de Neufchastel à la duchesse de Bourgogne, en date du 9 avril 1445 « tous les maux et dommages qu'ils pourront ainsi que autrefois ils ont fait. »
Je ne possède pas de document qui puisse nous apprendre ce qu'il arriva. La Bourgogne était en lutte avec le roi de France, il n'est point étonnant que le dauphin ait suscité toutes sortes de maux à notre province, et, comme toujours, par sa position à la frontière, Fontaine a été une des premières villes à souffrir des incursions ennemies.
On voit donc que la discussion au sujet des terres de débats ou de surséance remontait à une époque fort ancienne.
Peu de temps après le don fait par le roi Jean à son fils Philippe le Hardi en 1363, du duché de Bourgogne, les officiers de Charles Y et ceux du duc élevèrent des contestations tant sur les limites du royaume (la Champagne y était alors réunie) que sur celles de la Franche-Comté échue à Philippe II, roi d'Espagne.
Il y eut un accord en 1446 pour nomination d'arbitres. Les princes ratifièrent cet accord en 1451. Alors les terres de débats s'appelèrent uniquement terres de surséance, et presque tous nos pays restèrent dans la neutralité qui fut la conséquence de l'accord de 1446.
La dispute recommença quand l'archiduc Philippe posséda la Franche-Comté. Le partage de ces terres ne fut fait que par le traité de Cateau-Cambrésis, du 3 avril 1559, entre Henri II et Philippe II, roi d'Espagne, maître de la Franche-Comté. Ce traité fut
confirmé par l'article 2 de celui de Vervins, en 1598.
Au nombre de ces terres, d'après les traités, étaient : Auxonne, Flammerans, Perrigny, partie de Talmay, de Pontailler, la Rochette, Renève, Chaume, une partie de Fontaine-Française, Fontenelle, etc., etc. (4).
A. cette époque vivait encore à Fontaine-Française un membre de l'honorable famille des Hugon, de laquelle parle M. l'abbé Mouton dans son Histoire d'Autrey, 1868, p. 353.
En effet, M. l'abbé Mouton écrit : « Dans l'intention de plaire au lecteur, nous aimons à inscrire ici sur Fontanas un renseignement qui ne se trouve pas à Dijon.
« Les Hugon, alliés aux Mazières, originaires du Chalonnais, au duché de Bourgogne, se sont établis à Fontaine-Française au commencement du XIIIe siècle. Lorsque Louis XI fit la conquête du duché (1477), la famille se divisa et suivit deux partis différents. La branche qui subsiste seule à Poligny a abandonné le duché et les biens qu'elle y possédait ; pour rester fidèle à la maison de Bourgogne, elle s'établit à Gray, où elle avait déjà des alliances et des possessions (2).
« Les Hugon ayant quitté Fontaine et ayant laissé pour marque de leur antiquité honorable la peinture de Jean II ès l'un des vantaux du tableau sur le grand autel, et celle du sieur son frère, prieur de Fontaine-Françoise ès l'une des maîtresses verrières, ayant à côté de lui, peintes les armes qu'ils portaient alors : d'azur à trois bris d'huis ou gonds d'argent, de plus une fondation en ladite église, assignée par Jean Hugon, sur
(1 ) Courtépée.
(2) Un lieu-dit porto encore le nom de Croix-Maizières.
une faux de pré appelée la Faux des deux épées. acquise du prix que Jean Hugon y gagna, de son temps, par ses armes, duquel prix il acheta un pré qu'il donna pour la rétribution de ladite fondation (1). »
Cette famille des Hugon devait être d'assez haute origine, car on voit qu'elle a porté les armes et qu'elle a joué un rôle actif dans les guerres du XVe siècle.
En 1445, un Hugon, agissant pour le seigneur de Fontaine, était tabellion juré de la Cour de Langres et tabellion juré de Fontaine. Il s'agissait, comme le prouve un acte que j'ai eu entre les mains, d'une autorisation que « Jehan de Longvy, seigneur de Gevrey, de Paigny et de Fontaine-Françoise, accorde à un bail à cens d'un meix et emplastre, situés rue de la Motte (chemin de Fontenelle) par Robert Duchet, chapelain du château, à Guiot-Baudin, moyennant une livre et demie de cire (2). »
En raison de toutes ces revendications de princes et de seigneurs, les terres de surséance étaient harcelées de tous côtés. On a vu les Comtois et les Allemands les envahir en 1445 ; en 1449 ce sont les Langrois. Sur Peincedé on lit : « Vidimus des Lettres royaux sur les entreprises faites par ceux de Langres sur ceux de Fontaine-Françoise, de part ceux de Tonnerre sur ceux de Noyers, au moyen de quoy le Roy leur fait deffenses de rien entreprendre. Données à Sainte-Catherine-les-Rouen l'an 1449, scellé et cotté 116 (3). »
(1)Notice préliminaire sur les deux familles défendues, à propos d'un procès, par MM. Tripard et Berryer. Besançon, imprimerie Jacquin, p. 3 (1866).
(2) Archives du château.
(3) Peincedé, t. I, page 341, B. 350, liasse V.
Ensuite. « Lettres patentes du duc Philippe le Bon, le 20 juillet 1449, ordonnant les recherches nécessaires au sujet des débats des terres enclavées et en surséance d'Autun et Langres... Tréchatel, Bèze, la partie de Fontaine-Françoise qui n'est point en débat, des limites du Comté de Bourgogne (1). »
Toutes ces lettres patentes, ces ordonnances n'avancèrent pas la solution, et longtemps encore jusqu'à la complète annexion du duché à la couronne, ces terres eurent beaucoup à souffrir.
A cette époque, Fontaine était du ressort du bailliage de Langres, « hors ce qui est du duché de Bourgogne, Bertaut et la Tour d'Anthoison, c'est-à-dire le fief de Berthaut qu'il ne faut pas confondre avec la rue proprement dite.
Ce fief était taillable à volonté malgré les vives réclamations de ses habitants. On voit bien qu'alors il n'était pas soumis aux seigneurs de Fontaine, qui n'ont jamais usé d'un droit aussi exorbitant et aussi humiliant.
Le 18 janvier 1441, la tour d'Anthoison et le fief, qui appartenaient à Varrelin Roth de Basle, sont vendus à Bernard de Maizey.
Un titre du 4 avril 1458 porte que la tour d'Anthoison appartenait aux seigneurs de Fontaine seulement.
En effet, après un procès, une sentence du 4 avril 1458, rendue par les gens du Conseil des ducs de Bourgogne entre Jean de Longvy et Bernard de Maizey, qui se disait seigneur en partie de Fontaine, condamne Jean de Longvy à payer à Bernard de Mai-
(1) Peincedé, B. 285, liasse II.
zey 350 livres moyennant quoi Jean de Longvy est déclaré « propriétaire de la Tour d'Anthoison située rue de Berlaut et fonds en dépendant (1). »
Une sentence arbitrale, du 25 mars 1459, donnée entre Bernard de Maizey et Mathieu Garnier, confirme la propriété de la Tour d'Anthoison à Jean de Longvy.
« Le 29 juin 1460 est fait définitivement le contrat et vendition de ladite tour d'Anthoison par Bernard de Maizey à Jehan de Longvy moyennant 350 livres monnoye courante, ainsi que le prescrivait la sentence du 4 avril 1458 (2). »
Cette tour a dû être démolie par Jean de Longvy, car on n'en parle plus dans aucun titre postérieur. Elle avait sa garenne et ses celliers sur la route de Dijon, en face la gendarmerie. Le climat s'appelle encore la Cave, et derrière, vers la rue Bruno (Brunehaut) se trouve l'autre endroit encore nommé la Garenme (3).
Sur les recommandations et remontrances de Jean de Longvy, par lettres patentes de 1458, le duc de Bourgogne accorda aux habitants de Fontaine-Française plusieurs beaux privilèges, savoir : « Franchises, libertez et immunitez, et entre autres celui de n'être sujets à aucunes gabelles ni impositions sur leurs denrées, leur étant même permis d'user de sel blanc et de toutes sortes de monnoyes et espèces étrangères, et de négocier partout sans payer aucuns subsides et sans
(1)Archives du château.
(2) Ibid.
(3) J'ai cherché l'étymologie du mot anthoison. Ou c'est une construction vers une grosse source ce qui serait vrai par sa situation vers les nombreuses sources qui ont fait donner à notre ville le nom de Fontanas ; ou c'est le nom du seigneur qui aurait construit cette tour dans le XIe siècle.
qu'il y ait audit bourg de Fontaine-Françoise aucun lieu de confiscation, si ce n'est au cas de crime capital (1). »
Plusieurs rois, jusqu'à Louis XV lui-même, ont confirmé ces privilèges et en ont ajouté d'autres, comme nous le verrons dans la suite de cette histoire.
Nous étions alors soumis à la Coutume du duché, rédigée par Philippe le Bon en 1459.
Le duc, en octroyant cette coutume, avait ordonné que lorsqu'un cas n'aurait pas été prévu par elle, le droit écrit serait appliqué. C'est ce qui eut lieu pendant plusieurs siècles.
Jean de Longvy, IIe du nom, qui avait fait le plus de bien possible aux habitants de Fontaine, mourut le 22 janvier 1462, laissant de son union, contractée en 1436, avec damoiselle Jehanne de Vienne, quatre fils, Girard qui lui succéda, Philippe, Jean, Étienne et une fille, Jeanne.
Jean de Longvy fut inhumé dans la chapelle du château de Pagny. Son mausolée et celui de son épouse, qui y existe encore, fut érigé par leurs enfants vers 1465. Les statues sont en marbre blanc, couchées ensemble sur une table de marbre noir, portant trois écussons aux armes de la famille. La statue du baron est armée, excepté la tête et les pieds qui sont nus. Les têtes sont appuyées sur des carreaux. Ces belles statues sont mutilées en plusieurs endroits.
D'un côté, on lit : Ci-gist noble et puissant seigneur Messire Jehan de Longwy, chevalier, seigneur de Gevry et Paigny, qui trépassa le vingt-deuxième jour du mois de janvier, l'an mil quatre cent soixante et deux.
(1) Copié sur les lettres patentes de Louis XV, novembre 1716.
Et de l'autre côté : Ci-gist noble et puissante dame, madame Jehanne de Vienne, dame de Gevry et de Paigny, femme de noble et puissant seigneur messire Jean de Longwy, seigneur desdicts lieux, laquelle trépassa le VIIe jour de septembre l'an MCCCCLVII. — Dieu ait leur âme. — Amen.
Jeanne de Vienne mourut à Fontaine en 1457, et fut inhumée d'abord dans la chapelle du château (1) de Fontaine, puis plus tard dans celle du château de Pagny.
Girard I de Longvy, de 1462 à 1481.
A la mort de Jean II de Longvy, seigneur de Fontaine, les héritiers du seigneur défunt n'avaient pas rendu les hommages et devoirs qu'ils devaient à l'évêque, duc de Langres, comme seigneur suzerain de la terre de Fontaine. Un titre du 1er juillet 1463, que j'ai trouvé au château, contient la reconnaissance faite par Messire Olivier de Longvy, « seigneur de Rahon et Girard de Longvy, son neveu, seigneur de Gevrey et de Fontaine », des droits de l'évêque de Langres et l'acte de foy et hommage rendu à ce dernier.
Les formalités remplies en pareille circonstance intéressent le lecteur, j'en suis sû r; c'est pourquoi je ne crains pas de donner les passages les plus importants de l'acte qui a été dressé à cet effet.
« A tous ceulx que ces présentes lettres verront et oiront, l'official de la cour de Lengres a noble homme
(1) Archives du château.
Jehan Bryon escuier commis à l'exercice du bailliage dudit Lengres salut en Notre-Seigneur. Sçavoir faisons que l'an mil quatre centz soixante et trois le vendredy premier jour du mois de juillet environ neuf heures avant midy dicelluy jour au lieu de Fontenne-Françoise devant la porte du chastel dudit lieu en la présence de nostre amé et féal Chrestiennot Bourgoin de Montsauljon, clerc tabellion juré de nous et notre dite cour et des témoings cy après nommés auquel notre dit juré quand aux choses cy après escriptes et a plus grande en lieu et authorité de nous ouyr et recepvoir
recepvoir fut présent en sa propre personne noble
homme Estienne Dubois, chastellain de Monsauljon commissiaire en ceste partie touchan les fiedz de Monsieur Lesvêque duc de Lengres mesment dudi Fontenne....
Fontenne.... commissaire heurte et appelle à la
porte dudit chastel, auquel appel vint le portier dycelluy chastel lequel respondit quelles gens estes vous, auquel fut respondu que cestoient les gens de Monsieur de Lengres et adonc se despartist ledit portier de la porterie et entre dudit chastel et à son retour vint un nommé Jehan Verne soy disant chastellain dudit lieu lequel fict entrer dans ledit commissaire et ses assistans avec luy et y ceulx menes en une certaine salle assée près de la Chappelle estant audit chastel commissaire dict et profera de sa bouche a nobles et puissants seigneurs Messire Olivier de Longvy, chevalier, seigneur de Rahon et a Girard de Longvy, seigneur
du dict Fontenne illec presentz Messieurs vous fustes
fustes à Bourg voir Monseigneur de Lengres, offrant
faire vostre debvoir pour faulte d'hommage et
debvoir non faict et a esté cause nous envoyer pardevant vous pour fournir les promesses que avée faict
ensemble auquel commissaire a esté repondu..... Girard de Longvy seigneur de céans qui fict hier son debvoir est prest et content de tenir sa promesse et pour satisfaire a la dicte promesse furent baillées les cleves (clefs) du dict chastel audit commissaire et lequel print les dictes cleves dudit chastel et fit commandement au dict verne soydisant chastellain du chastel qu'il partist hors dudit chastel, lequel chastellain se
départist et s'en alla..... ledit commissaire tenant en
ses mains lesdites cleves de la porte dudit chastel ouvrit et ferma les portes et pont-levis d'y celluy chastel en disant et pour parlant ... voicy les cleves de la maison et forteresse de céans qui m'ont été baillées par Monsieur de céans en obéissance et rétablissement de désobéissance qui avoit esté faicte aux officiers de Monsieur de Lengres durant la main mise de mondit seigneur de Lengres a quoi un nommé Jacques de
Rouhaul a de bouche dict, il est vray que Monsieur de ceste ville qui vous a donné les clèves a faict l'obéissance telle quelle vous est deube et son entention est pour le présent il n'entend aucunement changer de la
nature du fied (fief)..... mais faire l'obéissance qu'il a
faict pour deffaut de debvoir et hommage non faict après le trépas de feu Messire Jehan de Longvy, jadis seigneur dudit Fontenne son père que Dieu pardonne... pour le rétablissement de la main mise comme son vray
vassal faict et donné audit Fontenne lan jour et
heure dessus dicts présens noble homme Desagey, Guillaume de Lavoncourt, Jehan Rouget, Jacob Hugon, Coutilly, discreste personne Messire Regnault Jandon,
prestre audit Fontenne .....et plusieurs autres des gens
du dict seigneur de Fontenne, etc....... »
De tout temps on retrouve l'usage, bien naturel du
reste, de donner des noms particuliers tirés soit de la position des terres, soit de leur produit, soit d'un fait digne de remarque, soit de toute autre circonstance, aux diverses parties du territoire. Ces dénominations, que nous appelons climats ou lieux-dits, sont en général fort anciennes, comme on va le voir.
En suite de discussions qui prenaient la tournure d'un vaste procès, et Dieu sait ce qu'ils duraient dans ce temps-là, le 19 novembre 1464 des experts ont désigné les terres censables par le seigneur et celles censables par le curé, qui s'appelait alors Messire Nicolas de Saigney (1).
A cette occasion, en 1464, le terrier de Fontaine-Française existant aux archives de Dijon a été confectionné. il en résulte que le territoire contenait « 796 journaulx 1/2, 1/3, dixmables pour l'église et le seigneur savoir : 296 journaulx 1/2, 60 à l'Eglise qui prend dixme de 27 gerbes 2 et 500 journaulx 1/2, 60 au seigneur qui prend dixme égale.
« En outre le seigneur prend encore un dixme sur 188 journaulx 1/2, le tiers des 793 1/2 qu'on appelle le dixme de tierce, lequel dixme se paye de 29 gerbes les 4 (2). »
Il résulte également de ce même terrier ou triage que la plupart des climats portaient à peu de chose près le nom sous lequels ils sont encore connus de nos jours, ainsi qu'on peut en juger par la nomenclature suivante.
(1)Archives du château.
(2)Archives du château. Dixme, dixième, était du genre masculin, les anciens titres l'indiquent ainsi. Nos habitants disent encore le dixme, le bâtiment du dixme, etc.
Fontaine-Françoise. Antien triage de 1464 (1).
Les Mées de Courte-Rue, Rembault (Ribaud), Dessus la Croix,
Champ Noblois,
Champ Fourque, Le Chauffour, Le Charmot,
Le Perrerot (Perrois), Belle Charme,
Le Père Voyer,
Belonbeley (Bon blé), Le Santeret,
Laige Guerrier, Le Courroy,
Le Champ Sebillots, Le Vesseal (Vesseux), Le Pétrissey (Perdriset), Les Aleuz (Elus),
Côme Semaitdey,
Damez le Parc, Les Saaulières,
Crécigney,
La Emote (Motte N. D.) Champ des Fourches, Les Tremblées,
La Vie de Montigny, Les Mangeottes,
Perier Otzerin,
Combe Andriey, Les Loicherottes,
Soillon Belin,
Les Mardez,
Périer Creune,
La Charmotte,
Fontaine es Mezely (de la
Borde),
Les Longues Pièces,
Helote hugz et le Prez,
Velors (Velours), Les Montans,
Les Antes,
Lorembert Mortevielle, Curtillots-Perier aux Dames.
Je pense encore qu'on ne lira pas sans intérêt les noms des principaux habitants de Fontaine au moment de la confection de ce triage.
(1) Archives du département.
Les voici par ordre alphabétique :
Ardhuin,
Arnould,
Le Barbier,
Bassagny,
Baudin,
Begin,
Bèze,
Boiget,
Boileau,
Boréal,
Bordet,
Bonnerique,
Boulardot,
Boumbriques,
Bournot,
Briot,
Broschon,
Du Cauge,
Clément,
Cornu,
Coulardot,
Durans,
Estevenin,
Fèvre,
Gauthier,
Gautrelet,
Gibault,
Govin,
Guillampré,
Guillemot,
Huguenin,
Huguenot,
Hugon,
Hugot,
Humbelot,
Jacot,
Jacquinot,
Jandon,
Jeannel,
Labotte,
Laugnot,
Moncostal,
Mongin,
Monnot,
Mugney,
Oudot,
Pelletret,
Perrenin,
Petit,
Petitot,
Richard-Danon,
Robelot,
Rollin,
Quiot,
Rovier,
Viénot,
Villamm,
Voiget.
Noble homme Odot de Mâlain, seigneur de Fontenelle en 1465, avait contesté à « Jeanne de Vienne, veuve de Jean de Longvy, seigneur de Gevrey-sur-leDoubs, Fontaine et Fontenelle en partie, le droit de haute justice sur Fontenelle, » mais par sentence définitive rendue aux assises de Gray, bailliage d'Amont, du 16 septembre 1465, touchant les droits de haut-justicier sur Fontenelle, Odot de Mâlain est débouté de sa demande, ainsi que Huguenot Givoiset, aussi seigneur du dit lieu. Plus tard (comme les choses changent vite) un jugement du 6 août 1467 accorde par provision à Alexandre de Saulx la haute justice de la
terre de Fontenelle contre les héritiers de Jean de Longvy ; et le 3 décembre 1469, intervient une nouvelle sentence définitive du bailliage de Gray contre Girard, Philippe, Jean, Etienne et Jeanne de Longvy, seigneurs et dame de Fontaine, en faveur dudit Alexandre de Saulx, seigneur de Fontenelle, par laquelle ce dernier a été maintenu seul dans la possession de la haute justice de Fontenelle (1).
Girard de Longvy, seigneur de Fontaine, était aussi seigneur de Gevrey ; Philippe de Longvy, son frère, était seigneur de Longepierre, et Jean, seigneur de Soye.
Le 17 juin 1465, un traité est passé « entre Dame Jehanne de Vienne, de Gevrey, de Paigny, Dame de Fontaine-Françoise, veuve de Jehan de Longvy, au nom de ses quatre enfants mâles, Girard, Philippe, Jehan et Estienne, et Discrette Personne, Messire Nicolas de Saigney, prestre, curé de Fontaine, qui donne licence et autorité aux habitans de Fontaine d'essarter (2) des bois et buissons jusqu'à concurrence de 400 journaulx pour les faire fructifier moyennant quoy la dixième partie du dixme appartiendra au curé » (3).
C'est en 1477 que la Bourgogne fut définitivement réunie à la France par Louis XI, après la mort du duc Charles le Téméraire, tué au siège de Nancy, le 5 janvier 1477.
Girard de Longvy avait pris les armes avec le duc Charles contre le roi de France en 1470.
Guillaume IV de Vergy, seigneur d'Autrey, qui avait
(1)Archives du château.
(2)Essarter veut dire défricher.
(3)Archives du château.
aussi pris parti pour le duc Charles, se retira à Douai par dévouement pour la fille de l'infortuné prince.
Fait prisonnier par les Français en défendant sa souveraine, il fut pendant un an détenu dans une prison étroite et bien enferrée, parce qu'il ne voulait pas cesser d'être fidèle à la maison de Bourgogne.
Le roi Louis XI, touché de sa fidélité, l'admit dans ses conseils, lui donna tous les biens des Vergy qui étaient dans le duché, les deux tiers de Saint-Dizier et les seigneuries de Fontaine-française, Apremont, Champlitte, etc. (1).
Peincedé, t. XXVIII, page 1214, nous apprend d'un autre côté que « dans les confiscations faites sur les rebelles au Roi, à la date du 29 août 1477, est fait don, à Guillaume de Vergy, son chambellan, du chastel de Fontaine-Françoise et de la seigneurie de Rigny, près Gray, confisqués sur Girard de Longvy, pour par ledit de Vergy en jouir et les siens perpétuellement comme propre héritage, sans rien réserver (2). »
Louis étant mort (1483), Charles VIII fit saisir la terre de Saint-Dizier. Guillaume mécontent s'attacha au parti de Maximilien Ier, roi des Romains, qui avait épousé Marie, comtesse de Flandre et de Bourgogne.
Guillaume fut alors nommé maréchal de Bourgogne il eut la clef des sceaux des Maximilien, 2000 livres de gages et le titre de général des armées de Bourgogne.
Il mourut en 1520 et fut enterré dans l'église de Champlitte.
(1) Archives du département.
(2)On dit encore à Fontaine que le château fut à cette époque Château royal ; cela était vrai, car de 1470 à 1477, le roi qui l'avait confisqué en levait tous les impôts et le faisait occuper par ses soldats.
Déjà en 1480, Guillaume de Vergy avait revendiqué ses droits sur la terre de Fontaine. Pour terminer le différend, un jour d'audience fut fixé. Girard de Longvy, seigneur de Gevrey et de Fontaine, se défendit et n'eut pas gain de cause, car, suivant Peincedé, le seigneur de Fontaine était du nombre des rebelles à Louis XI, qui saisit les seigneuries de Fontaine et de Rigny près Gray.
Mais par suite de la défection de Guillaume IV, toutes les donations à lui faites par Louis XI furent abolies, et la maison de Longvy rentra complètement et paisiblement en possession de tous les biens que le roi avait saisis, entre autres la seigneurie de Fontaine-Française.
Girard de Longvy mourut vers 1481, laissant ses biens à son frère Philippe, ainsi que cela paraît résulter de la Notice historique sur la seigneurie de Fontaine-Française en Bourgogne (Archives de la Noblesse du Collège héraldique de France), où je lis : « Jean de Longvy II, chevalier, seigneur de Fontaine-Française, de Gevrey, etc., vivant en 1435 et mort le 22 janvier 1462, laissant de son union avec demoiselle Jeanne de Vienne, le fils qui suit :
« Philippe de Longvy, seigneur de Fontaine-Françoise, de Gevrey, de Longepierre, etc., qui épousa, en 1481, Jeanne de Baufremont, dame de Mirebeau, fille de Pierre, seigneur de Charny, chevalier de la Toison d'Or, et de Marie, fille naturelle légitimée de Philippe dit le Bon, duc de Bourgogne ; ils eurent entre autres enfants (1) :
(1) Philippe mourut en 1505, laissant sept enfants. Il fut inhumé dans l'église de Lamarche ; sa femme, qui mourut en 1507, fut inhumée dans l'église de Mirebeau.
« Jean de Longvy, IIIe du nom, seigneur de Pagny,
de Mirebeau et de Fontaine-Française ......... »
Philippe de Longvy était bien fils de Jean II, mais non pas l'aîné. Cet aîné est Girard, qui fut de droit et de fait seigneur de Fontaine.
Je n'ai trouvé aucun acte dudit Philippe se rattachant à Fontaine. Le titre de seigneur de cette terre devait être pris à la fois par les deux frères.
Quoi qu'il en soit, c'est son fils puiné, Jean III de Longvy, dont il va être question, qui fut réellement seigneur de Fontaine de 1481 à 1520, et dont je trouve, dès 1487 le nom dans tous les documents.
Le fils aîné de Philippe de Longvy fut Claude de Longvy, évêque de Langres, duc et pair de France, connu sous le nom de Cardinal de Givry (1), qui occupera dans cette histoire une large place.
Jean III de Longvy, de 1481 à 1520 et sa fille Françoise de Longvy jusqu'en 1526, sons la tutelle de sa mère Jehanne d'Orléans, dame de Gevrey.
Jean de Longvy, baron de Pagny par son aïeul Girard de Longvy, seigneur de Mirebeau, de Gevrey, de Fontaine-Française, de Chaume, de Neufblans et de Noyers, épousa Jehanne, fille naturelle de Charles d'Orléans, duc d'Angoulême, et d'Antoinette de Polignac, dame de Combroude. Le roi François I, dont elle était la soeur naturelle, donna à elle et à son mari le
(1) Givry doit être un diminutif de Gevrey, ou peut-être la dénomination en patois de cette terre de Gevrey-sur-le-Doubs, dont les Longvy étaient seigneurs.
comté de Bar-le-Duc. Jean de Longvy a en outre été seigneur suzerain de Renève.
Dès le commencement de la prise de possession de sa seigneurie de Fontaine, il eut d'assez graves difficultés avec les habitants ; ces difficultés furent l'objet de longs procès.
Vers 1480 un incendie ayant détruit une grande partie du bourg, les habitants, qui avaient le droit de prendre leurs bois de construction dans les forêts du seigneur, voulurent user de leurs droits. Les gardes s'y opposèrent : il y eut rixe et même du sang répandu. Mais les habitants, à la tête desquels se trouvaient Boileau échevin avec cinq jurats (conseillers de commune), profitèrent de la nuit pour amener péniblement, avec leurs boeufs, les bois qui leur étaient nécessaires et rebâtirent tant bien que mal leurs maisons.
Un procès s'engagea qui fut d'abord gagné par les habitants, en 1484, au parlement de Dijon, puis à Paris en 1486. Un accord eut lieu et le seigneur donna, en échange du droit contesté, trois cents arpens (environ 105 hectares) de bois appelé aujourd'hui la Côte-Martin.
Il existe en outre une sentence de 1487, prononcée par Jean Gauthiot, licencié en droit et en lois, bailli de Fontaine-Française, pour noble et puissant seigneur dudit Fontaine, par laquelle les « habitants dudit lieu sont condamnés à moissonner les blés dudit seigneur, travaux auxquels ils sont tenus, moyennant droit et prouffit accoustumés (1). »
Un bail à cens, du 19 avril 1489, porte « que les
(1) Archives du château et de la commune.
habitants de Chaume, dépendant de la seigneurie de Fontaine, sont obligés de faire rente au dit seigneur de Fontaine d'une hémine de froment, et en outre la dixme levée à raison de deux gerbes sur vingt-sept », soit en termes de l'époque, de vingt-sept gerbes deux (1).
Un autre titre original du 15 février 1489 porte, encore « que Jehan de Longvic, seigneur de Fontaines et de Chaulmes, délaisse par bail à cens des terres sous la redevance de cens et de dixmes annuels cumalativement. C'était la onzième gerbe des grains qui se liaient et une autre quantité qui ne gerbaient pas.
« Le bail était de quatre cents journaux de terre à essarter et de bois à mettre en plain ou terre labourable (2). »
En ces temps de guerre les contributions se multipliaient, cela se comprend, car il en est de même de nos jours. La Bourgogne avait été imposée à quarante-deux mille francs octroyés au roi au mois de février 1489.
Le peuple n'était pas riche et le roi lui-même avait bien de la peine à lever les impôts qui lui étaient dus. Ses receveurs durent souvent exercer ses droits par l'amende et les prises de corps.
Jean de Noidant, commis à la recette du bailliage de Dijon, fit arrêter et mettre en prison deux habitants de Fontaine, Pierre Jacquinot et Nicolas Fèvre, parce qu'ils ne payaient pas la somme de douze francs qu'ils devaient au roi sur l'imposition des quarante-deux mille francs.
Si ces deux habitants furent ainsi mis en prison, assurément le seigneur de Fontaine, Jean III de Long-
(1)Archives du château.
(2)Archives de Fontaine.
vic, y était étranger, car vers la même époque, il accordait des immunités à tous ceux qui le servaient bien et dont les mérites étaient constants. Ainsi une pièce que j'analyserai seulement des archives du château, à la date du 8 août 1494, porte : « Donation par Jehan de Longvic, seigneur de Fontaine-Françoise et de Neuf-blans, à Jehan Robelot, fils de Villame Robelot, de Fontaine, Clerc, demeurant à Dijon, en récompense de ses bons et agréables services qu'il a faits et fait de jour en jour audit seigneur; d'un terrain sis audit Fontaine, d'un demi-journal, rue de la Halle (1). »
Le même acte contient également donation à Jean Robelot d'un droit d'usage et d'affouage dans le bois Morot (2), « à charge par ledit Robelot de payer une livre de cire au seigneur Jehan de Longvic, le jour de la Toussaint.
« Cette donation est faite franche et quitte de tailles, corvées, gelynes et de toutes autres charges (3) ».
Si au XVe siècle, il ne faisait pas bon vivre, il faut avouer que les objets de première nécessité étaient, relativement à notre éqoque, à vil prix.
Ainsi du temps de Philippe le Bon, dit M. de Calonne, dans ses Moeurs et coutumes municipales du XVe siècle, « la livre de pain de première qualité valait en moyenne deux deniers (or, il y avait douze deniers dans un sol), et le pain du pauvre, un denier. La journée de l'ouvrier était alors de quatre sols ; avec moitié
(1)Archives du château, aujourd'hui rue de l'Eglise. La halle était à côté du four banal, en face de la maison de M. Jules Perrot.
(2)Bois qui se trouvait entre Pré Morot et le bois de l'Allau.
(3)Archives du château Les Robelot, huiliers, sont les descendants directs de Jehan Robelot. Les aînés portaient tous le prénom de Jehan.
de ce salaire, il pouvait acheter deux cents oeufs à deux sols le cent, et avec l'autre moitié deux livres de beurre à six deniers la livre, plus un lapin d'un sol. Un lot de six litres de vin valait huit deniers ».
Dans le bourg de Fontaine-Française existait déjà une famille, celle des Labotte, qui a eu son écu orné d'une botte, ainsi qu'on peut le voir sur deux pierres tombales à l'église, l'une de 1647, et l'autre de 1686. Cette famille a tenu une grande place dans notre histoire locale depuis le commencement du xve siècle. Tour à tour, prêtres, baillis, notaires, procureurs, receveurs, bourgeois, les Labotte ont occupé toutes les places lucratives jusqu'au XVIIIe siècle. L'un des derniers, prêtre-curé, a eu, avec M. le Marquis de la Tour-du-Pin de la Charce un procès qui a duré quarante ans, à propos de certaines dixmes que le curé prétendait lever seul.
Vers cette époque la famille Claudon a remplacé les Labotte. Il n'y a pas encore longtemps qu'un Claudon était notaire, un autre receveur des domaines, un troisième juge de paix, un quatrième pharmacien droguiste, tous frères ou cousins germains, nés à Fontaine et y exerçant en même temps leur profession.
Le 26 mars 1505 Jean III de Longvy octroie aux habitants de Fontaine une charte de communauté.
Les seigneurs de Fontaine avaient déjà leurs baillys ; par conséquent un bailliage, mais seigneurial seulement, existait au XVIe siècle. On trouve en effet, dans les archives du château, « à la date finale du 6 septembre 1507 », sur le livre des grands jours « des sentences rendues par le bailly, tant pour les lods, que cens et autres droits. »
Les habitants de Fontaine, voulant se soustraire à
la dixme réclamée par le seigneur sur toutes leurs vignes, eurent avec lui un commencement de procès ; mais une entente eut bientôt lieu, et le 6 septembre 4507, l'accord s'établit par l'acte suivant passé par devant Largeot et Morel, notaires à Paris.
« A tous ceulx qui ces présentes lectres verront et ouïront, l'Official de la cour de Lengres, salut. Scavoir faisons, comme procès différans et matières de questions fussent menez Entre noble et puissant seigneur Jehan de Longvic, seigneur de Fontenne-Françoise, et de Neufblancs, Noyers, d'une part.
« Et les manans et habitans dud. Fontenne, ses hommes et subjets d'autre part »
Suit la transaction par laquelle les habitants reconnaissent devoir le dixme sur toutes leurs vignes.
Jean de Longvy avait omis de faire foi et hommage au nouvel évêque de Langres, Jehan d'Amboyse, celui-ci voulut bien temporiser : et le 3 mars 1509, « surséance est accordée, par Jehan d'Amboyse, évêque de Lengres, pour la reprise de fief de Fontaine-Françoise à Jehan de Longvy, seigneur de Gevrey et Fontenne, pour foy et homage à cause de son Duché de Lengres et de son comté de Monsaujon (1). »
Dans les archives de Fontaine je trouve un autre acte, de 1512, par lequel « Guillaume de Remilly, escuier, seigneur de Mentoiche en partie, maistre d'Ostel et procureur général et espécial de très hault et puissant seigneur de Longvy, Mirebeau, Gevrey, et Fontaine-Françoise, reconnaît que les habitants dudit Fontaine ne sont point tenus à faire le guet de jour et de nuit en la lenterne du château dudit lieu, bien qu'ils
(1) Archives du château.
aient fait ce service pendant six mois pour la conservation de leurs biens qui y étaient renfermés à cause des bruits de guerre de ce temps (1). »
En septembre 1513, un descendant de Henri de Vergy qui vivait en 1246, Guillaume IV, revendiquant certains droits sur le duché, se met à la tête de 45,000 Suisses. Ayant battu les Français à Novare, ils s'avancent dans l'intérieur du royaume « et après avoir saccagé Fontaine-Française, Lux, Thil-Châtel, Marey, entrent dans la maison forte d'Is-sur-Tille, brûlent les titres, emportent les coffres et les bons meubles et ruinent les murs.... (2) » qui ne furent rétablis qu'en 1588.
De là les Suisses vinrent mettre le siège devant Dijon, mais ils se retirèrent bientôt après avoir brûlé les faubourgs et traité avec la Trémoille moyennant 400,000 écus.
Un autre auteur dit :
« Enorgueillis par leur victoire de Novare et excités par l'empereur Maximilien, les Suisses, au nombre de 25,000 à 30,000 hommes entrés en Bourgogne par Pontailler, Fontaine-Française, Lux, Thil-Chatel, Is-sur-Tille et Marey, mirent le siège devant Dijon, les 6 et 7 septembre 1513, et lancèrent sur la ville une grêle de projectiles qui avaient jusqu'à 25 centimètres de diamètre.
« Tous nos pays eurent à subir de terribles déprédations. L'église de Véronnes-les-Grandes, alors fortifiée, fut prise d'assaut et beaucoup d'habitants furent tués. »
L'évêque de Langres, Michel Boudot, en suite des dégâts causés par les Suisses, voyant son peuple (tous
(1)Archives de la commune.
(2) Courtépée et Histoire des évêques de Langres.
nos pays compris) incommodé par le défaut d'huile, donna dispense de l'abstinence du beurre et du lait en carême (dispense rare à cette époque), par ses lettres patentes datées de son château-fort de Mussy, le 25 janvier 1515 (1).
« L'année suivante, en 1516, il décréta, comme ses prédécesseurs, commission contre les rattes, sourris et hurebez, qui rongeoient les bleds, le 27 avril ; monition et incrépation le 3 juin, en suivant » (2).
Jean III de Longvy mourut vers 1520, ne laissant qu'une fille Françoise, dame de Fontaine-Française, de Pagny, de Mirebeau, etc., qui épousa, en 1526, le 10 janvier, Philibert de Chabot-Brion, comte de Charny, amiral de France, qui devint alors seigneur de Fontaine.
Mais la veuve de Jean de Longvy, Jehanne d'Orléans, que les habitants de Fontaine ne connaissaient que sous le nom de Mme de Gevrey ou Gevry, administra les biens de sa fille jusqu'à son mariage, et divers arrangements eurent lieu avec les habitants de Fontaine. En voici un entre autres qui a une grande importance. C'est une lettre de doléances des habitants, au bas de laquelle est l'approbation avec l'ordre donné, par Jeanne d'Orléans, veuve de Jean de Longvy, de faire droit à ces doléances (3).
« A Madame, Madame de Gevry de Fonteine-Françoise. Exposent en tous debvoirs et humilité les manans et habitans dud. Fonteine, vos humbles et hobéis-
(1 et 2) Anastase de Langres, page 425. Monition était l'avertissement donné avant l'excommunication, et incrépation le supplice par le feu.
(3) J'ai la copie de cette lettre dans mes archives. Elle me vient du père Bresson, dit l'adjoint.
sans subjectz commil soit que dez sont passez deux cens ans, feu de bonne mémoire messire Jehan de Vergy lors seigneur dud. Fonteine en récompense de plusieurs pertes par eulx pourtees et pour aultres bonnes considérations contenues ez lectres sur ce faictes actaichees a ceste leur donna pour eulx leurs successeurs habitans dud. lieu perpetuellement et a jamais le panaige et erreaige pour leurs pors en tous lez bois frices et buissons dud. Fonteine tant a la vive vaine que morte pasture a la charge de clairce esd. lectres et que depuis ils ayent toujours joys paisiblement dud. droit et payee, etc... qu'ils ont entendu par le Maistre de Forges de Beze que luy avoit vendu la tracte et coppaige
coppaige portion desd. bois et en voulait extirper
et faire essarter une partie, que ce faisant faulte de pasnaige pour leurs pors et aultres bestes dont ils se nourisent eulx, leurs femmes et pauvres petits enfans seroient contrainctz mendier et laisser le lieu .... permettre aux dits habitans joyr de leurs droictures commil ont accoustumee sans disposer desdits bois a la dymunicien d'iceulx. Ce faisan les obligerez de plus en plus, priee Dieu en commun et particulier pour vous et l'entretenement de vostre noble estat. »
Ensuite est écrit.
« Il a été ordonné par nous que le vendage que nous avons fait des bois sortira son effet et quand es terres ilz ne seront essartees afin que les habitans dudit Fonteines y puissent prendre leur pasnage comme ils ont accoustume ou jeune bois qui sortira de la dite couppe. Fait à Bloys le vingt neuviesme jour de mars mil cinq cens vingt et quatre après Pasques. Signé Jehanne Dorléans. »
FONTAINE-FRANÇAISE SOUS CLAUDE DE LONGVY, DIT LE CARDINAL DE GIVRY, DE 1505 A 1561
ARMES DU CARDINAL DE GIVRY
Il portait : Ecartelé aux 1 et 4 d'azur à une bande d'or qui est Longvy, aux 2 et 3 d'azur au sautoir de gueules accompagné de douze fleurs de lys d'or qui est l'Evéché de Langres. Sa devise était : Abundancia diligentibus.
Claude de Longvy, fils aîné de Philippe et de Jeanne de Beauffremont, cardinal évêque de Langres, duc et pair de France (1), connu sous le nom de cardinal de Givry, posséda Mirebeau et Fontaine à partir de 1505, comme coseigneur, avec son frère puiné Jean III de Longvy.
(1) Quand le roi de France, Philippe-Auguste, érigea l'évêché de Langres en Duché Pairie, il lui attribua les insignes correspondants à cette nouvelle dignité. L'évêché de Langres fut fondé vers 288 sous Constance-Chlore (Anastase de Langres). Les ducs et pairs ecclésiastiques étaient : l'archevêque de Reims, celui de Laon, et l'évêque de Langres.
Les comtes et pairs ecclésiastiques étaient : les évêques de Noyon, de Ghâlons-sur-Mame et de Soissons.
L'archevêque de Paris était duc de Saint-Cloud, et celui de Besançon prince romain.
L'évêque de Langres était le troisième pair ecclésiastique de France, duc de Langres, marquis de Coublanc, comte de Montsaugeon, baron de Gurgy, Mussy, Luzy, etc.
Le cardinal de Givry a joué un trop grand rôle dans notre pays pour que je ne lui consacre pas quelques pages.
Il fut d'abord chanoine, archidiacre, et enfin évêque de Poitiers, puis d'Amiens et de Mâcon, en 1513, par la démission d'Etienne de Longvy, son oncle. Son mérite, dit l'historien du temps, le rendit digne de cette élévation, que, du reste, la noblesse de la maison de Longvy et ses brillantes alliances facilitèrent sans doute. Transféré à l'évêché de Langres en 1530 et devenu duc (1), il jouit des abbayes de Saint-Bénigne de Dijon, de Poitiers, etc., enfin il fut élevé à la dignité de cardinal, en 1533, par le pape Clément VII.
Il portait comme sa famille d'azur à une bande d'or, écartelé des armes de son évêché (2).
. Dans le courant du XVIe siècle les erreurs de Luther (1515) et de Calvin (1534) faisaient invasion partout et avaient pénétré jusque dans nos paisibles contrées. Une bonne partie des habitants de Fontaine cessèrent d'être catholiques et embrassèrent la religion préten-
(1)Doté du duché-pairie, l'évêque de Langres possédait le comté de Montaugeon, et suivant le dénombrement donné par Guy Bernard, 84e évêque, plus de 150 seigneuries en mouvance : comtés, marquisats, baronnies, châtellenies, et avec haute, moyenne et basse justice sur le tout.
Notre cardinal de Givry était donc un très haut et très puissant seigneur.
(2)Les armes du cardinal furent alors : écartelé aux 1 et 4 à une bande d'or, qui est de Longvy, aux 2 et 3 d'azur au sautoir de gueules, accompagné de douze fleurs de lys d'or, qui est l'évêché de Langres. L'écusson en pierre des armes du cardinal de Givry est placé dans le grand vestibule du château, au-dessus de la porte de la salle à manger et du couloir qui conduisait à la chapelle, qu'il avait fait construire en 1536 On verra plus loin qu'on a placé également dans le môme vestibule les armes de l'amiral Chabot.
due réformée. Les adeptes de Luther et Calvin prirent le nom de protestants.
« Tout Chazeuil, dit un chroniqueur du temps, devint protestant ; Fontaine-Française fut partagé; les catholiques y dominèrent cependant, 1547. »
A peine arrivé à Langres, le nouvel évêque visita son diocèse et le dota largement.
« La chapelle de Sainte-Gertrude de Selongey fut alors construite à un quart de lieue à l'est de Selongey, 1530, et fut bénite par le cardinal de Givry, en 1537 » lors de sa première tournée épiscopale (1). »
Comme le cardinal de Givry était oncle de Philippe ou Philibert Chabot, devenu, en 1526, seigneur de Fontaine par son mariage avec Françoise de Longvy, il partagea de nouveau avec lui cette seigneurie, de laquelle il était déjà coseigneur et ensuite suzerain en 1530, par son droit d'évêque, duc de Langres. Il était donc son propre suzerain.
Il faisait sa résidence habituelle au château de Fontaine, qu'il a réparé et embelli. Ainsi les tours et les courtines du château en plate-forme, bordées alors de machicoulis et de créneaux, mais en assez mauvais état, furent surmontées de charpentes avec couvertures en tuiles à toits aigus. La courtine, ou façade du côté de l'Etang Pagosse, fut aussi surmontée d'un étage, tel qu'il existe aujourd'hui et la tour du guet, au-dessus du pont-levis, fut élevée à plus de cent pieds de hauteur.
L'ancienne chapelle du château, bâtie devant le château, en 1297 (2), fut reconstruite en 1536, par le car-
(1) Courtépée.
(2) Elle était à peu près dans le cabinet de verdure rond qui se trouve entre le monument actuel d'Henri IV et la porte qui conduit au parc.
dinal de Givry, niais dans le château, à l'angle ouest où se trouve aujourd'hui la cuisine (1). Ses armes y étaient en vingt endroits et l'arrangement en était superbe.
On disait de cette chapelle, avant la révolution « qu'il n'y manquait qu'un étui pour un si beau bijou (2) ».
On attribue au cardinal de Givry l'acquisition des tapisseries italiennes de haute lisse, à grands personnages, représentant cinq épisodes de la vie d'Alexandre, qui ont longtemps orné la grande chambre dite la chambre royale et qui sont aujourd'hui tendues dans la grande salle des gardes. Ce qui paraît confirmer cette opinion, c'est qu'à la même époque, 1545, il fit don « à l'église cathédrale de Langres de huit pièces de tapisseries aussi de haute lisse représentant l'histoire de saint Mamès et son martyre, qui coûtaient alors 1200 écus (3) ». Ces dernières tapisseries sont du même genre et de la même école que celles de Fontaine.
« Il donna aussi à l'église de Langres et à d'autres églises des chapes et des chasubles en drap d'or du plus grand prix, et fit faire le Jubé à Saint-Mamès (clôture entre la nef et le choeur) (4). »
« En 1559, à cause de ses hautes dignités, il assista aux obsèques de François Ier avec neuf cardinaux, quarante archevêques et évêques, puis au sacre de Henri II, en laquelle année il y eut une grande cherté de bled en ce paii (de Lengres) que par toute la France (5). »
(1) Archives du château. (2) Courtépée.
(3, 4, 5) Anastase de Langres.
Vers la même époque, le cardinal de Givry, s'associant à François Chabot, son coseigneur de Fontaine, a doté l'église de ce lieu et fait bâtir la maison curiale qui, démolie en 1840, a été reconstruite sur le même emplacement d'après les plans de l'architecte Fénéon, de Dijon, ainsi qu'on la voit aujourd'hui.
« En 1560, il fit imprimer à Sens, dans le bréviaire de Langres, un calendrier, chose très rare à cette époque, où tous les jours étaient distribués suivant les pactes et nombres d'or .
« Charles des Cars, son successeur, fit aussi imprimer, en 1604, un calendrier d'après les mêmes principes (1). »
Désolé de voir le protestantisme se propager dans son diocèse, il se retira dans sa maison forte de Mussy, en 1561, et il y mourut, dit-on, de chagrin, « et son corps de là porté à Lengres et mis soubs une tombe de marbre à dextre du grand autel et son effigie eslevée en bronze à genoux sur une tombe de marbre en l'an 1561 (2) ».
Sous le cardinal de Givry, et encore longtemps après lui, outre les charges ordinaires, les habitants de Fontaine ont payé à l'évêque de Langres, leur suzerain, à cause du comté de Montsaujon, vingt livres par an pour aller saluer le roi (3).
Les évêques de Langres, ducs et pairs de France, étaient très puissants et jouissaient d'une fortune et de privilèges considérables. Le lecteur en jugera par ce qui suit, tiré de l'Anastase de Langres, pages 221 et suivantes :
(1, 2) Anastase de Langres. (3) Histoire nationale de France.
« Il faudroit emploier 60 ou 80 roolles au moins, pour faire l'entier dénombrement des bénéfices de cet évêché, qui ne manqueroient pas d'ennuyer le lecteur. Je diray seulement en bloc que cet évesché est revestu de toutes les qualités éminentes qui se trouvent au temporel soubz un estat monarchique : cet évesque estant duc de Lengres, l'un des douze anciens pairs de France (1), comte de Mont-Saulion et autres fois comte du château de Dijon, marquis de Coublans, baron de Luly, Gurgy-le-Chastel et Mussy, chastellain de plusieurs chastellenies, et seigneur hault-justicier, moien et bas de plusieurs fiefs et justices ayant esté si richement doté que pour faire expédier des bulles de provision de cet évesché en cour de Rome sur la nomination du Roy, ensuitte des concordats, l'évesque nommé donne pour l'expédition des bulles 9000 florins au lieu que l'archevesque de Lion, son métropolitain, n'est taxé qu'à 3000, celui de Sens à 6000, celui de Paris à 3000, celuy d'Aix en Provence à 2044, celui d'Avignon à 1800, celui de Reims à 4000, celui de Tours à 2000, Bourges 4000, Bezançon 1000 et Toulouze 5000. De sorte que de tous les archeves-chez, il n'y a que Rouen et Ausch qui soyent plus taxés que cet évesché, Rouen 12.000 et Ausch 10.000.
« Il est au contraire le plus taxé des éveschez qui est de 6000 suivant les taxes apostoliques de 1625.
« Aussi ancien pair (né de son tiltre d'évesque de Lengres) et principal vassal de la corone, il iouit de droict de préseance à tous aultres seigneurs non pairs
(1) Institués par Charlemagne suivant certains auteurs ; d'autres disent par Louis le Jeune. Favin prétend que c'est par Robert le Pieux en l'an 1020.
à la réserve des princes du sang seuls qui le précèdent.
« A ce moïen, notre évesque a séance et voix délibérative au Parlement et privilège....
« Au reste, il relève ses duché et comté immédiatement de la corone et non d'aulcune pièce d'icelle, faict hommage, baille adveu et desnombrement en la Chambre des comptes et les appellations de ses juges ne ressortissent que du Parlement.
« Il a droict de grands jours de réformation.
« Assistant au sacre d'un roy, il a droict de soulever avec l'évesque de Beauvais sa majesté de son throne royal et de demander au peuple s'il l'accepte pour son roy, et l'archevesque de Reims lui faire le serinent accoutumé qui est de conserver la liberté de l'Eglise gallicane, droicts et anciens statuts. »
La puissance des douze pairs était telle qu'on les appelait Francie Magnates dès 1157.
Fac-Simile des signatures de plusieurs Seigneurs
de Fontaine - Fse et autres personnages.
CHAPITRE XI
FONTAINE-FRANÇAISE SOUS LES SEIGNEURS DE CHABOT-CHARNY DE 1526 à 1638
ARMES DES CHABOT-CHARNY
Ils portaient : Ecartelé aux 1 et 4 d'or
à trois chabots de gueules posés en pal deux et un, qui est Chabot : aux 2 et 3 de gueules à trois écussons d'argent, deux et un, qui est Charny.
Leur devise était : Concussus surgo (1).
Philippe on Philibert Chabot, de 1526 à 1543.
Philippe ou Philibert Chabot, né en 1480, était fils de Jacques Chabot, seigneur de Jarnac, et de Madeleine de Luxembourg.
Il était comte de Charny, seigneur de Brion, amiral de France, chevalier des ordres de Saint-Michel et de la Jarretière, capitaine de cinquante lances.
Il fut gouverneur de Bourgogne et de Normandie, et devint seigneur de Fontaine, de Mirebeau, de Pagny par son mariage, comme je l'ai déjà dit, avec Françoise Louise de Longvy en 1526, fille de Jean de Longvy.
Il eut ainsi la baronnie de Longvy, qui passa à Léonor Chabot, son fils aîné, grand écuyer de France et lieutenant du roi en Bourgogne.
(1) Si on m'abaisse je me relève ; si on m'étreint je me rebiffe.
Il y a peu d'années, des recherches faites dans les greniers du château amenèrent la découverte de deux écussons : celui du cardinal de Givry et celui de Philibert Chabot. Le dernier a été placé au-dessus de la porte d'entrée de la salle des gardes. Cet écusson porte :
Ecartelé, aux 1 et 4 d'or, à trois chabots de gueules posés en pal deux et un, qui est Chabot ; au 2 d'argent à un lion de gueules, armé, lampassé et couronné d'or, la queue fourchue et passée en sautoir qui est Luxembourg ; au 3 de gueules à l'étoile de seize rais d'argent qui est Baux.
Cet écusson est posé sur un ancre symbole de sa dignité d'amiral.
Philippe Chabot avait pris sa devise Concussus surgo, à la suite de ses malheurs.
Philippe Chabot sut gagner les bonnes grâces du roi (François I) lorsque celui-ci n'était encore que prince du sang.
Il porta longtemps le nom de Brion, fut l'un des seigneurs qui défendit Marseille contre l'armée impériale en 1513, et fut fait prisonnier à la bataille de Pavie, avec François I, le 25 janvier 1525, un an juste avant son mariage avec la dame (1) de Fontaine. Il signa la protestation secrète, que fit François I, contre la cession du duché de Bourgogne que l'Espagne exigeait pour sa rançon.
(1) Cette ex pression de Dame de Fontaine est tellement enracinée dans le langage local qu'on entend à chaque instant dire : la Dame a dit ceci, la Dame a fait cela, bonjour la Dame ; jamais, chez les anciens surtout, on ne se servait d'autre expression pour nommer la propriétaire de la terre de Fontaine.
Il usa alors de son droit d'indire en sa qualité de seigneur haut justicier, pour faire payer, ainsi que cela lui était dû, aux habitants de Fontaine-Française, une partie de sa rançon.
Etant sorti de prison, il fut employé en diverses négociations entre le roi et l'empereur Charles-Quint. Le roi, toujours prisonnier, fit Chabot amiral le 13 mars 1525 et gouverneur de Bourgogne, en reconnaissance de ses services ; ensuite il fut ambassadeur en Angleterre. Quatre ans après, il commanda l'armée en Piémont, y prit quelques places et y eut plusieurs succès.
En 1537, Philippe Chabot acquit des habitants de Renève le pàquier (pré) des Baulières devant Oisilly et il le rattacha à la seigneurie de Fontaine.
La même année, suivant un titre qui existe aux archives du château, la seigneurie et le fief de Berthaut appartenaient à Claudine de Saint-Seine, dame de Fontaine, en partie, à cause de ce fief, ladite dame étant femme de Jacques de Clermont, chevalier, seigneur de Dampierre, ainsi que cela résulte des lettres patentes du 26 avril 1537, données par Charles, par la divine Clémence, empereur des Romains, toujours Auguste, roy de Germanie, de Castille, duc et comte de Bourgogne, de Charolais, etc., etc. »
Par traité du 9 juillet 1554, c'est-à-dire 17 ans après, les habitants de la rue de Berthaut consentent, bien malgré eux, à payer à leur seigneur la taille qu'ils lui contestaient ; ce qui peut surprendre, car ce fief était taillable à volonté (1).
Ce n'est que quatre ans après son mariage avec Françoise de Longvy, le 25 mars 1539, que Philippe
(1) Archives du château.
Chabot donna son dénombrement, c'est-à-dire fit foi et hommage de sa terre de Fontaine-Française à l'évêque de Langres, duquel il la tenait comme son suzerain et du comté de Montsaujon, dont ledit évêque était seigneur et maître (1). »
On raconte que les fastes de Philippe Chabot avaient offensé la noblesse, alors qu'il n'était que Brion, et avant même qu'il ne possédât la charge d'amiral. Le connétable de Montmorency et le chancelier Poyet devinrent ses ennemis les plus implacables.
François I l'avait comblé de faveurs. Cependant il l'abandonna au chancelier qui lui fit un inique procès. Ce juge trouva vingt-cinq chefs d'accusation méritant tous la mort. Mais il ne fut condamné qu'à 450,000 livres d'amende, à la privation de toutes ses charges, à la confiscation de ses biens et au bannissement.
Cependant une commission révisa ce jugement, et le roi trompé fit bientôt rentrer Philippe Chabot à la cour : « Hé bien, » lui dit François I, « vanterez-vous encore votre innocence ? — « Sire », répondit humblement l'a- « mirai, j'ai trop appris que nul n'est innocent devant son Dieu et devant son roi ; j'ai du moins cette consolation, que toute la malice de mes ennemis n'a pu me trouver coupable d'aucune infidélité contre V. M. »
Le roi, n'écoutant que son bon coeur, le fit justifier par un arrêt du parlement en 1542 ; mais Chabot, àme et corps trop sensibles, ne se releva pas du chagrin qu'il avait éprouvé : il languit quelque temps et mourut le 1er juin 1543.
Toutes les accusations portées contre lui se réduisaient à deux chefs sérieux, savoir: 1° que l'amiral avait,
(1) Archives du château.
de son autorité, haussé à son profit les droits perçus sur la pêche du hareng ; 2° et que, dans son gouvernement de Bourgogne, il s'était approprié certains droits réservés pour l'entretien des villes de guerre (1).
Le principal ennemi de Chabot était le chancelier Poyet, qui fut dégradé en 1542.
Je lis dans l'Histoire de la monarchie française, par Moustalon et Méry, 1830 :
« Cet homme à talents (le chancelier Poyet), qui, de simple avocat s'était élevé à la dignité de chancelier de France, fut immolé à la vengeance de la duchesse d'Etampes, maîtresse du roi, qui ne put jamais lui pardonner d'avoir fait dépouiller de ses charges et condamner au bannissement l'amiral Chabot, auquel elle était alliée. »
Le roi ordonna que les funérailles de l'amiral fussent faites à ses frais et il lui fit élever un mausolée, reconnaissant ainsi tous les services que Chabot avait rendus à la France et à la cause royale.
Il fut inhumé dans l'église des Célestins de Paris. La statue en marbre blanc, qui surmontait le mausolée, le représentait appuyé sur son casque et tenant à la main son sifflet de commandement (2).
Il eut six enfants de son mariage avec Françoise de Longvy.
L'aîné Léonor, lieutenant général de Bourgogne, comte de Charny, grand écuyer de France, comte de Buzançois, sire de Pagny, etc., sauva le duché de Bourgogne des horreurs de la Saint-Barthélemy (1572) en suivant les sages conseils du président Jeannin qui lui dit
(1) Histoire de Pagny.
(2) Boudot, Histoire du canton de Mirebeau.
que le roi n'avait pu donner des ordres si sanglants. Charny l'écouta. Bien lui en prit, car, quelques jours après le roi envoya un courrier pour contremander ses premières dispositions. Charny était absent de Dijon ; il n'y arriva que le 29 août.
Les registres de l'Hôtel de ville portent ce qui suit, à la dite date du 29 août 1572 :
« C'est ce jour-là qu'eut lieu à l'hôtel de la Sénéchaussée (rue Chabot-Charny) où Jeannin, alors simple avocat, et qui, comme le plus jeune et le moins qualifié, devait opiner le premier, prit la parole ; et, après avoir inutilement sommé les messagers de donner par écrit les ordres dont ils se disaient porteurs, adjura le comte de surseoir à toute mesure rigoureuse avant d'avoir reçu de nouvelles lettres expresses du roi. »
« Chabot fut entraîné et les protestants sauvés du massacre. Toutefois comme les circonstances nécessitaient des mesures de prudence, Chabot-Charny manda le vicomte-mayeur et lui prescrivit d'arrêter et de mettre en lieu sûr les principaux des réformés. La liste en était toute dressée et chaque échevin s'étant chargé de ceux qui demeuraient sur sa paroisse, la capture fut bientôt faite. On les resserra à l'hôtel de ville, où Charny, qui s'en était fait remettre la liste, les fit garder durant une quinzaine de jours, au bout de laquelle il les relâcha après leur avoir fait jurer de revenir à la religion catholique. »
Voilà pourquoi deux rues de Dijon portent les noms honorés de Jeannin et de Chabot-Charny. Dans cette dernière, au n° 67, on a placé récemment une inscription rappelant le fait ci-dessus (1).
(1) Chabot-Brion avait son hôtel personnel où se trouve aujourd'hui la
François Chabot, le second, lui succéda ; Jeanne, sa fille cadette, devint abbesse du Paraclet et passa à la religion prétendue réformée. Elle n'en garda pas moins son abbaye, où elle mourut, laissant toujours faire le service divin, mais sans y assister.
La maison de Chabot était une des plus anciennes et des plus illustres du Poitou et d'Anjou. Elle se disait descendue de Ferri Borstel, connétable de Frédéric Barberousse, qui vivait en 1157.
Cependant on lit dont l'Histoire de Jonvelle que les comtes de Charny, marquis de Mirebeau, descendaient de Pierre de Bauffremont, seigneur de Charny, conseiller et chambellan de Philippe le Bon, fils de Henri de Bauffremont et de Jeanne de Vergy.
Philippe Chabot a très peu habité Fontaine, il préférait Pagny. Son oncle, le cardinal de Givry, occupait alors le château, qui, comme on l'a vu, a été réparé et embelli par lui.
Boudot, dans son Histoire de Pagny raconte la légende qui suit: « Philippe Chabot passait dans son château de Pagny (1) (vers Seurre) tout le temps qui n'était pas employé au service du roi.
« Il y fit exécuter d'immenses travaux, ainsi que dans sa chapelle située en face du château.
préfecture bâtie en 1750. Sur ce môme emplacement se trouvait aussi l'hôtel du président Fremyot, père de Mme de Chantal.
(1) Pagny existait au VIIe siècle, comme Fontaine, d'ailleurs, puisque Adalsinde le céda à son frère Wadelène, premier abbé de Bèze, fils du duc amovible Amalagaire.
Le château, dit Courtépée, était l'un des plus forts et des mieux bâtis de la province. Il existait au Xe siècle, fut reconstruit en 1546 et détruit en 1756. Il ne reste plus que la tour de Vienne, dont on a abattu 80 pieds de mur, et la tour du Colombier.
« Il était bon, généreux, ami des arts qu'il protégea à l'exemple de son maître.
« C'était un des plus ardents chasseurs de son temps. Son souvenir, sur ce point, est resté populaire dans ces contrées, dont les habitants racontent encore aujourd'hui que leurs ancêtres, chaque nuit qui précédait la fête de Noël, entendaient très distinctement, dans la direction du bois de Chassagne, l'amiral Chabot chassant le cerf dans ses forêts.
« Chacun pouvait parfaitement distinguer le son du cor, la voix des chiens et même le bruit des chevaux.
« Cette chasse nocturne était une punition divine infligée à l'amiral, parce qu'assistant une fois à la messe de minuit, dans sa chapelle de Pagny, et ayant appris qu'un cerf venait de passer près de là, il quitta le service divin pour aller le chasser.
« Si le même bruit ne se fait plus entendre aujourd'hui à pareille époque, c'est que le temps que devait durer ce châtiment est expiré. Il a eu lieu, dit-on, pendant 140 ans. »
Philippe Chabot fit rebâtir l'hôtel de Vergy appelé depuis hôtel Chabot ou de la Sénéchaussée, situé dans la rue Chabot-Charny et qui porte aujourd'hui les nos 67 et 71, à Dijon.
Cet hôtel a subi de grands changements depuis sa réédification ; mais il a conservé un air de grandeur et de noblesse qui le fait toujours remarquer. On peut aisément le distinguer aux deux lions en pierre qui surmontent les deux côtés de la principale porte.
François Chabot, de 1543 à 1599.
François Chabot, chevalier des ordres du roi, capitaine de cinquante hommes d'armes, de ses ordonnances (1), conseiller en son conseil privé, second fils de Philippe, fut Marquis de Mirebeau, comte de Charny, Baron de Beaumont, seigneur de Brion, de Fontaine-Française, souverain de Chaume, etc. ; sa mère, Jeanne de Longvy, gouverna pendant sa minorité la seigneurie de Fontaine et tous ses autres biens.
Aussitôt après la mort de son mari, elle fit procéder à la confection du terrier de Fontenne et lieux voisins, par E. Martin, notaire, tabellion du roi à Dijon, en août 1543 (2) ; et elle ne manque pas d'accomplir les actes de foi et hommage qu'elle et son fils François devaient à l'évêque de Langres.
En 1544, le titulaire chapelain de la chapelle Saint-Sébastien du château (3) prétendait être en droit de
(1) Cinquante d'hommes d'armes faisaient deux cent cinquante combattants.
Un homme d'arme, ou une lance, était composé du chevalier portant la lance, d'un écuyer, d'un page et de deux valets qu'on appelait alors gougeats.
L'histoire anecdote de la monarchie française, Moustalon et Méry, 1830, dit : qu'un homme d'armes, un gentilhomme, était armé de toutes pièces, combattait à cheval et avait à sa suite cinq serviteurs : un écuyer portant une espèce de couteau ou de bayonnette au côté, un page ou varlet qui veillait sur les armes du chevalier et lui présentait son cheval de bataille, et trois archers ou jeunes gentilshommes qui faisaient leurs premières armes pour parvenir au grade d'hommes d'armes.
(2) Boudot.
(3)Cette chapelle fut sous le vocable de Notre-Dame avant François Chabot. Elle ne resta pas longtemps sous le vocable de Saint-Sébastien et revint à celui de Notre-Dame.
jouir de la moitié des dixmes sur le finage de Fontaine, qu'il disait avoir été données par les anciens seigneurs pour dotation de ladite chapelle Saint-Sébastien.
« L'affaire fut appelée devant le bailly de Fontenne qui rejeta la demande du chapelain, attendu qu'il ne put produire ni titre, ni usage lui donnant raison (1). » En ce temps les dixmes devaient être déjà considérables, car depuis cent ans on avait fait des défrichements sur une vaste étendue, notamment les quatre cents journaux de bois appelés Bois Morot, près la fontaine de ce nom.
Fontaine-Française, libre de commercer ou négocier
partout sans payer aucun subside, etc , ainsi qu'il
résulte des lettres patentes de 1458 déjà citées, qui lui octroyaient beaucoup d'autres immunités, se trouvait entravé dans l'exercice de ces dites immunités, par le seigneur de Saint-Seine et d'autres seigneurs, qui imposaient des droits de passage et de ports à leurs marchandises (2).
La dame de Fontaine mit bientôt ordre à ce fâcheux état de choses, et le 6 février 1544, une sommation, qui eut tout son effet, fut faite à Saint-Seine, dans les termes suivants :
« Je Jehan Guillier, sergent royal, demeurant à Dijon, certifie que en vertu des lectres patentes du Roy notre seigneur interinemans et commissions y attachées impetrée a requete de haulte et puissante dame madame Françoise de Longvy, comtesse de Buzancois et de
(1)Archives du château.
(2)Pour éviter de payer le droit de passage sur le pont situé au pied de la forteresse de Saint-Seine-la-Tour, les habitants de Fontaine passaient par la ferme du Puits et de là à Autrey pour aller à Gray.
Charny, dame de Paigny, Mirebel et Fontenne-Françoise et relicte (veuve) de hault et puissant seigneur messire Philippe Chabot, admirai de France, etc... L'an mil cinq cens quarante quatre ce vendredy sixième jour du mois de febvrier moy estant au lieu de Sainct Seigne sur Vigenne, me suis transporté devant la halle d'illec ou lors accoustumer faire criz publications et aultres exploits de justice es jour de marchier dudit Sainct Seigne auquel lieu jay publié à haulte voix de criz et publication et intelligible le contenu des lectres patentes attachées à cestuy mon rapport dont lecture intelligible en a esté faicte faisant deffense de par le Roy notre seigneur, à tous et à ung chacun en général et en espescial à Symon Thevenin soy disant procureul des seigneur et dame illec Mames Provenie juge audit lieu Challod Moissier et Jehan Gainerot et François Ledenier eulx disant avoir charge dudict Sainct Seigne de maistre des portz et passaiges pour l'imposition foraine, qu'ilz neussent à troubler ou molester, arrester ni travailler les marchands allans et venans es foires et marchifs dudit Fontenne ains (mais) qu'ilz les eussent à laisser joyre et user plainement et paisiblement sans auchung empeschement selon qu'il est mandé par lesdictes lectres patentes y attachées, lesquels mon dict et respondu assavoir ledit Thevenin qu'il entendoit bailler sa réponse selon qu'il trouveroit par conseil et quand aux aultres qu'ilz se garderoient de mesprendre et ce à peinne de amende arbitrairement envers le Roy notre seigneur en cas de contravention présente es choses susdites devant (suivent les noms des dix-neuf témoins de diverses paroisses) et plusieurs aultres desdits lieus tesmoings ad ce parmy requis. Et ce je certifie que dessus estre vray et par moy ainsi avoir
esté faict tesmoing mon seing manuel cy mis les an, jour et mois que dessus. Signé Cuillier (1). »
Le fief de Berthaut et le four banal de Fontaine appartenaient, je l'ai déjà dit, en 1545, au seigneur de Saint-Seine. Françoise de Longvy lui ayant refusé le droit de prendre du bois pour le chauffage du dit four au lieu accoutumé de Baubert, « une sentence du 27 février 1545 permet à Jacques de Clermont, seigneur de Saint-Seine, de Berthaut et du four banal de Fontaine, de prendre du bois au bois Vaubert ou Baubert, dépendant de la seigneurie de Fontaine pour le chauffage dudit four (2) » .
La partie du bois Vaubert, appelée aujourd'hui le bois du Four, tire ce nom de sa destination.
Un droit, celui d'indire (3), existait alors. Contesté par les habitants de Fontaine, il fut maintenu par « Procès-verbal du premier octobre 1547, de Robert de Bergieret, docteur de Paris, conseillerau parlement de Dôle, qui a maintenu et mis en possession du droit d'indire à Fontaine, dame de Longvy, relicte (4) de Philippe Chabot, dame dudit Fontaine, et condamné les habitants dudit lieu à payer à ladite dame la somme
(1,2) Archives du château.
(3)Les seigneurs de Fontaine, haut justiciers, l'ont toujours possédé, ce droit d'indire était le droit qu'avait un seigneur haut-justicier d'imposer à ses sujets, outre les redevances ordinaires, un impôt, une redevance extraordinaire qui, pour l'année d'indiction, doublait l'impôt.
Le droit d'indire ne pouvait être appliqué que pour quatre cas bien déterminés :
1° Pour le voyage d'outre-mer,
2° Pour nouvelle chevalerie,
3° Pour mariage d'une fille,
Et 4° pour rançon du seigneur.
(4) Relicte, veuve agissant à ses droits et ceux de son défunt mari.
de 400 livres pour ledit droit d'indire à raison du mariage du sa fille aînée (1). »
Les dixmes s'amodiaient généralement par année, c'est-à-dire que le seigneur cédait au plus offrant et dernier enchérisseur, reconnu solvable, le droit de lever les dixmes à son profit.
Ainsi, le 27 juin 1551, la dame de Fontaine passe un bail des dixmes de Fontaine, « pour cette année, à Claude Rossillot, moyennant six vingt (cent vingt) hémines par moitié froment et avoyne, mesure dudict Fontenne (2), ledict froment, bon, loyal et marchand (3) ».
Des lettres patentes du 17 août 1555 ordonnent la convocation, à Sens, de tous les ecclésiastiques, seigneurs et membres du tiers état du bailliage de Sens, pour concourir à la rédaction des coutumes dudit bailliage.
Le cardinal de Givry, évêque de Langres, le curé et les habitants de Fontaine y furent convoqués.
Le cardinal, en sa qualité de duc et pair de France, comte de Montsaujon, etc., fait répondre « que lesdits duché, comtés, baronnies et seigneuries ne sontaucunement du bailliage de Sens, ains ressortissent les appellations interjetées de ses officiers en la cour du Parlement de Paris, à cause du privilège de Pairie laquelle est seule supérieure..... proteste, etc. »
Le procureur du roi, dans une des séances tenues du 3 au 15 novembre 1555, a combattu cette préten-
(1)Archives du château.
(2)La mesure de Fontaine était de 17 litres 377, et l'émine 540 litres.
(3)Archives du château.
tion disant que de toute antiquité le duché de Langres était du bailliage de Sens, « non seulement dès et depuis deux cens et trois cens ans ença ains plus de mil an, comme apperrera par les anciens registres du dict bailliage, tiltres et chartes estant en la chambre des comptes de Paris (1). »
Le curé et les habitants de Fontaine n'ont pas cru devoir assister à ces réunions ni s'y faire représenter. On a prononcé défaut contre eux, comme contre un grand nombre de seigneurs, de curés et d'habitants, et nous sommes restés soumis à la coutume de Sens (2).
Françoise de Longvy, veuve de Philippe Chabot, était une femme d'un talent supérieur, et il y a lieu de croire qu'elle a donné des ordres pour la tenue des registres paroissiaux, seules bases alors de l'état civil, et malgré cela fort rares à cette époque.
On ne trouve en effet aucune trace de l'état civil en Europe au moyen âge. Dans les grandes familles, des généalogies, des registres domestiques, des nécrologies et des obituaires, suppléaient, jusqu'à un certain point, aux registres publics ; mais pour les autres citoyens, on ne trouvait d'autres preuves des mariages et de la filiation que la possession d'état, qui, en cas de difficultés, s'établissait par témoins. Les plus anciens registres que l'on trouve à Paris sont de 1515, pour les mariages, dans la paroisse de Saint-Jean-en-Grève, et de 1527, pour les décès, dans celles de Saint-Josse et Saint-Landry.
Fontaine est certainement une des premières pa-
(1) Anastase de Langres.
(2)Plus tard il y eut accord, on rédigea la coutume des bailliages de Sens et de Langres, 1731. Paris, chez les frères Osmont.
roisses de province qui ait tenu des registres de ce genre (1). Et cependant, en 1539, par son ordonnance, signée à Villers-Cotterets, le 10 août, François Ier avait voulu que l'usage, purement religieux, de la tenue des registres, devînt une obligation générale et civile. Mais cette ordonnance, pas plus que celles de 1555, 1572 et 1579, ne furent exécutées, les ecclésiastiques refusant de se soumettre aux officiers civils.
Les archives de la commune renferment un registre, commencé en 1557, par Simon Labolte, prêtre, curé de Fontaine et chapelain du château, qui comprend naissances, baptêmes, mariages, décès et même des notes historiques intercalées entre les actes, notes que j'ai relevées et que je consignerai probablement en partie dans cette histoire.
C'est la date de ce registre qui me permet de supposer que c'est à l'instigation de Françoise de Longvy qu'est due une innovation si précieuse.
En 1557, la veuve de Philippe Chabot contracta un second mariage avec Jacques de Pérusse, seigneur des Cars. Leur fils, Amet des Cars, fut évêque de Lisieux, coadjuteur de son frère Charles, évêque de Langres, puis évêque de- Metz, enfin cardinal, le 5 juin 1596.
Amet des Cars, aussi connu sous le nom de cardinal de Givry, mourut en 1612 et fut enterré dans sa cathédrale.
En 1561, les 10 et 14 avril, Françoise de Longvy, en sa qualité de Dame et seigneur de Fontaine, octroie
(1) En 1889 Fontaine-Française fait encore, une des premières communes de France, une innovation en placant au bureau de la poste aux lettres un cadran marquant uniquement l'heure de Paris.
aux habitants une charte avec procès-verbal nominatif « des habitants du dit lieu, que le Meix taillable, dû à la seigneurie, à 60 livres tournois (la livre valait alors 28 francs de notre monnaie) payables en deux termes égaux en carême et à la Saint-Denis ; à la suite de cet accord est le dénombrement des détenteurs, taillables à volonté, des meix et maisons affectés à cette taille au nombre de 131, les cotes ou portions de cotes devant être payées suivant l'arpentaige et le mesuraige qui ont esté faict par Durieux, arpenteur (1) ».
Françoise de Longvy, remariée, cessa de s'occuper de la terre de Fontaine, et les actes historiques, comme les autres, sont dès lors établis au nom de François Chabot.
En premier lieu, je trouve aux archives de la Côte-d'Or un procès-verbal, à propos des terres de surséance, concernant Fontaine, par lequel procès-verbal Guillaume de Saulx, chevalier, seigneur de Villefrancon, lieutenant pour le roi très chrétien, au gouvernement du duché de Bourgogne, pour le partage des terres de surséance, en cet état depuis 1442, en exécution d'un article du traité de paix de Cateau-Cambrésis (1559) « entre le roi Henri second et Philippe II », roi d'Espagne, et en vertu de commissions du roi, savoir : « de François second données à Blois le dernier décembre 1559 et de Philippe roi des Espagnes données à Bruxelles le 10 avril 1560, par lequel procès-verbal les députés s'étant assemblés, le 21 juillet 1560, pour procéder au partage et division des terres de surséance, étant en différend entre les deux rois et conférer sur l'exemption des gabelles, droits de forains prétendus par ceux du
(1) Archives du château.
duché ; lesquels s'étant communiqué leur pouvoir au lieu de Mantoche, commencer par ledit Manteche le 22 juillet; Achey, Delain le 23 ; le 24 Fouvent-la-Ville, le 26 Chaume et Fontaine-Française, sur quoi il fut appointé par les commissaires du roi de France, qu'ils en avertiraient sa majesté pour y être ordonné de son plaisir ; fait à Fontaine-Française le 27 juillet 1560, signé de Saulx, d'Achey, de Vintiménille et Chaillot (1). »
En ce qui nous concerne, il a été décidé que Chaume serait compris dans la Franche-Comté et du Parlement de Dôle, que le château et une petite rue à côté seraient désormais du duché de Bourgogne et par conséquent du royaume de France, ressortissant au parlement et bailliage de Dijon, tandis que le reste du bourg serait soumis au parlement de Dôle, comme Chaume ainsi que la Borde et le fief de Berthaut, qui étaient de la paroisse de Fontenelle.
François Chabot fut marié trois fois :
1° A Françoise, fille de Jean de Lugny, qui était dame de Lugny ; de ce mariage naquit Catherine, dame de Lugny, qui porta sa terre à Jean de Saulx, vicomte de Tavannes, qu'elle épousa en 1579.
2° A Catherine de Silly, en 1565, fille de Louis de Silly de la Roche-Guyon, dont il eut trois enfants : Jacques, marquis de Mirebeau d'abord, plus tard de Fontaine, Henri, seigneur de Fontaine-Française, mort sans alliance en 1628 et, Charles, prieur de Fontaine-Française, chambrier (2) de l'abbaye de Saint-Bénigne de Dijon.
(1)Archives de la Côte-d'Or, B. 263, liasse 4, cote 78.
(2)On appelait vulgairement chambrier le propriétaire d'une maison.
3° A Françoise Bernard de Montessus.
De ces trois femmes il eut en tout douze enfants.
Profitant du droit d'indire, maintenu en faveur de sa mère, par sentence du 1er octobre 1547, il demanda et obtint son droit de nouvelle chevalerie, à Fontaine-Française et en 1566 il demanda et aussi obtint son droit de nouvelle chevalerie de Renève, comme il l'avait obtenu de Fontaine. Il était donc seigneur de Renève.
Le 9 janvier 1566, une transaction est faite entre les abbé et religieux de Theuley et François Chabot, par laquelle lesdits abbé et religieux ont cédé au seigneur de Fontaine le droit de justice et juridiction qu'ils avaient dans toute l'étendue d'un canton du finage de Fontaine et les terres nouvellement ascensées sur les habitants de Chaume (1).
Pour former l'Etang-Dessus, François Chabot ordonna la construction d'une chaussée en amont de l'étang Pagosse ou du château, chaussée appelée aujourd'hui La Pelle. Elle devait être surélevée, car les habitants de Fontaine, craignant que les propriétés voisines de l'étang eussent à souffrir des eaux, adressèrent une requête à leur seigneur pour le supplier de faire abaisser le niveau de cette digue ou chaussée, qui, demeurant ainsi qu'elle était projetée, noierait leurs propriétés de la Combe du Chêne, de la Combe de Chaume, des Curtillots, etc. Cette pièce, remise au seigneur qui habitait alors le château, est du 7 mai 1566 et porte pour entête : « Requête des habitants de Fontaine-Française à Monseigneur de Brion, baron et seigneur de Mirebeau et Fontaine-Française. »
Brion écrivit aussitôt en marge de cette requête :
(1) Archives du château.
« Faisant faire la chaussée mentionnée en lad. requête, sera pris garde à l'inconvénient proposé par mesd. sujets, si bien que par ce moyen ils n'en auront point de déplaisir. Fait au chasteau de Fontaine-Françoise le 7 mai 1566, signé Brion (1). »
En 1571, François Chabot prit le premier la qualité de SOUVERAIN DE CHAUME, qualité qu'il ne manquait jamais de mettre dans l'énumération de ses titres. En vertu de cette souveraineté, il donna des lettres de grâce à Colette Noël pour occision (2).
Ce titre ne lui fut pas contesté, ni à ses successeurs, jusqu'à Claude de Mazel, dame de Fontaine, en 1726, époque à laquelle un arrêt du parlement lui défend de se qualifier souveraine de Chaume, jusqu'à ce qu'elle justifiât de ses titres, ce qu'elle fit en prouvant par toutes le chartes, actes de foi et hommage sur lesquels ce titre était rappelé depuis 155 ans, qu'elle en avait le droit. Depuis cette époque les seigneurs de Fontaine se sont dits souverains de Chaume, sans qu'aucune observation leur ait été faite.
Le village de Chaume a joui pendant des siècles des mêmes privilèges que Fontaine, et avait entre autre, le sel au prix marchand de sept livres le minot (3), privilège confirmé par plusieurs rois et en dernier lieu par Louis XV en 1723 et 1726 (4). La Gabelle, ce gros impôt sur le sel, avait été établie dans tout le royaume, par François I, en 1542. La taxe était fixée par feu ou
(1)Archives du château.
(2)Occire, action de tuer. Vieux mot inusité.
(3)Le minot du poids de 35 livres dans la généralité de Dijon.
(4) Courtépée.
personne, moyennant une lourde somme, mais les franchises accordées à Fontaine diminuèrent cet impôt de plus de moitié.
François Chabot assista et fut nommé élu, aux Etats de Bourgogne de 1572 à 1578. Cette dignité était aussi recherchée que peut l'être aujourd'hui celle de député et de sénateur, mais elle n'était pas rétribuée.
Le roi érigea en sa faveur la seigneurie de Mirebeau en marquisat, l'an 1576.
Il fut reçu chevalier du Saint-Esprit au huitième chapitre tenu en l'église des Augustins de Paris, en décembre 1585 (1).
En 1573, François Chabot nomma et établit des procureurs généraux à Mirebeau, Montpont, Beaumont et Fontaine-Française (2).
Pendant que toutes ces choses se passaient, les calvinistes, toujours mécontents, appelèrent en 1576 les reitres à leur secours. Ils saccagèrent encore tous nos pays et marchèrent sur Dijon dont ils s'emparèrent, mais qu'ils durent bientôt abandonner.
François Chabot vendit, en 1577, à Pierre Le Goux, maître aux comptes de Dijon, l'hôtel de Mailly, rue Verrerie, aujourd'hui l'hôtel Legoux de Saint-Seine (3).
Par mandement de 1578 des grands maîtres enquêteurs et généraux, réformateurs des eaux et forêts du royaume de France, au siège de la Table de Marbre du palais, à Paris, les habitants de Fontaine sont maintenus dans les droits d'usage qu'ils avaient dans la fo-
(1) Boudot, Histoire de Mirebeau.
(2)Archives de Fontaine-Française.
(3) Géographie historique de la Côte-d'Or.
rêt de Volors appartenant à Messire de Vienne, sur le finage de Bourberain, d'ailleurs confirmés par un arrêt du 30 août 1586 (1) qu'on lira plus loin.
La même année un arrêt du Parlement de Dôle ordonne aux habitants de Fontaine et Fontenelle « de faire leurs déclarations et reconnaissances à la suite des déclarations et droits seigneuriaux (2). »
C'était le moment d'aplanir les difficultés, et il faut avouer que François Chabot y a beaucoup contribué.
En 1580, un arpentage général des bois de Velours est fait entre Henri de Vienne et Anne de Bessey, son épouse, seigneurs de Thil-Châtel et Bourberain, et messire François Chabot, ainsi que les habitants de Fontaine-Française ; cet arpentage fixe leurs droits respectifs (3).
Un différend existant entre Fontaine et Fontenelle par rapport à la prairie, le 4 juillet 1580 un arrêt du Parlement de Dôle maintient aux habitants de Fontaine le droit de mettre en regain une partie de la prairie de Fontaine, contre la Vingeanne et à ceux de Fontenelle le droit de vaine pâture sur cette prairie (4).
En 1586, après discussion, une transaction intervient entre les habitants de Chazeuil et le seigneur de Fontaine pour le droit de champart (d'où champoi, pâturage) dans les bois et terres dudit seigneur. Lesdits habitants devaient lui payer, ainsi qu'au curé, co-dixmier, quinze hémines de grains (5).
Sentence du siège de la Table de Marbre, du 8 juil-
(1)Archives de Fontaine-Française et du château.
(2)Archives du château.
(3)Archives de Fontaine-Française.
(4)Archives du château.
(5) Ibid.
let 1580, contre « Henry de Vienne, seigneur et baron de Châzeau,Thil-Châtel et Borberain et Anne de Bessay, sa femme, défendeurs, pour contrainte des droits des demandeurs.
« François Chabot, seigneur de Fontaine-Françoise, et les manans et habitans dudit lieu, les manans et habitans de Borberain, Christophle de Baujeu, seigneur de Chàzeul et les manans et habitans dudit lieu, ceux de Véronnes les grandes et les petites, Charles des Cars, évesque et duc de Langres, abbé de l'abbaye de Bèze, Jeanne et Marie de Cutigny, etc., etc., demandeurs prétendant au droit d'usage en la forêt de Volors (1). »
On sait que les habitants de Fontaine avaient le droit de temps immémorial de panage, glandée, paisselage dans la forêt de Volor, Velours, ainsi que de couper les bois nécessaires à leurs constructions et au chauffage.
Ces droits leur furent contestés en 1476. Alors il y eut enquête, procès, enfin en 1486 il fut prouvé que tous ces droits leur étaient acquis et ils en jouirent sans contestation jusqu'en 1586. A cette époque, ces droits leur furent de nouveau contestés. Mais le jugement rendu le 30 août 1586, par la Table de Marbre du Palais de Paris, ordonne, que les habitants de Fontaine auront « premièrement et avant tous autres usagers, une portion des bois de la forêt de Velours en une pièce sur l'advenue dudit village de Fontaine, le plus proche et commode pour lesdits habitants dans l'ancienne portion de Baujeu et ce à raison de trois arpents par
(1) Archives de Fontaine.
feu, mais un seul feu par maison, pour y tirer chaufaige, pasturaige et panaige, ainsi qu'il est dit en leurs titres et aux charges énoncées (1). »
En 1586, au moment où la guerre civile dite des trois Henri éclatait, et lors de la révocation par Henri III des édits qui étaient favorables aux calvinistes, indépendamment de mil cinq cents lansquenets qui avaient pris leurs quartiers à Fontaine et dans les environs et y exerçaient toutes sortes de déprédations, la grêle et les grandes pluies causèrent en même temps de fortes pertes aux habitants. Aussi les clivures (criblures de blé) étaient-elles très recherchées, le blé étant rare et les récoltes à peu près nulles (2).
En 1588, suivant les rapports du sieur Courtin, commissaire du Parlement de Paris, en exécution de l'arrêt du 30 août 1586, il est accordé aux habitants de Fontaine-Française 600 arpents de bois, savoir : en la Côte-Martin, 286 3/4, en la Grésille 62 et à la Corne Viennot, 251 1/4. Telle est l'origine des bois communaux de Fontaine.
En 1587, plusieurs habitants de Fontaine s'imaginèrent que les bois du seigneur devaient leur appartenir. On cite comme les plus acharnés à le soutenir : Jean Saige, Girard et Hennevard, qui commencèrent un procès. François Chabot dut se défendre, et un arrêt du Parlement de Dôle, du 22 décembre 1587, maintint naturellement le seigneur dans la propriété de ses bois (3).
François Chabot était justicier de Percey-le-Grand,
(1)Archives de Fontaine. C'est la Corne Viennot appartenant depuis en toute propriété à la commune, par suite de transaction pour éteindre les droits qu'elle avait dans la forêt de Velours.
(2) Boudot, Histoire de Mirebeau, page 217.
(3)Archives du château.
et, à cause de ce droit, les 29 septembre et le 11 décembre 1588, les habitants de Percey lui fontfoi et hommage et lui donnent leur dénombrement.
Pareil dénombrement est donné plus tard, le 4 mars 1618, à Catherine de Silly, veuve de François Chabot, qui reprend de fief cette terre appartenant d'ailleurs aux seigneurs de Fontaine (1).
En 1591, François Chabot fut surpris, dans sa forteresse de Mirebeau, par Guyouvelle, officier de la ligue contre les protestants. Il y fut arrêté et conduit prisonnier à Chaumont où il fut enfermé. L'argent, le blé, les armes furent enlevés et pillés. Il lui en coûta 40.000 écus pour sa rançon (2).
François Chabot avait eu, on le sait déjà, trois fils, l'aîné Jacques fut d'abord marquis de Mirebeau et ne devintseigneur deFontaine-Française qu'en 1628,après la mort sans descendance de son frère Henri, qui en était seigneur par droit de succession.
Si Henri était seigneur de Fontaine-Française, il n'en exerçait pas les droits, car jusqu'en 1599, année de la mort de son père, François Chabot, celui-ci seul figure dans les actes, titres et autres documents.
J'arrive à la plus belle page de l'histoire de Fontaine-Française.
La bataille du 5 juin 1595, gagnée par Henri IV sur l'armée espagnole, a fait passer le nom de Fontaine-Française à la postérité, et nous avons le droit d'être fiers d'appartenir à une cité témoin de la valeur que déploya le roi et sa petite armée dans cette journée si heureuse par ses résultats.
(1)Archives du château.
(2) Boudot, Histoire de Mirebeau.
CHAPITRE XII
COMBAT DU 5 JUIN 1595
Par son abjuration (1) et le succès de ses armes, Henri IV avait presque vaincu la Ligue. Cependant elle tenait encore quelques provinces, et Mayenne, Charles de Lorraine, son chef, avait fait cause commune avec le connétable (2) de Castille, don Ferdinand de Vélasco, qui occupait la Franche-Comté avec une forte armée.
Henri IV avait déclaré la guerre à l'Espagne et voulait s'emparer de la Franche-Comté ; Sully s'y opposa, mais l'esprit belliqueux du Roi et le projet de Gabriel d'Estrée, de faire du petit duc de Vendôme le comte de Bourgogne, l'emportèrent.
Il avait ainsi enlevé à Philippe II son beau titre de défenseur de la foi catholique, pour ne plus lui laisser que celui d'ennemi de la France. Cependant quelques chefs de la Ligue tenaient encore : Mercoeur en Breta-
(1) 25 juillet 1593, en l'église de Saint-Denis.
(2)Connétable, premier officier de la couronne, premier dignitaire du royaume, chef suzerain des armées, même lorsque le Roi y était. Connétable vient de Comes stabuli, comte de l'étable, grand intendant des écuries du Roi.
gne, d'Aumale en Picardie, Mayenne en Bourgogne et à chacun le monarque espagnol avait envoyé des troupes auxiliaires.
Des lettres du maréchal de Biron donnaient avis au Roi que le connétable de Castille assemblait de grandes forces, avec dessein de descendre en Bourgogne et dans le Lyonnais. Henri IV part de Paris et arrive à Troyes, qui lui était soumis, le 30 mai 1595, afin d'être prêt à se porter plustôt au devant de l'ennemi et défendre la frontière.
Cependant Biron s'était emparé de Beaune et d'Autun, prenait Nuits ; le 27 mai, il arrivait sous les murs de Dijon, et dès le lendemain était maître de cette ville, sauf le château et Talant, encore tenu par le vicomte de Tavannes. Biron s'empresse d'annoncer au Roi cet heureux événement et le sollicite de venir le rejoindre.
Henri apprend en même temps que le connétable vient de prendre Vesoul sur Tremblecourt et qu'il marche sur la Bourgogne, où Mayenne, expulsé par Biron de son gouvernement de Bourgogne, le rejoint à Gray.
Persuadé qu'il n'avait pas un instant à perdre et devinant ce que Biron ne lui avait pas écrit, Henri quitta aussitôt Troyes et se dirigea sur Dijon.
Il dépêcha de suite le comte de Thorigny (1), à la tête de 900 hommes de cavalerie, et lui-même partit en grande diligence, après avoir écrit au lieutenant-général de Langres la lettre suivante :
« Mons Roussat. Je vous envoie la réponse que je fais au sieur de Tremblecourt pour l'assurer de mon ache-
(1) Jacques de Matignon, comte de Thorigny, aïeul des la Tour-du-Pin de Fontaine par les Monaco.
minement aux plus grandes journées que je puis, pour être samedi à Dijon, où, ayant pourvu à ce qui sera nécessaire pour assiéger le château, je me délibère y laisser deux mille hommes de pied et quatre cents chevaux pour, avec le reste de mon armée, m'en aller droit où sera le connétable de Castille, en quelque lieu que je puisse le joindre. De sorte qu'il ne faut pas craindre qu'il puisse entreprendre aucune chose qu'il ne m'ait aussitôt sur les bras. Dont je vous ai bien voulu avertir atin que vous en assuriez tous mes bons serviteurs et sujets. S'il survient quelque chose je vous prie de m'en avertir. Et sur ce je prie Dieu qu'il vous ait, Mons Roussat, en sa sainte et digne garde.
« Ecrit à Bar-sur-Seine, le 1er jour de juin 1595.
« Signé : Henry ; plus bas : Ruzée (1). »
Effectivement il arriva à Saint-Seine-l'Abbaye le samedi 3 juin et le lendemain dimanche, 4 juin 1595, à Dijon, où il entra par la porte Saint-Pierre, et vit avec
(1) M. de Verseilles de la Haute-Marne possède les minutes des lettres d'Henri IV à Jean Roussat.
On m'a souvent raconté dans le Langrois la tradition suivante : Jean Roussat, maire de Langres (?) était pour Henri IV. L'évêque d'alors, Charles des Cars, était ligueur. Jean Roussat, connaissant les desseins du Roi, lui envoya deux canons avec cinquante hommes d'armes, Langrois bons catholiques. L'évêque devait nécessairement s'opposer à ce que sa ville de Langres aidât Henri IV ; mais Roussat fit descendre pendant la nuit, vers la tour de Navarre, deux canons avec leurs munitions. Les hommes partirent avec, et cet appoint aida tant à la victoire du 5 juin qu'Henri écrivit au maire de Langres : « Mon cher Roussat, tu m'as sauvé la vie. »
Il y a du vrai dans cette tradition ; seulement il est bon de dire que l'évêque de Langres s'était en effet rallié au parti de la Ligue, mais il l'abandonna en mai 1595 et se rallia alors au parti du Roi. Jean Roussat n'était pas maire de Langres, mais il en était le gouverneur.
satisfaction les arcs de triomphe qu'on lui avait dressés.
Il passa la journée avec Biron à se concerter sur les moyens d'arrêter l'armée espagnole, de mettre Dijon à couvert des entreprises du château, et de prendre les mesures nécessaires pour s'emparer de Talant. Son armée était composée d'environ 2000 hommes, 300 chevaux et 700 gentilshommes, tant bourguignons que champenois.
Informé que le duc de Mayenne s'était réuni à Gray au connétable de Castille et que celui-ci venait de passer la Saône, avec 18,000 hommes, quoiqu'elle fût débordée, Henri résolut de prendre les devants afin d'arrêter la marche des Espagnols et de donner à ses troupes le temps d'arriver vers lui.
Il dépêcha le marquis de Mirebeau, Jacques Chabot (1), pour qu'il se rendit tout de suite au château de Fontaine et d'Haussonville à Saint-Seine-sur-Vingeanne. Il écrivit des billets à plusieurs autres seigneurs de la Vingeanne pour se trouver en armes, avec leurs gens, le lendemain sur son passage, le rendez-vous général étant assigné au château de Lux.
Le comte de Thorigny resta à Dijon pour continuer les opérations du siège du château.
Le roi écrivit aussi au comte de Grancey : « Fervaques, à cheval, Vennemi approche, j'ai besoin de ton bras ; je suis Henri (2). »
(1)Jacques Chabot était frère du seigneur de Fontaine-Française.
(2)Peu de jours avant la bataille d'Ivry, 1590, aussi gagnée sur Mayenne, Hautemer de Fervaques, comte de Grancey, avait déjà reçu de Henri IV un billet conservé au château de Grancey, et ainsi conçu : « Fervaques, à cheval, car je veux savoir à ce compte-ci de quel poil « sont les oisons de Normandie : venez droit à Alençon. »
Le lendemain, 5 juin 1595, dès les quatre heures du matin, le Roi, accompagné d'un seul valet de chambre, se rend au logis du Maire et demande lui-même à la servante les clefs de la ville. La servante lui répond que son maître, qui s'est couché fort tard, est fatigué et qu'elle ne l'éveillerait pas quand ce serait pour le Roi. « Va donc lui dire, » reprit Henri IV, « que c'est le Roi. »
Le Maire, qui l'entendit, se leva promptement et conduisit lui-même peu après le monarque à la porte de la ville, en lui faisant des excuses sur l'indiscrétion de sa servante, ce qui amusa beaucoup ce prince.
M. de la Mare, dans ses mémoires manuscrits, dit avoir souvent ouï raconter à sa mère que : « Henri IV entra à Dijon avec un pourpoint de futaine blanche qui était percé aux deux coudes et que le matin dujour de la bataille de Fontaine-Française, elle le vit au siège des chanoines (de la Sainte-Chapelle) où il était venu de son logis, priant Dieu avec une ardeur qui n'était pas concevable (4). »
Henri entendit la messe à la Sainte-Chapelle, y communia et partit entre quatre et cinq heures du matin, portant toujours son pourpoint percé aux coudes. Il laissa le gros des troupes à Dijon et envoya le reste à Lux (2).
(1) Courtépée, tome II, page 101.
(2) L'heure du départ de Henri IV de Dijon n'est pas bien fixée. Ainsi on lit dans le registre n° 104, folio 190, de la mairie de Dijon : « le lundy, cinquiesme jour du dict mois (juin 1595) dès les trois heu- « res et demye du matin, le roi est sorti de la dicte ville, pour aller
« au devant de M. le duc de Mayenne... afin de le combattre et lui
« racourcir le voyage qu'il deliberoit faire en ceste ville. »
Mayenne était cousin du Roi.
Sorti par la porte Saint-Nicolas, à la tête d'un petit nombre de soldats et d'un contingent d'environ quarante gentilshommes, il prit la route de Lux et fit donner avis au marquis de Mirebeau de venir.
Henri IV, dont les projets étaient toujours bien combinés, donna, chemin faisant, des ordres pour rassembler autour de lui les seigneurs qui lui étaient fidèles. Tous ceux du voisinage eurent ordre de se rendre à Fontaine-Française, à trois heures du soir, et il y arriva lui-même à une heure après midi.
Averti que le connétable avait fait passer la Saône à son artillerie sur un pont de bateaux, tandis que ses troupes défilaient sur le pont de pierre de Gray, Henri détache aussitôt le marquis de Mirebeau d'un côté et d'Haussonville de l'autre, avec chacun 150 ou 160 chevaux, pour aller, dit Sully, prendre langue des ennemis et se rendre maîtres du château de Saint-Seine.
Biron, qui se trouvait en avant, voyant toute l'infanterie de Mayenne rangée sur la hauteur de Saint-Seine, envoie chercher le Roi et le prie de presser sa marche. « Voyez cela, » lui dit la Curée, et il lui montra l'ennemi en masse qui arrivait au pont de la Vingeanne et en franchissait le cours (1). « Je voudrais être mort, » s'écrie Biron, « j'ai envoyé quérir le Roi et voilà toute l'armée ennemie. »
Mais à peine la petite armée de Henri IV était-elle à Fontaine, que trois soldats du marquis de Mirebeau vinrent annoncer qu'ils avaient rencontré une troupe
(1) Ce pont était au bas de la Tour, à côté du gué actuel. Il a été détruit en 1772, lorsque les Elus de Bourgogne ont fait construire celui qui existe aujourd'hui sur la route départementale n° 8, de Dijon à Gray.
de 300 cavaliers, qui ne leur avait pas donné le temps de reconnaître l'ennemi.
Les rapports qui lui étaient faits ne s'accordant pas entièrement, le Roi se mit lui-même sur le pas de ses lieutenants, marchant en simple capitaine de chevaulégers, dit Sully, avec dessein de mieux reconnaître l'assiette du pays, pour y prendre ses avantages si les armées avaient à s'affronter. Selon le comte de Tavannes, le Roi portait des armes argentées, un rang d'arquebusiers à cheval devant lui. Il avait 200 cavaliers d'escorte et une compagnie d'infanterie (1).
A peine eut-il fait demie lieu de chemin, qu'il vit Mirebeau revenir plus vite que le pas et en désordre, lequel confirmant ce que ses trois soldats avaient appris au Roi lui dit : « qu'il avait été chargé brusquement par un gros de 300 ou 400 cavaliers qui ne lui avaient pas donné le loisir d'étendre sa vue comme il l'eût désiré, et qu'il croyait que toute l'armée du connétable de Castille marchait en corps pour venir se loger au bourg de Saint-Seine. »
Si le choc, dit Girault (2), ne se fût pas engagé entre les pelotons envoyés à la découverte de part et d'autre, le combat n'aurait pas eu lieu, le connétable ne cessant de répondre au duc de Mayenne qu'il n'avait pas été envoyé pour entrer en Bourgogne, mais seulement pour couvrir et défendre la Franche-Comté dont Henri IV avait résolu de s'emparer ; que ses instructions ne portaient pas d'autres ordres et qu'il se tiendrait renfermé dans son camp de Saint-Seine.
(1) Mémoire du comte deTavannes qui était resté fidèle au Roi, tandis quele vicomte ligueur tenait le château de Dijon et Talant.
(2) Combat de Fontaine-Française, Dijon, 1822.
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Cependant sur les pressantes instances de Mayenne qui désirait que l'on repoussât les partis de cavalerie qui se montraient au delà de Fontaine, le connétable crut pouvoir lui accorder cinq compagnies de chevau-légers, commandés par Villars-Houdan, et autant d'arquebusiers commandés par don Rodrigo-Belluno.
Lorsque Villars-Houdan fut parvenu au-dessus de la colline (1), d'où il vit l'armée royale en bataille, il avertit les Espagnols de se préparer au combat. Mais ceux-ci lui répondirent, comme leur chef, qu'ils avaient des ordres contraires et qu'on les avait envoyés seulement pour combattre les détachements de l'armée ennemie, mais non l'armée entière. En vain Villars-Houdan leur parla-t-il de leur honneur, de la belle occasion qui se présentait pour eux d'acquérir de la gloire, qu'ils ne pouvaient plus reculer. Tout cela fut inutile. Alors Villars-Houdan eut recours au capitaine Samson, son ami, et le fit prier, au nom de leur amitié, de venir le joindre avec sa compagnie, de ne pas l'abandonner et de le seconder dans la pressante nécessité où il se trouvait. Samson se laissa persuader, il vint le joindre avec ses chevau-légers et le seconda avec tant d'ardeur qu'il y perdit la vie.
Le maréchal de Biron, qui rejoignait le roi au moment où le marquis de Mirebeau racontait sa mésaventure, s'offrit pour aller savoir des nouvelles plus positives avec la compagnie du baron de Lux (2).
A peine avait-il fait mille pas qu'il découvrit, sur le haut d'une petite vallée (3), quelque soixante chevaux
(1)En haut de Pré-Morot sur le Chemin Croisé.
(2)Cent chevaux, disent les mémoires de Tavannes.
(3)Au Chemin Croisé.
arrêtés là comme en garde ; il les chargea, les culbuta; arrivé à leur place il vit, proche du bois de l'Alleau (de là l'eau), au delà de l'eau, les 300 chevaux qui avaient mis Mirebeau en fuite, et il découvrit de nouveau toute l'armée de Mayenne marchant en deçà de la Vingeanne, en ordre de bataille, et poussant devant elle une centaine de chevaux du Roi qui fuyaient en désordre. Il remarqua surtout 400 chevaux plus avancés qui poursuivaient d'Haussonville, envoyé à la découverte avec 150 hommes (1).
D'Haussonville, en se repliant, avait détourné l'orage qui vint fondre sur le maréchal de Biron.
Les ennemis, le voyant sur la hauteur, envoient le sieur de Rhosne, qui commandait la cavalerie espagnole, avec 600 chevaux qu'il divisa en deux pelotons pour cerner les troupes du Roi. Biron se servit de la même tactique ; il envoya aussitôt à droite le marquis de Mirebeau, qu'il avait ramené au combat, et à gauche le baron de Lux, avec leurs compagnies ; il se plaça lui-même au centre.
Le baron de Lux, attaqué par un ennemi très supérieur en nombre, se battit en désespéré ; il fit des prodiges de valeur et soutint le choc jusqu'au moment où il eut un cheval tué sous lui. Le maréchal, qui avait eu des avantages au centre, voyant le baron de Lux en grand danger, vola à son secours pour le dégager, rétablit l'aile gauche et fit reculer l'ennemi du côté du bois. Mais au même instant, on voit sortir de ce bois quatre ou cinq gros de cavalerie qui viennent, au petit galop, fondre sur le maréchal, et il est si impétueuse-
(1 ) Une compagnie de chevau-légers, dit d'Aubigné.
ment chargé par 120 cavaliers commandés par Villars-Houdan et tellement poussé de plusieurs côtés, qu'il fut contraint de passer à la retraite, laquelle se changea bientôt en une espèce de fuite avec quelques coups d'épée sur les oreilles. Il arrive ainsi jusqu'à la vue du Roi, sur une petite éminence, où Henri IV recevait les renforts qui lui étaient amenés par les divers seigneurs des environs (1).
Aussitôt le Roi détacha 100 chevaux, commandés par le capitaine Choupes, pour marcher au secours du maréchal et arrêter les fuyards. Mais cette petite troupe de secours eut le même sort que ceux qu'elle allait soutenir; elle fut renversée et menée battant jusqu'au Roi, qui se vit tout à coup 700 à 800 chevaux sur les bras, sans compter une grande partie de l'armée ennemie, qu'on pouvait déjà entrevoir à distance.
Bien loin de s'étonner, « le Roi, » dit Sully, « prenant accroissement de jugement et de courage dans la grandeur du péril », et sentant que s'il succombait dans ce premier choc, ses troupes étant défaites, Mayenne rentrait à Dijon, il s'adressa au comte de Tavannes et aux autres seigneurs qui l'environnaient, il appela à lui tous les siens, les forma en deux troupes de 150 chevaux chacune, donna l'une à la Trémoille, en lui prescrivant d'aller charger d'un côté la cavalerie espagnole, se mit lui-même à la tête de 200 chevaux que venait de lui amener le comte de Tavannes et de quelques compagnies d'arquebusiers à cheval (2). Sans se donner le temps de prendre son casque, TÊTE
(1)Au nord de la Corvée du Château, sur l'éminence en avant du lieu dit aujourd'hui Champ-Mion, non loin de la route de Saint-Seine.
(2) C'étaient les arquebusiers de Dijon, comme on le verra plus loin.
NUE, il appelle par leur nom ses partisans et leur crie : « A moi, Messieurs, et faites comme vous m'allez voir faire (1). » En vain, on lui représente qu'il y avait trop de hasard à se jeter au milieu des ennemis. « Il est vrai, » dit-il, « mais si je ne le fais pas et si je ne m'avance, le marchai de Biron s'en prévaudra toute la vie. »
Il charge le duc d'Elbeuf d'arrêter et de rallier les fuyards, puis il part à fond de train, charge les ennemis et quoiqu'il vît que n'ayant avec lui qu'environ 300 cavaliers, il en aurait près de 800 et six escadrons à combattre, rien ne l'arrête. Il renverse le premier corps de cavalerie, enfonce le second, et parvient à rejoindre le maréchal de Biron qui, « blessé à la nuque d'un coup d'épée et d'un coup de lance au ventre, se défendait avec intrépidité avec soixante chevaux qui lui restaient quoique aveuglé par le sang qui coulait de ses blessures. »
Ces deux charges, celle de la Trémoille et celle du roi furent « tant furieuses et tant opiniâtres (2) », dit Sully, « le Boi se mêlant dansleplus âpre combat et servant d'exemple aux plus hardis, » que les escadrons espagnols étonnés se renversèrent les uns sur les autres, comme en demi route, sur le gros de l'armée de Mayenne, qui, voyant accourir à l'aide du Roi quelques-uns de ses plus vaillants officiers, avec 700 à 800 che(!)
che(!) Breunot le Roi aurait crié : « Avancez, noblesse, avancez, suivez votre roi. »
(2) Jusqu'alors on chargeait au pas en colonnes serrées. C'est à Fontaine, dit-on, qu'eut lieu la première charge au trot, ce qu'on appelait alors le petit galop, ce qui explique les mots tant furieuses et tant opiniâtres.
vaux, crut que toute l'armée royale était là et pensa à la retraite.
Villars-Houdan, dans la mêlée, reconnaît le Roi qui le chargeait lui-même, n'ose combattre contre lui, reçoit un coup de mousquet dans le bras et se retire à Saint-Seine.
La Trémoille, de son côté, fait les plus grands efforts, et le Roi, donnant l'exemple aux soldats, se jette l'épée à la main au milieu du corps de cavalerie que commande Sanson, renverse tout ce qu'il rencontre, fait plier les escadrons ennemis, et leur chef paye de la vie sa tentative manquée.
Henri IV, au milieu de cette terrible mêlée, s'exposa dix fois à la mort. On tenait prêt pour ce prince un excellent cheval turc sur lequel on l'engageait à se retirer. La Trémoille lui-même le supplie de se ménager. « Je n'ai plus besoin de conseils, » dit le Roi avec sévérité, « mais d'assistance. D'ailleurs il y a plus de périls à la fuite qu'à la chasse. »
On conseillait de nouveau à Henri IV de se retirer, le danger devenant de plus en plus grand. « Non, » dit-il, « je n'en ferai rien, voyez comme ce brave d'Haussonville se défend vaillamment, je ne le laisserai pas écharper sans le secourir (1). »
Sa présence d'esprit était extraordinaire, il voyait tout, parait à tout, jouant de son épée comme un simple soldat. Au plus fort du combat, dit l'historien con-
(1 ) D'Haussonville était un Cléron d'une famille originaire de Franche-Comté, qui s'était transportée en Bourgogne. Les Cléron étaient alliés à la famille de Saint Bernard. Le nom d'Haussonville lui a été apporté par alliance avec la baronne d'Haussonville qui était lorraine.
temporain Pierre Mathieu, prenant Mirebeau par le bras, Henri lui dit : « Charge là », ce qu'il fit et la troupe ennemie commença à s'éclaircir et à s'écarter. Presque au même moment, voyant un gendarme espagnol qui se lançait sur les Français, et jugeant que le coup allait porter sur Guilbert de La Curée, seigneur de Montbard, vaillant et pieux seigneur catholique, qu'il appelait familièrement Monsieur le Curé, il lui cria de loin d'une voix retentissante : « Garde la Curée ». A la voix du Roi, la Curée se retourne et voit un cavalier prêt à lui passer sa lance en travers du corps, il évite le coup et jette l'ennemi à terre d'un coup d'épée (1).
En ce moment le Roi, voyant fuir un escadron français, commanda à Roquelaure de courir après pour le ramener au combat. « Je m'en garderai bien, » répondit spirituellement cet officier, « on croirait que je fuis avec eux. Je ne vous quitterai pas, je combattrai à vos côtés, l'action va être chaude et je serai bien aise d'écrire à ma belle amie que j'y étais (2). »
(1)Après l'action la Curée vint trouver le Roi, qui était encore à cheval et lui accolant la cuisse lui dit : Sire, il fait bon avoir un maître comme vous, qui vous ressemble, car il a sauvé la vie au moins une fois le jour à ses serviteurs. J'ai reçu deux fois cette grâce de V. M., l'une en ce que j'ai participé au salut général et la seconde quand il vous a plu me crier : garde la Curée. Voilà, lui dit le Roi, comme j'aime la conservation de mes bons serviteurs (Bury, tome II, page 390). Guilbert de la Curée était seigneur de Laroche, conseiller d'Etat, capitaine de chevau-légers, maréchal de camp. Il mourut sans enfants, à Paris, le 3 septembre 1633.
(2) Roquelaure, Liancourt, de Pisani, du Tresnel, Dinteville, de Mirepoix, du Chauffour, etc... ne quittèrent pas un instant le Roi et combattirent constamment à ses côtés.
Aussi Henri IV répondit-il un jour à l'ambassadeur d'Espagne, surpris de le voir entouré et pressé par une quantité de gentilshommes : si vous m'aviez vu un jour de bataille ils me pressaient bien davantage.
Les cavaliers qui l'entouraient, voyant augmenter le danger, le supplièrent de nouveau de se ménager ; il leur dit : « Arrière, Messieurs, je veux briller, » et il se jette de rechef sur l'ennemi.
Un auteur contemporain dit qu'à ce moment le Roi s'écria : « A quartier ne m'offusquez pas, je veux paraître », et l'épée nue il courait de tous côtés pour arrêter les fuyards et les ramener au combat.
Chacun tenait à son honneur de couvrir le Roi. Un brave Langrois, Guidon, qui ne le quittait pas Je garantit de cinq coups de lance. Au plus fort de l'action, le Roi allait encore être percé d'un coup de lance, mais Mainville, qui, lui non plus, ne s'écartait pas de sa per ¬ sonne, et qui avait réservé son coup de pistolet pour le premier qui oserait approcher du Roi, ajusta si à propos l'Espagnol, qu'il lui perça la tête, de part en part, de trois carreaux d'acier. Ce coup siffla aux oreilles du Roi, qui assurait n'en avoir jamais entendu d'aussi fort.
Tout pliait devant la valeur de ce héros !
Biron et Elbeuf, ralliant les fuyards, assemblent 120 chevaux, les mènent au Roi et chargeant de nouveau la cavalerie espagnole, la mettent en pleine déroute et la poursuivent jusqu'au bois de l'Alleau, peu éloigné de l'armée du duc de Mayenne. Celui-ci, reconnaissant le Roi qui poursuivait ses soldats l'épée aux reins, dit au connétable de Castille que s'il voulait lui donner 400 chevaux il irait à lui et le prendrait. Le connétable, ne pouvant croire qu'un roi de France fût là, sans avoir toutes ses forces à ses épaules, crut qu'on voulait le trahir et se retira (1).
(1) Mathieu, Histoire de Henri IV.
Cependant le duc de Mayenne arrêta le désordre avec cinq compagnies de chevau-légers espagnols, qu'il obtint enfin de pouvoir envoyer au secours de ses gens.
Mais le Roi, conservant admirablement sa présence d'esprit, ne se laissa pas tellement emporter par l'action qu'il n'eût aperçu, à droite et à gauche, deux bois entre lesquels il fallait passer (1), remplis de fusiliers par lesquels il eût couru risque d'être enveloppé. Craignant une embuscade, surtout quand il vit cette file de fusiliers dont il eût fallu essuyer la décharge, il fit faire halte à sa troupe à laquelle les autres se réunirent.
Il vit aussitôt sortir du bois de l'Alleau deux corps de cavalerie qui venaient soutenir l'infanterie ; le Roi rangea alors son monde de manière à bien recevoir l'ennemi, s'il se présentait. Celui-ci, étonné d'une si ferme contenance, s'arrêta un moment. Henri, saisissant cet instant d'indécision, en profita pour regagner en bon ordre le haut du coteau, au Chemin Croisé, d'où il était parti, afin de ne pas se laisser cerner par les différents partis ennemis qui sortaient successivement du bois.
Il opéra ce mouvement, avec tant d'ordre et de supériorité, dit Sully, « que le même jour et presque au même instant, il remporta l'honneur de la plus belle victoire et de la plus belle retraite dont les fastes de ce règne nous aient fourni l'exemple. »
En revenant à son premier poste (2), le Roi trouva les chevau-légers du duc de Vendôme, le comte de Chiverny, le comte d'Auvergne, les chevaliers d'Oise, de Vitry, de Clermont, de Ricey, d'Aix, d'Heure, de Saint-
(1)Les bois Morot défrichés depuis.
(2)Au haut de la Corvée, non loin de l'église.
Géran, de Rambure, de la Boulaye, etc., qui arrivaient avec leurs compagnies au nombre de plus de 800 chevaux, car à peine était-il l'heure du rendez-vous (Trois heures du soir).
Il les rangea sur le coteau en arrière, en ordre de bataille et la tradition dit qu'il les fit passer et repasser pour dissimuler leur petit nombre. Les habitants de Fontaine et des pays voisins concoururent à ce stratagème, armés de fourches et de faulx, de sorte que les Espagnols voyant briller ces armes crurent encore à de nouveaux renforts. Persuadé que l'armée française était derrière la montagne, le connétable qui n'avait pas passé la Vingeanne et était resté sur la rive gauche, simple spectateur du combat, n'osa pas recommencer l'attaque et accusant de trahison le duc de Mayenne, fit faire une conversion à son armée et lui fit rebrousser chemin ; l'infanterie s'ouvrit pour donner passage à la cavalerie.
Henri IV, en capitaine expérimenté, se contenta de faire suivre les Espagnols jusqu'à ce qu'ils eussent repassé le bourg de Saint-Seine où était le quartier général du connétable et manda aussitôt le reste de la cavalerie qu'il avait laissée à Dijon.
Le lendemain, 6 juin, il fit suivre l'armée ennemie parle jeune duc de Guise, Charles de Lorraine, jusqu'à ce qu'elle eût aussi repassé la Saône. Au retour de cette reconduite, le Roi embrassa le jeune duc qui avait tué de sa main un Espagnol, dont il avait reçu un défi, et lui dit : « Il est bien juste que ceux qui trouvent de vieux exemples de vertu devant eux les imitent et les renouvellent pour ceux qui viennent après (1). »
(1) Mémoires de Sully et de d'Aubigné.
Les mémoires de l'époque et la tradition nous apprennent qu'au moment de quitter le champ de bataille, Albert de Gondy, nommé le maréchal de Retz, invita Henri IV à venir coucher dans sa grosse tour de Saint-Seine, où il tenait garnison (4). Le Roi, qui craignait quelque trahison (2), parce que Retz avait été longtemps indécis entre la Ligue et lui, répondit : « Ventre-Saint-Gris, je ne me mets point ainsi un pourpoint de pierres sur le corps. » Un auteur lui attribue cette autre réponse, qui au fond diffère peu de la première : « Croyez-moi je reposerais mal sous la voussure du donjon de votre forteresse. »
Henri coucha au château de Fontaine, alors très fortifié, dans la tour du midi (3) où il était plus en sûreté qu'à Saint-Seine, et certain que ses ennemis ne viendraient pas le chercher là.
Breunot dit que le soir, les Comtois renvoyèrent par un trompette à Henri IV le casque que le maréchal de Biron perdit dans l'action. Le roi eut un fort long entretien avec ce parlementaire, qui lui parla avec vivacité de l'étonnement où l'armée espagnole avait été plongée par la dernière charge des Français.
La plus grande partie de la France était rentrée sous l'autorité de Henri IV, plusieurs villes de Bourgogne étaient cependant encore au pouvoir des ligueurs, ainsi que le château et forteresse de Montsaugeon, qui, comme Talant, était soumis au vicomte de Tavannes.
(1)La tour ou donjon dont une partie est encore debout au bas de Saint-Seine-la-Tour, vers le moulin.
(2)Point historique admis par l'auteur d'une comédie, en trois actes, jouée au château de Fontaine-Française et qui a pour titre : Fin de la Ligue ou Henri-Quatre à la bataille de Fontaine-Française.
(3) C'est la chambre qu'habitait Mme la Marquise de la Tour-du-Pin.
Les Langrois avaient en vain cherché à racheter la forteresse de Monts augeon (qui était une sorte d'épouvantail pour eux) de laquelle on voulait 7.000 écus comptant et 50 écus payables à terme et en donnant des otages. Henri IV avait cependant ordonné l'acquisition de cette place. Il fallut y renoncer, car on se trouva dans l'impossibilité de se procureur l'argent nécessaire à cet achat.
On lit dans le volume de 1868, Langres sous la Ligue, par M. T. Pistolet de Saint-Fergeux, ce qui suit relatif à la part que prirent les Langrois au combat de Fontaine-Française.
« Alors les Langrois ayant appris l'arrivée de Henri IV à Dijon, lui députèrent deux eschevins et deux bourgeois pour le féliciter, lui exposer l'état de désolation et de misère dans lequel était le pays, lui faire comprendre la nécessité d'occuper le château de Montsaugeon, etc. Mais cette députation ne dut pas pouvoir remplir sa mission, car le lendemain 5 juin, Henri IV partait de Dijon pour aller à la rencontre du connétable de Castille et du duc de Mayenne.
« Javernault, grenetier de Langres, qui vraisemblablement assistait au combat, raconte que la cavalerie et les volontaires Langrois commandés par Dinteville se trouvaient à cette bataille. Le sieur de Biron, dit-il, choisit six vingts chevaux pour choquer des premiers, une bonne troupe de nos Langrois furent choisis par luy en cette occasion. Les trompettes sonnèrent la charge, on donna avec tant de force sur l'ennemy que deux de leurs gros escadrons furent percés à jour, etc. Le sieur de Dinteville combattit fort vaillamment avec nos Langrois. L'un fut plusieurs fois à la charge à cause que la cavalerie du sieur de Tavanes n'estoitpas
arrivée. Sa Majesté fut presque blessée et engagée, elle fut garantie de cinq coups de lance par un soldat langrois qui en reçut deux au bras et à la cuisse. Sa Majesté ayant vu ce soldat qui avoit si bien fait le voulut avoir à sa suite, mais quoique vaillant il n'estoit pas propre pour suivre la court et se contenta qu'on le fit panser de ses playes (par le chirurgien du Roy) ; estoit de la famille des de Guidon qui a fort bien fait pendant ces troubles. Notre trouppe langroise y fit merveille et y gagna une Cornette sur les Espagnols et nos gens la portoient à leur retour à Langres comme en triomphe. Ce combat fait les autres trouppes du Roy arrivèrent mais trop tard.
« Il y avoit à Fontaines deux Langrois frères, dits les Garnéries (1), nommés l'un la mort, l'autre l'amour, qui combattirent généreusement et ne demandèrent pour récompense au Roy que de porter l'épée toute leur vie.
« Pendant que le Roy séjourna à Fontaine-Françoise, ses mulets vinrent quérir des vivres et munitions à Langres.
« Il mourut grand nombre d'Espagnols en ce combat, et il y eut plusieurs des leurs prisonniers. Pour le connétable il se retira avec son armée à Gray. Cette victoire donna coeur aux serviteurs du Roy et le fit faillir à la Ligue (2). »
Tabouret ajoute à ces détails : « Un nommé de la Margelle de Rolampont, village appartenant au chapitre de Langres, se fit réputer par sa vaillance et blessures,
(1)Il existe encore à Langres une famille de ce nom et aussi à Percey-le-Grand (Haute-Saône).
(2) Javernault, page 138.
retint et empescha le Roy de se trop avancer en la chaleur de son courage (1).
« Une grande partie du succès de la bataille de Fontaine-Françoise, dans laquelle un petit nombre de soldats arrêtèrent et mirent en fuite l'armée espagnole, fut dû à la valeur des Langrois. Henri IV courut les plus grands dangers. Il ne dut probablement son salut qu'à ce soldat langrois qui le couvrit de son corps et ne demanda pour toute récompense qu'à être guéri de ses blessures. Ainsi, après avoir, depuis le commencement de la Ligue, conservé leur ville au roy en exposant sans cesse leur vie et en sacrifiant leur fortune, les Langrois terminaient et couronnaient leur longue et héroïque défense de la légitimité par la victoire de Fontaine-Françoise, et rentraient en triomphe dans leur ville en portant un drapeau pris à l'ennemi, après avoir sauvé la vie à leur roy, pour lequel ils avoient si longtemps souffert et combattu.
« La victoire de Fontaine-Française apporta le découragement chez les ligueurs. Le château de Dijon capitula, et le vicomte de Tavanes voyant qu'il ne pouvait plus être secouru par les Espagnols, consentit à ouvrir les portes de Talant et à faire sa soumission, à la condition qu'on lui donnerait 10,000 écus, et qu'il serait maintenu dans la dignité de Maréchal de France qu'il avait reçue de la Ligue. Mais, chose étonnante, malgré sa soumission, il conservait encore le château de Montsaugeon. Alors, pendant que sa majesté séjournait à Dijon on crut que c'estoit le temps pour retirer le chasteau de Montsaugeon, on députa le lieutenant
(1) Histoire des saintes reliques et événements de Langres, page 557.
Roussat et le grenetier Javernault pour supplier sa majesté d'avoir pitié du peuple Langrois et d'assiégercette place qui la ruinait (1). Sa majesté oyant nos plaintes, respondit qu'un siège cousteroit trop si l'on s'amusoit devant et ainsy on composa avec ledit vicomte à 13 mil escus qui furent payés par une constitution à rentes sur le sieur de Commes, et l'autre partie fut levée sur 2 cens bourgeois entre lesquels le sieur Javernault ne fut pas oublié. Cette place fut rendue à composition et razée et le grenetier fut commis à la démolition. Nos ouvriers trouvèrent l'invention de la ruiner en peu de temps, sappant la muraille, l'appuyant sur des pilliers de bois et puis avec un grand bélier de bois, à la mode des anciens Romains, on la faisoit tomber à l'instant, autrement elle ne vouloit pas tomber, tant ce chasteau estoit bien basty. La démolition de cette place apporta bien du contentement à nos bourgeois quelle avoit tant incommodés (2). »
Le Roi se loua particulièrement de Grammont, Belle-garde (duc de), Gouffier, Mirebeau, d'Elbeuf et de plusieurs autres qui avaient abattu la rosée devant luy (Girault, 1822).
Parmi les seigneurs qui se sont le plus signalés, on doit citer le baron de Chantal, époux de sainte Chantal, qui, blessé sous les yeux de Henri IV, prit par son courage une bonne part au succès de la journée (3). Il est bon de
(1)En effet cette partie du Bassigny était le grenier de Langres. Les Montsaugeonnais laissaient tranquillement les Langrois semer leur blé, leur orge, cultiver les vignes, mais quand le moment de la récolte arrivait, c'était à coups de canon qu'on recevait les Langrois et ceux de Montsaugeon s'emparaient de tout.
(2) Langres pendant la Ligue. Pistolet de Saint-Fergeux, 1868.
(3) Histoire de sainte Chantal, par l'abbé Bougaud.
citer encore un des ancêtres de Mme la marquise de la Tour-du-Pin, du côté des Monaco, Jacques de Matignon (dont le portrait en pied se trouve le deuxième à gauche dans le petit salon du château), comte de Thorigny, baron de Saint-Lô, comte de Mortagne, maréchal de France, etc., mort en 1597.
Dans un article, non signé, du Petit Bourguignon, journal de Dijon, 1er juillet 1883, on lit le passage suivant : « La plupart des arquebusiers dijonnais combattirent vaillamment le 5 juin 1595, aux côtés de Henri IV à Fontaine-Française. Pour les récompenser le Roi confirma sans coup férir leurs privilèges, leur confia la garde de sa personne tout le temps qu'il demeura à Dijon et alla avec eux tirer l'oiseau au-dessus de ce vieux peuplier désigné de nos jours sous le nom de gros arbre de l'Arquebuse. »
Les habitants de Selongey avaient aussi donné ayde et appui au Roi. Antoine de Billebaudet, seigneur de Selongey, fut député de ce bourg pour aller complimenter Henri IV sur la victoire de Fontaine-Française et lui présenter vingt feuillettes de vin. Ce présent fut agréable à ce prince, qui érigea de suite en fief le domaine de la Charmoille, en faveur de Billebaudet ; et depuis, en reconnaissance du zèle des habitants pour son service, leur accorda, par lettres patentes de 1598, conservées dans les archives, la marque des vins de Selongey, une S surmontée d'une couronne, a pour empêcher la fraude des voisins et des marchands ».
Je trouve ici l'occasion, dont je suis heureux de profiter, de raconter l'origine de l'établissement dans nos pays d'une des plus honorables familles : celle des Bonneviot, de Pouilly-sur-Vingeanne.
Un Bonneviot, né à Pau, officier à la suite du roi
Henri IV, prit une grande part au combat de Fontaine-Française. Il fut probablement blessé et recueilli dans la maison de M. Quirot, alors tabellion royal à Pouilly. Il se maria avec la fille de ce notaire et fut la souche de la famille Bonneviot, dont plusieurs membres existent encore. Cette famille des plus considérées a rendu de grands services au pays.
Le soir, le Roi, se reposant et devisant sur les événements du jour disait, en riant, à Biron : « Je l'ai échappé, belle ; j'ai été aujourd'hui votre compère et votre parrain. »
C'est alors qu'il écrivait à sa soeur : « Ventre-Saint-Gris, vous avez pensé (failli) être mon héritière. Dans d'autres occasions j'ai combattu pour la gloire mais dans celle-ci j'ai combattu pour la vie. »
Henri IV resta le 6 juin à Fontaine-Française et partit le 7 pour Dijon « tout content », disait-il, « et tout victorieux ».
On n'est pas d'accord sur les pertes du combat de Fontaine-Française.
Dom Plancher dit que le Roi etBiron profitèrent avec tant d'avantage de leur adresse dans la manoeuvre, qu'on prétend que dans cette action il n'y eut que quatre morts du côté des Français, tandis que de celui des ennemis il y en eut 160, beaucoup de blessés et 60 prisonniers.
Dutillet dit que cette affaire brillante ne coûta que six personnes aux Français, du nombre desquels de Rampon, gouverneur de Beaune, et le maire de Nuits ; ainsi que le baron de Thenissey du côté du duc de Mayenne (1). Les ennemis perdirent 120 hommes, eurent 60 prisonniers et 200 blessés.
(1) Mémoires inédits du Procureur Claude Sullot.
Villars-Houdan étant du nombre de ces derniers, le Roi lui fit remettre un sauf-conduit pour se rendre à Chalon-sur-Saône, et s'occupa de la sépulture desmorts, parmi lesquels furent reconnus les seigneurs ligueurs d'Oiselay, de Conflandey et de Chavannes.
Cependant le curé de Fontaine, dans le registre des naissances, conservé aux archives de cette commune
porte : « le cinq juin 1595 fut baptisé et tout après,
sans que la phrase soit à la ligne, « et rencontre et escarmouche fut faicte des armées des roys d'Espaigne et de France, luy présent (Henri IV) en furent tués environ 50 hornnes de part et d'autre (1). » Ce jour-là le curé fit trois baptêmes et il libella ainsi le troisième : « Led. jour fut baptizé Claudine, fille de François Guchon de Sacquenay réfugié en ce lieu pour les armées des rois d'Espagne et de France estant en ces pais, dont la rencontre fut faicte en ce finage ou il y eut escarmouche faicte dont on enterra au cimetière de céans
XVII et dix en l'église...... le parrain dudict Lombart
fils, la marraine Claudine, femme de M. Pierre Labotte. »
Le nombre peu élevé des morts étonnera moins, si on se rappelle que la cavalerie a joué le principal rôle. L'histoire rapporte qu'à la bataille de Braineville, entre Louis VI dit le Gros, roi de France, et Henri I, roi d'Angleterre, laquelle amena le traité de Gisors, en 1196, il y eut trois hommes tués et le vainqueur, Louis VI, manqua de faire le quatrième.
Il en arriva de même au combat de Fontaine-Fran-
(1) On croit que le curé était ligueur, ce qui expliquerait la brièveté de son récit.
çaise, où Henri IV manqua, comme Louis le Gros, d'être aussi au nombre des morts.
La tradition nous apprend en outre qu'une partie des tués, probablement les protestants et les Espagnols, furent inhumés à côté de la fontaine de Pré Morot, entre le petit monument et le chemin de desserte au levant. Il faut bien croire qu'une partie des morts, la plus forte, a été enterrée sur le champ de bataille, puisque
le curé qui dit d'abord... « en furent tués cinquante
hommes de part et d'autre », ajoute plus loin... « on en enterra XVII au cymetière de céans et dix en l'églize..... »
Un sieur Lebarry était échevin ; il alla, après l'action, haranguer Henri IV avec cinq jurats de Fontaine, lorsque le roi rentrait au bourg. Lebarry, peut-être ligueur, ne sachant pas qui l'emporterait des Espagnols ou des Français, avait préparé deux discours écrits. Un peu ému et embarrassé, il se trompa de papier et débita à Henri IV ce qu'il avait préparé pour Mayenne, Honteux, il s'écria : « Ah ! pardon, Sire. » « Bien, Bien, » lui dit le Roi, « l'intention était bonne, mais mon cousin Mayenne est bien loin maintenant ».
Le rusé compère avait mis deux cordes à son arc.
Les gens de Fontaine et de Fontenelle fournirent, dit-on, trente hommes de milice à Henri IV (ceux qui probablement, comme il a été dit plus haut, passaient et repassaient au-dessus de Beauregard). Il fut si satisfait de leur conduite qu'il confirma leurs privilèges, tel que celui qu'ils possédaient déjà de s'approvisionner de sel de Salins, et diverses autres immunités. Il leur accorda, dit-on encore, certains droits de pêche et de chasse dont ils ne profitèrent pas longtemps, car en 1636 la contrée fut ravagée, le bourg détruit en par¬
tie et inhabité pendant plusieurs années. Ces derniers privilèges tombèrent en désuétude.
La tradition nous apprend encore que trois des habitants de Fontaine furent tués au combat du 5 juin : 1° un sieur Couturier, dont la fille reçut du roi une pension annuelle de 300 livres, mais qui fut remplacée par l'achat d'une maison où se trouve aujourd'hui celle de David Tarboché, vers l'école ; 2° le fils d'une veuve dont on ignore le nom ; elle fut aussi pensionnée ; 3° et un étranger habitant momentanément Fontaine.
Quoi qu'il en soit, dit Larousse, « si la victoire de Fontaine-Française ne procura à Henri IV aucun avantage immédiat, car il revint sur ses pas après avoir fait parcourir et ravager la Franche-Comté pendant deux mois, elle prouva à la Ligue que son règne était passé et à Philippe II, roi d'Espagne, qu'il fallait abandonner les rêves de suprématie européenne qu'il avait caressés si longtemps, et pour la réalisation desquels il avait compromis la prospérité et la force de l'Espagne (1). »
Cependant d'Haussonville et Tremblecourt s'étaient approchés de Gray où était le connétable, et peu s'en fallut que le 12 juillet il n'y eût une bataille générale.
Henri IV demeura jusqu'au 13 juin à Dijon, s'occupant de la pacification de la province.
Il en confirma le gouvernement à Biron, partit pour la Franche-Comté à la tête de vingt-cinq mille hommes et de là se rendit à Lyon, où il reçut les lettres de son absolution de la part de la cour de Rome (Girault, 1822).
On peut remarquer que la première bataille à laquelle Henri IV, qui n'était alors que roi de Navarre,
(1) Dictionnaire de Larousse, col. 8, p. 571.
prit part, se donna à Arnay-le-Duc, sous Coligny, le 27 juin 1570. Henri n'avait alors que seize ans. Il fit des prodiges de valeur qui aidèrent beaucoup au succès de cette journée, où il courut les plus grands périls (1).
La dernière fois qu'il combattit en personne, ce fut à Fontaine-Française, où il affronta encore les plus grands dangers (2).
Ces deux faits d'armes l'attachèrent beaucoup à la Bourgogne.
Henri IV rentra à Dijon le 7 juin, vers les 10 heures du matin, par la porte Saint-Pierre, non loin de
(1) Dans sa vie militaire Henri IV eut trois batailles rangées, cent quarante combats, trente-cinq rencontres et un grand nombre de sièges (Lenoir, Musée des monuments français).
(2) Malte-Brun dit dans la France illustrée, chapitre de la Côte-d'Or : « Arnay-le-Duc est surtout célèbre par la bataille qui y fut livrée, le 27 juin 1570, entre l'amiral de Coligny et le maréchal de Cossé-Brissac. C'est là que Henri IV, alors seulement roi de Navarre, fît ses premières armes. Animés par la présence de ce jeune prince (16 ans) et de son cousin Condé, 4,000 protestants, sans canons, sans bagages, harassés par huit jours de campagne et de marches continuelles, se défendirent avec succès contre 12.000 catholiques et s'ouvrirent un passage jusqu'à la Charité-sur-Loire.
« Le terrain où était placée la tente d'Henri IV s'appelle encore aujourd'hui le Pâtis au Roy. »
Lamotte Fénélon parut surpris de ce que Henri, si jeune, prenait part dans cette guerre avec son cousin le prince de Condé.
« C'est, » répondit Henri, « que mes ennemis en veulent à toute la branche royale des Bourbons : nous voulons mourir tous ensemble pour éviter les frais du deuil. »
S'entretenant un jour de la bataille d'Arnay, il disait : « mes premiers exploits d'armes sont à Arnay où il était question de vaincre ou d'être pris. A dix pas de moi fut tué un cavalier d'un coup de couleuvrine ; mais recommandant à Dieu le succès de cette journée, il la rendit heureuse. » Girault, 1822.
laquelle on avait élevé un arc de triomphe où était son portrait avec ces quatre vers :
Sire, votre Dijon échappé du naufrage Et tiré du péril des écueils Ibérois,
Encore tout dégouttant aux rivages François,
Sèche ses moux habits au pied de votre image (1).
Il alla de suite à la Sainte-Chapelle remercier Dieu du succès de ses armes. Un Te Deum y fut chanté en actions de grâces, et le roi écrivit à sa soeur, Madame Catherine, la lettre suivante :
« Dijon, 7 juin 1595.
« Ma chère soeur. Tant je vay en avant tant plus j'admire la grâce que Dieu me fit au combat de lundy dernier où je pensois n'avoir desfait que douze cents chevaulx, mais il en faut compter deux mil. Le connestable de Castille y estoit en personne avec le duc de Mayenne qui m'y virent et cogneurent toujours bien, ce que je scais de leurs trompettes et prysonniers.
« Ils m'ont demandé tout plein de leurs capitaines Italiens et Espagnols lesquels n'estant point prysonniers, fault-il qu'ils soient des morts qu'on a enterrés, car je commandai le lendemain qu'ils le fussent.
« Beaucoup de mes jeunes gentilshommes me voyant partout avec eulx ont faict feu en ceste rencontre et y ont montré de la valeur beaucoup, et du courage, entre lesquels j'ay remarqué Grammont, Termes, Boissy, la Curée et le marquis de Mirebeau, qui, fortuitement s'y trouvèrent sans autres armes que leurs haussecols et gaillardets et y firent merveilles. Aussi y en eust-il d'autres qui ne firent pas si bien et beaucoup qui firent très mal. Ceulx qui ne s'y sont pas trouvé y doivent avoir
(1) Courtépée, vol. I, page 234.
eu regret, j'y aye eu affaire de tous mes bons amys et vous ay vue très près d'estre mon héritière.
« Je suis à cette heure devant le chasteau que les ennemys après avoir joinct leurs forces, font estat de secourir encore une fois. Mais Dieu leur a desjà osté un grand moyen et m'a donné un si grand pied sur eux, qu'ils auront tous besoin de se défendre et non de m'affaiblir, quand j'aurai passé avec eulx, comme je me délibère.
« Je me porte bien, Dieu mercy, vous aymant comme moy même. « HENRY (1). »
Henry IV écrivait en même temps qu'à sa soeur aux Cours du parlement et autres séantes à Paris, que : « moins de deux cents chevaux avoient empesché, sans aucun ruisseau entre deux, une armée de dix mille hommes de pied et deux mille chevaux, d'entrer dans le royaume de quoi il falloit en donner gloire à Dieu, de la main duquel ce grand bien étoit parti. » Et pour l'en remercier, il les invita à faire faire une procession générale qui eut lieu le dimanche suivant, à Paris et à Dijon.
Pour terminer ce récit, je copie la lettre qu'Henri IV écrivait, le 8 juin, de Dijon au connétable Anne de Montmorency.
« Mon cousin, je vous escrivis par Charles mon partement de Troyes et à l'occasion d'icely vous prianst de vous advancer a Mascon. Depuis je me suis rendu en cette ville en quatre jours où le lendemain que je fus arrivé qui fut dimanche dernier, je fus adverty que le connétable de Castille accompagné du duc de Mayenne et renforcé de son frère passoit la rivière de Saone avec son armée pour venir secourir le chasteau
(1) Recueil des lettres missives de Henri IV, tome IV, pages 363 et 364.
de cette ville qui fut cause que je montay a cheval le jour d'après suivy de mon cousin le mareschal de Biron et de sept à huit cens chevaulx pour aller sur les lieux recognoistre son desseing et je pouvois faire quelqueffet dont est advenu que voulans prendre mes my logis sans avoir advis certain lieu de l'aultre, nous nous sommes rencontrés plutost que nous n'espérions et de si près que mon dict cousin le mareschal qui menoit la première troupe a esté contrainct de charger ceulx qui s'étoient advencés et moy de le soutenir, mais notre désavantage a esté que toutes mes troupes n'estoient encore arrivées et joinctes à moy, car je n'avais que deux à trois cens chevaulx au lieu que les ennemys avoient toute leur cavalerie ensemble qui en faisoit plus de mil a douze cens, dressés par escadrons avec leurs cavaliers devant et a leurs ailes en ordre de combattre. Toutefois mon dict cousin ne les marchanda point et les ayant chargé croyans qu'ils le renversoient pour estre la partie trop mal faicte, j'en voulus estre et m'y meslay si avant et heureusement grâces à Dieu avec ceux qui me suivoient que nous les avons mis en route. Mais je vous asseure que ce n'a esté de la première charge, car nous en avons faict plusieurs et si j'eus eue avec moy le reste de mes forces j'eusse sans doute défaicte toute leur cavalerie et peut être leurs gens de pied qui estoient en bataille derrière les aultres ayant a leur teste ledict connétable de Castille. Mais nos forces estant si inégales que je ne pus faire aultre chose que de faire fuir ceulx qui ne voulaient combattre après avoir taillé les aultres en pièces comme nous avons faict, ou je vous puis dire, mon cousin que mon dict cousin le mareschal de Biron et moy avons bien mené les mains. Il y a esté blessé
a la teste d'un coup de coutelas à la seconde charge car luy et moy n'avions rien que nos cuirasses pour n'avoir eu loisir de nous armer davantage tant nous fumes surpris et pressés. Toutefois mon dict cousin ne laissa pas après sa blessure de retourner à la charge encore par deux ou trois fois comme je fis de mon costé. Enfin nous avons si bien faict que le champ et leurs morts nous sont demeuré jusqu'au nombre de cent ou six vingts et autant de prisonniers de toute qualitef dont le dict connestable a pris tel deffroy qu'il a aussitôt repassé la Saône et m'a-t-on rapporté que ce n'a esté san reprocher au duc de Mayenne qu'il l'avoit abusé par ce qu'il ne luy avoit dit ma venue en ce pays. Le dict duc a vue renversé et battu ses gens accompagnez de quatre a cinq cens chevaulx frais oultre les aultres troupes qui les soutenoient sans s'esbranler aultrement que pour se retirer.
« Ce combat s'est faict entre Fontaines et Sainct-Seine sur la rivière de Vingenne si véritablement le dict Connestable ne s'attendait pas de me rencontrer, mais seulement le dict mareschal de Biron, lequel il espéroit chasser de la ville facilement à la faveur de leur chasteau et du fort de Talent que tient encore le vicomte de Tavannes, assisté d'aulcuns habitants de la ville qu'ils estyment leur estre encore affectionnez comme peut estre il leur fut suadé si je n'y fusse arrivé si à propos que j'ai faict. Mon cousin, en vérité, Dieu nous a assisté et favorisé extraordinairement et ayant le lendemain recognue et vérifié leur retraicte, je suis revenu aujourd'hui en cette ville.
« Escript à Dijon, le VIIIe jour de juin 1595.
« HENRY. »
Le même jour, le roi écrivit une seconde lettre au connétable et le 9, il en écrivit encore une à M. de Plessis, sur le même sujet. Sa dernière écrite de Dijon, est à M. de Haranbure : « Haranbure, pendésvous de ne vous estre point trouvé près de moy en un combat que nous avons eu contre les ennemys, ou nous avons faict rage, mais non pas tous ceulx qui y estoient avec moy. Je vous en dirai les particularités quand je vous verray.
« Ce VIII juin, à Dijon. HENRY. »
Mayenne, battu en personne à Fontaine-Française, s'étant retiré à Chalon-sur-Saône, où il avait des partisans, ne tarda pas à négocier sa réconciliation. Le roi lui accorda une trêve au mois de septembre 1595.
Un traité du 11 janvier 1596 mit fin à la guerre et le 31 du même mois, Mayenne, accompagné de six gentilshommes seulement, alla à Montceaux se jeter aux pieds du roi qui le releva et le serra dans ses bras, l'assurant « qu'il ne doutait nullement de sa foi ni de sa parole ».
Dès 1589, les partisans royalistes du Parlement de Dijon s'étaient réfugiés à Flavigny, puis à Semur, où vinrent les rejoindre les partisans des autres cours souveraines, et d'où ils revinrent à Dijon après la soumission de cette ville. Leur retour dans la capitale de la province, après la victoire de Fontaine-Française, fut une véritable marche triomphale.
Pour rappeler le souvenir de la bataille de 1595, outre le pont qui porte cette inscription : Hic Henricus Magnus Hostes Debellavit, les élus de la province avaient fait élever un monument (aujourd'hui restauré) sur la Fontaine dite de Pré Morot ou de Henri IV, sur
le lieu même de la principale action du 5 juin. Plus tard, sous l'administration du préfet Guiraudet, vers 1806, la commune fit reconstruire la fontaine de Pré Morot, telle qu'elle est encore. Le portique faisant face à la route porte en fronton ces vers de la Henriade :
Bon prince, grand guerrier,
Il vainquit ses rivaux et sut leur pardonner.
Sur la frise, on lit en gros caractères :
VICTOIRE REMPORTÉE PAR HENRI IV
1595
Un médaillon en bronze, représentant la face de Henri IV souriant à la France, ornait ce fronton. Il a été volé en 1852.
Ce petit monument, mal entretenu, abandonné, était en ruines. Déjà agent-voyer à Fontaine-Française, je dressai en 1857 un projet de reconstruction, en donnant à l'édifice de plus grandes dimensions et proposant de l'entourer d'une grille en fer. Le Préfet de la Côte-d'Or, baron Jeanin, vint sur place, promit de faire tout ce qu'il pourrait pour que le ministre des Beaux-Arts accordât une forte subvention pour venir en aide à la commune. Malheureusement le Ministre, un enfant de Dijon cependant, le maréchal Vaillant, rejeta cette demande et la commune fut réduite à reconstruire purement et simplement le petit monument dans ses anciennes dimensions et avec le plus d'économie possible. Le médaillon n'a pas encore été remplacé; mais j'en ai modelé un, je le ferai couler en fonte, et le fronton, aujourd'hui privé de tout ornement, sera alors remis dans son état primitif et respecté, je l'espère, par les voleurs que ne tentera plus la valeur du bronze.
Pour mieux perpétuer le souvenir de cette mémorable journée du 5 juin 1595, Mme de Saint-Jullien, née la Tour-du-Pin, très connue, dit Courtépée, par sa correspondance avec Voltaire, fit construire, à quelques pas du portique communal, un monument aujourd'hui disparu.
La première pierre fut solennellement posée, au nom de Monsieur, frère du roi, le 18 octobre 1818, par le comte Charles de Damas, gouverneur de la 18e division militaire à Dijon.
Il y eut une fête splendide ; tous les habitants y participèrent. La garde nationale et un escadron de chevau légers firent escorte au comte de Damas (1).
C'est un nommé François Prenelle, maçon, descendant d'une des plus anciennes familles de Fontaine, qui a scellé la première pierre et la boîte en plomb, renfermant les monnaies du temps et le procès-verbal de l'inauguration. Mme de Saint-Jullien, armée d'une superbe truelle d'or, présida la cérémonie (2).
Le monument consistait en un socle allongé en pierre de taille, élevé de quatre mètres au-dessus du sol, sur lequel devaient être placés un trophée d'armes et de chaque côté, les bustes, de grandeur colossale, de Henri IV et de Louis XVIII, exécutés par les meilleurs artistes de Paris.
Sur les deux faces des dés on lisait, sous l'emplacement que devait occuper le buste d'Henri IV : Il fut de ses sujets le vainqueur et le père et sous le buste
(1) Une sorte de fontaine de vin fut établie sur la place publique et coula, dit-on, pendant toute la durée de la fête.
(2)On se demande, encore aujourd'hui, ce qu'est devenue la boîte en plomb qui avait été scellée dans l'angle sud-ouest des fondations du monument.
PORTE ET FONTAINE HENRI IV
de Louis XVIII : Il est de ses sujets le sauveur et le père.
On devait y graver l'inscription suivante :
HISPANIS FUGATIS, HENRICUS MAGNUS, TANDEM TRIUMPHO FELIX V JUIN MDXCV.
Les bustes et le trophée n'ont jamais été placés sur le monument ; ils ne sont arrivés au château qu'en 1820. Le trophée d'armes, encore sur le chariot qui l'avait amené, n'avait même jamais été déballé, quand Mme la marquise de la Tour-du-Pin, nièce de Mme de Saint-Jullien, s'est décidée, en 1877, à placer les bustes et le trophée dans la grande salle des gardes, où ils faisaient un très bon effet.
Ces trois objets, d'une grande valeur, sont en pierre de Tonnerre et parfaitement exécutés (1).
Le monument élevé par Mme de Saint-Jullien étant démoli, et les bustes et le trophée d'armes qui devaient l'orner ayant été placés dans la grande salle des gardes par Mme la marquise de la Tour-du-Pin, on pensait qu'ils y étaient ainsi définitivement. Mais M. de Chabrillan, possesseur actuel du château, réemployant une partie du monument de Pré Morot, a fait élever, en 1883, au fond du fer à cheval des tilleuls, en face du château, un édicule au haut duquel est placé le trophée d'armes, et en avant le buste de Henri IV. Sur la face principale du socle on lit sur une plaque de marbre noir :
HENRICO QUARTO MAGNO
(1) Dans cette notice, spéciale au combat du 5 juin 1595, j'ai répété quelques parties de ma description générale du Bourg de Fontaine-Française. Je l'ai fait à dessein dans le cas où on tirerait à part cette partie de mon histoire.
VICTORI PACATORI,
GALLIAE ET NAVARRAE REGI,
QUOD
DEBELLATIS Ve DIE JUNII MDXCV,
APUD FONTAINE-FRANÇAISE HOSTIUM COPIIS ET
CIVILIBUS EXSTINCTIS FACTIONIBUS INDE
REGIO SIMUL AC PATERNO DUCTUS ANIMO BREVI TEMPORE PACEM INSTAURAVIT, THESAURUM RESTITUIT,
AGRICULTURAM FLORERE VOLUIT REGNUMQUE AD GLORIAE ET PROSPERITATIS CULMEN EREXIT (1).
Je ne saurais clore cette page de mon histoire de Fontaine-Française sans donner au lecteur le document suivant, très curieux tiré de la bibliothèque de Grenoble, vol. n° 16067 du catalogue.
(1) A HENRI QUATRE
LE GRAND LE VICTORIEUX, LE PACIFICATEUR, ROI DE FRANCE ET DE NAVARRE, LEQUEL
APRÈS AVOIR DÉFAIT LES ENNEMIS
LE 5 JUIN 1 595,
PRÈS DE FONTAINE-FRANÇAISE ET AVOIR MIS FIN AUX LUTTES INTESTINES GUIDÉ PAR SON COEUR DE ROI ET DE PÈRE RÉTABLIT LA PAIX EN PEU DE TEMPS, RECONSTITUA LE TRÉSOR PUBLIC, VOULUT RENDRE L'AGRICULTURE FLORISSANTE ET ÉLEVA LE ROYAUME AU COMBLE DE LA GLOIRE ET DE LA PROSPÉRITÉ.
« Les trois visions de Childéric, quatrième roi de France, pronostics des guerres civiles de ce royaume et la prophétie de Bazine, sa femme, sur les victoires et conquêtes de Henri de Bourbon, roi de France et de Navarre et sur la rencontre (sic) fait à Fontaine-Française (pris d'Aimoinus, monachus, lib. I de Rébus gesti Francorum, cap. VIII) plus le triomphe de la liberté royale sur la prise des villes de Bourgogne (par Boton), Lyon, 1595, in-8.
« A M. de Biron, maréchal de France, gouverneur de Bourgogne, général des armées françaises.
« Lyon, Thibaud Ancelin, imprimeur du Roy, 1595.
« Après avoir chassé les Vallons jusqu'en Flandre,
Purgé Paris de la Ligue, il s'en ira descendre Avec l'ost (1) françois dans le champ bourguignon Pour en chasser cest hydre et le françois félon :
Où en moins de deux mois ce grand Poliorcète Forcera les cités de la Ligue déserte.
Les armées d'Espagne estant à la comté,
Viendront pour le chasser d'une grande cité;
Mais au besoin Henri secourra son Achille,
Et tous deux avec un donneront dans deux mille,
L'Espagnol estonné verra ces deux François Avec si peu de gens faire de beaux exploits ;
Comme foudres du ciel à Fontaine-Françoise Ces deux guerriers donneront sur l'armée ibéroise.
Ainsi qu'on voit tomber les espies en été Sous la faucille ou bien sous la calamité,
De même on verra sous ces deux espées Le corps des Espagnols et les testes coupées,
Comme parmi les prés deux lions violants Font courir devant eux mille troupeaux bêlants.
Ainsi ces deux guerriers de la large campagne Font courir devant eux les phalanges d'Espagne O Macédoniens, ô Thébains, ô Grégeois,
(1) Le soldat, l'armée.
Vous ne vanterez plus les martiaux exploits D'Arbelle, de Platée et des plaines Attiques,
Où Miltiade fît tant d'actes héroïques,
Ny de Leuctres, ny moins de l'Isle à Télamon :
Car les exploits guerriers d'un Henri de Bourbon Secondé d'un Biron, ses grands et hauts faits d'armes De bien loin passeront ceux-là de vos gens d'armes,
Lui seul suivi de vingt ou trente françois Mettra toujours en route un escadron ibérois ;
Et les lauriers conquis à Fontaine-Françoise Esteindront la Thébaine et la gloire grégeoise,
Et feront qu'on lira les gestes des François Sur les Amathiens, les Thébains, les Grégeois.
Ce combat chassera l'Espagnol de la France,
Ce seul coup fera voir la françoise puissance Sur les forts du comté, et les blancs étendards Sera droit arborer sur les monts savoyards. »
La tranquillité et la paix finirent par régner en France.
Lorsque Henri IV signa le traité de Vervins, avec les Espagnols, le 2 mai 1598, la surséance, qui pesait sur la terre de Fontaine-Française, fut enfin complètement et définitivement levée. Alors, non seulement le Château et une petite rue à côté (on sait déjà que c'est celle qui va de la rue de la Tour-du-Pin au bas du Moulin) firent partie du duché de Bourgogne, mais on y rattacha aussi le reste du bourg, le fief de Berthaut, Chaume, la métairie de la Borde et le fourneau.
Le seigneur de Fontaine, François Chabot, pouvait se croire désormais tranquille, mais des réclamations, suivies d'instance, toujours à propos des bois, firent rendre, par le bailliage de Gray, le 1er décembre 1598, une sentence « entre ledit François Chabot et cinq habitants de Fontaine (Prudent Thiebard, la veuve de Jehan Labotte, Perrin Robelet, Claude Meuret et Pierre Devillé) qui régla la portion de bois qui serait
livrée à chacun de ces particuliers pour leur droit de fouage (affouage) et usage dans les bois dudit seigneur de Fontaine. L'arrêt maintient ce dernier dans la propriété et jouissance desdits bois, avec défense à tous dudit Fontaine de couper dans lesdits bois sans le consentement et permission dudit seigneur (1). »
Henri Chabot, de 1599 à 1628
François Chabot étant mort en 1599, Henri lui succéda de plein droit dans la seigneurie. Cependant, on voit encore sa mère, Catherine de Silly, signer des actes importants, comme « dame de Fontaine-Françoise, relicte de François Chabot », ce qui me fait répéter que son fils, qui était seigneur de cette terre, en portait seulement le nom, laissant à sa mère tous les soins de l'administration.
Nous entrons dans le XVIIe siècle. Les seigneurs et les abbés ne lèvent plus directement les dixmes. Ils prennent la mauvaise habitude de les amodier. De là, des vexations, des abus de tous genres de la part des fermiers, tout le mal retombe sur les seigneurs qui ont commis la faute de céder leurs droits à des gens, souvent sans foi et sans honneur, lesquels tirent tout ce qu'ils peuvent, dû ou non dû, du pauvre peuple.
Le seigneur de Fontaine se prétendait, malgré diverses sentences, toujours haut justicier de Fontenelle, et il avait soulevé à nouveau cette prétention à la mort de Charles de Saulx ; mais le Parlement de Dôle, par
(1) Archives du château.
arrêt de janvier 1601, accorda définitivement à madame de la Pallu, veuve de Charles de Saulx, le droit et possession de la haute justice de Fontenelle contre ledit Henri Chabot, ensuite de la sentence rendue contre son père, au bailliage de Gray, le 2 août 1583 (1).
De nouvelles difficultés s'élevèrent encore à propos des droits des habitants de Fontaine dans la forêt de Velours. Par une transaction du 19 mars 1603, passée devant Jean Morelet, tabellion à Thil-Châtel, les droits desdits habitants leur furent maintenus sur 600 arpents de bois, de la dite forêt de Velours, joignant les grands bois du seigneur de Fontaine-Française (2). C'est la portion de la forêt de Velours acquise et possédée aujourd'hui par M. Perriquet d'Orville en partie.
Les habitants de Fontaine avaient également le droit de pâturage au bois de Saint-Seine et Delà-l'eau. Ce droit fut maintenu jusqu'à la fin du XVIIIe siècle. Il en a été de même pour les pâquis communaux de Fontenelle, assujettis dès 1629 à la vive pâture au profit des habitants de Fontaine-Française (3).
En 1605, Henri IV avait adressé au Parlement de Dijon un édit qui augmentait de deux écus le prix du minot de sel. L'abbé de Cîteaux et Henri de Bauffremont, cousin du seigneur de Fontaine, furent envoyés au roi pour faire révoquer cet édit.
Bauffremont assura à Henri IV que si l'édit était maintenu, la moitié des habitants des villages du duché limitrophes de la Franche-Comté s'y retireraient, pour y trouver le sel presque pour rien.
(1)Archives du château.
(2) Ibid.
(3) Courtépée.
Le roi ému, versant des larmes, s'écria : « Ventre-Saint-Gris, je ne veux pas qu'il soit dit que mes sujets quittent mes Etats pour aller vivre sous un prince meilleur que moi. » Et l'édit fut révoqué.
Le fief de Berthaut était toujours disputé. Cela tenait à ce qu'il avait appartenu à la Franche-Comté et rattaché plus tard au duché de Bourgogne.
Ainsi on voit encore un nommé de Boussu ou de Voussud, seigneur d'une partie de Saint-Seine, qui revendique des droits sur Berthaut, quoique la propriété en ait été définitivement attribuée à la seigneurie de Fontaine.
Cependant une transaction a lieu entre Boussu et le seigneur de Fontaine, moyennant huit hémines par moitié froment et avoine que ce dernier s'engage à donner annuellement audit Boussu (1).
On a déjà vu plusieurs fois que le château et une petite rue (2), étaient d'abord échus à la Bourgogne et que plus tard, après le traité de Vervins, le reste du village et dépendances y avaient été également rattachés. A cet égard furent octroyées des « lettres patentes de S. M. Louis XIII, en forme de déclaration du 3 avril 1612, au parlement de Dôle, par lesquelles la dite M. en départant les terres données par ledit traité de 1609, enregistré le 4 mai 1611, de la neutralité entre le duché de Bourgogne, le vicomté d'Auxonne et le
(1)Archives du château.
(2)Par lettres patentes du roi en date du 14 juillet 1612, le château et cette petite rue qui appartiennent au duché sont exempts de gabelles et d'impositions sur leurs denrées ; ils peuvent user du sel blanc, de toutes sortes de monnaies, et autres libertés. Archives du départ. Finances, C. 2830.
Bassigny lui appartenant, et leurs dépendances avec la Franche-Comté,
« Sous sa souveraineté et obéissance S. M. ordonne :
« Pour l'avenir et perpétuité, le Chastel de Fontaine-Françoise, le village de Chaulme et dépendance de la seigneurie ressortiront es baïages et cour du parlement de Dijon.
« Enregistré le 46 janvier 1613 (1). »
Déjà le 15 février 1612, Fontaine-Française rentrait au royaume de France par suite d'un traité conclu, à Auxonne, entre Louis XIII et les archiducs Fernand et Isabelle.
Les habitants de Fontaine eurent ainsi une satisfaction qui leur tenait au coeur, car ils étaient bourguignons de sang et de volonté. Ayant égard à ces sentiments, le roi leur accorda encore la franchise du pont de Lux, sur lequel ils devaient payer un droit de péage (2).
Le chapelain du château, Simon Labotte, étant mort le 16 février 1613, Catherine de Silly, veuve de François Chabot, nomma chapelain de la chapelle Saint-Sébastien du château, messire Charles Labotte de Fontaine, curé, clerc du diocèse de Langres. Il jouit des mêmes immunités et revenus que son prédécesseur (3) et cumula, ainsi que plusieurs de ses successeurs, les
(1) Peincedé, B. 35, reg. 21, v. IV.
(2)La route actuelle de Dijon, par Bèze et Viévigne, n'existait pas. Pour aller à Dijon les habitants de Fontaine prenaient l'ancien chemin de Fontaine à Véronnes, traversaient le nord de la forêt de Velours et de là allaient à Lux. puis à Dijon, soit par Thil-Châtel soit par Beire et Arcelot.
(3)Archives du château.
fonctions de curé de la paroisse et de chapelain du château.
La même année Louis XIII, toujours bienveillant pour les habitants de Fontaine, par lettres patentes et arrêt du conseil d'Etat du 12 mars 1613, leur accorda « permission de se fournir de sel de la Saulnerie de Salins ou de telle autre que bon leur semblerait pour leur usage, à charge de payer à recette ordinaire du Baiage de Dijon la somme de 50 livres par an.
« Enregistré le 20 mai 1613 (1). »
Le dernier acte que je trouve consenti sous Henri Chabot est un bail du 5 juillet 1622, par lequel le seigneur de Fontaine amodie les dixmes de cette seigneurie moyennant cent hémines, moitié froment et avoine par chacun an (2).
Henri Chabot mourut en 1628, au commencement de l'année, et son frère, Jacques Chabot, marquis de Mirebeau, devient seigneur de Fontaine.
Jacques Chabot, de 1628 à 1630 et Marie-Antoinette de Loménie de 1630 à 1638 (3).
Jacques Chabot, fils aîné de François Chabot et de Catherine de Silly, fut d'abord marquis de Mirebeau,
(1) Peincedé, t. XXII, fol. 30.
(2)Archives du château.
(3) C'est au moment où Jacques Chabot prenait possession de la seigneurie de Fontaine, que sévit, en mai 1628, la peste qui décima nos populations et qui obligea la cour des comptes de quitter la ville de Dijon.
chevalier des ordres du roi, conseiller en ses conseils d'état et privé, capitaine de 100 hommes d'armes de ses ordonnances, gouverneur des villes de Saint-Jean-de-Losne et de Flavigny, lieutenant général pour Sa Majesté au gouvernement de Bourgogne, comte de Charny et de la Roche-Guion, baron de Couchey et d'Esquigny, seigneur de Tanlay, puis par la mort de son frère Henri, seigneur de Fontaine-Française, souverain de Chaume, seigneur, à cause du fief de Fontaine, des mouvances de Bourberain, Courchamp, Percey-le-Grand, Fontenelle, la Craye, etc.
La terre de Fontaine se trouvait, pour une cause que j'ignore, en nouvelle saisie réelle.
Le 29 août 1628, le seigneur de Tonicourt se rendit adjudicataire, moyennant 115.000 livres, de ladite terre de Fontaine sur les biens de défunt François Chabot, père de Jacques. Le seigneur de Tonicourt agissait au nom de Jacques Chabot, qui, par arrêt du 7 septembre suivant, en est déclaré le véritable adjudicataire, avec sa femme Antoinette de Loménie (1).
Cette affaire fut régularisée en vertu de lettres de souffrances, du 26 septembre 1628, déjà obtenues par Jacques Chabot, et la reprise de l'adjudication du 29 août, par décret au Parlement de Paris et par subrogation, au sieur Dautrey, le 31 août 1628, la terre de Fontaine a été délivrée à Jacques Chabot et à Marie-Antoinette de Loménie, son épouse, pour le prix de 115.000 livres, qu'elle a payée de ses propres deniers sans désignation de quelle mouvance elle était (2).
(1) Archives du château et archives du département, E. 292. (2) Archives départementales, B. 10726, v. VII, page 388. 115.000 livres feraient environ 805.000 francs de notre époque.
Avant de rendre foi et hommage à l'évêque de Langres et au roi pour sa reprise de fief, Chabot s'entendit avec les habitants de Fontaine sur les dixmes qu'ils devaient lui payer. Par transaction du 1er août 1628, la dixme est fixée de vingt-quatre gerbes deux sur les grains du finage, cela veut dire deux gerbes sur vingt-quatre ou une sur douze. Les lods et ventes sont taxés à un sol par livre, ainsi que le cens sur les héritages.
Cette transaction est confirmée le 11 avril 1629, par un second acte entre :
« 1° Haut et puissant seigneur messire Jacques Chabot, marquis de Mirebeau (suivent tous les titres...) seigneur de Fontaine-Française, souverain de Chaume et Mme Marie-Antoinette de Loménie, sa compagne et épouse ;
« 2° Et les habitants de Fontaine, au sujet des dixmes qui se payaient jusqu'alors eh gerbes de vingt-sept, deux, sur une partie du finage, de vingt-neuf, quatre, sur une autre et de vingt-deux, deux encore sur d'autres parties. Lesdits seigneur et dame voulans pourveoir au bien publique et soulagement de leurs subjets et à la facilité de la récolte ont accordé auxdits habitants de leur païer AUX GRANGES de chacun desdits habitants les dixmes de vingt-quatre gerbes deux, sur TOUS LES GRAINS DU FINAGE (1). »
Payer aux granges était une gracieuseté, car la dixme devait se lever dans le champ même et défense était faite d'enlever les récoltes « avant que le décimateur n'eût passé et perçu la dixme ».
Revenons sur le passé de Jacques Chabot, qui a été l'un des meilleurs capitaines de son temps.
(1) Archives du château.
Il avait épousé, en 1574, la fille du seigneur d'Andelot, en Franche-Comté, Anne de Coligny, de laquelle il eut deux enfants : Charles et Catherine.
En secondes noces il épousa Marie-Antoinette de Loménie, veuve en premières noces de André de Vivonne, duquel mariage est issue Andrée de Vivonne, duchesse de la Rochefoucault qui hérita de tous les biens de sa mère, compris la seigneurie de Fontaine. Marie de Loménie eut en dot 110.000 livres destinées à l'acquisition d'une terre.
Cette dot fut employée au paiement des dettes qui pesaient sur la terre de Fontaine. C'était un rachat réel.
En 1591, durant la guerre de la Ligue, Jacques Chabot fut fait prisonnier en combattant pour le roi dans le Bassigny, et conduit en Lorraine.
Rendu à la liberté, il revint à la cour; mais, il fut pris de nouveau, en 1592, par les ligueurs, près de Moutier-Saint-Jean, et renfermé au château d'Epoisses.
La même année lui et Baillet de Vaugrenant escaladèrent les murs de Flavigny et tuèrent le gouverneur qui voulait se défendre. Il fut alors lui-même nommé gouverneur de cette place.
Attaché à la personne de Henri IV, Chabot lui rendit de grands services en février et mars 1595, lorsque la ligue était encore maîtresse d'une grande partie de la province.
Il se distingua à la prise du château de Beaune et aida beaucoup à la conservation de cette ville à la France.
Nous avons vu, sous le nom de Mirebeau, la part qu'il prit au combat de Fontaine-Française. Toujours brave, intrépide, Henri IV le comptait comme l'un de
ses meilleurs lieutenants. Il le fit chevalier du Saint-Esprit, dignité qu'il reçut le 5 janvier 1597, à Saint-Ouen, de Rouen.
En 1614, le roi Louis XIII le nomma lieutenant au bailliage de Dijon.
Gouverneur de Bourgogne, il résidait à Dijon dans son Hôtel (1). Cependant, lors de la sédition arrivée dans cette ville le 28 février 1630, Chabot était absent, car Boudot dit « que le marquis de Mirebeau y accourut et fit tirer sur les mutins ».
Cette sédition éclata au sujet d'un nouvel impôt sur les vins. Les vignerons de la Côte, armés de pieux et de hallebardes, se mirent en marche sur Dijon (sous la conduite d'un pauvre diable auquel ils donnèrent le nom de Roi Machas, au son du tambour, qui battait le refrain d'une chanson appelée Lanturlu, d'où vient le nom de journée des lanturlus. Les séditieux commirent beaucoup d'excès dans la banlieue et dans les faubourgs, et ils entrèrent dans la ville sans difficulté.
« Le gouverneur accourut, fit tirer sur les mutins et en tua quatorze sur la place Saint-Michel. Il dissipa le reste en leur promettant de faire révoquer l'établissement des élections en Bourgogne. Il fut fort blâmé pur le Roi qui trouva très mauvais qu'il eût eu cette faiblesse-là qui diminuait tout à fait l'autorité royale (2). »
Jacques Chabot mourut d'apoplexie, le vendredi-saint 29 mars 1630.
Deux mois après, le 29 mai, sa veuve « fonda trois grandes messes et des vigiles à neuf leçons qui se de-
(1) Rue Chabot-Charny, nos 67 et 71. (2) Boudot, Histoire de Mirebeau.
vaient chanter en l'église de Fontaine, le dernier dimanche de chaque mois, après vêpres, moyennant 90 livres, savoir : 70 au curé, 12 au fabricien, 4 au recteur (maître) d'école et 4 au marguillier (1). »
La terre de Fontaine, contestée et revendiquée par la dame des Termes, soeur et fille des anciens marquis de Mirebeau, est cependant, par transaction du 20 février 1631, attribuée en toute propriété à Marie-Antoinette de Loménie, dame, marquise de Mirebeau, comme ayant été acquise par elle et payée avec sa dot qui montait à 110.000 livres (2).
Boudot, dans son Histoire du canton de Mirebeau, raconte « que la seconde femme de Jacques Chabot,
Marie-Catherine de Loménie, s'étant fait tirer du sang
à Paris, il sortit de ses veines un petit lézard vif ; les médecins jugeant que cela provenait d'une trop grande corruption du sang, et (quoique cette dame se portât très bien en apparence) qu'elle était en très grand danger et péril de sa vie, cependant elle ne mourut que le 4 juin 1638.
« Ce fait est le résultat d'une substitution adroite, par laquelle on voulait guérir la malade. Il nous fait connaître quel immense progrès la médecine a fait depuis 1638. »
Pour faire mieux comprendre ce que c'était que de rendre foi et hommage, je donne ici la copie d'un titre authentique qui se trouve au château de la reprise du fief ou acte de foi et hommage.
C'est aussi le dénombrement de la terre de Fontaine-
(1)Archives du château.
(2) Ibid. A cette époque la livre valait environ sept francs de notre monnaie. L'acte d'acquisition porte 115.000 livres.
Française, par Jacques Chabot, en 1629, à la Chambre des Comptes de Bourgogne, en conformité de l'arrêt de cette Chambre du 23 janvier de ladite année.
Mais pour abréger, je ne citerai que les parties les plus intéressantes de cette pièce, qui donne à cette époque la description de la seigneurie, ses droits, ses revenus, etc.
« Jacques Chabot, chevalier des ordres du roy, capitaine de cens hommes d'armes de ses ordonnances, lieutenant général pour sa majesté au gouvernement de Bourgogne, marquis de Mirebeau, comte de Charny, de la Rocheguion, baron de Couchey, Aquiny, seigneur de Thanlay, Fontaine-Françoise, souverain de Chaume, et dame Marie-Anthoinette de Loménie, son épouze et de l'authorité dyceluy, scavoir taisons, que Pour nous, nos hoirs et ayant cause, confessons tenir en foy et hommaige du roy, nostre sire a cause de son duché de Bourgogne, les terres et seigneurye de Fontaine-Françoise, en toute justice haulte, moyenne et basse, et membres en dépendans suivant quelles sont rapportées au dénombrement cy après, qu'ils donnent par devant nosseigneurs de la Cour des Comptes, aydes et finances audit pais de Bourgogne, afin de satisfaire à larrest de ladite cour contenant la reprise de fiez dycelle terre, foy et hommaige faits par lesdits seigneur et dame par Me Guillaume Viard, leur procureur spécial du vingt-troisième janvier mil six cens vingt-neuf.
« Premièrement. Le Chasteau et maison forte dudit fontaine, le donjon entourré de fossés et basse-cour, comme le tout se comporte, auquel les habitants dudit Heu sont retrahians et y doivent le guay et garde en temps déminents périls.
« Une petite lapinière joignant la dite basse court fermée de murailles.
« Le grand jardin à herbages joignant y celle dans lequel il y a deux cancaux et le long dy celuy contenant environ (1) (La contenance n'est pas indiquée). .
Une place où il y a plusieurs tillots plantés appellée la terrasse contenant environ un journal,
« Au-dessus de ladite terrasse, un petit pré appelé la paille et encore deux aultres petits prés à l'entour dudit grand jardin lesquels s'admodient de douze à quinze livres plus ou moins par an.
« Un autre petit jardin à fleurs au devant dudit chasteau du costé des halles contenant environ un journal fermé de murailles.
« Au devant de la grande porte de ladite basse-court un verger fermé de murailles contenant environ un journal et demy.
« Le grand verger appelé le parterre joignant ledit petit verger où sont plantés plusieurs arbres fruitiers et des allées au milieu et à lantour dyceluy le tout fermé de murailles contenant environ trente-six et quarante journeaux (2).
« Une pièce de vigne appelée La Barre de l'autre costé dudit petit verger contenant environ cinq journaux.
« Le Bourg dudit Fontaine, ainsy qu'il se comporte en toute justice haulte, moyenne et basse, avec pouvoir dy faire dressé un signe patibulair au lieu ou antiennement il y en avait un, et avons un bailly audit Fontaine
(1) C'est l'Etang dessus et l'Etang du Château.
(2) C'est le potager, le verger à côté et terres voisines.
et sept sergens et peuvent valloir les amandes et deffauts cens livres par an.
« Item nous sont deubs par chasquun an par plusieurs particuliers des corvées de charue des trois saisons sçavoir, une de caresmage sombre et devain de chascune tenants sa charrue un jour de chasque saison, montans par commune année à dix-huit ou vingt corvées de plus ou moins.
« Environ quatre vingt corvées de bras deubs par ceulx rézidans es maix et maisons taillables dudit Fontaine.
« Item sont encorre deubs par lesdits rézidans ez dits maix et maisons taillables et autres ayans assencessemens particuliers chascun une poule par an, au jour de caresme prenant qui peuvent monter à cens.
« Les terres labourables dudit Fontaine nous sont dixmables aucunes à raison de vingt-neuf gerbes, quatre ; autre de vingt-deux gerbes, deux, et la plus grande Partie vingt-sept gerbes, deux et peuvent monter lesdites dixmes par commune année à quatre-vingt-dix à cens esmines par moitié froment et avoinne plus ou moins.
« Item nous doivent lesdits habitans une taille abonnée à 60 livres payables chascun an par lesdits eschevins dudit lieu au jour de caresme prenant et Saint-Remy a peine de trois sols d'amende par chasqu'un deffaut de payement.
« Une autre taille deübs par aucuns particuliers à cause de la seigneurie appelée de Berthault, acquise du sieur Baron Desery, ladite taille allans à quinze livres par an.
« Item tenons au finage dudit Fontainne cinq estangs,
« Scavoir le grand estang au bout duquel sont érigés deux moulins (1) et peut porter ledit estang environ dix huit milliers de poissons et lesdits moulins sadmodient par commune année à vingt-cinq esmines plus ou moins,
« Lestang du Marchay partie en friche et ne sert que pour y plasser quelque douze ou quinze mères carpes pour alviner,
« Lestang du bois Martin est de même pour alviner et peut porter un demy cens mères,
« Lestang du bois de Saint-Seyne est pour mesme fait et peut porter aussi un demy cens de mères,
« Et celui du bois du Four est de mesme que les susdits.
« Toutes les censes en argant à nous dueüs audit Fontainne peuvent monter à cens vingt livres, faute de payer icelles il y a amendes de trois sols.
« Les habitans dudit Fontaine sont tenus nous payer par chascun an de chascun porc pour le pannage au jour de la Saint-A.ndré un blanc et demy qui peuvent monter par an à sept ou huit livres.
« Les censes de cire à nous deubs montent par chascun an à quarante livres.
« Nous est duebs par ceulx qui acheptent héritages, maix et maisons audit Fontaine un sol par chascun livre pour les lods et peuvent valloir lesdits lods par an cens livres, faulte de payer dans lan et jour il y a amende de 30 sols.
« Les mêmes censes de grains à nous dueüs peuvent
(1) Le haut-fourneau n'existait pas encore. Il est commencé en 1629 par Jacques Chabot et fini en 1658 par Arnault.
monter à deux esmines par moitié froment et avoinne par chascun an.
« A cause d'un héritage appellé Rocillon sis proche la Craye nous est deubs par chascun an douze boisseaux de froment de cense.
« Nous appartient sur la prairie de Fontaine quatre-vingt-seize ou dix-sept faulx de prés qui s'amodyent chasque année à 550 livres plus ou moins (1).
« Ensuite les deux prés de l'Estang Chaumont, huit faulx et de lestang dessus 50 à 55 livres chascun par an,
« Nous appartient deux courvées, une derrière l'église qui s'admodie par semence 24 à 25 esmines par an.
« Les terres de la Tour danthoison, du coing du parterre, du Rubaud, des hantes, entre les rus, le tout pouvans sadmodier 10 à 11 esmines par an, moitié froment et avoinne.
« Lesminage sadmodie à une ou deux esmines par an.
« Environ trois journeaux de vigne seize audit Fontaine appelée la vigne de la Tour d'Anthoison fermés de murailles (2).
« Nous est deubs pour la dixme du vin de plusieurs climats du finage qui peut valoir par chascun an sept a huit muids plus ou moins.
« Les bois nous appartenans audit finage dudit Fontainne sont le clymat du Roy contenans environ 200 arpents, jusqu'au chemin levé qui tire de Lengres à Auxonne qui peuvent être denviron quinze cens arpens Plus ou moins.
(1) Environ 3850 francs de notre époque.
(2) Aujourd'hui le clos de M. Thibaut, la forteresse d'Anthoison se trouvant où est le bâtiment d'habitation qu'on appelle encore la Ferme.
« Le Bois Vaubert contenans environ cinq cens arpents auquel se prend le fouage du four banal dudit Fontainne, appartient au sieur Baron Desery.
« Un autre petit bois de haulte futaye proche la grange de la Borde appelé le Parc contenans environ trente arpents.
« Le buisson des Saules contenans environ douze arpents.
« De plus sont mouvons du fief du Chasteau dudit Fontaine la terre et seigneury de Borberain en toute justice, haulte, moyenne et basse appartenans a présent au sieur du Chastelet Mareschal de Lorraine.
« La seigneurie de Percey le Grand appartenans en toute justice au sieur de Trottedin, appelée la seigneurye derrière.
« Est aussy mouvans dudit Chasteau de Fontainne celle de Fontenelle appartenant en toute justice à Monsieur le duc de Bellegarde et le sieur Baron de Bouligneux.
« Encore la seigneurie dudit Fontenelle appelée la Craye appartenans au sieur Baron Desery est aussy mouvans en fief dudit chasteau.
« Toutes lesquelles choses cy devant déclarées nous lesdits Jacques Chabot et Marie de Lomenie comparans ce jourd'hui onzième du mois de mars lan 1629 en nostre dit chasteau de Fontainne Françoise par devant Pierre Hébert, notaire royal et garde nottes héréditaire rézidans audit lieu, avons déclarré et déclarrons estre le desnombrement que nous entendons estre donné en la Cour des Comptes, aydes et finances de ce pais et Duché de Bourgogne suivans larrest de reprise de fief du 23 janvier dernier... Le tout fait en présence
de Messire Charles La Botte, procureur d'office audit Fontaine et Florent de Tallencourt, clerc demeurans a Mirebeau, tesmoins qui se sont soubsignés. Signé : Jacques Chabot, Marie de Lomenie, Viard, La Botte, de Tallencourt et Hébert, notaire.
« Enregistré à la Cour des Comptes, le 24 mars 1629. »
Jusqu'en 1636, deux ans avant la mort de Marie-Antoinette de Loménie, veuve de Jacques Chabot, arrivée comme on le sait déjà le 4 juin 1638, le bourg de Fontaine-Françaisefut assez tranquille, bien que les Francs-Comtois y fissent de temps en temps quelque incursion et commissent pas mal de déprédations. Pour remédier à ces maux, on pensa à garnir de troupes les places frontières. Le 18 décembre 1633, Condé, alors gouverneur de Bourgogne, ordonna à ceux qui commandaient pour le service du roi, à Fontaine-Française, Saint-Seine-sur-Vingeanne, Mirebeau et Talmay, de recevoir dans ces places le marquis de Tavannes, lieutenant général pour le roi, avec tel nombre de gens qui lui plairait, ce qui fut refusé (1), surtout par Fontaine, qui préféra se défendre seul plutôt que d'avoir à sa charge des soldats qui auraient peut-être commis plus d'exactions que les étrangers.
En 1634, la paroisse (on dit aujourd'hui la commune) de Fontaine-Française n'était pas riche ; ainsi le résumé de la déclaration de ses biens communaux porte : 15 faulx de pré en deux endroits ; 12 arpents de bois et 6 buissons sur le finage de Fontaine et le droit de pâturage aux prés de Saint-Seine, plus la Corne
(1) Boudot.
Viennot sur Chazeuil, mais en usage seulement (1).
Il est à présumer que le seigneur de Fontaine n'était pas plus riche que ses habitants et qu'il devait être fort endetté, car par décret du 16 août 1636 la terre de Fontaine-Française fut de nouveau en saisie réelle ; et vraisemblablement elle resta saisie jusqu'à M. de Saint-Jullien qui la racheta ainsi que ses dépendances avec d'autres terres aux environs, pour reformer la seigneurie telle qu'elle était aux XVIe et XVIIe siècles.
Fontaine-Française, frontière de la Franche-Comté, était exposé, plus que tout autre bourg, aux exactions et à l'invasion qui sont presque toujours la conséquence de cette position. Le lecteur a déjà vu combien nous avons eu à souffrir, et nous voici arrivés à une époque plus terrible encore : je veux parler de l'invasion de Gallass, de la famine qui la suivit et des désastres qu'entraîna, pour toute la contrée, la guerre de dix ans (1635 à 1645) soutenue par Louis XIII contre les Impériaux.
« Gallass (2), général à la solde des Comtois, partit de Champlitte le 22 septembre 1636, pour commencer ses incursions dans le duché de Bourgogne.
« Il était surveillé par l'armée française qui occupait Langres et le Montsaugeonnais, ce qui l'obligea à suivre le Vallon qu'arrose la Vingeanne (3). »
L'armée de Gallass, suivant une relation manuscrite du siège de Mirebeau, était composée de plus de 50,000 hommes. Mais il faut ajouter que d'autres mémoires
(1)Archives départementales, finances, C. 2799.
(2) Gallass, Mathieu (Matheo-Gallasso), Feld-Maréchal des armées impériales d'Autriche, était né en 1589 dans le Comté de Trente. Il est mort à Vienne en 1647. — J'écris Gallass, parce qu'il signait ainsi.
(3) Boudot, page 219.
du temps et la pierre commémorative que les Losnais (habitants de Saint-Jean-de-Losne) érigèrent en souvenir du siège de leur ville portent à 80,000 le nombre des Allemands, Croates, Espagnols et Francs-Comtois qui envahirent la Bourgogne, 8,000 femmes instruites au maniement des armes et soumises à la discipline militaire les accompagnaient, ainsi qu'un train considérable d'artillerie pour l'époque, 50 pièces de canon, 4,000 chars, des vivres en abondance et un nombre incalculable de varlets, de goujats et de bandits.
Le Fayl-Billot était à cette époque une forte place assiégée par les Français. A l'approche de Gallass, ils levèrent le siège, 16 septembre 1636.
Gallass avait une belle position, avancée déjà dans le Bassigny, tandis que les généraux français, acculés entre Langres et Dijon, étaient réduits à la défensive, sans pouvoir empêcher le territoire français de souffrir tous les malheurs de la guerre. Par la faute des princes de Condé, la France était ainsi ouverte à l'invasion la plus formidable. Le duc Bernard de Saxe Weymar et le cardinal de Bichelieu avaient attendu Condé deux jours à Langres (7 et 9 septembre 1636). Aussi le duc de Weymar disait-il dans son impatience : « le temps que nous perdons a coûté au roi plus de 100,000 écus par jour. » En effet, ces retards, donnant de l'avance à Gallass, lui avaient permis de saisir le terrain que l'on se proposait d'occuper, et par suite les forces françaises étaient rejetées sur la ligne de Fontaine-Française, Montsaugeon, Coiffy, la Ferté et Bourbonne.
Le 17 octobre, Gallass était à Morey (Haute-Saône). Du haut de la Montagne son conseil de guerre lui montrait Langres, le Bassigny et les riches pays des alentours, comme placés sous sa main.
Gallass n'écouta pas son conseil : il prit sa lunette, examina les créneaux élevés et la formidable position de Langres ; l'instrument lui tomba des mains. « Laissons Langres, » dit-il, « et marchons contre Dijon. »
Tous ses officiers l'appuyèrent, et le lendemain, 18 octobre, il commença sa marche.
Toujours surveillé par les Français, en quittant Morey il avança et arriva en Bourgogne le 19 octobre. Le village de Pouilly-sur-Vingeanne fut le premier exposé aux fureurs des ennemis : tout y fut tué, les maisons brûlées et le pays resta désert (1).
Il dévasta Mornay, Montigny, Saint-Maurice et prit le château-fort de la Romagne, le 19, et y laissa garnison (2).
Gallass fit alors marcher son armée jusqu'à FontaineFrançaise, le 20 octobre, où il porta la terreur, la désolation et la mort (3). Il se rabattit ensuite sur Mirebeau alors entouré de remparts. En trois jours il prit cette ville après une défense héroïque, du 21 au 24 octobre 1636 (4).
Après ce fait d'armes, Gallass traversa, avec quelques cavaliers seulement, la ville de Dijon, dont il trouva les portes ouvertes. On fut si surpris de cette audace qu'on ne pensa pas même à lui barrer le passage.
Saint-Jean-de-Losne, par sa position sur la rive droite de la Saône et son pont qui reliait le duché au
(1) Histoire de Jouvelle.
(2)La Romagne a été reprise par les Français le 16 juin 1637.
(3)Je donne plus loin et textuellement le procès-verbal officiel des dégâts constatés à Fontaine, après le passage de Gallass. La visite et le procès-verbal n'ont été faits qu'en 1645, neuf ans après la dévastation de 1636. Il n'était vraiment pas trop tôt....
(4) Boudot, Histoire de Mirebeau.
comté de Bourgogne, était considéré comme une des clefs de la Bourgogne.
Gallass pensa à s'en rendre maître pour établir une correspondance facile, de ce côté, avec la Franche-Comté ; il mit en conséquence le siège devant cette ville le 30 octobre 1636.
Les habitants se défendirent vaillamment. Mais ayant été secourus au moment où le dernier assaut allait être donné, Gallass leva le siège dans la nuit du 2 au 3 novembre et reprit la route de la Franche-Comté dans la direction du nord.
Un gros de six mille hommes de son armée assiégea et brûla la forteresse de Beaumont (l'une des clefs de la Bourgogne de ce côté) mettant à feu et à sang, Licey, tous les villages voisins et brûlant dans l'église de Dampierre plus de deux cents personnes qui s'y étaient réfugiées, 9 novembre 1638.
Un acte authentique, dressé par ordre du gouverneur de Bourgogne, le 16 mars 1637, par Claude Daliet, tabellion royal à Beaumont-sur-Vingeanne, donne des détails curieux sur les atrocités commises à Dampierre par « les ennemys de l'estat et trouppes de Gallass », après le siège et la ruine du château de Beaumont.
Cet acte, dont l'original a été conservé et trouvé dans les papiers de la maison Juillet de Saint-Pierre, est aujourd'hui déposé à la sacristie de l'église de Dampierre.
En présence de la division qui survint à propos des garnisons à laisser dans les villes reprises, Gallass donna quelque temps après sa démission de commandant en chef de l'armée impériale et prit, avec une simple escorte, le chemin de l'Allemagne (21 janvier
1637). « Ainsi, dit l'historien de Jouvelle, quitta-t-il notre province comme un fugitif et un vaincu. » Il y avait quatre mois et trois semaines qu'il en avait franchi la frontière pour la première fois.
Peu d'hommes de guerre ont laissé dans nos contrées un souvenir aussi funèbre et aussi profond.
Longtemps encore le Bassigny et la Haute Bourgogne continueront de trembler au souvenir de celui qui les avait si affreusement ravagés pendant six à sept semaines, et dont les troupes, après son départ, les ravagèrent de nouveau pendant cinq ans.
Dans leur juste effroi, les habitants du Bassigny et du Montsaugeonnais ajoutaient aux litanies des saints cette naïve supplication :
« A GALA ET A FORÇA, LIBÉRA NOS DOMINE. »
De Gallass et de Forkatz ou Forgach, délivrez-nous, Seigneur (4).
L'année 1637 fut peut-être plus calamiteuse que la précédente dans nos pays.
Faute de bras et de bétail, les champs ne furent point cultivés ; ceux qui voulaient semer quelque chose furent obligés de s'atteler eux-mêmes à la charrue. On cite, dans un village voisin, un homme et son fils qui gagnaient ainsi trente sous par jour (2).
Girardot, écrivain franc-comtois, qui vivait à celte époque, nous a laissé le tableau navrant qu'on va lire.
« On vivait de l'herbe des jardins et des champs. Les charognes des bestes mortes estoient recherchées
(1) Forkatz, lieutenant général des Croates. Ce nom est synonyme d'Intraitable et de brigand. Histoire de Jouvelle.
(2) Macheret.
aux voiries ; mais ceste table ne demeura pas longtemps mise. On tenoit les portes des villes fermées, pour ne se veoir accablés du nombre des gens affamez qui s'y venoient rendre ; et hors des portes, les chemins, demie lieue loing, estoient pavez de gens hâves et deffaicts, la plupart estendus de faiblesse et se mourant. Dans les villes les chiens et les chats estoient morceaux délicats ; puis les rats estant en règne furent de requise. J'ay vue, moy-même, des gens bien vestus, relever par les rues des rats morts jettez par les fenestres et les cacher pour les manger. Enfin on en vint à la chair humaine, premièrement dans l'armée où les soldats occis servoient de pasture aux autres qui coupoient les parties les plus charnues des cadavres, pour bouillir ou rostir, et hors du camp foisoient picorée de chair humaine pour vivre.
« On descouvrit en certains villages des meurtres d'enffants tuez par leurs parents, et des frères par leurs frères, pour se garder de mourir de faim. C'estoit partout la fasce de la mort !..... »
Malgré tout cela, en 1638, les Comtois ouvrirent de nouveau la campagne par la reprise de Champlitte, le sac de Selongey (1) et la dévastation de Fontaine déjà si désolé.
Rien ne peut donner l'idée des dégâts commis sur le territoire français par les Lorrains, les Comtois et les
(1) Gallass étant parti pour l'Allemagne le 21 janvier 1637, c'est donc à tort qu'on dit qu'il a saccagé Selongey et, ce qu'il y a de plus singulier, qu'il y a été fait prisonnier. En 1636, Gallass n'avait môme pas dépassé Fontaine du côté de l'Occident, Chazeuil avait à peine vu quelques détachements. Ce sont les Comtois de Champlitte qui envahirent Selongey d'où ils furent chassés par les habitants avec de grandes pertes.
Croates qui tenaient garnison dans la place de la Mothe.
Gaucher du Magny, sorti de prison, décrié dans son pays, passa au service de l'ennemi et apporta dans nos contrées ses rancunes passionnées. Aussi en 1643, affamé de vengeance, il fondit sur trente-deux villages, compris Selongey et Fontaine-Française, qu'il mit à rançon et ruina de nouveau.
Un épisode de ces temps néfastes nous offre un singulier mélange de moeurs violentes et de foi religieuse.
En 1644, le sieur de la Roche, commandant de Mirebeau, rencontra près d'Orain le capitaine la Pierre, de la garnison de Gray. Après un choc violent des Bourguignons et des Comtois, la Pierre resta sur le terrain, blessé à mort. « De grâce, vite un prêtre », s'écrie-t-il. Il n'y en avait point sous la main ; le curé d'Orain, comme ses paroissiens, avait fui dans les bois à l'arrivée des partisans. Mais la Roche, descendant de cheval, s'approcha en pleurant du moribond, lui rappela Bayard se confessant, en pareille détresse, devant le pommeau de son épée, lui suggéra l'acte de contrition et l'exhorta à faire à Dieu le sacrifice de sa vie en expiation de ses fautes (1).
Les désastres causés par Gallass en 1636 et par les Comtois les années suivantes émurent les Elus de Bourgogne. Sur les plaintes qui leur arrivaient de Fontaine-Française, Pouilly, Saint-Seine, Beaumont, Dampierre et tant d'autres villages, ils firent enfin, le 23 juin 1643, leurs doléances au prince de Condé, pour qu'une enquête fût faite sur l'état de la province de Bourgogne ; tout, disaient-ils, ayant été brûlé, ravagé, saccagé, les habitants disparus, les villages déserts.
(1) Histoire de Jouvelle.
Le roi Louis XIV autorisa cette enquête et le 10 septembre 1643, les représentants du pays se le partagèrent pour le visiter, le Maïeur (Maire) de Dijon fut chargé de parcourir le bailliage dont cette ville était le centre.
Jacques Comeau, lieutenant-général criminel aux bailliage et chancellerie de Dijon, élu des Etats de Bourgogne pour le Tiers-Etat, commença sa tournée le 16 septembre 1644, elle finit le 7 avril 1645. « Cette chevauchée, de plus de six mois, ne suffit pas pour terminer la visite du bailliage de Dijon, qui avait dix lieues d'étendue du nord au sud et neuf de l'est à l'ouest. » Les délégués furent souvent obligés de reculer devant le danger qu'il y avait à s'approcher de certains villages infectés par les cadavres, et c'était sept ans après.
Antoine Loppin de Gemeaux, maître en la Chambre des Comptes et député en celle des Elus, fut chargé d'une nouvelle mission destinée à compléter le travail
la première. Elle partit le 22 octobre 1645 et ne termina cette tournée supplémentaire qu'au mois de juin de l'année suivante.
Ces inspecteurs se faisaient annoncer la veille, ils faisaient comparoir les échevins, procureurs et receVeurs, qui juraient de dire la vérité. Ils demandaient les rôles des dernières impositions, le nom du seigneur, des propriétaires, des fermiers, etc., comptaient les charrues, s'informaient de tout. Puis ils parcouraient le village de pot en pot, c'est-à-dire de maison en maison, ils les comptaient, constataient leur état, le nombre des résidants et faisaient ensuite une visite au curé pour contrôler le tout. Enfin ils rédigeaient sur place le procès-verbal de ce qu'ils avaient vu.
Voici la copie textuelle de celui qui nous concerne:
Fontaine-Françoise.
« En 1645 : imposés 180 (1).
« De Rozières, appartenant au conseiller Maillard, et dont les granges sont bruslées, nous avons esté coucher à Fontaine-Françoise qui appartient à M. le Prince de Marsillac (François de la Rochefoucault) où le lendemain 24 (octobre 1645), nous avons faict comparoir par devant nous, Jean-Claude Janvier, lieutenant de la justice dudict Fontaine et notaire royal audict lieu, l'eschevin Le Gras et Baudin, collecteur des tailles. Le roolle de la présente année, pour le paiement des deniers imposés et à imposer par MM. les Eslues, et, pour les affaires de la communaulté, et pour le paiment des ustencilz de guerre, les soldats estant en garnison dans le chasteau dudict lieu, monte à 1561 livres 18 solz (10,900 francs de notre époque).
« Depuis ledict roolle et la suspension d'armes asseurée entre le duché et le comté, plus du quart de ceux qui y sont desnommés se sont retirés aux villages voisins qui dépendent du comté de Bourgogne, qu'ilz avoient abandonné pour se retirer en plus grande asseurance à Fontaine-Françoise. Or nous avons trouvé que 186 imposés, quelques soldatz mariés compris, 55 vefves et filles, et 20 personnes qui se sont retirées.
« Nous ont remonstré que la communaulté est extresmement ruisnée depuis les guerres, tant par les ennemys que par les gens du roy qui y ont passé en très grand nombre à diverses fois, mesmement par les gar-
(1) Le Bailliage de Dijon, par Rossignol, 1857.
nisons de pied et les gens de chevaux qui y ont esté depuis ce temps et y sont encore, qu'il leur est impossible de suffire aux empruntz qu'ils ont été contraintz de faire, ce qui oblige une partie des habitants de vouloir tout abandonner ; qu'il leur couste annuellement plus de 500 livres, tant pour le bois que la chandelle, qu'ilz sont obligés de fournir journellement à la garnison du chasteau à laquelle ils donnent tous les jours deux charriotz de bois.
« Les debz (dettes) de la communaulté montent à Plus de 30.000 livres, dont ils n'ont pu payer les arérages depuis 1636. Ce qui a le plus ruisné les habitants, ont été les diverses courses des Comtois, qui plusieurs fois les ont faict prisonniers, et auxquels telz des habitants ont païé trois ou quatre fois rançon. Plusieurs ont été tués par les Comtois pour n'avoir pu la païer. La dernière prise fut faicte par les habitants de la Motte ; ils emmenèrent 42 chevaux, 60 bestes à cornes et 12 habitants. Ce qui les a entièrement ruisnés ; ilz ne s'attendoient plus à cette surprise, se fiant à la suspension d'armes (1). Entre lesquelz prisonniers a esté emmené par trois fois Michel Cornu, qui a payé 750 livres pour ses rançons ; il est entièrement ruisné. Roland Montot, boucher, a esté pris deux fois et a païé pour la première 800 livres en argent, outre la perte de ses chevaux et de son bestail. Jacques Ardouyn, pris Par les Comtois, leur a païé près de 800 livres. Noël Labotte donna 500 livres ; François Bryet restoit prisonnier n'ayant encore donné que 200 livres. Hugues Labotte ne put païer la somme qu'on lui demanda, les
(1) Que faisait donc la garnison du château, quand on dévastait ainsi le bourg ?
Comtois mirent le feu à sa maison et il fut bruslé dedans.
« Les habitants ont souffert toutes les hostilités, pertes et violences qui se peuvent imaginer en la plus cruelle guerre. Il leur eust esté beaucoup plus avantageux si, dès le commencement de la guerre, ilz eussent esté bruslés et ruisnés, et qu'ilz eussent abandonné leurs habitations, car leurs debtes se trouvent monter à plus de 30.000 livres, suivant les mémoires par eux présentés (Environ 210.000 francs de notre monnaie).
« De plus ils doibvent à leur seigneur 600 livres de tailles abonnées et autres droicts, sans y comprendre la dixme qui est de 12 gerbes l'une. Ilz sont si misérables que quand les eschevins sortent de charge, la communaulté leur demeure redebvable de grandes sommes, avec impossibilité de païer.
« Et nous ayant faict conduire par tout le village, avons recogneu y avoir environ 120 maisons qui paroissent être en bon estat par le dehors ; néantmoings, estant entré dans la plus grande partie, en avons vue un grand nombre dont les planchers et fenestres sont entièrement bruslés et rompus, le couvert paraissant dès la cave. Elles ne sont plus habitées, mesmement au milieu du village où il y a aussi plusieurs maisons ruisnées comme celle des héritiers de feu Hugues Labotte, etc., etc.
« Et nous estant faict conduire en la rue de France, au-delà de la barrière tirant à Lengres, nous avons recogneu icelles maisons estre toutes ruisnés, bruslées et inhabitées, comme pareillement celles de la rue d'Aval tirant à Mirebeau dans lesquelles pour estre en grande partie abattus personne ne demeure.
« Et estant allé en la rue de la Maladerre, nous
avons veu les bastimens estre en aussi mauvais estat qu'aux deux précédentes, ladicte rue estant le chemin Qui conduict à Sainct-Seyne-sur-Vigenne par où les ennemys avoient accoustumé de venir souvent.
« Les maisons de la rue Bertault, hors des retranchemens faicts par les habitants du costé de Dijon pour empescher l'entrée aux ennemys, sont paroillement toutes abattues et ruisnées.
« Ilz nous ont affirmé par serment n'avoir aulcuns communaulx que leur droict de chauffage en la forest de Veloux, despendant de la forest de Berain, sans qu'il y ait bois à bâtir.
« Tout le négoce a cessé depuis la rupture de la neutralité.
« Signé : ANTHOINE LOPPIN. »
CHAPITRE XIII
FONTAINE-FRANÇAISE SOUS FRANÇOIS DUC DE LA ROCHEFOUCAULT, DE 1638 A 1656
ARMES DE LA ROCHEFOUCAULT
Il portait : d'azur à six trangles (1) d'or, à trois chevrons de gueules, le premier écimé. Sa devise était : C'est mon plaisir.
Marie-Antoinette de Loménie, veuve en premières noces d'André de Vivonne, avait eu de lui une fille Andrée de Vivonne qui hérita de tous les biens de sa mère.
En secondes noces, Marie de Loménie épousa Jacques Chabot et paya de sa dot (110.000 livres) la terre de Fontaine-Française qui lui appartint en propre.
Jacques Chabot mourut en 1630, sans enfants. Sa veuve, dame de Fontaine, laissa à sa mort, 1638, tous ses biens à la fille de son premier lit, Andrée de Vivonne, épouse de très haut et très puissant seigneur François de la Rochefoucault, duc et pair de France, prince de Marsillac, qui devint ainsi seigneur de Fontaine-Française et de toutes les terres en mouvance de cette seigneurie.
(1) Burelles ou fasces.
Le duc de la Rochefoucault était aussi seigneur de la Chastaigneraie, des baronnies de Caluzac, Montignac, Chavante, Anuille, Nerseul, Fontenelle, membres et dépendants, souverain de Chaume, et autres places (1).
François de la Rochefoucault a peu habité Fontaine : mes recherches ne m'ont montré aucun acte, concernant cette seigneurie, auquel le duc ait pris part jusqu'au moment où il s'est dessaisi de cette terre.
Je n'en suivrai pas moins les faits intéressant notre bourg pendant la domination de la maison de la Rochefoucault.
Le fief de Berthaut et le four banal de Fontaine appartenaient encore en partie, suivant Peincedé à l'un des seigneurs de Saint-Seine qui en fait reprise comme suit : « Le 14 mars 1644, reprise de fief des baronnies, terres et seigneuries de Saint-Seine-sur-Vingeanne, la Tour, la Craye, Fontenelle, Berthaut, et four banal de Fontaine-Française par Louis de Mellin, écuyer, seigneur des dits lieux et francs-lieux, comme acquéreur de dame Claude Marguerite de Gondy, relicte de messire Florimond Dhaltain, chevalier des ordres du roi, marquis de Magnelet, par contrats faits sous-seings privés (1642-1644), moyennant la somme de 20.000 livres, lesdites terres appartenant à ladite dame, par le partage des biens de la succession de messire Henri de Bossu ou Boussu, seigneur et baron Desery et dudit Saint-Seine, faits entre elle et Monsieur Jean-François de Gondy, archevêque de Paris, et messire Philippe Emmanuel de Gondy, comte de Joi-
(1) Titres des archives du château, où son épouse est aussi nommée très haute et très illustre Madame Andrée de Vivonne.
gny, prêtre de la congrégation de l'Oratoire du 10 août 1643 (1). »
Ainsi en 1640, la Rochefoucault a fait faire, par Schalle, une figure, un plan du finage de Fontaine, dont la minute est au château et l'expédition coloriée dans mes collections. Ce plan, je l'ai déjà dit, indique que Fontaine devait être fortifié. Un extrait est d'ailleurs inséré dans cet ouvrage.
Il donne encore la nomenclature des cantons ou lieux-dits qui pourront servir à la toponomastique de ce bourg.
Voici ces dénominations avec l'orthographe de l'époque (Voir page 174 pour les dénominations de 1464).
T 1. Les Combottes et le
Champ Rubeot, T 2. La Vaite jusqu'à la forge,
T 3. Champs Nobloy, T 4. La Fourque, T 5. La vigne Jacque autrement le Charmo,
6. Larbre Espine,
7. Le Combe du Morée,
8. La queueux à la vache,
9.En Beauregard,
10.En Champ carré,
11.En la Terre blanche,
12.Les contours du chemin
chemin Baize,
13.En Lhomme mort,
14. En Lamotte vieille,
15.Au Poirier Laurent
bert et le Poirier velu.
16.Le Champ de la toure, T 17. En Poire roye ou Pererot,
Pererot,
(1) Peincedé, t. VII, page 417. B 10749. Cependant nous avons vu que vers 1610, un arrangement était intervenu entre Henri Chabot et Henri Boussu, seigneur de Saint-Seine, et que, moyennant huit émines par moitié blé et avoine à lui payer annuellement, le seigneur do Saint-Seine avait abandonné à celui de Fontaine tous ses droits sur Bertaut et le four banal. La pièce est aux archives du château. Peincedé fait donc erreur. Ceci est encore à vérifier.
T 18. En Champ Chauffour, T 19. En la Croix autrem.
derrier la Garenne,
20.Aux Anceuiffe,
21.En Champ Grassot,
22.En Deserts,
23.La Combe Sauvageot,
24.La Combe Piffon,
25.Les Arbuottes,
26.Les Foucheroy,
27. Chamaut sur la motte
vieille,
28. Chamau de Miellieu,
29. Chamau sur la Vendue,
Vendue,
30.La Combe Jean Rousseau,
Rousseau,
31. Le Poirier belle Jeanne,
32.La Voye des ceriziers, T 33. Les Curtillots,
34. En Belle Charme communs des hanes pour paturage, T 35. Le Peirrier aux dames,
36.Charme Sancenest,
37.La Combe Truchard,
38.La Combe du Chesne,
39.Le Revez de la combe
du Chesne, T 40. Au Reïtte,
41. La Combe Pointurau, T 42. Les Pertrissey,
43.En Rupts,
44.En Craier Rollin, T 45. Au Senterets,
46. Le Champ Clers,
47.Le Champ Aubiches,
48.Au Coing Jaugeon,
49.La Cotte de maille et
la Vigne derrier, T 50. Au Rever des Locheres, T 51. En Conciprez ou Croissigney, 52. La Combe de Chaume, T 53. Le Verceux,
54. Le Maupertuis, T 55. Les Esleux,
56.La Courveotte,
57.Le Couverois,
58.Les Sollieres,
59.Le Champ Auluts,
60.La Combe S. Maurice,
61.Et les Bruyeres,
62. Traubert,
63. Prey Aarbes,
64.Le Champ du Rup de
la Borde,
65.Plante folie,
66.Les terre et enclos de
la Borde, T 67. Le Charmots, T 68. La Combe Janotou Simodey,
T 69. La Voye de Montigny, T 70. Le Cray Colotte,
71. Laubret,
72. Mineroy,
T 73. Les Fourches, T 74. La Combe derrier le
Grand,
T 75. Les Mangeottes, 76. Le Champ la Noile,
77.Le Perrier Otenin,
78.Les En douzeux,
79.Au Chemin de Pouilly,
80.Le Champ Tâterey,
81. La Noue de la Hage,
82.Les Censes,
T 83. La Combe Andre, T 84. Les Soillons Belin ou
Vaulors, T 85. Les Perrier Crevez,
86. Champ Mion, T 87. Les Locherottes,
88. Le Champ Courbe, T 89. Le Chasnot en Fontennes,
90.La longue roye du
bois Martin,
91.Le chemin croise aboutis.
aboutis. lestang de S. Seinne,
92. Au Champ de S. Seinne,
93.Les Petites Nonnes,
94.La Charme au maistre,
95.La Fontenne Pierrot
Barbey,
96.Les terres de la queue
du bois Martin.
97.En bois Martin,
98.Les Sausses,
T 99. Au perfond de Vaux et les Marchetz,
100.Au Perrier tous Saint,
101.En Gérard Ganguigne,
102. Sur Lestang Chaumont,
103. Au Poirrier Saint Spy, T 104. Les Montants,
T 105. Les Longues Pièces, T 106. Le Champ Blanche, T 107. Les Antes,
T108. La Courver derrier
Leglise. T 109. Bombelay (ou Belonbeley),
T 110. Le champ Sebillotte.
Les cantons marqués d'un T sont ceux qui sont énoncés au triage 1464-1465.
Le total des terres labourables d'après la figure de Schalle, non compris les étangs, friches et broussailles, était de 3480 journaux composés de 360 perches ou toises de 9 pieds et demi. Le pied de douze pouces.
Le total des vignes était de 88 journaux un quart qui font 706 ouvrées à raison de 8 par journal.
Le total des chenevières était de 50 journaux non compris celles qui sont éparses et les enclos.
Les habitants avaient eu bien raison de se refuser, en 1633, à loger les soldats du comte de Tavannes, quand on considère qu'en 1643 la compagnie de chevau-légers du sieur Devaut, de l'armée française, en garnison à Fontaine, a si fort maltraité lesdits habitants, rompu les arbres fruitiers, arraché les vignes, etc., et une autre compagnie, celle du baron de Croissille, qui logeant aussi à Fontaine, y commit tellement d'exactions que les habitants furent obligés de fuir et de se retirer dans les bois.
Janvier, notaire, tabellion du roi, reçoit le 17 octobre 1643 une ordonnance qui traite des frais de guerre que les habitants de Fontaine ont eu à supporter. Mais l'inventaire de tous ces frais n'est dressé qu'en 1673. Ils montent à 4,448 livres 13 sols 4 deniers.
Les eschevins de Fontaine-Française, soucieux des intérêts de leurs administrés, pour éviter le désastre, la perte souvent complète des céréales par les grêles, malheureusement trop fréquentes à cette époque, imaginèrent, d'accord avec les habitants, de diviser le finage en trois sections, comprenant chacune ce qu'on appelait alors et ce qu'on appelle encore des épies de blé, d'avoine et de sombre ou jachère morte.
C'est le 25 mai 1651 que la division de notre finage fut définitivement faite en trois sections de trois épies* chacune, par procès-verbal consenti par tous les habitants (1).
Depuis cette époque on n'a pas changé de méthode, les terrains des épies et l'assolement sont toujours les mêmes.
(1) Archives du château.
Voici un exemple de cet assolement qui est triennal : on sème en blé les épies de Bois-Vaubert, les Elus et les Charmots ; on sème en avoine les épies du Foucheroy, les Longues Pièces et les Bruyères, et on laisse en jachères mortes le Senteret, Beauregard et la Courviotte.
La rotation continue l'année suivante, ce qui était blé devient avoine, l'avoine devient jachère morte et la jachère redevient blé, et ainsi de suite.
Dans chacune des sections, il y a du blé, de l'avoine et de la jachère morte. Les sections et les fruits qu'elles portent étant éloignés, si la grêle en dévaste une section, il est probable que les deux autres ne sont pas atteintes.
Les Echevins ont fait ainsi preuve de haute sagesse ; et depuis, les habitants se sont toujours très bien trouvés de l'arrangement de 1651.
L'année 1652 vit se renouveler toutes les horreurs de 1638. Le prix ordinaire des vivres ayant plus que décuplé, les pauvres furent réduits à manger de l'herbe. On consomma surtout les tiges d'une plante appartenant à la famille des Chénopodées, le Chénopodium bonus Henricus, le bon Henri, ainsi appelé, parce que sous Henri IV cette plante, qui remplace l'épinard, était très en usage dans les moments de disette.
La comète du 17 décembre 1652 ajouta l'épouvante à la misère. L'éclipse de soleil, du 12 août 1654, étant annoncée, on crut à la fin du monde et on se prépara partout à ce dernier moment, par la confession. Mais l'abondance des années suivantes tira le pays de sa détresse et lui procura des jours meilleurs. De la comète et de l'éclipse de soleil, il ne fut plus question.
Je copie sur l'Histoire militaire du pays de Langres,
par de Piépape, 4884, la lettre suivante bonne à placer ici.
« LES MAGISTRATS DE LANGRES A CEUX DE DIJON.
Langres, le 26 avril 1653.
« Messieurs,
« Nous croyons que vous avez sçue comme il y a quelques jours que nous avions donné ad vis à monsieur de la Marguerie, intendant de justice en vostre province, du dessein qu'avoient prins ceulx de la garnison de Belfort de courir sur ceste frontière et d'y prendre quelque château dont la vérité s'est reconnue par la course qu'ilz ont faicte jusqu'à Mirebeau, où le comte de la Suze estoit en personne. Et sachant certainement la volunté qu'ilz ont d'y continuer leurs courses et d'aller jusqu'à vos portes pour y faire des prisonniers. Nous avons prins de nostre part résolution de lever une milice qui sera composée de cent bons fuzelliers et une trentaine de cavaliers que nous pourrons poster Precigny et de vers Coublanc, espérant que par ce moyen nous nous pourrons garantir du mal dont ils nous menassent. Que sy, Messieurs, vous jugés à propos de faire pareillement quelque levée et en poster Une à Mirebeau ou Fontaine-Françoise, nous croyons que ce seroit le vray moyen de leur coupper le passage et leur faire perdre la mauvaise intention qu'ilz ont de troubler le repos de ceste frontière. Nous vous supplions très humblement, messieurs, de nous informer Par le retour de ce porteur de la résolution qu'avez Prise sur ce sujet, etc... (1). »
(1) Correspondance delà mairie de Dijon, III, 373, n° 844. Original, B. 459, n° 237.
CHAPITRE XIV
FONTAINE-FRANÇAISE SOUS ANTOINE D'ARNAULD OU D'ARNAULT (1), DE 1656 A 1677
ARMES D'ANTOINE D'ARNAULT OU ARNAUD
Il portait : d'azur à une palme d'argent plantée dans un croissant de même et trois étoiles d'or en chef.
C'est en 1656, par contrat du 29 avril, dont je donne ci-après une copie, qu'Antoine d'Arnault devint seigneur de Fontaine. Il était époux de dame Claude Carrère.
Le contrat de vente de la terre de Fontaine-Française (reçu Pierre de Beaufort et Philippe le Cot, notaires du roi au Châtelet de Paris), par François, duc de la Rochefoucault, et Andrée de Vivonne, son épouse autorisée par justice, à son refus, est fait au profit d'Antoine d'Arnault, conseiller du roi en ses conseils, secrétaire de Sa Majesté, maison et couronne de France et de ses finances, demeurant à Paris, rue Neuve, paroisse Saint-Eustache, moyennant 180.000 livres
(1) L'orthographe de ce nom varie dans bien des titres. On y trouve Arnaud, d'Arnaud, Arnauld, d'Arnault. Je me servirai de cette dernière manière do l'écrire, parce que j'ai vu ainsi la signature d'Arnault, très lisiblement écrite aux archives du château.
tournois francs deniers, dont 62.000 comptant en louis d'or et argent (1).
On donna à Antoine d'Arnault le surnom de Antoine du Fort, parce qu'ayant changé de religion (il était protestant), il eut la singulière idée de proposer la construction du fort Louis pour incommoder ceux de la Rochelle (2). C'était un homme cruel et plein de suffisance. Dans une chambre remplie de miroirs, il faisait le beau et étudiait la bonne grâce.
Dans un mémoire présenté par Mme de la Charce, Claude de Mazel, du 17 juillet 1725, à propos d'un procès qu'elle soutenait contre le curé Bouteiller, de Sacquenay et Chaume, elle dit de d'Arnault : « Le sieur Arnault, homme de naissance, quoiqu'il eût acquis, pour ses intérêts particuliers, une charge de secrétaire du roi, dont il prenait le titre, était âgé de près de soixante-douze ans lorsqu'il acquit de la maison de la Rochefoucauld la seigneurie de Fontaine-Française et Chaume (3). »
L'auteur de l'histoire de Mlle de la Charce (Philis de la Tour-du-Pin qui vivait en 1692), dit que d'Arnault était de la maison d'Andilly et de Pomponne, 1883. Je n'ai encore pu vérifier cette assertion. Mais voici les armes de cette maison : d'azur à un chevron d'or, accompagné en chef de deux palmes adossées d'or et en pointe d'un rocher de six monts aussi d'or.
L'objet de la vente est ainsi conçu :
« La terre et seigneurie de Fontaine-Françoise si-
(1) Il existait toujours une saisie de cette terre aux requêtes du Palais.
(2) Tallemant des Réaux.
(3)Archives du château.
tuée en Bourgogne, au ressort du bailliage de Dijon, consistant en justice haute, moyenne et basse, château, maison-forte, granges et autres bâtiments, cour, basse-cour, colombier, parc, jardins, vergers, hommes, sujets, vassaux, fief, arrière-fief, cens, rentes et autres droits seigneuriaux, moulin à eau, terres labourables et non, prés, bois, buissons, étangs, eaux, cours d'eau, tailles, corvées, dixmes tant inféodées que autres, et autres domaines, droits et possession, même la portion de la terre et seigneurie de Fontenelle, située en
Franche-Comté, hors de ce royaume et encore les
terres et seigneurie de Chaume, etc., etc., de tout ce que dessus appartenant aux dits seigneurs (de la Rochefoucauld et Andrée de Vivonne) du propre de ladite dame, comme seule et unique héritière de défunte Marie-Antoinette de Loménie, sa mère, veuve en premières noces de André de Vivonne, père de la duchesse de la Rochefoucault, et en secondes noces de haut et puissant seigneur, messire Jacques Chabot, marquis de Mirebeau, auxquels marquis de Mirebeau et dame Marie-Antoinette de Loménie alors son épouse, la terre de Fontaine-Françoise, portion de celle de Fontenelle et la terre et seigneurie de Chaume ont été vendues et adjugées sur les neveux et héritiers de feu François Chabot, comte de Charny, par décret de la cour du Parlement de Paris du 1er août 1628 et délivrées le 7 septembre suivant, au-dessous duquel est transcrit un extrait de la déclaration faite par ledit sieur marquis de Mirebeau que l'adjudication était au profit de ladite dame son épouse et de ses deniers dotaux. »
Aussitôt en possession de la terre de Fontaine, M. d'Arnault s'empressa d'acquérir le four banal et la
seigneurie de Berthaut, qui avaient jadis appartenu aux seigneurs de Fontaine-Française.
Par contrat du 18 mai 1656, cette acquisition fut faite sur Louis de Meslin ou Mellin, seigneur de Saint-Seine, et de sa femme, Innocente de Boujoux.
Cet acte contient aussi le rachat des huit émines de blé et avoine par moitié et rente foncière affectés sur la terre de Fontaine au profit dudit Mellin.
Le tout est vendu 12.000 livres tournois dont 3.000 comptant (1).
Antoine d'Arnault fait, le 9 août 1656, foi et hommage à l'évêque de Langres pour sa reprise de fief de la terre de Fontaine et de ses dépendances (2).
Et le 22 août suivant, Jacques de Mazel, fondé spécial de pouvoir d'Antoine d'Arnault, fait pour celui-ci acte de prise de possession de ladite terre (3).
En 1647, le duc de Larochefoucault avait, suivant la coutume, amodié la terre de Fontaine, c'est-à-dire tous les revenus à prélever, moyennant : 1° 2.700 livres tournois pour les dixmes, cens, tailles ; 2° 150 livres aux officiers, bailli, receveur, etc., et diverses choses en nature.
D'Arnault fait en 1656 un bail qui monte déjà à 3.100 livres, plus les 150 comme ci-dessus (4).
Et on appelait cela une fortune ! Il est vrai que la valeur de l'argent et de tout ce qui était nécessaire à l'existence ne peut pas se comparer avec ce qui se passe de nos jours.
Mais le nouveau seigneur de Fontaine-Française
(1, 2, 3, 4) Archives du château. Le fourneau s'achevait en 4656 et n'était pas compris dans le bail des 3000 livres.
ayant omis (est-ce par oubli ou volontairement) de faire, selon l'usage, sa reprise de fief en la Chambre des Comptes de Dijon, concernant particulièrement le four banal, le roi s'en empara, et par ses lettres patentes du 31 octobre 1658 en fit don à François de Cazillac, marquis de Cessac. Ce don est ainsi conçu : « Louis, par la grâce de Dieu, roi de France et de Navarre, à tous présentz et à venir salut. Désirant recoignoistre les bons et fidelles services qui nous ont esté rendus par nostre chier et bien amé François de Cazillac, marquis de Cessac ;... A ces causes et aultres, nous luy avons donné, octroyé, quitté, quittons, cédons, transportons et délaissons par ces présentes, signées de nostre main, tous les droicts qui nous ont été échues sur le four banal de Fontaine-Françoise, mouvans de nous, à cauze de nostre duché de Bourgongne, à fault par le seigneur dudit lieu de Fontaine-Françoise d'avoir fait reprize dudict fief en nostre Chambre des Comptes de Dijon... (1). »
Antoine d'Arnault fit opposition, et par arrêt du Conseil privé du roi, du 30 septembre 1661, Antoine d'Arnault et le marquis de Cessac furent alors renvoyés au Parlement de Paris, qui rendit le four et ses dépendances à son légitime propriétaire.
Au moment où, sous François de la Rochefoucault, la terre de Fontaine avait été en saisie par arrêt du Parlement, le prieur d'alors, Mayeul le Brun, s'imagina avoir le droit de s'emparer de toutes les dixmes. Le seigneur de Fontaine défendit ses droits. Un long pro-
(1) Archives du château. C'est la deuxième fois que le roi de France s'empara d'une partie de la terre de Fontaine et la donna à des étrangers. Mais elle revint toujours à ses seigneurs naturels.
ces eut lieu et ce ne fut, on le verra, que sous M. d'Arnault qu'il finit. Les sentences portent encore le nom de la Rochefoucault, qu'il faut lire par ayant droit de la Rochefoucault, puisqu'il avait vendu la terre de Fontaine en avril 1656 à Antoine d'Arnault.
« Le 25 mai 1660 une sentence des requêtes du palais à Paris adjuge et maintient dans la possession les dixmes de Fontaine au seigneur du dict lieu, et l'arrêt du 16 juillet 1661, du parlement de Paris, confirme cette sentence en faveur du duc de la Rochefoucault, contre Dom Mayeul le Brun, religieux de l'abbaye de Saint-Pierre de Flavigny, prieur du prieuré de Saint-Sulpice de Fontaine, et curé primitif du dit lieu, diocèse de Langres (1). »
L'acte d'opposition est du 15 décembre 1653. Le curé prétendait toujours prélever les dixmes de tout le finage de Fontaine que le partage de 1464 donnait au seigneur. Il appuyait sa revendication sur une bulle de 1211, accordée par le pape Innocent III aux religieux de Flavigny, par laquelle « il les prend sous sa protection avec toutes les églises qui dépendent de leur maison, entre autre celle de Fontaine et les dixmes nommément comprises (2). »
Le curé débouté de sa demande a supporté tous les frais du procès.
Le protestantisme diminuait à Fontaine, les habitants rentraient dans le giron de l'Eglise. Mais Antoine d'Arnault et plusieurs de ses successeurs, seigneurs de la terre de Fontaine, firent plus longtemps profession de la religion réformée, ainsi qu'on va le voir.
(1)Archives départementales et du château.
(2) Ibid.
En premier lieu je copie, sur le registre de 1660 de l'état civil, l'acte qui suit :
« Cejourd'huy trente-et-unième d'octobre mil six cent soixante a esté batizée sur les fonds baptismaux de l'église Saint-Suplice de Fontaine-Françoise, Marie fille de Nicolas Sbure, maistre boulangez à Fontaine, du corps de Jeanne Ormancey, sa femme, ladite Marie née le vingt-quatrième dudit mois d'octobre, lesquels ayant invité monsieur d'Arnault, conseiller secrétaire du roy, maison et couronne de France, seigneur du dit Fontaine, à estre parrain de ladite Marie Sbure fille et le dit seigneur se seroit excusé attendu la religion prétendue réformée qu'il professe et auroit invité en son lieu et place noble Daniel Duvivier, chirurgien et valet du roy, fesant profession de la foi catholique, apostolique et romaine pour prester la main à la dite Marie en qualité de parrain avec dame Marie Arviset, femme et compagne de monsieur Nicolas Valou, conseiller du roy au parlement de Dijon en Bourgogne qui se sont soubsignés avec moi après lecture dudit batesme suivant les saints conciles et ordres. Signé : Marie Arviset, Duvivier, Buvée prêtre. »
La chapelle du château, primitivement sous le vocable de Notre-Dame et ensuite sous celui de Saint-Sébastien, fut replacée, probablement par François de la Rochefoucault, sous le vocable de Notre-Dame.
M. d'Arnault, protestant, ferme nécessairement cette chapelle ; mais il avait compté sans le chapelain qui tenait à user de ses droits. Dans les archives du château je trouve en effet que, le 22 juin 1661, Jean Bichot, chapelain de la chapelle Notre-Dame du château, somme Antoine d'Arnault, seigneur de Fontaine-Française, de lui laisser libre l'entrée de ladite chapelle,
pour qu'il puisse en faire la desserte qu'il dit être d'une messe le samedi de chaque semaine (1).
Antoine d'Arnault a dû céder aussitôt, quoique l'instance se fût terminée au profit du seigneur, car peu après on trouve que cette chapelle a été desservie ainsi que le voulait le chapelain, mais par un autre titulaire, Alexandre de Grignoncourt.
Les revenus de la chapelle du château consistaient dans le produit de trente-trois journaux et demi trois quarts de terre, outre la Charme Robert et quatre faulx deux tiers et demi de pré, appelé alors le pré des Minimes, aujourd'hui des Mineurs (2).
Le protestantisme, qui avait malheureusement fait trop d'adeptes dans nos pays, finit par disparaître. Non seulement les seigneurs font abjuration, mais les simples particuliers rentrent en foule tous les jours, sous l'obéissance de l'église catholique.
Je copie un acte d'abjuration, que je prends dans le registre des baptêmes, mariages et décès de 1666.
« Nous soubsigné, curé de Fontaine-Françoise et autres témoinz certifions qu'en suitte de pouvoir à nous donné par monseigneur Pouthier, vicaire général de monseigneur l'illustrissime et grandissime évêque duc de Lengres, pair de France et grand aumonier de la reine, a la datte du quinzième may 1666, avons fait faire abjuration de l'hérésie à Simon Barbier et Eve Pérard, sa femme, cejourduy troisième de juin 1666, avec promesse de fidélité et de garder inviolablement la religion que professe la sainte Eglise catholique, apostolique et romaine.
(1, 2) Archives du château.
« Signé : Buvée, prêtre, Barbier, Pérard et vingt-cinq témoins. »
Beaucoup d'autres actes, à peu près semblables, sont consignés dans le même registre.
A cette époque, où les guerres cessaient à peine et où la religion occupait beaucoup d'esprits, on ne songeait guère aux communes ; cependant, par arrêt du 7 août 1665, il est ordonné, dans tout le royaume, de faire la recherche (1) des communes, communaux, villes, bourgs, paroisses, etc.
En 1666, Bouchu, intendant de Bourgogne, rend ainsi compte de la situation de Fontaine.
Seigneurie de Fontaine-Françoise.
§ Ier
Demandes. — Nom de la paroisse, — des fiefs, — hameaux,
— métairies qui en dépendent.
Réponses. — La paroisse se nomme Fontaine-Françoise. — La baronnie de Bourbelin, de laquelle dépend la grande forest de Volours, relève dud. Fontaine. — Ressort de Champagne. — La métairie de la Baude qui appartient aud. seigneur de Fontaine, avec le fief de Fontenelle situé au comté de Bourgogne qui en relève.
—Le four banal et le fief de Bertaut.
(1) La recherche, la cerche, est la constatation de l'état d'une commune et du détail de tout ce qu'elle est, de ce qu'elle a, de ce qu'elle produit, etc... Les questions étaient toutes posées d'avance, les intendants n'ont eu qu'à y répondre : c'est une sorte de statistique. Malheureusement celle de Fontaine est bien incomplète. Si toutes les autres sont ainsi faites il faut avouer que le roi était bien mal renseigné.
§ II.
D. — Dequel Evesché ; — de quel Bailliage ; — de quel grenier à sel ; — de quelle recepte.
R. — De l'evesché de Langres ; — du bailliage de Dijon ; — Ils ont droit d'user du sel de Salins pour lequel ils payent annuellement 50 livres au recepteur des domaines de S. M. ; — de la recepte de Dijon.
§ III.
D. — Qui en sont les seigneurs ; — leurs noms ; — qualités ; — facultés ; — moeurs ; — employs.
R. — Le sieur Arnault en est seigneur ; — Il n'a aucune qualité cy devant secrétaire du roy ; — réputé riche ; — n'a aucun employ.
§ IV.
D. — De qui elle relève ; — en quelle justice elle est ; — sous quel titre, simple baronnie, seigneurie ou autre.
R. — Relève du duché et pairie de Langres ; — en justice haulte, moyenne et basse ; — soubs le titre de simple seigneurie.
§ V.
D. — Quel est le revenu ; — en quoi il consiste ; — la situation ; — l'estendue du finage ; — le commerce qui s'y fait ou peut faire ; — s'il y a rivière, son nom, un pont, un passage.
R. — Le revenu est de 10,000 livres; — il consiste en deux grandes dixmes, en plusieurs terres labourables, prez, bois, étangs, forests, fourneaux, rentes, cens, lods, bois consistant en trois mille cinq cents arpens. — Il est situé dans une plaine ; — le finage a une demye lieüe
de tour ; — il n'y a point de commerce que du labourage ; — il n'y a aucune rivière, pont ou passage.
§ VI.
D. — Si c'est pays de foretz ; — de plaine ; — de froment, de seigle, d'avoyne; — de vignes ; — deprez ; — que vaut l'arpent de terre ; — de vigne ; — de bois ; — la soiture de prez (1).
R. — Il y a quelques foretz à brossaille ; — c'est pays de plaine. — Il s'y sème toutes sortes de grains ; — il y a quelques vignes de gros plan, il y a des prez.
Le journal ou arpent de terre vault 50 livres en fond.
L'arpent de bois vault 100 livres.
Le journal de vigne vault 50 livres en fond.
La soiture de prez vault en fond 100 livres.
§ VII.
D. — Le nombre des habitants de la paroisse ; — des fiefs, hameaux et métairies qui en dépendent ; — s'ils sont estimés riches ou pauvres.
R. — Il y a 150 habitans (2), y compris les femmes vefves et mandians qui sont au nombre de 40 ; — la plus grande partie estimée pauvre, non compris ceux des fiefs qui sont au comté de Bourgogne.
§ VIII.
D. — A quelle somme la paroisse, fiefs, et hameaux qui en dépendent sont imposés ; — si c'est par des commissions séparées ; — s'il ne se fait d'imposition que pour les deniers du roy.
R. — Ils sont imposés à la somme de 1700 livres, en-
(1)La soiture de pré est la fauchée actuelle de 34 ares 28 centiares.
(2) C'est la manière de compter, il faut lire feux ou chefs de maison.
semble les métairies qui ne sont imposées séparément ; ils n'y imposent que pour le denier du roy.
§ IX.
D. — S'il y a des péages ; — octroys ; — et charges ordinaires.
R. — Il n'y a aucun péage ny octroy ; — ils ont des charges ordinaires qui sont en censes et corvées.
§ x.
D. — S'il y a des débtes et de la quantité d'icelles.
R. — Ils doibvent la somme de 13,200 livres en principaux de rentes.
§ XI.
D. — S'il y a des communaux ; — la quantité et qualité ; — s'il y en a d'usurpés ou d'aliénés ; — la quantité et la qualité ; — à qui ; — pour quel prix ; — depuis quel temps ?
R. — Il n'y a aucuns communaux, ni d'usurpés ni d'aliénés (1).
Bouchu a été bien mal renseigné sur les biens communaux de Fontaine. En effet on voit aux Archives départementales de Dijon, à la série C. 3545 : « Déjà en 1465, le 7 février, la communauté de Fontaine-Française avait fait sa déclaration des biens tant au finage dudit lieu qu'en celui de Fontenelle, dans le comté de Bourgogne et au climat de Velours, province de Champagne.
« Epye du sombre de l'année 1665 : 20 journaux 1/2 2/3 1/4.
« Epye pour le caresme de 1665 : 43 journaux 1/2 2/3 1/4.
(1) Archives de Dijon, C. 2882.
« Prey. 13 faulx 1/3 1/4 1/2.
« Cette déclaration est affirmée par Jean-Claude Janvier, tabellion royal, le 12 février 1665. »
La plupart des terres sur Fontaine sont en ce temps-là censables envers le seigneur de vingt-quatre gerbes deux. Quant aux autres, il n'y a rien de sûr, étant du comté de Bourgogne et de la province de Champagne.
J'ajouterai aux déclarations de Bouchu le dénombrement des habitants de Fontaine donné en 1666 par Antoine d'Arnault, qui est de 1010, savoir :
Au pays, laboureurs, ouvriers, femmes, filles et garçons :
847
1010
Attachés au seigneur
34
Coupeurs au bois
68 (
Ouvriers du château et du fourneau.
61,
La même année, le 12 décembre, le seigneur de Fontaine donne décharge des cens et du fief de Berthaut aux propriétaires dépendant dudit fief, à la charge de lui continuer la dixme qu'il avait droit de recevoir (Janvier, notaire).
Il donne en même temps décharge aux propriétaires des vignes du climat de Berthaut, vers N.-D. de la Motte, des cens qui étaient affectés sur ces vignes, à charge aussi de continuer de payer la dixme (Janvier, notaire).
La communauté de Fontaine-Française, ruinée par les guerres de Bourgogne, se trouvait dans l'impossibilité de s'acquitter de ses dettes. Une sommation du 11 février 1675, des États généraux de la province, est faite pour le recouvrement en nouvelle taxe du droit de franchise, que le rôle du 2 janvier 1636 avait fixé à 63 livres pour une année de revenus des biens communaux,
plus 2 sols par livre « au payement de quoy ils seront contraincts, comme pour deniers royaux, sans préjudice de plus grande somme s'il y eschet » et pour que dans la quinzaine « pour tous délays » les habitants donnent une déclaration en bonne forme, « contenant au vray » la connaissance et la juste valeur de tous les fonds et héritages qu'ils possèdent en commun ainsi que la Fabrique (1).
On a vu que déjà, en 1665, la communauté avait fait sa déclaration, qu'elle renouvelle tout à fait semblable en 1675.
Le 29 avril 1674, le roi Louis XIV, venant probablement de Dijon, passe à Fontaine-Française, pour aller en personne presser le siège de Besançon, investi depuis un mois par l'armée du duc de Navailles. La ville capitula le 15 mai et la citadelle le 22.
Antoine d'Arnault mourut en 1677, laissant sa seigneurie en toute propriété à sa nièce, Catherine de Mazel, fille de Jacques-Salomon de Mazel, chevalier, faisant profession de la religion prétendue réformée, et de damoiselle Claude d'Arnault, soeur du seigneur de Fontaine-Française.
Les Mazel étaient du Languedoc et de très ancienne famille.
(1) Archives départementales, C. 3548. Extrait.
CHAPITRE XV
SOUS JACQUES DE MAZEL ET CATHERINE D'ARNAULT,
DE 1677 A 1684
ARMES DES MAZEL
Ils portaient : Ecartelé aux 1 et 4 d'or à une aigle éployée de sable a deux têtes ; aux 2 et 3 d'azur à trois étoiles d'or ; sur le tout d'azur à une fleur de lys d'or.
Sur l'origine de Jacques de Mazel, époux de Catherine d'Arnault, dame de Fontaine-Française, la communication suivante m'a été faite.
« Le 26 octobre 1765, par devant MM. Garnorant qui en a gardé la minute et Caron, commissaires du roi, notaires au Châtelet de Paris, il a été fait la déclaration suivante pour servir de notoriété,
« Par Pierre Charles de Bouttet de Bréon, écuyer, âgé d'environ quatre-vingts ans :
« Jacques Salomon de Mazel, écuyer, avait épousé Judith de Montglas, ils faisaient profession de la religion prétendue réformée et étaient du Languedoc.
« Leur fils Jacques de Mazel, de la même religion et même province, a été lieutenant colonel sous les ordres du maréchal de Turenne ; il a épousé la nièce de M. d'Arnault, tante du déclarant et a eu pour fille Mlle de Mazel, grand'mère de MM. de la Tour-du-Pin la Charce. »
Catherine d'Arnault, nièce d'Antoine, son héritière, dame de Fontaine-Française, avait épousé, le 21 novembre 1656, Jacques de Mazel, alors capitaine ad régiment du maréchal de Turenne. Il faisait comme son père, profession de la religion prétendue réformée, mais il fit abjuration aux Capucins de Dijon, le 31 janvier 1686. Il mourut seigneur de Fontaine-Française du chef de sa femme, ne laissant qu'une fille, Claude de Mazel, dont il sera question plus loin. En 1670, il fut créé chevalier par Louis XIV.
Peu après la mort de son oncle, Catherine d'Arnault fait sa reprise de fief et le dénombrement de la seigneurie de Fontaine-Française, 1677, savoir :
« Premièrement, la seigneurie dud. Fontaine, en toute justice, haute, moienne et basse, sur tous les habitans dud. lieu, sans aulcune exception.
« Le chasteau est bien basty avec un collombier.
« Ladite seigneurie relève de fief de monsieur l'evesque de Lengres, à cause du comté de Montsaujon.
« La baronnie de Percey-le-Grand, Courchamp et la seigneurie de Fontenelle et la Craye relèvent du fief dud. Fontaine.
« Le bailliage de Chaume dépend de ladite seigneurie en toute souveraineté, avec une portion de la seigneurie de Fontenelle en moienne et basse justice.
« Appartient à ladite seigneurie environ trois mil arpens de bois a l'entien harpent de Bourgogne.
« Un parc de 40 journaulx avec arbres fruitiers qui vaut en moienne année. .
300 livres
« La mettairie de la Borde, 160 journaulx de terre et 9 faux de pré, donne Par commune année
400 »
A reporter. . . .
700 livres
Report ....
700 livres
« La corvée derrière l'Esglise et celle de la Tour d'Antoison, 160 journaulx .
300 »
« Le dixme de douze gerbes l'une, six vingt esmines
1.200 »
« Les vignes, 18 journaulx dont cinq sur Corchamp
150 »
« Les prés, 169 faux
1.500 »
« Le dixme du vin 25 muids . . .
150 »
« Les estangs (1)
1.800 »
« Les bois a 100 harpens par chacune année
2.000 »
« Le four banal
300 »
« Les censes et le greffe s'amodyent
200 »
« Terres d'héritages, prés, maisons, lods, etc
100 »
« Les amendes 80 livres et les gages des officiers 20
100 »
« L'éminage et la halle
30 »
« Corvées dües par diverses maisons outre le cens en argent
100 »
« Les redevances des meix taillables
60 »
« Le moulin proche le chasteau . .
100 »
« Les revenus de Chaume ....
600 »
« La portion de la seigneurie de Fontenelle
60 »
« Total
9.450 (2)
Il n'est pas question ici des revenus du fourneau
(1)A celte époque le grand étang n'était que d'une étendue de six journaux trois quarts et treize perches, environ 2 hectares 34 ares. Il servait déjà de bief au fourneau remplaçant deux moulins.
(2)Archives du château.
qui existait depuis vingt ans environ. Il est probable que le seigneur l'exploitait lui-même et à son propre profit.
Comme toutes les seigneuries, celle de Fontaine avait un tribunal composé d'un juge en titre, personnage important, d'un juge suppléant, d'un procureur d'office, d'un substitut du procureur, d'un greffier, d'un sergent ou huissier et de praticiens ou clercs.
« Les 23 novembre et 18 décembre 1679, reprise et dénombrement du four banal par dame Catherine d'Arnault, femme autorisée de messire Jacques de Mazel, chevalier, colonel de cavalerie, en sa qualité d'héritière universelle testamentaire de feu messire Antoine d'Arnault, son oncle, seigneur de Fontaine, ledit four banal relevant du roi à cause qu'il a été acquis par ledit feu d'Arnault de défunt Louis de Mellin, écuyer, seigneur de Saint-Seine-la-Tour-sur-Vingeanne, de laquelle seigneurie de Saint-Seine, qui relève du roi, dépendait ledit four.
« Lequel four consiste (comme revenu) en la vingtième partie (une livre sur vingt) de tout le pain qui s'y cuit par les habitants dudit Fontaine, étant obligé le seigneur de fournir le bois pour le chauffage et payer le gage du fermier, et consiste ledit four en une maison où est ledit four, de la rue d'Aval (1), de huit émines de rente sur la seigneurie de Fontaine, moitié froment et moitié avoine et quatre faulx de pré appelé les Quatre faulx du four, et deux cents arpens appelés le Bois du four (2). »
Jusqu'en 1684, époque à laquelle la terre de Fon-
(1)La maison de Tournier, décédé vannier en 1883.
(2) Peincedé, t. VII, page 538, B. 10846.
taine-Française passa à la maison de la Tour-du-Pin, rien d'important n'est à signaler. Néanmoins il est bon d'indiquer les faits que j'ai recueillis dans les archives du château.
Le 23 novembre 1079, Catherine d'Arnault, autorisée de son mari Jacques de Mazel, fait foi et hommage « à Monsieur l'évêque de Langres », pour reprise de fief de la seigneurie de Fontaine-Française, « à cause du comté de Montsaujon et de la duché-pairie dudit évêque (1) ».
Le 2 janvier 1680, le seigneur de Fontaine, pour éviter une saisie, est obligé de faire reprise du fief de Berthault à cause du four banal qui en dépendait (2).
La même année, par ordonnance de mai, le roi révoque les privilèges que les habitants de Fontaine-Française et plusieurs autres communautés avaient de se fournir de sel blanc dans les salines du comté de Bourgogne et ordonne par l'article 7 du titre 13 de cette même ordonnance que ces communautés se fourniront dans le grenier à sel de leurs demeures où il leur en serait délivré sur le pied marchand à raison de quatre pintes par année pour chaque personne au-dessus de l'âge de sept ans.
Les dixmes aliénées payaient encore une forte taxe, bien des seigneurs s'en plaignirent. Jacques de Mazel adressa aussi ses doléances à la Cour des Comptes, le 8 mai 1682. Il eut gain de cause. Une ordonnance de Bouchu, chevalier, conseiller ordinaire du roi, intendant de justice de Bourgogne et Bresse, modère cette taxe et de 940 livres la réduit à 200 (3).
(1, 2 et 3) Archives du château.
La chapelle du château, délaissée par Antoine d'Arnault et par Jacques de Mazel qui ne fit son abjuration qu'en 1686, deux ans après le mariage de sa fille avec Louis de la Tour-du-Pin, fut de nouveau ouverte, et le 13 novembre 1681, messire Charles-Alexandre de Grignoncourt, clerc du diocèse de Toul, en prend possession et la dessert jusqu'au 19 juillet 1688. Il résigna ses fonctions, à cette date, en faveur de messire Simon Minard, curé de la paroisse de Saint-Sulpice de Fontaine-Française (1).
(1) Archives du château.
CHAPITRE XVI
FONTAINE-FRANÇAISE SOUS LES SEIGNEURS DE LA TOUR-DU-PIN, GOUVERNET DE LA CHARCE,
DE 1684 A 1748
ARMES DES LA TOUR-DU-PIN, GOUVERNET DE LA CHARCE
Ils portent : Ecartelé aux 1 et 4 d'azur à la tour ouverte en porte et fenestrée de deux fenêtres, crénelée de trois pièces avec machicoulis, le tout d'argent maçonné de sable, au chef cousu de gueules chargé de trois heaumes d'or ouverts, qui est de la Tour-du-Pin moderne ;
Aux 2 et 3 d'or au dauphin d'azur, crété, barbé, arcillé et peautré de gueules, qui est de Dauphiné ;
Sur le tout de gueules à la tour ouverte en porte et fenestrée de deux fenêtres, crénelée de trois pièces avec machicoulis, sénestrée d'un avant mur, le tout d'argent maçonné de sable, qui est de la Tour-du-Pin ancien Devises : Turris fortitudo mea (1).
Courage et loyauté.
Louis Ier de la Tour-du-Pin et Claude de Mazel. de 1684 à 1714.
Claude de Mazel, fille unique de Catherine d'Arnault et de Jacques de Mazel, dame de Fontaine-Française, épousa, le 15 mai 1684, messire Louis I de la Tour-du-Pin, marquis de la Charce, comte de Montmorin, d'Oulle et autres lieux, né en 1655. Il était filleul du roi Louis XIV, capitaine de cavalerie, chevalier de Saint-Louis (1704), membre des Etats de Bourgogne, premier gentilhomme du prince de Condé.
(1) La Tour est ma force. Mon courage vaut une tour.
Par sou mariage avec Claude de Mazel, il devint seigneur de Fontaine-Française, Bertault, Anthoison, Fontenelle, en partie, Courchamp, Percey-le-Grand, etc., souverain de Chaume.
Le contrat de mariage de Claude de Mazel et de
Louis de la Tour-du-Pin porte « à savoir qu'ils
seront conjoincts, unis et associés selon la religion prétendue réformée, dont ils font profession ».
Du reste, voici les principales conditions de ce contrat, passé le 15 mai 1684 par devant Jean-Claude Janvier, notaire à Fontaine-Française, dans lequel comparaît le sieur Salomon Bernard, ministre, procureur de dame Catherine Françoise de la Tour, au château de Fontaine, muni de pouvoirs réguliers.
« Ont comparu en leurs personnes hault et puissant seigneur messire Louis de la Tour, chevalier, seigneur et marquis de la Charce, baron des baronnies de Cornillon, seigneur de Mont-Morin, Chateau-Neuf, des Bordes et autres places, fils de feu hault et puissant seigneur messire Pierre de la Tour, et de dame Catherine-Françoise de la Tour, seigneur et dame desdites terres et seigneuries.
« Damoiselle Claude de Mazel, fille de messire Jacques de Mazel, aussi chevalier, colonel de cavalerie, et de dame Catherine d'Arnault, seigneur et dame du dit Fontaine-Françoise, souverain de Chaume et de Fontenelle en partie.
« Lesquels seigneur Louis de la Tour et damoiselle Claude de Mazel ont déclaré faire entre eux les traittés et conventions de mariage suivans, s'il plaist à Dieu.
« A savoir qu'ils seront conjoints, unis et associés selon la religion prétendue réformée dont ils font profession, et pour la consommation duquel ils seront unis
et communs en tous biens meubles qu'ils auront et acquests d'immeubles et héritages qu'ils feront (1). »
On donne par ce contrat à la future « 4000 livres, des habits et trousseaux nuptiaux suivant sa condition pour le jour des futures nopces ».
La maison de la Tour-du-Pin, qui a battu monnaie pendant longtemps, est une des plus anciennes de France. Elle a fourni des hommes célèbres dans toutes les carrières, les femmes même se sont illustrées dans bien des circonstances. Mais c'est surtout dans la carrière des armes que les la Tour-du-Pin se sont distingués :
Alliés aux plus grandes maisons du royaume, ils ont été très puissants et sont toujours restés inébranlablement attachés à la couronne.
S'il faut s'en rapporter aux traditions, l'origine des la Tour-du-Pin date du xe siècle (2).
Le premier fut Girard I, ou Gérold d'Auvergne, dit de la Tour, fils de Bernard, comte d'Auvergne et neveu d'Alfred et de Guillaume, ducs d'Aquitaine. Ce Girard fit des dons aux abbayes de Saulxillanges et de Brioude. Dans la donation de 960 il est nommé avec son parent Girozel et sa femme, Causeberge de Vienne. Girard succéda à son beau-frère et quitta l'Auvergne pour venir, dans le Viennois, s'établir dans les vastes possessions de sa femme. Il est le premier qui ait portéle nom de la Tour.
La famille devint nombreuse et elle se divisa plus
(1)Archives du château.
(2)Tableaux généalogiques et raisonnés de la maison de la Tour-du-Pin, dressés en 1788 par Moulinet, et continués jusqu'à nos jours (1870).
tard en plusieurs branches : il y eut d'abord les Barons souverains de la Tour, puis Dauphins du Viennois, ensuite :
2° Lescoseigneurs de làTour-du-Pin, sires de Vinay ;
3° Les branches de la Tour-du-Pin Gouvernet ;
4° Celles de la Tour-du-Pin la Charce ;
5° Celles de la Tour-du-Pin Montauban ;
6° Et celles de la Tour-du-Pin Verclause.
Ce sont les la Tour-du-Pin Gouvernet et de la Charce qui possédèrent pendant deux cents ans la terre de Fontaine-Française.
En suivant la généalogie de Moulinet je trouve, vers le milieu du XVIIe siècle, Pierre III de la Tour-Gouvernet, marquis de la Charce, fils de César I de la Tour-Gouvernet, marquis de la Charce, mort en 1675, catholique et enseveli à Nyons dans le tombeau de sa famille.
Pierre III, chef de sa branche, était vicomte d'Aleyrac, de la Val d'Oulle, baron de Plantiers, de Cornillon, seigneur de Montmorin, Mirabel, Establet, etc. Né en 1607 il fut créé mestre de camp en 1622. Il se signala à la Rochelle, au Pas-de-Suze, sous Louis XIII, Louis XIV lui donna deux régiments et le grade de
areschal de camp. Sa veuve Catherine Françoise de la Tour-Gouvernet, dame de Montmorin, Mirabel, etc., fille de Jean de la Tour, son oncle, mourut en 1709.
Elle eut de son mari quatre fils et cinq filles.
Son fils aîné Louis I de la Tour-du-Pin, marquis de la Charce, épousa, comme on l'a vu, Claude de Mazel en 1684. Il mourut en 1714 et fut enterré à Nyons, laissant deux enfants : Jean François nommé au testament de sa mère de l'an 1716, et mort non marié, et Jacques-Philippe-Auguste, qui lui succéda. Louis était appelé le Marquis de la Charce, prince souverain de
Chaume, marquis de Fontaine-Française, comte de Montmorin et d'Oulle, par son mariage il devint baron de Fouvent (1) et la Ferté (1685-1746).
Il fut colonel, chevalier de Saint-Louis, gouverneur de Nyons.
Il épousa en 1721, Antoinette-Gabrielle de Choiseul (2) (morte en 1775), fille de Victor Amédé, marquis de Choiseul-Lanques, baron de Fouvent, de la Ferté, etc., et de dame Anne de la Fitte de Pelleport (3).
Quatre enfants naquirent de ce mariage : Philippe qui succéda à son père ; Louis, dit le vicomte de la Tour-du-Pin, maréchal de camp, mort sans enfants; Anne-Madeleine-Louise-Charlotte-Augustine de la Tour du-Pin, née à Fontaine-Française le 9 décembre 1729, morte le 9 mai 1820, qui a été mariée le 18 décembre 1748 à François Bollioud de Saint-Jullien, baron d'Argental, receveur général du clergé de France ; et enfin Jean Frédéric dit le vicomte de la Charce, chevalier de Malte.
L'aîné de ces quatre enfants, Philippe-Antoine-Gabriel-Victor-Charles, fut le successeur de son père.
L'Almanach de la province de Bourgogne, 1781, le qualifie ainsi : « Monsieur de la Tour-du-Pin de Gouvernet, marquis de la Charce et de Méréville, baron de la Ferté et de Fouvent, seigneur de Saint-Andoche et
(1) Comme aux Xe, XIe et XIIe siècles les seigneurs de Fontaine sont en même temps soigneurs de Fouvent.
(2) C'est la deuxième fois que les seigneurs de Fontaine s'allient à la maison de Choiseul.
(3)Le village de Fouvent-le-Bas était vers 1750 de 100 feux dépendant de Fouvent-le-Châtel, ou le Haut, dont M. le marquis de la Tour-du-Pin, commandant en Bourgogne, est seigneur du chef de Mme sa mère, fille unique de M. de Choiseul, marquis de Lanques (Courtépée).
autres lieux, lieutenant général des camps et armées du roi, gouverneur de la ville de Nyons en Dauphiné, lieutenant général au gouvernement de Bourgogne, au comté de Charolais et commandant en chef pour Sa Majesté dans cette province de Bourgogne et dans les pays de Bresse, Bugey, Varomey et Gex... rue Vannerie, à Dijon. »
Il était né en 1723 et fut exécuté à Paris en 1794. C'est à sa soeur, Mme de Saint-Jullien, morte sans laisser d'enfants, qu'échut la terre de Fontaine-Française.
Elle la laissa à son petit neveu René III, Louis-Victor, marquis de la Tour-du-Pin-Gouvernet et de la Charce, né en 1779, lieutenant-colonel, député de la Haute-Marne et officier de la Légion d'honneur, qui épousa en 1804, Honorine-Camille-Athénaïs Grimaldi, princesse de Monaco, fille de Jérôme-Joseph-Marie-Honoré de Goyon de Matignon-Grimaldi, prince de Monaco, et de Françoise-Thérèse de Choiseul-Stainville, cette dernière exécutée à Paris en 1794.
René III est mort, le 4 juin 1832, laissant deux enfants : Louis-Gabriel-Aynard, marquis de la Tour-du-Pin et de la Charce, né le 12 juin 1806, colonel d'état-major, commandeur de la légion d'honneur et du Danebrog, mort à Marseille sans postérité, le 11 novembre 1855, des glorieuses blessures qu'il avait reçues au siège de Sébastopol, inhumé au cimetière de Fontaine-Française le 17 novembre 1855 ; et une fille Josephe-Philis-Charlotte de la Tour-du-Pin, née le 28 mai 1805, qui épousa en 1826 Charles-Fortuné-Jules Guigues de Moreton, comte de Chabrillan, morte à Fontaine le 7 avril 1865 et ensevelie dans le même caveau que son frère derrière le chevet de l'église.
Le marquis de la Tour-du-Pin Louis-Gabriel-Aynard
avait hérité de la terre de Fontaine-Française. A sa mort cette terre et ses dépendances firent retour à sa mère. Après la mort de cette dernière (1879) elle passa, suivant partage à l'aîné de ses petits-fils, le comte ortuné de Chabrillan, marié en 1864 à la princesse Anna de Croy, d'une des plus nobles et des plus anciennes familles de Hongrie et de Westphalie.
Après avoir esquissé à grands traits la généalogie des la Tour-du-Pin, qui n'est pas sans intérêt pour nous, je dois revenir un peu en arrière pour reprendre la narration chronologique des faits qui se sont passés à Fontaine-Française depuis que cette terre est possédée par cette illustre famille.
Claude de Mazel épouse séparée de biens de Louis de la Tour-du-Pin.
Claude de Mazel et son époux Louis de la Tour-du-Pin ne se hâtèrent pas de faire leurs reprises de fief. Les suzerains, plus cléments qu'autrefois, ne profitèrent pas de ce retard pour mettre la main, comme certains de leurs prédécesseurs, sur la seigneurie de Fontaine-Française quoique ce ne fut qu'en 1694 que Claude de Mazel « fit foi et hommage à l'évêque de Langres et au roy ».
C'est vers cette époque que se produisit le mouvement qui ramena le plus de protestants dans le giron de l'Eglise catholique.
Le livre de l'état civil de Fontaine-Française, de l'année 1685, mentionne plusieurs abjurations, d'abord « celles du samedi huitième jour de décembre, à deux
heures après midi en l'église de Fontaine entre les mains du révérend père Célestin d'Auxonne, capucin, gardien du couvent de Dijon, faisant la mission audit Fontaine, a été reçue l'abjuration du protestantisme de vingt-quatre personnes, hommes, femmes et enfants de huit à quatorze ans. »
Les 11 et 14 du même mois, trois personnes, deux femmes et un homme, abjurèrent la religion réformée.
Voici la copie textuelle de l'acte d'abjuration de Catherine d'Arnault et de plusieurs personnes de sa suite.
« Ce jourdhuy dimanche neuvième décembre 1685, en la chapelle du chasteau de Fontaine-Françoise, environ deux heures après midy, dame Catherine d'Arnault, femme et compagne de Me Jacques de Mazel (1), escuier, seigneur et dame dudit Fontaine, dame Claude de Mazel, leur fille, femme et compagne de monsieur le Marquis de la Charce, damoiselle Judith Bernier de la ville de Paris de présent audit Fontaine, Isabeau Caperon, femme de chambre de ladite dame de Mazel, Jeanne Anthoine, femme de chambre de ladite dame marquise de la Charce (2) et Daniel Loppin, fils de Daniel LopPin de Mirebeau aage de quatorze ans, laquais de ladite dame marquise, ont fait abjuration de la religion soit disant reformée de laquelle ils faisaient profession et de toutes hérésies, et promis de vivre et mourir dans la foy et obéissance des commandements de Dieu et
(1) Jacquos de Mazel fit son abjuration aux Capucins de Dijon, le 31 janvier 1686.
(2) Messire Louis de la Tour, marquis de la Charce, a fait aussi son abjuration, et malgré mes recherches je n'ai pu découvrir ni le lieu ni la date de cette action.
de l'Eglise catholique, apostolique et romaine, entre les mains du révérend père Célestin d'Auxonne, capucin, gardien du couvent de Diion de présent faisant la mission audit Fontaine-Françoise ayant tous les surnommés prêté serment par l'imposition de la main sur le Saint Evangille en tel cas requis et reçue l'absolution en présence de discrelte personne Me Simon Minard, prestre bachelier en théologie, curé dudit Fontaine, le révérend père Claude de Diion, capucin dudit couvent, Me Jean Michel, notaire royal, et M. Simon Jacquinot, procureur fiscal en la justice dudit Fontaine, et Labotte d'Orrain qui se sont souzignés avec les dames, damoiselles et Jeanne Anthoine ladite Caperon et Loppin ont dit ne savoir, enquis.
« Signé : Catherine d'Arnault, Blanche de Mazel, J. Bernier, Jeanne Anthoine,Célestin d'Auxonne, Minard, curé, Claude de Dijon, Labotte d'Orrain, Tournois, Jacquinot, Michel, notaire (1). »
Je relève encore sur les registres de l'état civil la déclaration suivante :
« Dame Catherine d'Arnault, épouse de Me Jacques de Mazel, équier, seigneur de Fontaine-Françoise, est décédée le 29 novembre 1691 et le 30 a été inhumée en l'Eglise du lieu par moi soubsigné en présence de Legros, recteur d'école, et Jean Denizon, maître cherûgien qui se sont soubsignés.
« Signé : Morelet, prieur curé, Legros, Denizon. » Si jusqu'à un certain point et une certaine époque Claude de Mazel figure seule sur les actes, chartes, déclarations, etc., c'est que, pour des raisons à moi in-
(1) Cahier de l'état-civil de Fontaine, 1685.
connues jusqu'alors, elle était séparée quant aux biens de son mari Louis de la Tour-du-Pin.
Les seigneurs de Fontaine avaient depuis longtemps le droit de nommer leurs maires, mais Louis XIV s'est emparé de ce droit au profit du trésor et ils ont été nommés par lui dès 1693.
Il résulte d'une charte, du 10 mai 1692, de Claude de Mazel, dame de Fontaine-Française, épouse de messire Louis de la Tour-du-Pin, de lui séparée quant aux biens, que les maires étaient réellement nommés par le seigneur du bourg de Fontaine. La charte dont il s'agit chargeait des fonctions de maire Jehan Michel, notaire tabellion du roi, juge, lieutenant ordinaire ci-vil et criminel, juge de police.
Voici la copie de cette charte prise sur l'original même, avec son orthographe.
« Nous dame Claude de Mazel espouse de messire Louis de La Tour du pain, marquis de la Charce, Mont-morain et Mirebel, capitaine au régiment de cavalerie de Doria, de luy séparée quand aux biens et authaurisée par justice a la poursuite de ses droicts, seigneur fit dame de Fontaine-Françoise Chaulme et Fontenelle en Bourgogne, estans pleinemens informée des bonnes vie et moeurs et religion catholique de Me Jehan Michel, notaire tabellion du roy et nostre juge lieutenant ordinaire civil et criminel en nos dites terres et en cette qualité juge de police néanmoins a cause de lobmission faicte à nos lettres de provision a lui données.
« Nous avons donné et octroyé, donnons et octroyons audit Michel les charges et offices de maire et juge de Police en nostre terre de Fontaine-Françoise pour par luy en jouir et uzer comme il a desjà faict et ont faict
les précédans maires qui estoient anciennement establis et institués par nos autheurs seigneurs dudict lieu et font encore les maires aux villes et bourgs voisins aux honneurs, droicts, proffitset revends y attaches, en joygnons à nos habitans du dict lieu de le reconnoistre en ladite charge et office et a nos officiers de ly recevoir sans pour ce prester ni faire autre sermens layans faict ensuite de nos precedentes lettres et aux conditions y portées données et fait en nostre hostel à Paris, rue de Vaugirard, ce dix may mil six cent quatre-vingt-douze en foy de quoy avons aposé le scel de nos armes.
« Signé Claude de Mazel de la Tour du Pin de la Charce (1). »
Claude de Mazel n'ayant pu faire son dénombrement, par lettres patentes du 30 décembre 1693, de Louis XIV, signées à Dijon sur sa requête, le roi ordonne la formation du terrier de la seigneurie de Fontaine appartenant, disent les lettres, « à Nostre Amé Claude Mazel, épouse et Nostre Cher bien Amé Louis de la Tour-du-Pin, marquis de la Charce, de lui séparée quant aux biens » en raison de ce que pendant les dernières guerres cette terre avait été dilapidée, prise en partie par plusieurs, tant nobles qu'autres, que les tailles n'avaient pas été levées, afin de renouveler les droits de ladite dame de Mazel sur les seigneuries de Fontaine, Fontenelle et Chaume en toute appartenance et juridiction haute, moyenne et basse.
Le terrier, que je n'ai pas découvert, a été fait, je le sais cependant, quelques années plus tard, et Messire
(1) Archives du château.
Louis de la Tour-du-Pin, avec Claude de Mazel, sont rentrés dans la possession presque intacte de toute la seigneurie telle qu'elle était du temps du duc de la Rochefoucauld (1).
Nous arrivons à l'époque de la nomination des maires par le roi ; on pourrait dire plutôt de la vente de ces fonctions municipales.
Par son édit d'août 1692 S. M. Louis XIV créait des offices de Maires dans toutes les villes et bourgs du royaume. Ce que je vais dire de la nomination du premier maire de Fontaine, de par le roi, fera assez voir au lecteur comment les choses se passaient.
« Louis, par la grâce de Dieu, roy de France et de Navarre, à tous ceulx qui les présentes verront salut, sçavoir faisons que pour la plaine et entière confiance que nous avons en la personne de nostre cher et bien mmé M. Jehan Michel, né le 18 janvier 1650, lui avons donné, octroyé, donnons et octroyons par ces présentes l'office de notre conseiller (2) maire de la ville et communauté de Fontaine-Françoise, généralité de Dijon Créé héréditaire par nostre édit du mois d'aoust 1692 aux gages de 40 livres par an pour lui et ses ayant cause héréditairement, aux honneurs, droits, émoluments, privilèges, prérogations, rang et préséance dont les maires cy-devant établis ont joui tant en hostel de ville, assembles et ceremonies publiques, qu'autres lieux, exemption de tutelle, curatelle, guet et garde, ban et arrière-ban, tailles, logement des gens de guerre et autres charges et contributions, tel que le
(1) Archives du château.
(2) Les maires des villes avaient le titre de conseiller du roi. Fonine étant considéré comme ville son maire portait ce titre.
tout est dit plus au long dans l'édit de 1692, pourvu que ledit Michel ait atteint l'âge de 25 ans accomplis ce qui est constaté dans son extrait batistaire délivre par Me Henryot, Prestre de Beaumont-sur-la-Vingeanne scellé du sceau de cire jaune.
« Donné à Paris le 18e jour de septembre mil six cent quatre-vingt-treize de notre règne le cinquante et unième (1). Louis. Sur le repli : par le Roy : Gamard. »
Moyennant les 40 livres par an que Jehan Michel devait percevoir comme gages, il a payé son office mille livres, ainsi que cela résulte de la quittance datée de Paris « du 14 septembre 1693, signée Soubeyran, qui déclare que Jehan Michel a versé mille livres pour la finance de l'office de conseiller du roi, maire du lieu et communauté de Fontaine-Française, plus trois livres six sols huit deniers pour droit de marque, versés le 16 septembre 1693, contrôlé le 19 novembre 1693 (2). »
D'autre part je trouve que Jean Michel a payé 387 livres 14 sols 2 deniers, reçu de Bertin 5 septembre 1693, plus 2 sols par livre pour frais de recouvrement. En somme il a payé avec tous frais et loyaux 1391 livres 1 sol 10 deniers.
Il a été reçu maire le 3 octobre 1693 par Florent d'Argonges, chevalier, conseiller du roi, maître des requêtes, intendant de justice et police en Bourgogne (3).
C'est lorsque le roi Louis XIV eut nommé le premier maire de Fontaine et que le corps des officiers muni-
(1) Archives du département, C. 2113, pages 46 et 47 et C. 3503, page 202, v. XXVII.
(2 et 3) Archives du département.
cipaux fut constitué, avec l'autorisation de S. M. que le corps de ces officiers eut des armes. Elles sont : d'arQent à la croix de gueules, comme on l'a déjà vu.
Je l'ai dit plus haut : ces armes sont semblables à la croix rouge de Genève sur fond blanc, comme les services hospitaliers en portaient en brassard et au képi, au moment de la guerre de 1870.
Ainsi les armes de Fontaine-Françoise se trouvaient être un signe de neutralité, de paix et de respect.
Il n'y eut absolument rien de stable dans cette nouvelle coutume de nommer les maires. Déjà en 1694, avec autorisation des Etats, les Elus sollicitèrent, moyennant le remboursement de la finance, la réunion des offices de maires au corps des Etats (1).
Un édit du roi de 1696 réunit les charges des maires aux corps de la province. Alors il est fait pour la Bourgogne provisions des maires de 43 villes et bourgs et la liquidation de chacun de ces offices, dont Fontaine-Françoise (fol. 202) qui doit rembourser à Jehan Michel 1279 livres 1 sol 8 deniers savoir : 1000 livres en principal et 279 livres 1 sol 8 deniers pour frais et loyaux dust (2).
La province paie alors 280,000 livres au trésor royal pour cette réunion : plus tard cette somme est portée à 400,000. Enfin Fontaine dut payer 3,000 livres, « attendu », dit l'art. 22 du décret de répartition, « qu'il y a un office de maire créé et établi en ladite communauté (3). »
Les Etats de Bourgogne et Bresse conservèrent,
(1)Archives du département, C. 2503, fol. 9.
(2) Ibid., C. 3503, fol. 11.
(3) Ibid., C. 3505.
par exception, le droit de nommer leurs maires.
On présentait trois candidats aux Elus, mais plus tard, sous le gouvernement du duc de Bourbon, on n'en présentait plus qu'un. Le duc ou l'intendant était consulté et, sur son avis, les Elus délibéraient « et nommaient en raison de la capacité, âge, conduite, fidélité, religion, subsistance et expérience (1). »
L'agriculture à cette époque, quoique moins libre, moins bien outillée qu'aujourd'hui, mais il faut le dire, pourvue de beaucoup plus de bras, faisait des progrès très sensibles. On a vu en effet plus haut que l'amodiation des dixmes rapportait 2,700 à 3,000 livres. Nous arrivons déjà en 1693 à 8,500 livres, et dans une période de cinquante-deux ans, en 1741, le chiffre s'élève à 16,200 livres pour monter à 31,800 en 1759. Il serait facile, par un simple calcul, de se rendre compte du produit des terres au moyen de ces données, la dixme étant restée stationnaire depuis.
On peut donc dire, à première vue, que de 1693 à 1759, soit en 64 ans, la culture a quadruplé ses produits. Il est vrai que les guerres avaient cessé, que le long règne de Louis XIV avait donné à la France, à nos pays en particulier, le temps de se repeupler, de se reposer de ses longues fatigues et de réparer ses désastres.
A côté d'années prospères il en est de désastreuses. Ainsi l'hiver de 1709 fut si rigoureux, si froid que tout se changea en glace, même dans les caves. « On ne moissonna pas une gerbe dans toute la Bourgogne et il y eut grande mortalité (2). »
(1)Archives du département.
(2)Registres religieux de Cussy-la-Colonne.
Claude de Mazel étant rentrée en possession de sa terre de Fontaine le 30 mars 1694, le 13 février 1699, elle fait foi et hommage au roi pour ladite terre et le four banal, et le 24 avril 1694 elle fait sa reprise de fief à l'évêque de Langres.
Les moyens de communications étaient à l'état d'enfance. Louis XIV crée les grandes routes royales. On se sert le plus possible des anciennes voies romaines, mais les chemins n'existaient pas, ou plutôt ils traversaient sans ordre, sans régularité, et au gré des voyageurs, les finages sur des largeurs allant souvent à cent mètres et plus, ainsi qu'on peut encore le voir sur le territoire de Chaume, à droite et à gauche du chemin de grande communication actuel.
Néanmoins le gouvernement se préoccupait de ce besoin de créer de grandes artères, des routes, des canaux, causes du développement de notre commerce et de notre industrie.
A propos de canaux, celui de la Marne à la Saône, qui se construit aujourd'hui, fut mis à l'étude sous Louis XIV, à l'époque que je décris en ce moment, par Riquet, qui proposa de se servir du cours de la Vingeanne et de celui de l'Aube.
La chaîne des montagnes de Langres, qui sépare ces cours d'eau, fit abandonner ce projet (1), que les ducs fie Bourgogne avaient déjà fait étudier plusieurs siècles avant.
Les Romains eux-mêmes avaient songé à réunir la Marne à la Saône ; les montagnes du Langrois étant aussi pour eux un obstacle infranchissable, le projet n'eut pas de suite.
(1) Courtépée.
Avec les moyens dont on dispose aujourd'hui il n'y a plus de montagnes pour les ingénieurs.
Vers 1645, lorsque Fontaine se remettait à peine des maux que lui avaient fait souffrir le passage de Gallass et les incursions des Francs-Comtois, la population, dit le procès-verbal de visite, était de 180 imposés. Cette population augmenta vite. En effet le dénombrement de 1695, présenté aux États de Bourgogne, indique 145 maisons habitées et 45 non habitées.
Il y avait en laboureurs, habitants et autres encore . . .
1
158
845 (1).
Femmes mariées et veuves. . .
179
Fils
152
Filles
240
Noble
1(
Ecclésiastiques
3
Domestiques, valets, servantes .
34
Mendiants et autres
68
Ensuite de discussions entre Louis de la Tour-du-Pin, seigneur de Fontaine et les habitants dudit lieu, je trouve aux archives du château qu'une transaction est intervenue entre les parties, le 29 mai 1702, concernant les étangs dessus, l'étang Pogosse, les buissons disséminés dans le finage et la dixme de vin sur certaines vignes. Je ne relèverai de cette transaction que ce qui concerne les buissons, que le seigneur reconnaît appartenir à la communauté et qui sont : ceux des
(1) En 1686, il y avait à Fontaine 180 maisons habitables, mais 140 seulement étaient habitées et cependant la population était de 1270 âmes. C'est le plus gros chiffre de population que je connaisse.
« Belles Charmes, Voie des Cerisiers, les Murgers, le Renvers de la combe du Chêne, la Michelle, la voie de Montigny, la combe Saint-Maurice, le Migneroy, la voie des Preys, la voie du chemin de Lavilleneuve, le bois des Lochères et autres communs. »
Comme il n'est question d'aucune autre réserve, sinon du bois des saulles qui restera au château, on peut en conclure que les remises qui existaient au nombre de douze, au commencement du siècle, ont été toutes plantées par M. de Saint-Jullien, ainsi qu'on le verra au chapitre XVII.
La même transaction nous démontre que l'étang du château, qui n'était que des « marais et cannaux », suivant le plan de 1640 n'a été transformé en étang que vers 1704, sous le nom d'Etang Pagosse. Que signifie cette dénomination ?
C'est vers cette époque que recommencèrent les procès, dont j'ai déjà dit un mot, entre le seigneur de Fontaine et les curés, toujours à propos des dixmes ou de parties des dixmes dont ces derniers voulaient s'emparer au détriment du seigneur, soit pour cause de la saisie des terres, d'incurie dans la levée des dixmes, ou de mauvais vouloir des habitants.
A cette occasion chaque partie défendait sa cause par de longs, trop longs mémoires (c'était dans le goût de l'époque) en traitant la question dès l'origine, remontât-elle à plusieurs siècles. Aussi en matière historique, est-ce vraiment une bonne fortune que de tomber sur une de ces procédures. On est sûr d'y trouver des points de faits qui sont des bases solides pour écrire l'histoire d'un pays.
C'est ce qui m'est arrivé ; mais comme le détail de ces procès n'offrirait qu'un intérêt très secondaire aux
lecteurs, je me suis contenté de les analyser et de consigner les faits les plus saillants qui méritent véritablement d'être rapportés.
Le plus grand de ces procès est intenté par le seigneur au curé Morelet, prêtre prieur, qui a desservi la paroisse de 1691 à 1719.
La terre de Fontaine était en saisie réelle (1) depuis le 16 août 1636, le curé Morelet en levait les dixmes.
Ensuite de plaidoyries une ordonnance du 19 septembre 1704, de l'intendant de Champagne, porte que « Louis de la Tour-du-Pin, marquis de la Charce, jouira en entier, par provision, des dixmes de la paroisse de Fontaine-Française jusque ce qu'il en ait été ordonné autrement par S. M. »
Le curé Morelet avait indûment perçu les dixmes en 1704. L'ordonnance ci-dessus le condamne de rendre et restituer audit sieur de la Tour-du-Pin ou à ses fermiers ce qu'il a perçu ou fait percevoir des droits, dixmes et autres impôts pendant la présente année, à peine d'y être contraint, etc... Mais le procès était loin d'être fini. Commencé en 1691, l'année même de la prise de possession de la cure de Fontaine par l'abbé Morelet, il fut continué, perdu, gagné tour à tour et dura jusqu'en 1767 suivi par les successeurs et héritiers du curé Morelet.
(1) Suivant un titre des archives du château, Extrait des registres de la cour des Aydes, la saisie avait été faite à la requête du sieur de Franqueville, lieutenant-colonel d'artillerie, sur Jacques de Mazel et Catherine d'Arnault. Le sieur de Franqueville s'opposait à la vente et criée de la terre de Fontaine et dépendances, voulant être payé par privilège et avant tous autres. Cette opposition est du 20 juin 1707.
Jacques de Mazel avait contracté un fort emprunt, qu'il ne pouvait rendre, au sieur de Franqueville.
« Enfin, un arrêt de la cour des Aydes de Paris ordonne que MM. et dame de la Tour-du-Pin, seigneur de Fontaine-Française et le curé dudit lieu se retireront par devant les officiers de l'Election de Langres pour nommer des experts à l'effet de cantonner le curé pour la perception de la dixme qu'il doit avoir sur le finage de Fontaine-Française.
« Condamne lesdits seigneurs à payer au curé et aux héritiers de son prédécesseur les dommages et intérêts qui leur résultent pour non jouissance lesquels seront réglés par procédure d'experts. 28 mars et 14 avril 1767 (1). »
Le procès avait duré 76 ans.
Une transaction était cependant intervenue, le 25 juin 1755, entre M. de Saint-Jullien et les héritiers de M. Morelet, MM. Darié et Léauté, ses neveux, M. de Saint-Jullien devait leur payer 3000 livres et la quittance en porte 8000 (2).
Pour l'édification du lecteur, je dois dire que le curé Morelet prétendait lever toutes les dixmes inféodées indistinctement sur le territoire de Fontaine, tant anciennes que menues et novalles (nouvelles) autres que ce qui est désigné dans le triage du 11 juillet 1464, tandis que ledit curé n'avait droit qu'aux dixmes de certaines novalles (terres nouvellement défrichées), ainsi que cela résulte dudit triage ou partage de 1464, des dixmes entre l'église et le seigneur de Fontaine.
En 1716, un fait très important se passe pour la communauté de Fontaine-Française ; je veux parler de la confirmation par Louis XV des privilèges accordés à ses habitants depuis plusieurs siècles.
(1, 2) Archives du château.
Par un édit de novembre 1716, Louis XV confirme tous les privilèges qui avaient été accordés, en 1458, aux habitants de Fontaine-Française par le duc de Bourgogne (1) ; les lettres patentes sont inscrites aux registres du Parlement et à la Chambre des comptes de Dijon, le 22 avril 1717.
« Attendu, disent ces lettres, que nos chers et bien amez les habitants de la communaulté du bourg de Fontaine-Françoise nous ont faict remontrer qu'attendu la proximité qu'ils ont avec le comté de Bourgogne, en telle sorte que le château et une petite rue dudit avoient toujours été indécis à ce qu'ils appartenoient jusqu'en l'année 1612, que les sieurs commissaires députez sur le fait des limites du duché et du comté de Bourgogne auraient déclarez tout le dit lieu ( de Fontaine-Françoise) appartenir à notre couronne (2). »
Par ces mêmes lettres patentes de Louis XV, et avant, celles de Louis XIII, et en vertu de l'ordonnance de mai 1580, « il a été accordé à chacune personne dudit bourg de Fontaine-Françoise, de quelque âge et sexe qu'elles soient, excepté les enfants au-dessous de sept ans, quatre pintes de sel qui leur seroient délivrées, suivant le rolle qui en sera dressé et arrêté au premier de janvier de chaque année, par les officiers du grenier à sel de Mirebeau, moyennant 50 livres de rente (3) ».
Mais en exécution de la déclaration du 22 décembre 1708, les habitants ayant payé seulement en 1733 la somme de 60 livres avec les deux sols par livre pour
(1)Archives du château. Voir page 68.
(2)Archives du château.
(3)Archives du château.
le rachat et amortissement desdites 50 livres, ont été entièrement déchargés de payer cette rente et ont joui du droit de Franc sallé, en payant le prix marchand seulement à raison de sept livres par minot (1), ainsi que cela est mentionné aux ordonnances de mai 1680, plus quatre sols par livre et les droits manuels.
En Bourgogne, le minot de sel valait 60 livres 19 sols ; en Comté, 15 livres et en Alsace, 12 livres. En payant le minot 7 livres, on voit que les privilèges accordés à Fontaine-Française étaient considérables sur ce
point.
Le sel venait de Salins et le dépôt ou grenier était à Mirebeau. On devait le prendre dans les huit jours de chaque quartier (trimestre), passé lequel temps on était déchu du privilège et on payait le sel sur le même Prix que les paroisses non privilégiées. L'autorisation obtenue par les habitants de se servir de sel de la Saulnerie de Salins est du 13 mars 1613. Arrêt du conseil d'Etat (2).
Claude de Mazel et Louis de la Tour-du-Pin ne manquaient aucune occasion pour faire du bien à leurs vassaux. Aimés du roi, ils obtenaient plus facilement certains privilèges. Non seulement Fontaine, Fontenelle, mais encore Chaume profitèrent de ces bonnes dispositions. Ainsi sur la demande de Claude de Mazel et de son époux, par lettres patentes de janvier 1717, le roi Louis XV confirme au village et finage de Chaume, à cause de son ancienne proximité au duché de Bour-
(1)Le minot valait 35 pintes, environ 44 litres.
(2)Archives du département, C. 2095 et 2830.
gogne, l'exemption de toutes tailles, subsides et autres qu'ils tenaient des bienfaits du comte de Buzançois, leur seigneur au commencement du XVIe siècle.
Ces privilèges avaient déjà été confirmés par lettres patentes de François I données à Dijon le 23 novembre 1535, puis par lettres patentes de Henri III, des 21 novembre 1584 et 7 juillet 1585 (1).
Louis de la Tour-du-Pin mourut en 1714, laissant, de Claude de Mazel, deux enfants : Jean François, nommé au testament de sa mère de l'an 1716 et mort non marié, et Jacques-Philippe-Auguste qui lui succéda, ainsi qu'on l'a déjà vu plus haut.
Jacques Philippe de la Tour-du-Pin de 1714 à 1748.
Jacques-Philippe-Auguste, second fils de Louis de la Tour-du-Pin, marquis de la Charce, lui succéda dans toutes ses seigneuries, son frère aîné Jean-François étant mort non marié.
Il épousa, au château de la Colombière, près Fouvent, en 1722, le 15 février, Antoinette-Gabrielle-Madeleine de Choiseul (morte en 1775), fille de Victor-Amédé, marquis de Choiseul-Lanques, qui était baron de Fouvent et la Ferté, et de dame Anne de la Fitte de Pelleport (2).
Par la mort de son frère et son mariage avec Antoi-
(1)Archives du château.
(2)Le mariage de Jacques Philippe avec Antoinette de Choiseul-Lanques a été célébré dans l'église de Fouvent-le-Chatel et béni par
nette de Choiseul, Jacques-Philippe devint marquis de la Charce, comte de Montmorin, Cornillon, Cornillac, du Val d'Oulle, baron de Fouvent et la Ferté, seigneur de Fontaine-Française, Fontenelle, Bertault, Anthoison et autres lieux, prince souverain de Chaume, etc., etc.
Il était chevalier, mestre de camp (colonel) de dragons, gouverneur de Vienne et Nyons.
Comme son père il était plus connu sous le nom de marquis de la Charce que sous celui de la Tour-du-Pin.
Toutes les pièces concernant les affaires du château et de la commune que j'ai eues en main sont signées de la Charce. Son épouse signait Choiseul-la-Charce.
Sa mère, qui de son chef était dame de Fontaine, pourvut seule à l'administration de ses biens et c'est elle qui, jusqu'à sa mort, arrivée vers 1732, dirigea en son nom personnel toutes les affaires importantes.
Ainsi dans un autre procès entre le seigneur de Fontaine et Chaume et l'abbé Bouteiller, curé de Sacquenay, c'est Claude de Mazel, relicte de Messire Louis de la Tour-du-Pin, qui défend ses droits sur Chaume, droits que le curé de Sacquenay lui conteste. Ce nouveau procès a duré 10 ans.
Dans son mémoire Claude de Mazel dit que Chaume était anciennement un territoire négligé, désert et inculte. Le seigneur propriétaire en lit défricher dans
F
François de Clermont-Tonnerre, évêque de Langres. L'acte porte que Jacques Philippe était seigneur de Bertault et Anthoison. Il y avait cependant deux siècles et demi que Bertault était réuni à Fontaine et que la tour d'Anthoison était démolie.
le XVe siècle, six vingt journaulx (1). Il n'y avait que des bois, des broussailles, des pâturages. Par cette mesure il posa les bases d'un état de choses nouveau qui rendit possible la création d'un vrai village (1464).
Le titre a été perdu, mais il est remplacé par une sentence contradictoirement rendue, à vue des pièces, entre le prédécesseur seigneur et ces mômes habitants (de Chaume) dans laquelle ce titre est rappelé, visé et daté du 19 août 1489.
Le seigneur, en remettant les terres de Chaume vers 1464 aux habitants qui vinrent s'y établir (c'étaient des Auvergnats pour la plupart), céda aux dits habitants la propriété et l'usufruit de tout le finage sous diverses charges, redevances, tributs et prestations toutes solidaires. Tailles à volonté, fixées à 30 livres en 1672, poules de feu, cens en argent, redevances en moutons gras, en grains d'un boisseau par chacun des 120 journaux arables et de 11 gerbes l'une pour les fruits. On chargea ensuite les dits habitants de mettre toutes les autres terres en nature arable à charge de la dixme de deux gerbes sur 27.
Jusqu'en 1600 et même après, le seigneur était payé d'un côté des droits fixes et de l'autre amodiait et faisait percevoir les droits casuels c'est-à-dire les 2 gerbes de 27. La forme de cette perception donna à tort lieu à la dénomination de dixme à ce vrai droit de terrage ou champart (2).
Le curé de Sacquenay recevait 150 livres par an pour
(1)Cent vingt journaux.
(2)Archives du département, F. 292.
desservir Chaume (1). Il trouvait probablement que ce n'était pas assez, et il s'empara d'une partie des redevances dues au seigneur.
Ce curé accusa d'Arnault d'être un usurpateur. Il maltraita fort Claude de Mazel en disant dans un mémoire : « qu'il ne peut réussir à forcer les habitants de Chaume à se pourvoir contre la dame de la Charce tant la terreur de son nom est imprimée dans tout ce Pays. »
Plus loin il convient cependant qu'elle est bonne catholique ; mais il ajoute « qu'elle a à peine le sens commun : elle est sans attention, sans discernement, sans justesse d'esprit (2). »
C'était réellement tout le contraire, car sa bonté était connue de tous, et les habitants de Chaume, en particulier, lui sont redevables de plusieurs franchises et d'une quantité de bienfaits.
Toutes les récriminations du curé n'étaient pas des titres prouvant ses droits, aussi ce procès, commencé en 1716 et jugé en 1725, lui fut-il défavorable. Il fut débouté de sa demande par arrêt du parlement de Dison, et condamné à payer tous les frais. Les habitants de Chaume qui étaient intervenus furent aussi condamnés à continuer de payer au seigneur toutes redevances comme par le passé (3).
Les registres de l'état civil de Fontaine mentionnent a cette époque divers actes qui démontrent que les seigneurs habitaient fréquemment, sinon ordinairement, le château.
(1) Archives du château.
(2) Ibid.
(3) Ibid.
Ainsi le 18 avril 1719, Claude de Mazel, veuve de Louis de laTour-du-Pin, est marraine de Jean Claude, fils de Dominique Jacquinot, notaire royal audit lieu. Le parrain a été Jean-Éléonor Joly, écuyer, seigneur de Mantoche.
Voici maintenant les actes de baptème de Mme de Saint-Jullien, troisième enfant issu du mariage de Jacques-Philippe de la Tour-du-Pin avec Antoinette de Choiseul.
« Ce jourdhuy quinzième décembre 1729 en la chapelle du chasteau de Fontaine-Françoise a été ondoyée une fille née du légitime mariage de M. le Marquis de la Charce nommé Messire de la Tour-du-Pin et de dame Antoinette-Gabrielle de Choiseul, sa légitime épouse, née le 9 dudit mois de décembre, ladite cérémonie ayant etez faite eu vertu du pouvoir a nous envoyé par Monseigneur l'Evêque duc de Langres le douzième dudit mois. Signé Pierre, Evêque, duc de Langres et par Monseigneur Philibert, secrétaire en présence de Jean-Batiste Poinssot, recteur d'école, et le sieur Daniel Loppin, maître chirurgien audit lieu qui se sont soussignez audit lieu. Signé : Poinssot, Loppin, Morelet, Prieur, curé (1). »
Mais ce n'est qu'en 1741, alors que Mme de Saint-Jullien avait 12 ans, qu'elle a été baptisée. Voici la copie textuelle de l'acte de baptême.
« Anne-Madeleine-Louise-Charlotte-Auguste, fille légitime de haut et puissant seigneur Messire Jacques-Philippe-Auguste de la Tour-du-Pin, chevalier, marquis de la Charce, etc... (suivent tous ses titres) et de
(1) Etat-civil de Fontaine-Française.
haute et puissante dame, dame Marie-Antoinette-Gabriel de Choiseuil, son épouse, est venue au monde le 9 décembre 1729 et a etez ondoyée le quinzième dudit mois de décembre dans la chapelle du chasteau dudit Fontaine en vertu de la permission accordée par Monseigneur Evesque de Langres du 12 dudit mois de décembre, et le 9 décembre 1741 a reçu le supplément des cérémonies dans l'Eglise paroissiale dudit Fontaine-Françoise par le soussigné prêtre desservant. A eu pour parrain très haut et très puissant seigneur Monseigneur Louis-Charles-Au-guste Fouquetde Belisle, maréchal de France, gouverneur de Mets et du païs Messin, ambassadeur extraordinaire et seu plénipotentiaire de Sa Majesté très chrétienne à la diette de Francfort estat de lempire et pour marraine haute et puissante Dame Anne-Madeleine Fouquet de Belisle, marquise de Montmain, représentez par le sieur Joliet et demoiselle Soudain en présence des soussignés. »
« Signé : la Tour-du-Pin la Charce, Choiseul la Charce, Dominique Jollyet, Marie Soudain, J. Jacquinot, C. Jacquinot, Poinssot, Arduin prêtre et deux autres Jacquinot (1). »
Jean Michel, Maire perpétuel de Fontaine, dont les habitants ont tant eu à se plaindre, conseiller du roi (titre que tous les maires avaient acheté et dont ils se faisaient gloire), ancien greffier du bureau des finances, est mort audit Fontaine, le 3 février 1730, et a été in-
(1) Etat civil de Fontaine-Française. Une autre fille do M. le marquis de la Charce est née et ondoyée au château le 16 janvier 1732, elle a été baptisée à l'église paroissiale le 26 du même mois ; elle est morte le 29 et a été inhumée le même jour au choeur de l'église.
humé le lendemain au cimetière de cette paroisse.
Jusqu'alors à Fontaine-Française, comme dans presque toute la Bourgogne, les affaires de la communauté se traitaient tous les habitants appelés au son de la cloche, réunis soit dans la maison de ville, soit sur la place publique ou dans le local de la halle. Les discussions loin d'être calmes étaient tumultueuses et souvent des injures on en venait aux mains. Les plus sages habitants de Fontaine comprirent qu'il était temps de mettre ordre à ce mauvais état de choses, et dans une assemblée générale du 25 juin 1730, ils dressèrent une requête qu'ils envoyèrent au prince de Bourbon, gouverneur de Bourgogne et Bresse, par laquelle requête les dits habitants déclarent que, « dans les assemblées qui sont convoquées audit lieu pour délibérer sur les affaires publiques ceux qui s'y présentent sont illettrès et non versés dans les affaires qui intéressent la communauté, que ces assemblées sont souvent tumultueuses et qu'il est impossible de s'entendre, qu'en conséquence, la communauté étant accablée de charges, pour remédier aux maux actuels, faire cesser les abus et le tumulte, les dits habitants assemblés demandent, d'un commun consentement, de choisir et nommer douze membres d'entre eux, pour former le conseil général de la communauté, gérer les affaires et statuer sur la pluralité des voix.
« Pour former la Chambre, ils proposent : Dominique Jacquinot, notaire royal, Claude Chateau, Jacque frère, François Lambelot, praticien, Pierre Brenet, Antoine Janel, Pierre Pernel, Philippe Dubois, Nicolas Fremiot, Jean Fourcaut, Nicolas Clodon, et Jean Robelot, » avec droit de condamner jusqu'à 10 livres, au profit de la communauté, suivant le cas, les auditeurs ou
membres qui, par leurs discours inutiles ou leur langage Mal placé, causeraient un scandale ou un désordre quelconque (1).
Tout le monde pouvait assister aux séances et donner son avis, le conseil seul délibérait et votait.
Ancemot était contrôleur et Poinsot secréaire de la dite chambre commune.
La délibération est homologuée par jugement, et la Chambre, ainsi constituée, entre aussitôt en fonctions. C'est le premier conseil municipal de Fontaine-Française (1730).
Cette même année, après de longues démarches, la ville de Dijon obtint enfin la création d'un diocèse, Mais Fontaine resta encore quelque temps sous la juridiction de l'évêque de Langres.
Lorsque le premier évêque, Mgr Bouhier, fit son entrée dans sa ville épiscopale, en 1731, il y eut de grandes fêtes, des délégations de tout genre ; les adresses de bienvenue, les compliments furent nombreux. Un des plus originaux fut celui du délégué des vignerons qui adressa à S. G. le compliment suivant :
« Monseigneu,
Les anfan cri tô pa lè rue Jan è lai tête fandue... (2)
Cà bè fai, çà po lu Ai lè bè méritai . »
Cela voulait dire que l'Evêque avait bien mérité tout ce bruit, tout cet enthousiasme...
Alors finit l'impôt des dixmes qui était dû à l'évêque
(4 ) Archives du département, C. 2956. (2) Allusion à la mitre épiscopale.
de Langres et qui ne fut pas reporté sur celui de Dijon.
Voici cet impôt pour le doyenné de Bèze dont faisaient partie les paroisses suivantes :
Chazeuil, 3 livres 10 sols ;
Fontaine, 5 livres et à la Saint-Blaise 1 livre ;
Montigny, 11 livres ;
Cusey, 11 livres 10 sols et à la Conception 1 livre;
Saint-Maurice, rien ;
Percey-les-Petit, 8 livres ;
Sacquenay, 7 livres 10 sols ;
Montormentier, 5 livres 10 sols ;
Lavilleneuve, 1 livre 10 sols (1).
Ce n'est qu'en 1732, c'est-à-dire cinquante-cinq ans après que la terre de Fontaine était arrivée à Claude de Mazel, le 30 juin, qu'elle fait sa reprise de fief de Berthault et du four banal, toujours avec sa qualité de souveraine de Chaume, veuve de feu Louis de la Tour-du-Pin, marquis de la Charce.
Elle fit en même temps foy et hommage au Roy pour envoyer son dénombrement (2).
Après cette reprise de fief, la terre est amodiée le 14 octobre 1732, en partie, pour neuf années à Claude Albran, moyennant 10.500 livres, savoir : le four banal, 50 faulx de prés, le fourneau, 100 arpents de bois par an, les étangs et les trois carpières. Albran avait la permission de tirer les mines dans les terres du seigneur ; la jouissance d'une maison (la ferme) lui était attribuée ainsi que le droit de chasse mais pour lui seul.
(1)Archives départementales, E. 292.
(2)Archives du château.
Il devait une redevance de sept chariots de paille et quelques autres menus objets de consommation.
Le reste de la terre est amodié, le 16 du même mois, Pour trois, six ou neuf années. Le bail est entièrement écrit de la main de Jacques Philippe de la Tour-du-Pin et est signé de la Charce.
Enfin Pierre Albran, par bail du 28 mars 1738, amodie de Pierre Claparède, intendant des officiers de M. le Marquis de la Charce, les dixmes en grain de Fontaine, moyennant 2000 livres par an (1).
Plusieurs habitants de la commune de Tellecey, contrebandiers, porteurs de faux tabac, sont arrêtés par le poste des fermes de tabac, à Fontaine-Française, non sans difficultés et sans que des horions fussent échangés. Par jugement définitif de la Table de marbre (2) de Dijon, du 16 juin 1733, et pour les causes ci-après : par paroles, rébellion, voies de fait, port d'armes, contrebande de faux tabac, spoliation, attroupements de plus de trois et autres excès commis contre les employés des fermes de France, les 4, 7, 8, 9 et 10 novembre 1732, sont condamnés, Avrier, Juniot et Marcelin à servir à perpétuité le roi sur ses galères, en qualité de forçats et chacun 1000 livres d'amende, Plus 758 livres de frais, et les autres prévenus à de simples dommages intérêts et aux frais (3).
Nous avons déjà vu que par ordonnance des Etats-généraux de Bourgogne, de l'année 1728, la communauté de Fontaine-Française devait payer une somme de 3000 livres pour le rachat des charges municipales
(1) Archives du château.
(2) C'était le tribunal, la juridiction des forêts.
(3)Archives du département, C. 2959.
octroyées ou plutôt vendues en 1693. Poursuivis par le Procureur-Syndic des Etats de Bourgogne, les habitants, réunis en assemblée générale, sollicitent en 1735, la remise de cette somme de 3000 livres en adressant aux Etats la supplique suivante, trop intéressante pour que je ne la donne pas textuellement, telle que je l'ai copiée aux archives départementales.
REMONTRANCES
A NOSSEIGNEURS les ETATS GÉNÉRAUX du pays et duché de Bourgogne.
« Supplient très humblement les pauvres habitants de Fontaine-Française, bailliage de Dijon.
« Et vous remontrent N. SS. que l'ambition d'un des habitants du lieu (1) est la seule cause de la ruine de leur pauvre communauté, et voici le sujet pourquoi : ne s'étant pas contenté de remplir les fonctions d'une charge qu'il portait audit Fontaine, il crut devoir se décorer du titre de Maire dudit lieu ; et profitant des besoins de l'Etat, il acheta ladite charge de maire, sans faire réflexion que leur village ne devait jamais être regardé ni mis au rang des villes où pareilles charges devaient être exercées, et qu'il ne pouvait y avoir que celles qui ont l'honneur de députer pour entrer aux Etats qui étaient de ce nombre, n'y ayant jamais eu d'entrée, ni fait aucune fonction de maire soit pour la police ou autrement ; la justice et la po-
(1) C'est de Jean Michel, notaire, qui avait acheté l'office ou charge de maire 1000 livres en 1693, dont la supplique veut parler. Elle prouve, comme celle de 1735, que c'était contre le gré des habitants qu'un office salarié de maire avait été créé à Fontaine.
lice ayant toujours été exercées par les officiers de M. le marquis de la Charce, marquis dudit Fontaine-Française ; les habitants ayant depuis cette acquisition de ce Particulier, nommé à l'ordinaire les échevins et procureurs de communauté, et les assesseurs pour l'imposition des tailles chaque année, sans que ce prétendu maire se soit jamais opposé aux fonctions des pauvres suppliants se sont toujours regardés comme composant une simple communauté villageoise, telle qu'elle est ; et vous savez, N. SS. jugé vous-mêmes qu'il ne convenait pas d'avoir en icelle un maire puisque Vous avez ordonné le remboursement de sition de ce titre de maire de leur village, remboursement qui lui a été fait, et depuis lequel il n'y a eu aucune personne qui se soit avisée de se présenter pour obtenir de Vous ou de N. SS. les Elus la nomination en ladite mairie, comme vous auriez eu le droit de le faire si lesdites fonctions avaient aussi dues être faites audit Fontaine-Française, ce titre absolument éteint par le remboursement de ce maire, les suppliants espéraient qu'ils ne seraient jamais inquiétés par raison de ladite mairie.
« Néanmoins, le Roy ayant, en 1723, créé de nouvelles charges de maires dans les villes et la province ayant fait une nouvelle finance pour le rachat des charges municipales, le Procureur syndic des Etats se serait pourvu en l'année 1728, à N. SS. les commissaires de communautés de cette province, pour faire répartir sur les villes les cote-parts qu'elles devaient supporter de ladite finance et par ordonnance de Nosdits SS., les commissaires du 13 mai de ladite année 1728, les pauvres suppliants furent compris en ladite répartition pour la somme de 3000 livres ; le motif en
est énoncé dans cette ordonnance, motif qui ne vient que du caprice, de l'ambition et ostentation de ce particulier, car s'il n'avait pas levé cette charge, jamais les pauvres suppliants n'auraient pu être inquiétés pour ce sujet.
« A ce premier malheur, il en succède un autre. Sa Majesté ayant de nouveau rétabli les mêmes charges par un édit de 1733, la Province ayant été obligée d'en faire le réachat, par édit du mois d'avril 1735, N. SS. les Elus par leur déclaration du 18 juin 1735 ont non seulement taxé les pauvres Suppliants à la même somme de 3000 livres pour leur portion de ce nouveau réachat ; mais ils ont encore imposé sur eux 72 livres 3 sols 6 deniers pour être payés par an pour leur cotepart des 6644 livres 13 sols 3 deniers accordés à la Province, au lieu des taxes pour l'entretien des Bixestres.
« Il n'y a pas d'années depuis 1729 que les pauvres suppliants n'ayant été poursuivis à la requête du sieur procureur-syndic des états pour le payement de ces taxes, sans que ces contraintes aient pu procurer aucun payement à la province, parce que les frais de vente qu'il aurait été obligé de faire auraient consommé la valeur des effets saisis qui n'ont jamais consisté qu'en quelques meubles de ménage de peu de valeur et quand on ferait procéder à de pareilles saisies, jamais la province ne pourrait se procurer son payement, et les suppliants peuvent vous assurer, N. SS. que ce n'est pas par obstination et mauvaise volonté qu'ils n'y satisfont pas : c'est parce qu'ils sont absolument hors d'état de le faire.
« Leur pauvre communauté n'est composée que de simples laboureurs, vignerons et manouvriers, qui ne
vivent que du jour au jour et qui n'ont pas un pouce de terre à eux, les propriétaires résidant soit en la ville de Dijon ou dans celles de Gray, Langres, Champlitte qui sont en partie limitrophes de la contrée.
« Depuis plus de dix années ils sont privés de leurs récoltes en grains, vin et autres denrées et n'ont pas recueilli en grains de quoi ensemencer leurs terres chaque année, et en vin le quart de leur récolte ordinaire, ce qui les a réduits à la dernière misère dont ils ne pourront jamais se rétablir, ayant été obligés de contracter des dettes considérables pour acheter des grains pour se rensemencer et pour leur subsistance ; ces faits sont si notoires, que les preuves en sont déposées au greffe de N. SS. les Elus, sur les représentations que les suppliants leur ont faites chaque année de leur misère ; qui passe même ce que l'on peut imaginer de plus triste et déplus affligeant, puisqu'ils ont eu le malheur d'essuyer des années jusqu'à trois fois les fléaux des grêles et tempêtes ; N. SS. les Elus n'ayant pas eu tous les égards que leurs pertes et misère méritaient, la plupart des habitants ont quitté leur domicile et se sont retirés dans les provinces de Champagne et du comté de Bourgogne, qui sont voisins de leur communauté, ce qui la diminue de presque du tout (1).
« Par un autre surcroît de malheur, la nef de leur église est tombée en ruines par vétusté, le rétablissement est à leur charge et n'ayant pu y pourvoir jusqu'à présent ladite église est interdite et les services ne se font que dans le choeur où les pauvres suppliants ne sont pas en sûreté de leur vie et courent risque à tous mo-
(1) J'ai en effet entendu dire à des vieillards, qui le tenaient de leurs pères, qu'il restait à peine deux cents habitants à Fontaine.
ments d'être écrasés sous les ruines de ladite église, dont le rétablissement, pour ce qui peut être à leur charge, leur coûtera plus de 12.000 livres, sans qu'ils aient aucun fond pour y fournir, en sorte qu'ils seront obligés d'imposer sur eux la somme nécessaire pour parvenir aux dites constructions et réparations, ce qu'ils ne pourraient faire qu'en plusieurs années et ce qu'ils ne peuvent se dispenser de faire malgré leur grande misère, puisqu'il faut qu'ils pourvoient nécessairement audit rétablissement et que le culte et service de Dieu est préférable à toutes choses.
« Dans cet état qui est notoire à un chacun, les suppliants espèrent, N. SS., qu'ayant égard qu'ils ne sont pas dans le cas de contribuer au paiement des finances faites par la province pour le rachat des charges municipales et que s'il y a eu un office de maire levé, c'est sans la participation de leur communauté ; mettant en considération le misérable état où ils sont réduits ; les charges qu'ils doivent supporter pour le rétablissement de leur église ; les pertes qu'ils ont souffertes depuis plus de dix ans par les grêles et orages ; la diminution de leur paroisse par la désertion de la plus grande partie de leurs habitants ; vous leur accorderez la justice qui leur est due et en cette confiance ils recourent,
« A. ce qu'il vous plaise N. SS. ce que dessus considéré, les décharger des impositions sur eux faites par les charges municipales de 1723 et 1733, faire défense au procureur-syndic des États de faire aucune poursuite sur eux à ce sujet et ils offriront leurs voeux au Seigneur pour vos prospérités et santés.
« Signé : BOUDOT, ayant-charge (1). »
(1) Archives du département, E. 292.
En même temps la communauté adresse cette seconde supplique aux Élus de la Province.
A NOSSEIGNEURS
« Nosseigneurs les Élus généraux des États de la Province de Bourgogne,
« Supplient humblement les habitants de la communauté de Fontaine-Française,
« Et disent qu'ils ont déjà été dans la triste nécessité de vous représenter plusieurs fois, N. SS., le triste état où les gelées, la grêle, les dégâts épouvantables des insectes et les cruelles inondations de leur prairie les ont réduits pendant trois années consécutives et quoiqu'ils ressentent vivement les effets de votre commisération, ils sont encore dans les circonstances Pressentes d'y recourir et d'avoir l'honneur de vous observer, N. SS., qu'ils en ont plus besoin que jamais.
« Monsieur le Procureur-syndic des États exerce actuellement contre eux toutes les rigueurs de son zèle pour les intérêts de la Province, il poursuit sans relâche les suppliants en la personne de leur échevin, dont il vient de faire saisir les meubles pour avoir Payement de la somme de 3.000 livres à laquelle ils ont été fixés dès 1728 pour les charges municipales prétendues établies audit Fontaine ;il leur a été jusqu'ici impossible et ils sont encore moins aujourd'hui en état de satisfaire au payement de cette somme par teur extrême pauvreté, ils croient d'ailleurs qu'ils ne sont pas dans le cas de supporter cette taxe, n'ayant dans le lieu aucune charge municipale celle de maire ini avait été louée ou levée par le sieur Michel qui, Par ostentation, avait voulu s'en procurer le titre et
qui en a touché le remboursement, suivant votre déclaration du 2 juin 1720, dont on estime que vos registres sont revêtus, sans que cette charge ait été remplie depuis sa mort.
« Fontaine-Française n'est qu'un simple village, où comme dans les autres communautés villageoises les Echevins sont électifs à tour de rôle.
« Les suppliants sont opprimés de toutes parts, accablés de dettes sans pouvoir recourir à la voie de l'emprunt à cause de leur indigence.
« Ils sont absolument dans l'impossibilité de payer cette taxe par imposition leur communauté étant encore chargée de tailles, capitations et autres impôts, en sorte que s'ils étaient contraints d'imposer les 3,000 livres qui leur sont nouvellement demandées la communauté dudit Fontaine serait bientôt déserte, n'étant pas en état d'y établir des octrois puisque le lieu n'est qu'un simple village ouvert de toutes parts, où il ne se fait aucun commerce.
« Pour surcroît de malheur les suppliants se trouvent privés actuellement des secours spirituels par l'interdiction notoire de leur Eglise dont ils rapporteront la preuve en cas de besoin, ce qui les jette dans le fâcheux inconvénient de se transporter dans les lieux voisins, aux approches d'une saison assez dure, pour se procurer les secours spirituels, pour les messes, les vêpres, les mariages et les enterrements qui se font dans les paroisses voisines, sans la moindre apparence de pouvoir contribuer au rétablissement dispendieux de ladite Eglise dont les ruines ne sont que trop publiques et notoires.
« Or les suppliants étant réduits dans des extrémités aussi tristes et fâcheuses, ils sont évidemment dans
l'impossibilité de pouvoir satisfaire à des charges municipales ; c'est pour toutes ces raisons que les suppliants recourent
« A ce qu'il vous plaise, Nosseigneurs, vu la délibération ci-jointe (1), par continuation de la Justice que vous avez déjà daigné exercer en leur faveur, vouloir bien les décharger de la taxe de six mille livres pour laquelle ils sont rigoureusement poursuivis et ils redoubleront leurs voeux, Nosseigneurs, pour vos prospérités et santés.
« Signé : JOLLIER ET PERRIER »
Je n'ai pas vu que le seigneur de Fontaine s'occupât beaucoup des habitants et de leur misère. Eloigné de ce séjour par les charges qu'il avait à remplir, il devait laisser ce soin à son épouse qui habitait souvent le château. Cependant ses propres affaires n'étaient pas négligées, et on trouve, dans les archives dudit château, beaucoup de pièces entièrement écrites de sa main ou annotées par lui.
Le château n'ayant pas été habité pendant un certain nombre d'années, pour cela et peut-être pour d'autres causes inconnues, on ne célébrait plus les offices dans la chapelle castrale. M. le marquis de la Charce, seigneur de Fontaine, demanda par une lettre, sans date, écrite de sa main, à Mgr l'évêque de Langres, l'autorisation de continuer, ainsi que cela avait
(1) Délibération de la Chambre commune, du 3 décembre 1735, à laquelle les habitants ont été convoqués au son du tambour et des cloches, qui contient les mêmes doléances. Elle est signée : Jacquinot, Ch. Chateau, Jollier, Lambelot, Fremiot, Nicolas Claudon, Brouhot,Gauthier, Naudin, Fourcault, Boudot, Berthier, JeanRobelot, J. Fourcault, Jean Claudon, Forget, Graillard et Royer, greffier.
été accordé par NN. SS. ses prédécesseurs, la célébration de la sainte messe dans la chapelle du château, les dimanches, fêtes et autres jours. L'autorisation écrite au bas de la supplique est du 6 juin 1736, avec les conditions qu'elle impose et signée G., évêque de Langres (1). Mais un prêtre d'un diocèse voisin, non autorisé, ayant célébré la messe dans cette chapelle, l'interdit en fut immédiatement prononcé et cet interdit ne fut levé que le 3 novembre 1741 par Didier Durand, prêtre, docteur en théologie de la faculté de Paris, officiai du diocèse de Langres pour la partie du comté de Bourgogne et curé de Domarien, qui en dresse procès-verbal en vertu d'une autorisation spéciale de MSr l'évêque, etc... Le procès-verbal se continue ainsi : ..... « après avoir fait notre prière, nous
avons observé que ladite chapelle était située dans un endroit reculé du château hors du bruit et du tumulte (2). Les murs qui sont surmontés d'une voûte de pierre cintrée nous ont paru en bon état et ladite chapelle suffisamment éclairée. L'autel de pierre, sur lequel on trouve des marques de consécration, est garni de deux gradins sur lesquels il y a un crucifix et deux chandeliers de cuivre argenté et quelques vases de faïence ornés de fleurs. Les images en pierre qui accompagnent l'autel représentent la Sainte Vierge et saint Antoine et sont d'une forme décente, l'autel est couvert de deux nappes pliées en double et devant l'autel est un marche-pied de bois.
(1)Archives du château.
(2)La chapelle se trouvait dans l'angle ouest du château où M. de Saint-Jullien, sans respect pour le lieu saint et les seigneurs qui y étaient inhumés, a établi la cuisine et l'office du château actuel.
« Dans ladite Chapelle se trouvent deux armoires fermant à clef dans l'une desquelles nous avons trouvé, dans un étui d'étoffe de soie doublé de toile blanche, un calice d'argent avec sa patène. La coupe du calice est dorée en dedans aussi bien que la patène ; il est d'un poids suffisant et assuré sur son pied.
« Dans la dite armoire nous avons aussi observé qu'il y avait quatre chasubles avec des étoles, manipules et voiles de calice, savoir : une chasuble soie verte et argent... ; nous avons de plus trouvé dans la dite armoire quatre corporaux, six purificatoires, ensuite deux aubes, six amicts, trois nappes d'autel et deux essuie-mains, un missel romain, deux burettes et un plat de cuivre argenté avec une clochette, le tout en bon et dû état.
« Nous étant ensuite adressé à la personne de haut et puissant seigneur Jacques-Philippe-Auguste de la Tour-du-Pin, Marquis de la Charce et seigneur dudit Fontaine pour savoir si d'autres ecclésiastiques que ceux approuvés dans le diocèse de Langres n'auraient pas célébré la sainte messe dans ladite chapelle, il nous aurait répondu qu'un prêtre du diocèse de Dijon, vicaire de la Sainte-Chapelle et non approuvé dans celui de Langres, s'était trouvé par hasard à Fontaine, avait célébré la Sainte Messe dans la dite chapelle castrale, il y avait environ six ans, dont et de ce que ci-dessus nous avons dressé le présent procès-verbal.
« Et le dit jour en vertu des pouvoirs à nous conférés et accordés par Monseigneur l'Illustrissime et Révérendissime évêque duc de Langres mentionnés en notre commission du 21 octobre présent mois, nous commissaire susdit, ayant trouvé la dite chapelle castrale en bon et dû état, fournie de tout ce qui est né¬
cessaire pour la célébration de la sainte Messe, l'avons relevée de l'interdit encouru par le seul fait qu'un ecclésiastique non approuvé dans le diocèse y a célébré la sainte Messe, etc... et nous nous sommes sousrsigné avec mondit Jacques-Philippe-Auguste de la Tour-du-Pin et Félix Arduin, prêtre desservant la cure de Fontaine-Française qui ont assisté à la présente visite. Signé : La Tour-du-Pin, Durand, Arduin (1). »
On a vu dans les remontrances et les doléances adressées, aux Elus et aux Etats de Bourgogne, par les habitants de Fontaine, en 1735, qu'ils se plaignent que lanef de l'Eglise était tombée et qu'ils se voyaient dans l'impossibilité de la relever. Cependant tant la foi était grande et la pratique de la religion observée, des mesures furent prises pour faire cette reconstruction ; des dons, des sacrifices, des emprunts, que sais-je, permirent aux habitants de relever leur édifice, mais quelle différence avec ce qui était démoli ! On a bien voulu faire du roman, du plein cintre, mais tellement simple, tellement nu, que cette grande nef n'a aucun caractère ni aucun cachet.
La première pierre de cette reconstruction fut solennellement posée et bénite le 12 mai 1739, voici la teneur du procès-verbal qui en a été dressé.
« L'an mil sept cent trente-neuf, le douzième may, à dix heures du matin à l'issue de la messe, je soussigné Nicolas Billard, prestre, curé de Fontaine-Françoise, certifie avoir fait en vertu du pouvoir qui m'en a esté accordé par Monseigneur l'evesque de Langres, la bénédiction de la première pierre de la nef de l'Eglise
(1) Archives du château.
dudit Fontaine qui a esté bâtie par M°Jacques Redard, entrepreneur avec son fils et Me Vincent Debian, aux frais et dépens des sieurs habitans de Fontaine-Françoise et Fontenelle leur annexe en l'honneur de Dieu et de Saint-Sulpice, patron titulaire de laditte Eglise, assisté de Maître Jean-Baptiste Ardouhin, prêtre familier et chapelain de la chapelle des Gevrey érigée à côté de la nef de la ditte Eglise, de Maître Dominique Brouhot, notaire royal et receveur en exercice de la fabrique de ladite Eglise, Maître Jean-Baptiste Fay le Jeune, marchand, controlleur d'icelle aussy en exercice, en présence de la Trez Sainte Trinité et de Saint-SulPice au premier demi pilier qui sera à gauche en entrant en ladite Eglise (1), par Maître Claude Jacquinot, marchand de fer à Dijon, bienfaiteur de cette Eglise, dont et de quoy nous avons dressé le présent procès-verbal et nous sommes soussignés avec les sieurs Ardouhin et Fay le jeune et autres.
« Signé : Brouhot, Fay, Claudon, Fourcault, Abraham
Redard, Biot, Pichanget, Gosthiot, Ardouhin prestre et Billard curé (2). »
La nef fut ainsi reconstruite, mais on verra que la voûte ne le fut qu'en 1777. Une couverture provisoire a donc dû exister de 1739 à 1777.
Lorsque l'ancienne église existait, il y avait en face de la chapelle des Gevrey une autre chapelle semblable, dite des douze apôtres, ornée de leurs douze statues. Il y avait alors trois prêtres à Fontaine : le curé
(1) C'est aujourd'hui le troisième pilier à gauche en entrant, l'église ayant été allongée de deux travées par M. de Saint-Jullien, en 1777.
(2)Registre de l'état civil de Fontaine.
prieur de l'église Saint-Sulpice,le desservant de N.-D. et de la chapelle des Gevrey et un vicaire.
Sous forme de capitation, un droit de deux livres par enfant était perçu par le curé sur les habitants.
Les grandes personnes payaient trois livres.
Il ne m'a pas été possible de découvrir quand a commencé cet impôt ni quand il a pris fin.
Lorsque la période calamiteuse de 1723 à 1735 fut passée et que les récoltes purent se faire, les émigrants rentrèrent à Fontaine et la population remonta rapidement à son chiffre moyen.
Ainsi le rôle du 5 janvier 1743, pour la distribution du sel qui devait être délivré aux habitants de Fontaine, par le grenier de Mirebeau, comprend 240 articles ou feux (1), montant à 4760 pintes (de un litre vingt-cinq centilitres) ou 136 minots. On payait encore 7 livres le minot plus les 4 sols par livre et les droits manuels.
Pour 1743, le rôle de répartition portait :
Art. 1er. M. le Marquis pour 52 personnes à 4 pintes l'une soit 208 pintes.
Art. 2. M. Nicolas Prodon, curé, pour 5 personnes (3 prêtres et 2 domestiques) à 4 pintes 20 —
Art. 3. Et tous les habitants ensuite à 4 pintes par personne 4532 — (2)
Les finances de la communauté étaient administrées par un procureur-syndic et deux échevins.
(1)Ce qui à cinq personnes par feu pourrait faire environ 1200 habitants.
(2)Ces 4532 pintes font 1133 personnes, sans compter les enfants au-dessous de sept ans qui ne levaient pas de sel. Le chiffre ci-dessus de 1200 pourrait bien être inférieur à la réalité.
Tous les ans ils devaient rendre compte de leur mission et de la gestion qui leur était confiée.
M. Mochot, qui a écrit l'histoire d'Is-sur-Tille, a bien voulu me communiquer un titre portant le compte-rendu de la gestion des comptables de la communauté pour 1746. J'en copie les parties les plus intéressantes.
« Ce jourdhuy samedy dix-huit de février mil sept cent quarante-sept, à Fontaine-Françoise, en la chambre commune dudit où le présent compte a esté en audition par Jean Claudon, procureur sindicq, François Jacquinot et François Naudin, eschevins de la communauté dudit Fontaine de la gestion qu'ils ont eu des biens d'icelle pendant l'année dernière 1746, en présence de M. Nicolas Magnieux, procureur fiscal en la justice dudit Fontaine, Nicolas Claudon, Saturnin Veillet, Pierre Brouchot, Mathias Fourcaut, Jean Buchenet, Prudent Gautheret, Pierre Boudot, François Royer, François Fay et Nicolas Trécourt, touts Jurats, et encore en présence de Pierre Laurent, sindicq actuel et André Robinet, eschevin, de M. Dominique Brouhot, notaire, Jean Perniet et Jean Trécourt. »
Les procureurs et échevins divisent leur compte en : Chapitre des recettes, Chapitre des décharges, Chapitre des deniers, Chapitre des dépenses, Balance et Clôture.
En résumé la somme des recettes pour 1745 s'élevait à . . .
5.657l 19s 2d
Et les dépenses à
5.766 16 8
Il en résulte que la communauté redevait aux comptables
108l 17s 6d
Toutes les personnes présentes ont accepté et signé les comptes avec le greffier Pernelle.
Dans ces comptes figurent les sommes payées aux sergents Messiers (gardes-champêtres) et Vigniers (gardes des vignes) 3 livres; pour l'impôt du sel 25 livres, pour cinq journées de deux cavaliers de la Maréchaussée de Dijon qui ont tenu garnison à Fontaine, 35 livres à cause du refus des habitants de travailler au chemin de Saint-Seine ; 42 livres payées au sieur Rocard, recteur d'école, pour une année de gage, etc.
LE NOUVEAU CHATEAU
construit de 1754 à 1758
Reproduction d'après une gravure de 1762
COMBAT, DU 5 JUIN 1595
LE CHATEAU ET LE PARC
CHAPITRE XVII FONTAINE-FRANÇAISE SOUS M. DE SAINT-JULLIEN, DE 1748
A 1788, ET SOUS MADAME DE SAINT-JULLIEN, DE 1788 A 1820.
M. DE SAINT-JULLIEN
portait : D'azur au chevron d'or, au chef cousu de gueules chargé de trois besants d'or posés en fasce (1).
Bollioud de Saint-Jullien, de 1748 à 1788.
Jacques-Philippe-Auguste de laTour-du-Pin, marquis de la Charce, avait eu, de son mariage avec Gabrielle de Choiseul, trois fils et deux filles. L'aîné, Philippe, lui succéda dans toutes ses terres et seigneuries, excepté celles de Fontaine, Fontenelle et la souveraineté de Chaume, qui échurent à Anne-Marie-Madeleine-Louise-Charlotte Auguste. Née le 9 décembre 1729, au château de Fontaine-Française, elle fut mariée le 18 décembre 1748 à Messire Marie-François-David Bollioud de
(1) Dans son Nouvel l'Armoriai du Bibliophile, Paris, 1890, II, Page 69, Joannis Guigard donne le fer, caractères ordinaires, à ses armes, dont M. de Saint-Juilien marquait, au plat, les livres de sa bibliothèque. Sur ses vieux jours, en effet, il s'était mis à aimer les livres, mais sans devenir jamais bibliophile bien raffiné, s'il faut en croire Guigard.
Saint-Jullien, « chevalier, seigneur de Saint-Jullien, des baronnies du Bourg d'Argental, Fontaine-Française, Chaume, Fontenelle, Courchamp, Chazeuil, Bourberain et autres lieux, conseiller du Roi, en son conseil privé, receveur général du clergé de France, gouverneur et lieutenant de Roy en la ville de Bourg d'Argental (1). » C'est ainsi que M. de Saint-Jullien est dénommé dans la plupart des documents que j'ai vus au château de Fontaine-Française.
La famille Bollioud est originaire d'un des villages de Saint-Jullien en Forêtz. D'Hozier, registre IV, donne sa généalogie, qui commence ainsi : 1er degré. « Pierre Bollioud (Bolhoudi), premier du nom, demeurait au Bourg-Argental en Forêtz, le 1er décembre 1472, avec Marguerite sa femme dont on ignore le nom de famille. Il eut pour fils : 2° degré, Bérenger Bollioud, Prévost, receveur et procureur de la châtellenie d'Argental pour le duc de Bourbonnais, comte de Forêtz, qui lui donna des provisions de cet office, le 4 décembre 1522 ; il épousa : 1° en 1472 Catherine de Villa de Mons, alias Clarona, fille de Villa de Mons, alias Claron ou Cleron, dont il eut trois enfants; 2° Claude Pacelat dont il eut quatre fils ; l'aîné du 2e lit, Gabriel, qui forma le 3e degré, fut marié à Barthelemie Basset, fille de Basset, notaire à Saint-Andréol, près Lyon ; il acheta plusieurs cens sur Argental, Saint-Jullien, Molin, Molette et Montchal. »
Je ne suivrai pas toute la généalogie, j'arrive tout de suite au 7e degré : « Christophe Bollioud des Granges, écuyer,
(1) Argental, hameau d'environ 200 habitants, dépendant de Bourg-Argental, chef-lieu de canton, arrondissement de Saint-Etienne, 3457 habitants au dernier recensement.
seigneur de Saint-Jullien, né le 3 mai 1674, fut reçu le 6 juillet 1704, conseiller secrétaire du roi, maison, couronne de France ; il fut aussi lieutenant-général d'épée aux bailliages du Bourg-Argental et de Saint-Ferréol, et mourut le 6 janvier 1736.
« De son mariage, accordé par contract du 5 juillet 1707, avec Demoiselle Françoise Ollivier (soeur de François Ollivier, Seigneur de Senozan, chevalier de l'ordre du Roi et intendant général du clergé de France), fille de Noble David Ollivier, ancien échevin de la ville de Lyon, et de Dame Françoise Arezon, il eut quatre enfants, dont François-David Bollioud, écuyer, seigneur de Saint-Jullien, 8e degré, né le 12 juillet 1713, marié à Anne-Madeleine de la Tour-du-Pin De ce mariage il eut un fils Jean-Victor-François-Auguste Bollioud né le 7 septembre 1749, mort à Paris en 1779. »
La fortune de M. de Saint-Jullien était immense pour l'époque. Le lendemain même de son mariage il dressa la déclaration, sous forme d'état général, de ses biens propres, qui montaient à 1,810,359 livres 2 sols 5 deniers (c'est mathématique), dont 350,000 livres pour sa terre située au Bourg-Argental et. le reste en diverses valeurs et espèces (1).
A la mort de M. de Saint-Jullien, 8 septembre 1788, on a payé 42,256 francs 66 centimes de droits de succession.
A peine, par son mariage avec Mlle de la Tour-du-Pin, M. de Saint-Jullien était-il devenu seigneur de
(1) Archives du château.
La fortune de M. de Saint-Jullien vaudrait aujourd'hui de cinq à six millions de francs, car à cette époque la livre valait plus de trois francs de notre monnaie.
Fontaine-Française, qu'il eut la malheureuse idée de démolir l'ancienne forteresse des aïeux de sa femme, ce beau manoir, encore bien conservé, que le cardinal de Givry avait tant embelli et que ses successeurs avaient maintenu en très bon état, pour construire le château actuel, grandiose, il est vrai, mais d'une architecture lourde, écrasée et ne remplaçant pas la splendeur et la noblesse de l'édifice disparu.
C'est en 1754 que fut commencée la démolition du vieux château.
On raconte encore dans le pays que Mme de Saint-Jullien, ignorant les projets de son mari et le commencement de leur mise à exécution, arriva à l'improviste à Fontaine-Française. Désolée à la vue des ruines du manoir de ses pères, elle refusa de descendre de voiture et retourna à Paris. Il lui fallut, dit-on, de longues années pour s'habituer au nouveau château et elle ne put jamais pardonner ce qu'elle appelait à juste titre le vandalisme de M. de Saint-Jullien. C'était l'habitation de ses pères, elle y était née, et ce vieux donjon, si fier de ses cinq tours, avait abrité trois générations de sa famille.
M. de Saint-Jullien habitait-il Fontaine pendant la reconstruction du château? C'est une question dont je n'ai pas trouvé la solution.
Cependant on voit dans les archives du château que M. de Saint-Jullien a été compris dans le rôle du sel pour 4 minots par an, soit 140 pintes, pour 20 personnes à raison de 7 pintes chacune. Que M. de Saint-Jullien habitàt ou non Fontaine, il n'en avait pas moins un domestique de 20 personnes.
II est également de tradition que lors de la démolition du château on ne prit aucun soin pour conserver les ob¬
jets anciens qui garderaient aujourd'hui le souvenir matériel des temps passés.
Un vieillard d'environ 90 ans, le nommé Chouet, a souvent dit vers 1825, à M. Louis Magnieux (qui me l'a raconté), en lui montrant l'emplacement d'un des anciens fossés (aujourd'hui sous les fenêtres des chambres de M. et de Mme de Chabrillan) : « tiens, mon enfant, quand nous avons démoli le vieux château, on jetait tout ici pêle-mêle, fer, fonte, platines, armes, etc. » Aux prix où sont le fer et la fonte aujourd'hui et la valeur qu'on attache aux antiquités, cela vaudrait bien la peine de fouiller les fossés ou au moins celui désigné par Chouet.
Dieu sait ce qu'en dehors du prix brut de la fonte et du fer on pourrait trouver d'objets de valeur, tels qu'armes, lances, épées, casques, etc. Cependant, d'anciens meubles, d'anciennes tapisseries ont été respectés et se voient aujourd'hui encore dans l'intérieur du château.
Mme de Saint-Jullien ne s'occupait pas beaucoup de l'administration de ses domaines, mais elle prenait un vif intérêt à la littérature et à la philosophie.
Voltaire, qui, dans une lettre la nomme son papillon philosophe, était devenu son ami; il eut avec elle une correspondance très suivie et lui adressa même plusieurs poésies, particulièrement celle qui commence par : Fille de ces dauphins de qui, etc...
Mme de Saint-Jullien était un des esprits les plus fins de son siècle. Son jugement était toujours sûr et à première vue elle prévoyait souvent ce que pourraient devenir certains hommes dans l'avenir. Amie des arts, elle se plaisait à former et à aider les jeunes talents.
On raconte que très assidue à la Comédie Française, don t elle connaissait le répertoire par coeur, elle ne
ménageait pas aux acteurs qui pouvaient l'entendre, parlant de sa baignoire d'avant-scène, les observafions sur leur jeu. C'est ainsi qu'un jour, Talma jouant Hamlet, elle ne put s'empêcher de l'apostropher à haute voix : « Bourreau, » lui cria-t-elle. Le public fut ému, ne siffla pas : M 1" 0 de Saint-Jullien avait parlé et Talma comprit ce qu'il avait à faire.
Plus d'une fois les acteurs lui demandèrent de vouloir bien mettre une sourdine à la manifestation souvent vive de ses impressions ; mais plus d'une fois aussi, ils ont reconnu la justesse de ses avis et en ont profité, comme Talma.
Mme de Saint-Jullien aimait à s'entourer de poètes et d'écrivains distingués, tels que Voltaire, Elzéar, Sabran, Boufflers, Mmes de Staël, Récamier, etc., etc.
C'est au château de Fontaine que Mme de Staël commença Corinne, en 1807, et qu'en 1808 le chevalier de Boufflers écrivit son Libre Arbitre.
Le chevalier de Boufflers, dormant peu la nuit, en profitait pour composer ses oeuvres.
Des personnes dignes de foi m'ont affirmé que Jean Magnieux, frère du régisseur de Mme de Saint-Jullien, aveugle dès l'âge de sept ans, avait la conception si facile et le jugement si sûr et si droit, que M. de Boufflers ne craignait pas de le consulter quand il avait terminé un chapitre de son Libre Arbitre. Souvent il l'appelait au milieu de la nuit. Jean Magnieux écoutait très attentivement la lecture que lui faisait M. de Boufflers et, après réflexion, la tête entre ses mains, disait franchement sa façon de penser, parlant toujours patois, « Çâ bin, çâ celai » (c'est bien, c'est cela), ou Déchirez meu vite çai, çai n'vaô pas un f... »
M. de Boufflers s'est plu à déclarer que Jean Ma¬
gnieux lui avait été fort utile et qu'il lui devait une partie du succès de son livre (1).
Mme de Saint-Jullien passe pour avoir été très populaire à Fontaine. Elle connaissait tous les habitants par leur nom et tutoyait tout le monde. Bien des vieillards m'ont parlé d'elle, du plaisir qu'elle avait à s'entretenir avec eux tous des affaires qui les intéressaient, donnant un conseil à l'un, un soulagement ou une aumône à l'autre. Jusqu'à sa mort, arrivée en 1820 (elle avait quatre-vingt-onze ans), elle ajoui d'une brillante santé, et, malgré son grand âge, elle se tenait droite et était alerte comme une jeune personne.
Peu d'événements remarquables se sont passés depuis 1748, époque du mariage de Mme de Saint-Jullien, jusqu'en 1754. M. de Saint-Jullien n'était occupé que de la reconstruction du château et de l'embellissement des environs. On verra dans la suite quels immenses travaux il a fait exécuter et combien la face du pays a alors dû changer.
La terre de Fontaine était toujours en saisie réelle, mais par sentence delicitation contradictoirement ren due au Châtelet de Paris, le 6 avril 1754, « les terres et seigneuries de Fontaine-Françoise et Chaume et portion de celle de Fontenelle, » ont été adjugées moyennant 600.050 livres au sieur Denis, procureur audit Châtelet, qui, le 10 du même mois d'avril, fait sa déclaration de command au profit de M. de Saint-Jullien, tant en son nom que comme mari et tuteur aux ac-
(1) Jean Magnieux, oncle de M. Louis Magnieux, est mort en 1832, à l'âge de 78 ans. Son frère Claude était régisseur de la terre de Fontaine depuis 1802, mais le père de Mme Magnieux, Claude Vernier, était au service du château comme garde-chasse depuis 1760.
tions immobilières de la Dame Anne-Madeleine-Louise-Charlotte de la Tour-du-Pin, son épouse mineure (au moment de son mariage), avec laquelle il se déclare commun en liens (1). »
Le 8 mai suivant, M. de Saint-Jullien fait foy, hommage et serment de fidélité, à l'occasion de son acquisition de la terre de Fontaine-Française, à Monseigneur Gilbert de Montmorin de Saint-Hérem, évêque, duc de Langres, pair de France, à cause, toujours comme par le passé, du comté de Montsaujeon qui appartenait audit évêque et dont Fontaine était mouvant.
Par la sentence du 6 avril 1754, du Châtelet de Paris, M. de Saint-Jullien avait acheté moitié de la terre et seigneurie de Fontenelle et le 23 juillet 1755, il acheta par acte reçu Poullet, notaire à Dijon, moyennant 8563 livres 10 sols, l'autre moitié de Fontenelle, sur M. J.- B. des Mares, écuyer, qui l'avait acquise, de la maison de Saulx pour 6800 livres, plus une épée damasquinée, un fusil à deux coups et une tabatière de porcelaine de Saxe estimée 300 livres. L'autre moitié, déjà possédée par M. de Saint-Jullien, provenait des sieur et dame Léauté d'Oizilly. L'ensemble de cette terre avait été estimé 20,000 livres.
La même année, en septembre, M. de Saint-Jullien racheta Chaume (17 septembre 1755), et le 15 décembre suivant il fit « au roi foi et hommage et serment de fidélité à Sa Majesté à cause et pour raison du fief de Berthaut et du four banal, dépendant de la seigneurie de Fontaine, située au bailliage de Dijon, mouvant du fief de Sa Majesté à cause de son duché de Bour-
(1) Archives du château.
gogne. Arrêt de la Cour des comptes de Bourgogne et Bresse siégeant à Dijon (1). »
A la même date il donne son dénombrement, avec son épouse, qui est héritière pour un cinquième de Jacques-Philippe de la Tour-du-Pin, son père, « suivant la délivrance par licitation faite à leur profit au Châtelet de Paris, le 6 avril 1754, entre lès héritiers du dit seigneur de la Tour-du-Pin qui était seigneur de la baronnie de Fontaine-Française. »
Le surplus de ladite baronnie, c'est-à-dire le château et le reste du village, relevait toujours de Monseigneur l'Evêque de Langres (2).
Par acte reçu Claudon notaire, le 27 juillet 1754, M. de Saint-Jullien déclare vouloir faire le terrier de sa seigneurie et constitue pour son procureur général et spécial à cet effet, Nicolas Magnieux, bourgeois de Fontaine, qui accepte. Le terrier a été achevé le 30 octobre 1756.
La démolition du vieux castel s'acheva en grande partie, en 1754. L'architecte Souhard, de Paris, présenta les devis et les plans du nouveau château à M. de Saint-Jullien, qui les approuva aussitôt, et dès le commencement de l'année 1755, les sieurs Vallade et Ducellier, auvergnats, venus exprès de leur pays, entreprirent et construisirent les parties en maçonnerie du château moderne.
Vallade n'a pas laissé, que je sache, de postérité dans le pays ; mais Ducellier a eu des enfants et des petits enfants qui se sont établis dans les environs. Le dernier vivait encore il y a quelques années à Montigny
(1) Archives du château.
(2) Archives du département, B. 11038, v. VII, page 759.
et possédait la maison habitée aujourd'hui par le notaire Lehmann.
Les travaux durèrent 5 ans, et M. Souhard, l'architecte, reçut, le 19 janvier 1761, le solde de ce qui lui était dû pour voyages, surveillance et honoraires, montant à la somme de 7500 livres.
D'après les notes que j'ai trouvées dans les archives du château, la nouvelle construction comprenant les maçonneries, la charpente, la couverture, la menuiserie, la serrurerie, etc., etc... aurait coûté 338.000 livres : l'architecte n'aurait donc reçu qu'environ 2 1/2 pour cent.
Les comptes des dépenses tenus par Douëtte, procureur fiscal, et acceptés par M. de Saint-Jullien, portent ainsi qu'il suit les dépenses faites pour la reconstruction du château et dépendances, non compris le petit château.
Dépenses faiyes en 1784 et 1755 ....
51.1161 17s 3d
— de 1755 à 1756 ....
38.894 6 11
— de 1756 à 1757 ....
114.938 10 10
— de 1757 à 1758 ....
50.348 12 11
— de 1758 à 1759 ....
52.908 19 5
— de 1759 à 1761 ....
30.736 18 7
Ensemble
338.9381 5s11d (1)
Pendant toute la durée des travaux que M. de Saint-Jullien a fait exécuter à Fontaine, M. de Valloux était Intendant général de la seigneurie. Les de Valloux ont été seigneurs de Véronnes en partie et d'Orain. La chapelle du château, placée à l'angle nord-ouest
(1) Archives du château. La livre à cette époque valait environ trois francs de notre monnaie actuelle.
de l'ancienne courtine du château fort faisant face au chemin de Chaume, vrai bijou auquel il n'a manqué que l'écrin, a dû exister depuis la construction du vieux donjon. Je la trouve pour la deuxième fois mentionnée sous le vocable de Notre-Dame, dans un titre du 23 février 1450 par lequel « Jehan de Longvy, seigneur de Gevrey (1) et de Fontaine, nomme chapelain de la chapelle Notre-Dame du château Robert Brichet ».
Mais avant 1450, et peut-être depuis sa fondation, la chapelle castrale était sous le vocable de Saint-Sébastien. Dans les archives du château je trouve : 1544-1545, Hugues Jacquinot, chapelain, prétendait être en droit de jouir de la moitié de la dîme sur le finage de Fontaine-Française qu'il disait avoir été donnée par les anciens seigneurs pour dotation de ladite chapelle Saint-Sébastien.
En 1470 elle est encore sous le vocable de N.-D. pour revenir au vocable de Saint-Sébastien en 1544, sous François Chabot. Mais le 12 novembre 1591, M. Simon Labotte, prêtre du diocèse de Langres, est nommé chapelain de la chapelle N.-D. du château.
« En 1613, le 16 février, Catherine de Silly, épouse de Henri Chabot, nomme chapelain de la chapelle Saint-Sébastien du château, Charles Labotte, clerc du diocèse de Langres, en remplacement de Philippe Jacquinot qui se fait « hermitte. »
Je ne connais pas la raison qui a déterminé Catherine de Silly à remettre cette chapelle sous le vocable
(1) Celui qui a donné son nom à la chapelle des Gevrey dans l'église paroissiale où se trouve la pierre tombale de deux frères jumeaux, des Gevrey, qui avaient été inhumés dans le choeur de l'église.
de Saint-Sébastien. Ce changement ne fut pas de longue durée, car dès le 13 septembre 1658, Claude Buvée, prieur curé de Fontaine, fut nommé chapelain de la chapelle Notre-Dame du château par Catherine d'Arnault, épouse de Jacques de Mazel (1). Jean Bichot était le chapelain en exercice, M. d'Arnault le remplaça sans motif. Aussi le 22 juin 1661 Jean Bichot réclamant ses droits, une instance fut commencée et se termina au profit du seigneur, qui nomma, le 13 novembre 1661, Alexandre de Grignoncourt au titre de chapelain, enl688 Simon Minard, puis Etienne Paul de Tourres. Enfin, le 12 août 1754, au moment de la reconstruction du château, M. de Saint-Jullien nomma Messire David Bellet de Tavernot, clerc tonsuré du diocèse de Lyon, chapelain de la chapelle N. D. du château, par suite du décès de Paul de Tourres de Saint-Florent.
Messire Tavernot entra en fonctions le 27 septembre 1754 et y demeura jusqu'en 1772. Le 26 février de cette même année, M. de Saint-Jullien nomma EloiFélix Ardhuin, déjà curé de Fontaine. Il entra en fonctions le 10 mars suivant et mourut en 1781. Son successeur, M. Bellon, le remplaça jusqu'en 1792, au moment où le séquestre et les scellés furent mis sur le château.
Le nouveau château fut entièrement achevé en 1758. Commencé en 1754-1755, il n'a fallu que cinq années pour l'édifier. M. de Saint-Jullien demanda alors à l'évêque de Langres l'autorisation de faire dire la messe dans la nouvelle chapelle du château. La permission est ainsi conçue :
(1) Mais déjà sous François de Larochefoucault, en 1639 la chapelle castrale est indiquée comme étant sous le vocable de Notre-Dame.
« Gilbert de Montmorin de Saint-Herem, par la grâce de Dieu et du Saint-siège apostolique, Evêque duc de Langres, Pair de France, Commandeur de l'ordre du Saint-Esprit,
« Nous permettons à M. et Mme de Saint-Jullien de faire célébrer la messe dans leur chapelle castrale de Fontaine-Française, lorsque l'un d'eux sera présent, par tel prêtre qu'ils jugeront à propos, soit séculier, soit régulier, même d'un diocèse étranger.
« Donné à Langres, sous notre seing et le contreseing de notre secrétaire, le dix du mois d'août mil sept cent cinquante-huit.
« Signé : G., EVÊQUE DE LANGRES.
« Le Secrétaire: PEIGNEY (1). »
En 1736, M. de la Tour-du-Pin, marquis de la Charce, avait déjà demandé et obtenu l'autorisation de faire continuer la célébration de la messe dans sa chapelle castrale, mais l'évêque de Langres, qui était déjà Mgr Gilbert de Montmorin, avait été beaucoup moins large, car
en donnant cette autorisation, le 6 juin 1736, il dit
« ordonnons que la moitié des domestiques ira aux offices de la paroisse ; voulons que la dite chapelle soit interdite, ipso facto, si aucun prêtre régulier ou séculier, autre qu'approuvé de notre diocèse, y célèbre la sainte messe ; défendons qu'on y administre aucun sacrement sans notre permission et qu'on y suspende une cloche pour appeler les fidèles, etc (2).
« G., EVÊQUE DE LANGRES. »
(1)Archives du château.
(2)Archives du château.
La dotation de la chapelle du château était encore de 34 journaux
La messe fut célébrée jusqu'à la révolution dans la chapelle du château, en vertu de l'autorisation du 10 août 1758 ; mais alors les offices cessèrent jusqu'en 1802. Le séquestre et les scellés avaient d'ailleurs été mis sur le château et Mme de Saint-Jullien, veuve depuis 1788, habitait Paris.
Elle revint à Fontaine au commencement de ce siècle, au moment du concordat, et en l'an XII elle fit une demande à l'évêque de Dijon pour être autorisée à faire célébrer de nouveau la messe dans sa chapelle castrale.
Cette demande dut être transmise au gouvernement qui acccorda l'autorisation demandée le 3 frimaire an XII.
L'évêque Reymond de Dijon en informa Mme de Saint-Jullien par lettre du 4e jour complémentaire de l'an XII. Dans cette lettre il est dit : « ....... le Gouvernement accorde l'autorisation de dire la messe dans la chapelle domestique dépendante de la maison que vous habitez dans la commune de Fontaine-Française (1). »
Cette chapelle est encore sous le vocable de N.-D. Ce vocable n'a pas changé depuis 1639.
La communauté de Fontaine-Française, étant toujours endettée (elle n'est pas plus riche maintenant), se trouva obligée de demander à l'Intendant de Bourgogne et Bresse, Joly de Fleury, l'autorisation d'emprunter 2400 livres pour être employées à payer 2118 livres restant des impositions de l'année 1753 et le surplus pour frais de geôle et nourriture des prisonniers (2).
de terre par épie, c'est-à-dire 34 hectares, plus le pré des Mineurs et la charme Robert.
(1) Archives du château.
(2) Archives du château et intendance C. 1250.
Jusqu'en 1873, époque à laquelle la prison civile a été transférée de
L'emprunt fut contracté suivant autorisation du 24juillet 1755 et les dettes furent payées; mais la situation financière ne s'améliora pas et, pendant longtemps encore, on fut obligé de faire de nouveaux emprunts pour exécuter des travaux indispensables. C'est ce qu'on fit en 1759, époque à laquelle on dépensa 1945 livres pour réparer la maison curiale et l'église. Les travaux furent exécutés sur le devis de l'expert (ce qui signifiait architecte) Taisard, par un sieur Champagne, entrepreneur.
La surveillance fut confiée à Etienne Biot et Jean Govin, échevins, et Leblanc, syndic.
En 1760, le conseil, ou chambre commune de Fontaine, était composé de MM. Coisset, Gautheret, Cordelet, Antoine Clerc, Permet, Robinet, Viollet, Fay, Couturier et Gauthier, jurats. Nicolas Magnieux, Laurent Fay, Jean Robelot aîné et Pierre Boutoiset étant procureur, syndics et échevins (1).
Je trouve une déclaration de mai 1760, faite par M. de Saint-Jullien, à l'effet, de passer bail d'une grande partie de ses propriétés. Cette pièce, qui donne les mêmes détails que les reprises de fief antérieures, me paraît comme certaines autres assez intéressante à reproduire. On y trouvera l'énumération des cens et des impôts de toute nature, l'assiette des dîmes et la situation générale par rapport aux droits seigneuriaux qui ont existé, jusqu'en 1789.
la mairie à la gendarmerie, la commune a eu à sa charge le traitement du geôlier, son logement, mais la nourriture des prisonniers était payée sur mémoires parle département, ainsi que cela se pratique encore aujourd'hui.
(1) Archives du département, C. 1251.
Par cette déclaration M. de Saint-Jullien propose d'affermer pour neuf ans.
A Fontaine-Françoise en Bourgogne.
« 152 journaux de terres labourables, non compris la Borde ;
« 116 fauchées de pré ;
« 16 ouvrées de vigne ;
« 900 arpents de bois, la moitié de la forêt ;
« Un grand et beau fourneau à faire fonte de fer, logements, patouillet, cours d'eau, etc. ;
« Les trois étangs et trois carpières ;
« Le grand étang pouvant porter 15 milliers d'empoissonnement par rapport à son étendue et bonté ;
« L'étang dessus pouvant porter 5 à 6 milliers et celui du château de 6 à 7 milliers ;
« Un très beau et bon moulin, à deux tournants, reconstruit à neuf en 1758 ;
« Le four banal où les 250 feux de Fontaine sont sujets, à raison d'une livre de pâte sur 20 qui s'y cuit ;
« Outre ce four banal, le droit de boulangerie, c'est-à-dire aux boulangers le droit de cuire leur pâte et pain, droit qui s'amodie 120 livres par année ;
« La halle où se tiennent les foires (1), dont les droits du seigneur s'amodient 20 livres par année ;
« Le greffe de la justice qui s'amodie 30 livres ;
(1) La halle se trouvait rue du Moustier ou de l'Eglise, à côté du four banal.
« Le cens tant en argent que cire monte à 150 livres environ ;
« Les corvées de charrue au nombre d'environ 60 et 120 de bras ; ces corvées se règlent suivant les maisons que les habitants occupent ;
« Le droit de taille seigneuriale de 60 livres qui se lèvent par les syndics et échevins, savoir : 30 livres le jour du carnaval et 30 livres le jour de la Saint-Remy, à peine de 3 sols et 4 deniers d'amende pour chacun défaut de payement ;
« Toutes les maisons qui sont sujettes aux corvées doivent une poule, la poule au feu, qui se paye 1 livre ;
« Plus est dû 4 autres poules de cens ;
« La dixme en grain qui se perçoit sur les terres et dans les granges, à raison de 12 gerbes l'une, ou de 24 deux, de toutes sortes de grains ce qui est considérable (1), sous réserve des novalles du curé ;
« La dixme du chanvre femelle, une poignée de douze, la dixme du vin qui se perçoit dans les caves lorsque les vins sont faits à raison de 20 muids (2) un, aussi sous réserve des novalles du curé ;
« Tous les vastes bâtiments (connus aujourd'hui sous le nom de la ferme) pour loger le fermier avec la grange dixmeresse ;
« Comme charge le fermier doit une rente de 12 livres pour fondations envers l'église, sur une maison située rue de France, joignant le potager du parc (celle du jardinier) ;
(1)En effet il y avait, à cette époque, environ 3000 journaux dîmables qui pouvaient produire 37,000 gerbes ; à 2 sur 24, la dîme était donc de 3000 gerbes paires, c'est-à-dire blé et avoine.
(2)Le muid contenait 228 litres, comme la pièce actuelle de Bourgogne.
« Une autre rente de 90 livres pour fondation faite à l'église par les anciens seigneurs de Fontaine ;
« Comme réserves le fermier doit chaque année au château, à la pêche, 190 pièces de poissons, soit carpes ou brochets, au choix du seigneur ;
« Plus la paille de 3000 gerbes et 10.000 livres de foin ;
« Le seigneur se réserve les lods et ventes, les saisies, amendes, épaves, droit de chasse, sans que le fermier puisse chasser, ni personne de sa part, sans une permission par écrit du dit seigneur (1). »
Puis venaient la Borde, cent cinquante journaux de terre, cinquante-neuf en pâturages et prés ; la souveraineté de Chaume et les terres de Fontenelle avec tous les droits seigneuriaux, corvées, cens, dîmes, etc., enfin Chazeuil, Mandinet, sans compter Courchamp, Montormentier, Sacquenay et Percey-le-Grand que M. de Saint-Jullien avait rachetés de ses propres deniers et qui ont été vendus au milieu de ce siècle.
De 1758 à 1760, le château étant fini, M. de Saint-Jullien s'occupa alors activement des améliorations qu'il avait projetées pour embellir les alentours de Fontaine. Il fit étudier et tracer les routes et les chemins de Dijon, de Saçquenay, de Lavilleneuve, de Saint-Seine et de Chazeuil, qui devaient tous se diriger en ligne droite sur le dôme du château.
Les parties construites à cette époque furent plantées
(1) Le revenu, sur amodiation faite en 1761, était pour le seigneur de 14410 livres plus 72 poules. Le bail est signé par Mathieu Laglantine, directeur (régisseur) des terres et seigneuries de Fontaine, qui habitait Montigny-sur-Vingeanne. Il signe aussi le bail de la terre de Chazeuil, le 31 août 1765, conclu moyennant 1400 livres par an.
d'arbres distants de dix mètres les uns des autres et laissant aux voies 10, 12 et même 14 mètres de largeur.
Il ne fallut que trois ans pour ouvrir et planter ces belles routes. Celle de Paris même, que tout le monde connaît, était aussi bordée d'arbres et entretenue avec soin.
Tous les environs de Fontaine furent embellis : l'argent n'était pas épargné, M. de Saint-Jullien voulait faire un séjour délicieux de sa terre et il y était parvenu.
Les plaisirs de la chasse ne furent pas négligés, car outre l'aménagement déjà si complet et si réussi des bois par Philibert, arpenteur, en 1756, M. de Saint-Jullien créa et planta douze remises qui entouraient Fontaine-Française, savoir : celles de Bon Blé, de la Borde, des Fourches ou Mineroi, de Taillevent, les deux de la Corvée (arrachées), de la Charme Robert, de la Combe à la Marosse, de la charme Chauffour, des Herbues, du Champ de la Tour, et enfin de Pré Morot (bois dans les marais, arrachés).
Que sont devenus, hélas ! depuis sa mort, et surtout depuis le commencement de ce siècle, ces chemins bordés de trottoirs pour les piétons et les beaux arbres qu'on y avait plantés ? Tout a bien changé.
La population de Fontaine a dû voir avec plaisir tous ces embellissements ; d'ailleurs tous les ouvriers occupés étaient largement payés, ainsi que le démontrent les comptes et les quittances qui se trouvent dans les archives du château.
Au moment où tous ces travaux s'exécutaient, M. de Saint-Jullien crut devoir demander au roi Louis XV la permission de relever les signes patibulaires (les
fourches) tombés en vétusté. On pourrait en conclure qu'il se commettait des crimes. Cependant les prédécesseurs de M. de Saint-Jullien avaient eu bien rarement, nous l'avons vu, occasion d'user de leur droit de haute justice, et malgré quelques procès, sans importance réelle, les habitants de Fontaine, avec leur caractère doux, calme et tranquille, ont prouvé qu'en général ils n'avaient pas besoin d'être maintenus dans l'ordre par l'appareil de la justice.
Peut-être le seul but de M. de Saint-Jullien était-il de ne pas laisser prescrire une prérogative à laquelle il devait attacher un grand prix.
La permission de relever les fourches, dont l'original se trouve aux archives du château, est ainsi conçue :
« Louis, par la grâce de Dieu, roy de France et de Navarre...
« Notre cher et bien-aimé le sieur François David Bollioud, seigneur de Saint-Jullien et Fontaine-Françoise, nous a fait représenter, qu'en qualité de propriétaire de la dite terre et seigneurie de Fontaine-Françoise. .. il a droit de haute, moyenne et basse justice pour raison desquelles il désirerait réparer la négligence de ses prédécesseurs et faire élever des fourches patibulaires et autres signes de justice pour inspirer la crainte et retenir les licences des crimes... A ces causes de notre grâce spéciale, pleine puissance et autorité royale, nous avons au dit sieur Bollioud de Saint-Jullien permis et accordé par ces présentes signées de notre main, permettons et accordons de faire bastir, construire et élever, dans tels lieux de la dite terre, les poteaux, fourches patibulaires et autres signes de justice, que les seigneurs haut-justiciers ont le
droit de faire élever suivant les us et coutumes, etc.
« Donné à Versailles, au mois de mars l'an de grâce 1760 et de notre règne le 46°.
« Signé : Louis.
« Par le Roy, signé : Philippeaux (1). »
Un arrêt du Parlement de Dijon, du 14 mars 1761, enregistre ces lettres dont les frais sont de 18 livres 3 deniers.
Pendant sept ans j'ai fouillé toutes les archives où j'ai pu supposer que se cachaient des documents relatifs à l'histoire de Fontaine, nulle part je n'ai trouvé mention ni relation de l'application par les seigneurs de Fontaine de la peine capitale. Cependant M. Louis Magnieux, ancien intendant du château, m'a dit que son oncle Jean, mort en 1832, lui avait raconté avoir vu, vers l'âge de sept ans, trois criminels pendus aux fourches de Fontaine ; mais c'étaient des étrangers : on les disait d'origine espagnole.
Le grand château étant complètement achevé et habité et les grandes routes en voie d'exécution, M. de Saint-Jullien songea encore à élever des dépendances dignes de ce vaste édifice. Il fit faire, en 1760, par Nicole, architecte de Paris, les plans et devis du petit château qu'il approuva le 11 février 1761.
(1) Ces fourches, composées de quatre piliers en pierre, reliés par quatre pièces de bois, ont été élevées en l'Homme Mort, à gauche de la route de Dijon, sur le monticule, à environ cent mètres en deça de la voie romaine et cent mètres de la route, sur un terrain qui appartenait aux héritiers de M. Dufay, lesquels, suivant la reconnaissance du 14 juillet 1762, reçurent en compensation cinq quartiers de terre proche l'avenue des Noyers (aujourd'hui avenue Honorine).
Les travaux furent commencés en 1762 et entièrement achevés en 1767.
Voici l'avant-toisé de Nicole :
Maçonnerie ordinaire évaluée à.
7.070 l
Pierre de taille
4.271 16s
Charpente
1.915 12
Couverture
3.636
Total . . . .
16.893l 8s
Mais cette estimation a été bien dépassée puisque le décompte de ces travaux s'est élevé à 24.967 livres. En ajoutant à cette somme :
La menuiserie pour
7.500 l
La serrurerie pour
2.000
La plâtrerie, les peintures, etc. pour.
5.000
On arrive à la somme totale de . .
39.667
bien inférieure, à première vue, à celle que coûterait aujourd'hui un pareil édifice. Mais cette dépense, d'après le détail que j'ai vu et les prix payés, a été très forte pour l'époque (1).
Pour pouvoir construire le petit château, M. de Saint-Jullien dut faire, notamment de 1757 à 1761, des acquisitions qui montèrent à 17.644 livres.Les seules maisons qui furent démolies valaient 6.344 livres, le surplus existe encore, longeant la rue de la Tour-du-Pin.
En même temps, on édifiait le nouveau bâtiment du dixme, remplaçant l'ancien qui était au nord du vieux château, du côté de la rue de France et du chemin de l'abreuvoir.
(1) Archives du château.
Il fallait en effet un grand emplacement, de vastes bâtiments pour contenir la dîme qui était devenue d'une grande importance, ainsi qu'on va le voir pour l'année 1761 (1).
D'après le compte de cette année le produit de la dîme a été de :
5.655 gerbes de froment et seigle qui ont rendu 1.421 mesures à 25s =
= 1.176l 5s
600 gerbes de seigle seul — 187 — à 20 =
= 187
4.186 gerbes d'avoine — 1.228 — à 11 =
= 675 8
301 gerbes d'orge — 37 — à 20 =
= 37
10.743 gerbes ensemble dont la valeur a été de ............
2.695 13
Les frais ont été ainsi calculés :
Huit dîmiers qui ont reçu la dîme ....
2431
686l 7s
Transport aux granges
77
Battage, etc
366 7s
Il restait net
2.008 6
En 1762 le produit brut a été de
3.052
Et les frais de
461 16
Le net a donc été de
2.590 4
La dîme étant, en 1761 et 1762, de 24 gerbes deux, il résulte des données ci-dessus que le produit du finage a été de 128.916 gerbes des quatre espèces de céréales dont la valeur était de 42.230 livres.
Pour comparer la récolte de 1761 avec celle de 1881, par exemple, je me sers des notes prises sur les statistiques que j'établis avec soin depuis 40 ans, et j'arrive aux chiffres suivants : produit en gerbes de toutes espèces, 340.000 fr. ; valeur, 290.000 fr., soit 211.084
(1) Archives du château. La mesure à blé de Fontaine était de 17 litres 377 millilitres.
gerbes et 247.770 livres ou francs en plus qu'en 1761.
Il est vrai que, dans les calculs du rendement en 1761, je n'ai pas compris les dîmes du curé et de la chapelle du château, mais c'est là une quantité négligeable et qui n'influe pas d'une manière bien sensible sur les résultats comparatifs que j'ai établis.
Pendant longtemps (les anciens en ont conservé la tradition) on buvait au château, comme vin d'extra, celui qui était fourni par une vigne sise à Courchamp, qu'on appelait et qu'on appelle encore la Marquise. Mais pour ouvrir sa grande route de chasse, M. de Saint-Jullien s'est trouvé dans l'obligation d'obtenir de M. Maillot, seigneur de Courchamp (le dernier seigneur de ce village), la cession d'un coin de bois, estimé 500 livres, touchant la grande forêt de Fontaine, probablement au nord des coupes nos 11 et 12. Le seigneur de Courchamp fit des difficultés et obtint enfin, par acte du 16 février 1764, dressé Claudon Chrétien, notaire royal à Fontaine, en échange de ce coin de bois, « la vigne de la Marquise toute emplantée de pineaux et ce pour continuer la grande route que M. de Saint-Jullien fait fabriquer dans ses bois (1). »
Bien que les privilèges de Fontaine eussent une origine plusieurs fois séculaire, ils furent attaqués au XVIIIe siècle et les habitants durent se défendre.
Ainsi en 1766 il y a procès par les dits habitants contre Messire Jean-Jacques Prevost, adjudicataire des Fermes unies de France, qui leur conteste l'exemption du droit des Traites foraines et domaniales, c'est-à-dire la liberté et franchise de commercer, soit en
(1) Archives du château.
exportant leurs produits, soit en important ceux qui leur sont nécessaires pour leur consommation (1).
Le siège des traites foraines de Dijon, par sentence du 20 juin 1766, a reconnu les droits des habitants, déjà confirmés pour la deuxième fois par Louis XV, en 1716.
Ces droits accordés en 1458, par lettres patentes, comme charge d'état, de Philippe le Bon, troisième duc de la seconde race, contenaient les motifs de la libéralité du prince, à savoir les services rendus au duché par les habitants de Fontaine, et elles portaient, comme le lecteur le sait déjà : « le privilège de n'être sujets à aucunes gabelles, ni impositions sur leurs denrées ; la faculté d'user du sel blanc et monnaies étrangères ; celle de négocier partout, sans payer aucuns subsides ; et l'exemption de tous droits de confiscation, à l'exception de celle encourue pour crime capital. »
Cependant en 1759 le fermier des gabelles, se prévalant de l'édit de 1717 qui supprime les francs-salés, mais qui ne concernait pas le bourg de Fontaine-Françoise, parce que cet édit n'avait l'intention de retrancher que les grâces provenant de la libéralité du roi Louis XIII, le fermier des gabelles, dis-je, n'en fait pas moins défense à son receveur de livrer le sel de franchise aux habitants. Sa lettre leur fut communiquée le 30 septembre 1759, mais leurs droits prévalurent, et, le 8 octobre suivant, le receveur eut de nouveaux ordres. Il écrivit alors à la communauté qu'elle pouvait envoyer prendre son sel de franchise,
(1) Privilèges de 1458, août 1613, 1716, mai 1756.
« attendu », leur dit-il, « que ce sel n'est point compris dans la suppression des franc-salés. »
Le procès de 1766 et la sentence du 20 juin mirent fin à toutes les prétentions du fermier général.
Ces privilèges cessèrent de droit à la révolution de 1789. On sait qu'ils avaient été confirmés et fortifiés en dernier lieu par lettres de surannation, obtenues le 12 mai 1755, enregistrées au Parlement de Dijon le 10 juin suivant.
C'est vers cette époque que la route de Dijon à Gray, décrétée le 22 décembre 1756 par les élus de la Province, est construite, à partir de 1757 jusqu'à 1772, avec tous les ponts qui furent établis sur la Tille, la Bèze et la Vingeanne. C'est la date de l'établissement deceux de Pré Morot et de Saint-Seine (1).
Il est vraisemblable que M. de Saint-Jullien, profitant du décret du 22 décembre, exécuta, en même temps que la province, les travaux de la levée ou chaussée du moulin et de la belle avenue de Bourberain qui a encore 5000 mètres en ligne droite, et qui avait alors 18 mètres de largeur entre les fossés, avec double plantation d'arbres dont quelques-uns existent encore ; l'avenue de Chaume, 7000 mètres en ligne droite, également avec plantation ; la route de Paris, la route de Chazeuil, sont aussi ouvertes. Quant à celle de Lavilleneuve, 3500 mètres, elle a été construite en 1812,
(1) Le nouveau pont de Saint-Seine porte la date de MDCCLXXII sur le parapet aval. Avant cette époque le pont de Saint-Seine se trouvait à côté de la forteresse de Saint-Seine-la-Tour, dont les restes annoncent encore une grandeur et une force peu communes, surtout avant l'invention de la poudre. On sait qu'Henri IV, craignant une surprise, a refusé d'y coucher le soir du combat du 5 juin 1595.
sous la direction de M. Jobard, ingénieur de la marine, ami de Mme de Saint-Jullien.
M. de Saint-Jullien n'oublia pas l'ancienne route romaine. Le 24 octobre 1771, il demanda la permission, qu'il obtint aussitôt, de l'intendant de Champagne, de la faire rétablir et restaurer à ses frais, sur 736 toises 7 pieds de longueur, de la nouvelle route jusqu'aux bois de Bourberain, pour la planter également à ses frais et occuper les pauvres l'hiver suivant.
Dans sa demande, M. de Saint-Jullien dit que la route a 30 pieds de largeur, bien marqués dans les endroits où elle n'a pas été dégradée, comme sur le côté nord où on a tiré des quantités considérables de sable (c'est en L'homme mort et en Chamot) (1).
Les beaux arbres, que la commune a vendus il y a 20 ans, étaient ceux que M. de Saint-Jullien avait fait planter dans l'hiver de 1771 à 1772. On a bien tort de ne pas remplacer cette plantation.
C'est dans ce même moment, le 15 mai 1767, que M. de Saint-Jullien fait sa reprise de fief de Berthault et du four banal, « sis rue d'Aval, tenant de midi à Dominique Fourcaut, de septentrion à Ancemot, de couchant à la rue et de levant à Ancemot, dixmé de une livre de pâle sur vingt. Chauffage aux frais du seigneur dans le bois du Four de 100 arpents et quatre faulx de pré (2). » Le dit bois du Four ne servait pas à autre usage qu'au chauffage du four banal. Il rapportait alors 174 livres par an (3).
Ce four a été supprimé en 1784, par arrangement
(1)Archives du département, E. 292.
(2) Ibid., C. 2742.
(3)Archives du château.
entre M. de Saint-Jullien et les habitants de Fontaine, moyennant 600 livres une fois payées par eux.
Cette même année 1767, M. de Saint-Jullien fit dessiner despromenades sur Bombled (Belon Belé en 1500), bordant l'étang dessus. Il eût agi sagement en faisant reconstruire le château sur cet emplacement, beaucoup mieux situé comme vue et à l'abri de toute indiscrétion des voisins.
Pour ce travail, suivant les pièces que j'ai lues aux archives du château, il a été employé 310 journées et demie d'hommes qui ont été payées à raison de 12 sols l'une ; 61 journées et demie de voitures à 2 livres 10 sols l'une ; 296 journées de femmes et filles payées 7 à 8 sols ; en sus 82 livres pour le transport des arbres depuis Gray, « le tout pour chariage de la terre, régalage du terrain et plaçage d'arbres ».
La dépense totale est de 536 livres 17 sols, que M. Rochet, maître de forges, a été chargé de remettre à Jean Raclot, jardinier, qui en a donné quittance, le 3 mars 1768 (1).
Aux archives du département, j'ai trouvé et je reproduis le dénombrement de Fontenelle du 15 mars 1767, présenté par M. de Saint-Jullien.
« Droit de haute, moyenne et basse justice ;
« Droit d'instituer officiers, juge, procureur, greffier, sergents et gardes;
« Droit d'instituer un maire pour percevoir les amendes ;
« De faire ériger et construire un signe patibulaire dans le finage dudit Fontenelle sous l'autorité de Sa Majesté ;
(1) Archives du château.
« Réunir les habitants pour assister à l'érection ou construction du signe patibulaire, soit aux actes de punition des criminels par mutilation de membres et autres actes à peine de l'amende contre les défaillants.
« Les habitants étant gens de poeste (soumis à un pouvoir, une qualité) ne peuvent s'assembler sans le pouvoir, l'autorité et puissance du seigneur.
« Droit d'égandillage ;
« Four banal, proche la chapelle, entouré de rues de toutes parts. Une livre de pâte pour 20 ;
« Trois corvées de chevaux à la Saint-Etienne ;
« 31 poules et 30 petits pains appelés les servis ;
« Dixmes de 15 gerbes une et un panier de beaux raisins sur 15 (1). »
Vers 1778 la terre de Fontaine avait atteint toute sa splendeur, des changements importants s'étaient opérés de tous côtés en embellissements et en assainissement. Les grands travaux de M. de Saint-Jullien occupèrent une foule d'individus et le bien-être commença à se faire sentir.
Cependant les salaires n'étaient guère élevés, mais il faut dire aussi qu'à cette époque l'argent valait quatre fois ce qu'il vaut aujourd'hui et que les goûts de la ville n'avaient pas encore pénétré dans les campagnes, y apportant le luxe, l'intempérance et les plus mauvaises habitudes.
Le recteur d'école, le maître d'école d'alors, Mongin, recevait pour gage de la communauté 76 livres, savoir : 40 pour gage de l'année et 36 pour remontage de l'horloge (quittance du 2 décembre 1770 (2).
(1)Archives du département, finances, G. 2742.
(2)Archives du château.
Le gage du recteur d'école augmenta vite. En 1784 François Monget, qui occupait ce poste, avait 300 livres par an, y compris 100 livres pour prendre soin du reloge (de l'horloge) et escrire les délibérations de la communaulté (1).
Il était payé par semestre, ne payait ni contributions ni corvées, était logé à la maison rectorale et avait un fouage. En 1787, le gage du recteur est élevé à 324 livres.
Les journées d'hommes se payaient au plus 10 à 12 sols, celles de femmes, 6 à 7, la voiture à un cheval 2 livres, et 2 livres 10 sols pour aller au loin.
En 1770 il y avait encore à Fontaine, maire, échevins et syndic. Nicolas Magnieux était greffier, et un Claudon contrôleur. Les habitants, avec M. de Saint-Jullien, font foy et hommage, le 6 décembre 1770, au Roy Louis XVI, à l'occasion de son heureux avènement au trône et donnent leur dénombrement. Fontaine avait alors 245 feux (2). Un nouveau dénombrement est fait le 23 février 1774, il accuse 250 feux.
Les assemblées de la communauté étant souvent tumultueuses, comme par le passé d'ailleurs, les habitunts, en envoyant leur dénombrement, demandèrent de nouveau « à nommer douze des personnes les plus éclairées pour former une Chambre commune et administrer à cause du bruit, du tumulte et du désordre qui règnent sans cesse dans les assemblées générales. » En suite de l'autorisation accordée, ils nomment ces douze membres le 24 janvier 1776 (3).
(1)Archives du départ. Intendance, C. 1250.
(2)Archives du château.
(3)Archives du départ. Intendance. C. 1250.
Les ponts à péage existaient un peu partout, tels étaient l'ancien de Saint-Seine (1), celui de Lux et celui dont je vais parler.
Au pied de la forteresse de Beaumont-sur-Vingeanne, sur la rive gauche de la rivière, où se trouve la houblonnière de M. l'avocat Perdrix, existait une église sous le vocable de Saint-Martin desservant Beaumont et Loeuilley. Pour arriver de Beaumont à cette église, on passait sur un pont dont on voit encore les fondations.
Les ponts étaient rares sur la Vingeanne et, pour aller de ce côté dans la Franche-Comté, les habitants de Fontaine et des communautés voisines devaient un péage. Ce droit était de 8 sols par livre, impôt exorbitant, au profit du comte de Saulx.
Sur les réclamations des habitants et les démarches de leur syndic Claudon, ce péage a été supprimé en 1772 (2).
Si, d'un côté, les charges communales de Fontaine diminuaient, de l'autre elles augmentaient ; telle était la conséquence des actes de la vente et du rachat des charges municipales.
Ainsi, d'après les tableaux des 11 décembre 1772 et 3 février 1774 (3) pour le recouvrement des sommes dues pour le rachat des charges par les Elus généraux du
(1)Il était au bas de la forteresse de la Tour et a complètement disparu. En cet endroit il existait un gué qui desservait la prairie basse, mais sur les projets de l'auteur de cette histoire, deux ponts viennent d'être construits qui suppriment le gué témoin et cause de nombreux accidents arrivés en temps de crue des eaux.
(2)Archives du département C. 2339.
(3)Dressé suivant l'édit de rachat de décembre 1773. Archives du département et du château.
duché de Bourgogne, on trouve pour Fontaine-Française :
Somme due à la province, 3000 livres.
Somme à payer par an, 760 livres pendant les années 1773, 1774, 1775 et 1776.
Le produit de l'imposition se trouvait être de 3040 livres à répartir sur soixante-quinze imposables, dont il fut déduit cinq malheureux. Les soixante-dix autres ne pouvant payer, les Elus ordonnèrent une imposition spéciale.
La propriété acquérait de la valeur, les terres mieux cultivées produisaient beaucoup plus, aussi le bail des droits et immeubles seigneuriaux qui, en 1732, était de 10,500 livres, s'éleva, suivant acte du 1er décembre 1776, consenti par M. de Saint-Jullien en faveur de Joseph Tornezy, avocat, François Rochet et leurs femmes, à 26,000 livres pour les six premières années et à 27,000 pour les trois dernières ; en outre, 3000 gerbes de paille de froment, 10 milliers de foin et 350 livres de poisson à chaque pêche.
La communauté pouvant disposer de quelques ressources, grâce, dit la chronique, aux libéralités de M. de Saint-Jullien, on répara, en 1776, le beffroi et la couverture du clocher, travaux qui coûtèrent 1076 livres, et en 1777, on reconstruisit la totalité de la voûte de l'église à neuf et à grands frais. L'architecte ou expert est un nommé Montoy. Il est commissionné par l'Intendant de la province sur la demande de la communauté.
Ce même Montoy fait encore, le 24 août 1780, un devis de composition de la charpente « qui a huit fermes à seize pieds de distance, les deux premières en tuiles et les six autres en laves. » Le devis montait à
365 livres 10 sols ; on a dépensé 460 livres. La voûte, suivant le devis, était découverte sur la longueur de deux fers à la quatrième ferme (1).
On avait, de temps immémorial, l'habitude de sonner la grosse cloche pour prévenir les habitants des réunions municipales. Louis Rosat et Fay (2), échevins, ayant refusé de faire sonner la cloche pour les réunions communales, reçurent une sommation de la part des habitants, le 20 février 1776. Ils durent se soumettre et cet ancien usage s'est perpétué jusqu'à la Révolution (3).
Il est difficile aux habitants des campagnes de se plier à des innovations, avantageuses ou non : l'habitude, la routine luttent longtemps contre les améliorations.
En 1777, on partagea pour la première fois, non sans réclamations, cris, menaces, voies de fait, les bois de fouage (affouage) par égales portions entre les feux. Ce mot fouage (de focus, foyer, feu) vient du mot patois foue, foua pour feu, d'où fouage, affouage.
Par droit fort ancien, datant de temps immémorial, on allouait à chaque ménage ou maison une part de futaie au prorata de la surface bâtie ; de sorte que plus on avait de bâtiments, de maisons, plus on avait de bois de charpente (Cet usage existe encore dans plu-
(1) Archives du département. Intendance C. 1250.
(2)La famille Fay, l'une des plus anciennes de Fontaine et celle des Biot ont toujours rempli les fonctions publiques, soit par le choix du seigneur soit par celui de leurs concitoyens.
(3)Archives du département. Intendance, C. 1250. Cet usage existe encore à Dôle et dans d'autres villes de la Franche-Comté où l'on sonne la grosse cloche pendant un quart d'heure avant chaque réunion du conseil municipal.
sieurs localités de la Franche-Comté). Ceux qui ne possédaient pas de maison ou qui n'avaient que des sortes de masures étaient privés de bois de futaie. C'était illégal et on doit remercier les douze membres du conseil municipal d'avoir mis fin à un tel abus. Ils n'y parvinrent pas sans difficultés, mais peu à peu on s'habitua au nouvel usage et les pauvres eurent la même part que les mieux favorisés de la fortune.
Les archives du département renferment une pièce de l'Intendance, C. 1250, où on lit que de 1764 à 1777, dans notre contrée, il y eut « manque de récoltes, disette de grains. »
Il en résulta toutes sortes de calamités : la misère, la maladie, les épidémies, la ruine du pays qui avait contracté de grandes dettes et qui eut toutes les peines du monde à s'acquitter.
Le 22 mai 1780, M. de Saint-Jullien fait foi et hommage à l'évêque de Langres, César Guillaume de la Luzerne, à cause du comté de Montsaujon, pour les terres de Montormentier, Courchamp et mairie de Sacquenay qu'il avait acquises, savoir : Courchamp, le 2 septembre 1774, de Maillot de Courchamp ; Montormentier et Sacquenay, le 2 novembre 1778, de Philibert Delecey (1).
Voltaire, lié comme je l'ai dit, avec Mme de Saint-Jullien, venait souvent à Fontaine où il a composé et fait jouer plusieurs comédies sur le théâtre dont le plan et l'emplacement peuvent encore se voir au châ-
(1) Archives du château. Après la mort de M. de Saint-Jullien, la mairie de Sacquenay, qu'on appelait alors le château, a été acquise par M. Aman Guillaume de Mercey, aïeul par alliance de l'auteur de cette histoire.
teau, ainsi que la loge qu'il occupait ordinairement.
On raconte, dans le pays, que Voltaire eut une liaison avec une certaine F... Je ne sais si ce bruit est fondé ; peut-être certaine ressemblance a-t-elle suffi pour l'accréditer. Quoi qu'il en soit on est convaincu, dans nos pays, que Voltaire a réellement laissé un fils naturel qui aurait eu une certaine position dans la suite.
M. de Saint-Jullien n'a eu qu'un fils de Mlle de la Tour-du-Pin, Jean-Victor-François-Auguste, né le 7 septembre 1749, mort à Paris vers 1782.
On met sa mort sur le compte d'une saignée inopportune qu'avait ordonnée son médecin.
J'ai pu lire, en effet, la note suivante : « M. de Saint-Jullien, fils du fameux receveur général du clergé, est mort à l'âge de trente ans, à Paris, universellement regretté.
« Il a pressenti l'effet d'une saignée qui a précédé sa dernière heure : Assassinez-moi donc puisque vous le voulez, a-t-il dit, en tendant le bras. Le célèbre Bouvard était son médecin (1). »
Par ordre des Elus généraux du 12 novembre 1781, il fut dressé dans toute la Bourgogne un nouvel état général des villes, bourgs et villages.
Voici, en ce qui concerne Fontaine-Française, un extrait de la déclaration du contrôleur qui est faite, par demandes et par réponses, en 1783 (2).
(1) Extrait de la Chronique scandaleuse, ou mémoire pour servir à l'Histoire de la génération présente, 4e édition, tome II. Paris, dans un coin d'où l'on voit tout, 1783, in-8°.
(2)Archives du département, C. 2731.
FONTAINE-FRANÇAISE, CHAUME ET BERTHAUT
Sommier du Fief
Fief : Fontaine et Berthaut réunis, Chaume, la Borde.
Route : De Dijon à Gray.
Rivière : La Vingeanne et grosses sources sortant des étangs.
Seigneur : Bollioud de Saint-Jullien, Marie-François David.
Qualité : Baron du Bourg-Argental en Forey, Receveur général du clergé de France.
Demeure : Paris, rue des Petits-Champs.
Date de Vacle ou titre de sa possession : Sentence du Châtelet de Paris, 6 avril 1754 ; quatre portions à lui, la cinquième appartenant à Anne-Madeleine-Louise-Charlotte-Augustine de la Tour-du-Pin, son épouse, en qualité de fille de M. de la Charce de la Tour-du-Pin.
Nature du titre dudit fief : Seigneurie avec haute, moyenne et basse justice.
De qui il relève : Du duché de Langres pour Fontaine et du Roy pour Berthaut.
De quel bailliage : De Dijon et de la même recette.
Direction des routes et chemins : Is-sur-Tille, n° 22.
Par quelle coutume est-il régi ? De Bourgogne et Bresse.
Si la jurisprudence est royale ou seigneuriale : Elle est
, seigneuriale.
Si elle ressortit au Parlement : Non, mais du bailliage de Dijon, subdélégation d'Is-sur-Tille.
Le nom du cure : Eloy-Félix Arduin.
Le nombre d'habitants : 250 imposables communiants (Il faut entendre 250 feux).
Nombre de notaires en exercice : Deux, Dominique Brouhot et Crétien Claudon.
S'ils sont royaux ou seigneuriaux : Royaux.
Nombre des officiers de justice : Le juge Léon Trouvé, avocat, le Procureur d'office, Pierre Droëlle, le greffier Nicolas Magnieux.
En quels lieux ils font leur résidence : Le juge à Champagne, à une lieue ; le Procureur et le greffier à Fontaine.
Nombre d'huissiers ou sergents : Un huissier et un sergent.
De quelle nature sont les fonds : Terres labourables, prés, chenevières, peu de vignes, bois, étangs, fourneau, moulin, dix-mes, cens, corvées, poules, lods, etc.
Quelle est la valeur du journal de terre, de la fauchée de pré et l'arpent de bois ?
Le tableau suivant répond à la dernière question.
VALEUR
TOTAL DES TROIS
VALEUR
l'un portant l'autre
DÉSIGNATIONS
MESURES
du fond
médiocres.
mauvais
Les terres :
Le journal. .
4
301
201
901
301
Les prés :
La fauchée. .
300
225
150
675
225
Les chenevières :
Le journal . .
320
213
160
693
213 6s8d
Les vignes :
Le journal . .
150
125
100
375
125
Les bois :
L'arpent . . .
60
50
36
146
48 13 4
Telle était la valeur réelle des biens-fonds, en 4783.
Au moment où j'écris cette histoire la valeur moyenne de nos terres peut être portée, savoir : les terres labourables à 400 francs le journal, les prés à 1700 francs la fauchée, les vignes à 2000 francs le journal, les bois à 300 fr. l'arpent.
A Fontaine-Française, comme partout du reste, on accepte difficilement les améliorations agricoles et il faut bien du temps pour mettre en pratique les nouvelles cultures. La routine, je le répète, ralentit la marche du progrès, mais ne l'arrête pas et peu à peu la situation s'améliore.
C'est ainsi que la pomme de terre (solanum tuberosum), cultivée en France depuis cent ans, ne le fut à
Fontaine que vers 1820. Avant, on la considérait comme tellement malsaine qu'on l'avait mise au rang des poisons. Voici son histoire qu'il est bon de rappeler.
Ce tubercule, importé d'Amérique en 1592, par Gaspard Bauhin, d'abord accueilli avec enthousiasme, puis rejeté comme dangereux à la santé, tient aujourd'hui, après le blé, le premier rang dans l'alimentation publique.
Le Parlement de Besançon, dans un arrêt, dit : « Attendu que la pomme de terre est une substance pernicieuse et que son usage peut donner la lèpre, défense est faite de la cultiver sous peine d'une amende arbitraire. »
Il a fallu l'intervention de Louis XVI lui-même pour la réhabiliter.
On sait comment Parmentier, en 1783, arriva à la propager. Il en planta dans un grand champ, puis au moment de la maturité, il obtint de faire garder la récolte par des soldats qui avaient ordre de fermer les yeux et de laisser enlever les pommes de terre par tous ceux qu'attirait l'appareil de la force armée destinée à surveiller un pareil trésor.
Le stratagème eut un plein succès et en peu de temps tout disparut au grand bénéfice de la propagation de cet utile aliment.
J'ai trouvé au château, à la date du 7 mai 1786, le dernier état qui ait été dressé des cens et corvées dus au seigneur par les habitants de Fontaine.
Cet état s'élevait à 169 livres 1 sol 3 deniers pour la valeur des cens, 47 poules et 8 poulets, plus environ 50 livres de cire et 147 corvées ; il portait sur 139 censives (personnes devant le cens) bien dénommées avec ce que chacune devait personnellement.
Les usages à cette époque étaient les suivants :
« Les poules sont payables au jour de Carnaval, à peine de trois sols d'amende, la plus grande partie sont estimées dix sols ; ceux qui en doivent peuvent payer argent à leur choix.
« La cire doit se payer à la Saint-Martin, aussi à peine de trois sols d'amende ; si ceux qui en doivent ne la paient pas en cire on peut exiger vingt sols pour chaque livre.
« Les corvées doivent être faites, savoir : si la maison est occupée par un laboureur aïant sa charrue entière trois corvées de charrues, aussi entières ; s'il n'a qu'une demie charrue trois demie corvées ; aux saisons de carême, sombre et vahin, et si c'est par un manouvrier ou artisan trois corvées de bras aux vignes et prés.
« Le seigneur est tenu de faire commander les corvées la veille du jour qu'il désire qu'elles soient faites et de nourir les personnes et chevaux, c'est-à-dire donner à déjeuné, diné et goûté aux personnes conduisant les chevaux ; les faire paître au foin et l'avoyne entre les deux éployées et fournir aux manouvriers la nourriture nécessaire même à soupé.
« Et faute de satisfaire aux dites corvées les refusans encourent une amende de trois sols par chaque fois qu'ils sont en retard (1). »
(1) Archives du château.
CHAPITRE XVIII
MADAME DE SAINT-JULLIEN, NÉE LA TOUR-DU-PIN,
DE 1788 A 1820.
M. de Saint-Jullien mourut le 8 septembre 1788 à Paris, et fut inhumé au Père-Lachaise dans le tombeau de sa famille, laissant la terre de Fontaine à sa veuve. Mais elle n'était pas seule héritière. D'ailleurs les biens de M. de Saint-Jullien comprenaient des tonds et d'autres propriétés.
Quelques contestations survinrent, qui durèrent plusieurs années. Enfin par transaction du 27 avril 1791, entre Mme de Saint-Jullien et les six héritiers collatéraux de M. de Saint-Jullien, il fut convenu que la veuve resterait propriétaire de toute la seigneurie de Fontaine-Française, Chaume, et les dépendances de Bourberain, Chazeuil, Courchamp, Sacquenay et Fontenelle acquis par M. de Saint-Jullien de ses propres deniers, à charge, par la succession future de Mme de Saint-Jullien, de payer une somme de 400.000 livres aux héritiers de M. de Saint-Jullien (1).
(1) Archives du château.
La révolution de 1789 est arrivée. Elle n'opère pas de grands changements à Fontaine. L'état civil est tenu par la municipalité, et le 13 novembre 1790, le tableau des citoyens actifs de la municipalité de Fontaine-Française est dressé par Louis Rosat, maire, Charles Guienet, Jacques Estienne, Sulpice Couturier, François Chardenet et Jean Roche, officiers municipaux et Simon Baize, procureur de la commune.
La liste portait : 1010 individus ou habitants (1), dont 964 au centre communal et 46 bûcherons à demi-lieue. Il y a 49 veuves.
Ces 1010 individus comprenaient 135 citoyens éligibles et 15 non éligibles mais votants, soit en tout 150 votants.
Il y avait alors deux notaires royaux : Eloi-Félix Claudon et Nicolas-Jacques Rosat.
En 1792, il y a 182 électeurs plus 32 garçons composant la garde nationale (2).
Le 25 août 1793 nouveau dénombrement accusant :
Citoyens votants . .
228
Ensemble : 925 individus.
— non votants.
656
Veuves
41 ]
plus 32 citoyens qui combattent pour la défense de la patrie dans les armées de la république.
En 1792, lorsque le tocsin annonça à Fontaine-Française que la patrie était en danger, une levée forcée
(1)En 1810 il y a 1038 habitants ; en 1822, 1125 ; en 1826, 1178 ; en 1831, 1073 ; en 1836, 1223 ; en 4816, 1183 ; en 1856, 1083 ; en 1866, 1800 ; en 1876, 977 ; en 1882, 1005 ; aujourd'hui 1003,
(2)Archives du département, F. 1.
26
fut faite de 70 habitants tant hommes mariés que célibataires.
En 1793 il n'y avait plus que trente-deux citoyens sous les drapeaux. On peut en conclure que la moitié environ de la levée de 1792 était morte au champ d'honneur.
La municipalité était composée de Estienne, maire, Tournier, Morel et Bollot, officiers municipaux.
Chaume avait 147 habitants dont 47 votants ;
Fontenelle en avait 325 au pays et 25 volontaires ;
Sacquenay en avait 680 au pays et 38 volontaires ;
Saint-Seine en avait 796 dont 196 votants (1).
Les dénombrements devaient, ainsi que nos statistiques l'indiquent actuellement, porter le nombre des animaux domestiques.
Ainsi en 1793 il y avait à Fontaine 20 boeufs, 200 vaches, 100 génisses et veaux, 95 chevaux de roulage, 60 chèvres et boucs et 120 cochons (2).
Voulant détruire tout ce qui pouvait rappeler l'ancien régime, l'an II de la République, le Conseil général assemblé (aujourd'hui Conseil municipal) de Fontaine décide que tout signe ayant trait à la féodalité doit disparaître, que par conséquent seront effacées : les inscriptions des bornes marquant, sur le territoire, les limites des parties sujettes à la dîme ; celles en latin de la Table Ronde, et des pierres de taille placées aux baraques et derrière la sacristie.
Les bornes ont disparu, l'inscription de la table ronde a été modifiée, celle de la sacristie n'existe plus ; seule celle des baraques laisse encore des traces qu'il est
(1)Archives du département, F. 1, n° 2.
(2) Ibid, F. 1, n° 4.
impossible de lire : maison y trouve encore cette date : 1773.
En 1792 Mme de Saint-Jullien a été comprise dans la liste des émigrés de la Côte-d'Or. Elle n'avait cependant pas quitté la France, peut-être même pas le château de Fontaine, ce qu'on pourrait conclure de plusieurs actes signés par elle chez le notaire de la localité. Elle réclama contre cette inscription, et le Comité de législation, par acte du 14 frimaire an III, la raya définitivement.
Elle n'en a pas moins, lors d'un voyage à Paris, été détenue dans la prison de Picpus, et le Comité de la sûreté générale, par décision du 2 vendémiaire an III de la République Une et Indivisible, arrête : « que la citoyenne veuve Bollioud Saint-Jullien, détenue à Picpus, sera sur-le-champ mise en liberté et les scellés apposés sur ses effets seront levés au vu du présent (1). »
Les scellés avaient aussi été apposés au château en 1792, mais ils furent bientôt levés.
Le procès-verbal de l'inventaire fait par Jean-François Herbert, de Fontaine, commissaire délégué du directoire d'Is-sur-Tille, est du 22 pluviôse an II de la République. Il est clos le 16 ventôse suivant et il contient, en 568 articles, l'inventaire et l'estimation de tous les meubles, du linge, des ustensiles, etc., qui se trouvaient alors dans la maison de la veuve Bollioud.
Les citoyens Morel et Rozat, officiers municipaux, et le concitoyen Jacques Estienne, ce dernier nommé gardien des scellés, accompagnaient le commissaire Herbert.
(1) Archives du château.
Cette pièce est très curieuse par le détail qu'elle donne de tout le mobilier et de la place que chaque chose occupait.
Il y a des appréciations très bizarres eu égard à la valeur réelle ou conventionnelle des meubles inventoriés : ainsi le grand lit de la chambre rouge (chambre royale, l'ancienne à hautes tapisseries) est estimé 600 livres, les cinq panneaux de tapisserie actuellement suspendus dans la grande salle des gardes sont estimés 60 livres et le reste à l'avenant.
L'estimation totale du mobilier monte à 24,654 livres.
La levée des scellés a été faite le 1er ventôse an III, par André Dumay, juge au tribunal du directoire d'Issur-Tille, commis par arrêt de ce même directoire du 12 nivôse de la même année, assisté des citoyens Claude Poncet et Aubin Bureau, officiers municipaux, le gardien Estienne et Félix Claudon, notaire, ce dernier fondé de pouvoir de la citoyenne Bollioud (1).
Pendant plusieurs années, tous ses biens étant sous séquestre, Mme de Saint-Jullien ne touchait pas de revenus. Elle adressa réclamation sur réclamation portant à 158,064 livres 3 sols 4 deniers et demi le montant des arrérages qui lui étaient dus, savoir :
Sur Fontaine
122,4281 6s 1d 1/2
Sur Fontenelle
22,505 7 9 1/2
Et sur Chaume
13,132 9 5 1/2 (2)
Par jugement du 27 juillet 1792 (an III), le district d'Is-sur-Tille ordonna une enquête. Les choses traînèrent en longueur et une transaction, dont les bases
(1 et 2) Archives du château.
précises me sont inconnues, termina cette affaire.
Malgré tous ses efforts, le gouvernement se vit contraint en l'an IV d'établir un emprunt forcé.
Le rôle de cet emprunt porte, pour le canton de Fontaine-Française, 24,631 livres 15 sols.
On peut, d'après le rôle de cette imposition, établir la valeur du papier-monnaie en l'an IV.
Assignats ....
1.755.4261 15s valant en argent
17.5541 5s4d1/2
Mandats .....
3.675 —
2.057 8 9
Espèces .....
1.381 13 5d —
1.381 13 5
Effets nominaux.
3.138 7 6 —
3 138 7 6
Totaux. . .
1.763.621 15 11 —
24.131 15
Il y a pour décharge ............
500
Montant réel du rôle ....
24.631 15 (1).
Suivant une note du collecteur Epry, la communauté de Fontaine a été imposée pour l'emprunt forcé, en 1793 et 1794, à la somme de 17415 livres 4 sols 1 denier, compris un supplément de 84 livres 5 sols 10 deniers.
Cette somme a été payée, en sept fois, les ans III et IV de la république.
La perception de l'impôt se mettait annuellement en adjudication et c'était celui qui demandait le moins par livre qui était percepteur ou collecteur.
Ainsi, en l'an IV, la perception est adjugée à Biot moyennant 12 deniers ou 1 sol par livre.
En l'an VIII, à Varney Nicolas, limonadier, moyennant un centime par franc.
En l'an IX, 22 prairial, à Meurice François, moyennant aussi un centime par franc.
(1) Archives du département, G. 11, n° 1.
En l'an XI, 21 messidor, à Varney Nicolas, moyennant deux centimes par franc (1).
Plus tard, l'impôt a été perçu comme il l'est encore aujourd'hui, directement par le receveur et les percepteurs.
Le cours de l'argent était coté à la Bourse de Paris et suivait naturellement les événements.
Le 19 pluviôse an IV (1793), le prix moyen du louis d'or était de 6450 francs et celui du franc métallique de 268 livres, le tout en assignats.
Avec le temps, les esprits finirent par se calmer, Fontaine n'eut pas beaucoup à souffrir de tous les événements de la fin du XVIIIe siècle : l'esprit bon et tranquille, comme toujours, les moeurs douces des habitants empêchèrent tout désordre et la population put, sans trop de misère, supporter cette période et attendre patiemment des jours meilleurs.
Les fêtes nationales ordonnées dans toute la France par le ministre de l'intérieur se célébrèrent ici comme partout ailleurs. Le port de la cocarde tricolore fut imposé, suivant arrêté du 5 nivôse an VI, par l'administration municipale, M. Louis Rosat étant maire. Cet arrêté portait « invitation du port de la cocarde aux citoyens qui doivent se réunir pour les affaires de la communauté ou pour aller dans n'importe quelle séance, quelle assemblée (2). »
La taxe du blé et du pain avait été discutée et elle était devenue obligatoire.
En l'an IV, la livre de bled était taxée 3 fr.50 en man-
(1)Archives du département, G. 11, n° 3.
(2) Ibid., I, nos 1 et 3.
dats. En l'an V et l'an VI les taxes étaient les suivantes :
An V le quintal de blé . . .
10l »
et en l'an VI, 7l 10
— de conceau . .
6 10
— 5 10
— de seigle . .
6 10
— 5 »
— d'orge . . .
6 10
— 5 »
— d'avoine. . .
5 »
— 5 »
— de turquis . .
6 10
— 7 »
— de haricots . .
7 »
— 7 »
— de lentilles . .
6 10
— 6 »
— de foin . . .
3 »
— 2 »
— de paille. . .
1 10
— 0 13
Le quintal était de 100 livres ou 50 kilogrammes.
Le 5 prairial, an V,
Le pain blanc était taxé à . . .
0f20 la livre
Le pain bis blanc (entre bis et blanc)
0 10 »
Le boeuf
0 25 »
Le veau et le mouton
0 25 »
La meme annee, le 25 thermidor,
Le pain blanc était taxé à . . .
0 12 »
Le pain entre bis et blanc . . .
0 075 »
On a taxé au quintal jusqu'en l'an X (1).
A partir de l'an XI (1800 à 1801) la taxe porta sur le double-décalitre :
Froment. .
4f50
Turquis . .
4f50
Conceau. .
3 »
Haricots . .
450
(1) A cette époque nous trouvons M. Bureau, maire, Claudon EloiFélix, notaire, Claudon Jean-Baptiste, juge de pais, Claudon Joseph, contrôleur ou receveur des domaines et Claudon Augustin, pharmacien. droguiste, tous les quatre frères ou cousins germains.
Seigle . .
250
Lentilles.
4 »
Avoine . .
1 »
Paille. .
180 les 1001.
Orge . . .
160
Foin . .
4 » id.
Je ne donnerai pas d'autres tableaux de taxation, les prix depuis 1802 ayant naturellement varié suivant l'abondance ou le manque de récoltes.
J'ai fini le travail que je m'étais imposé, j'ai relaté tous les faits intéressant Fontaine, que j'ai pu recueillir ; j'aurai ainsi contribué, pour ma faible part, à sauver de l'oubli bien des détails qui ne sont pas sans intérêt pour nous. Il ne me reste qu'à parler de l'église et du château et cependant, avant d'aborder ce complément de l'histoire de Fontaine-Française, je ne puis résister au désir de consacrer quelques pages au souvenir de Mme la marquise de la Tour-du-Pin, qui fut, pendant bien des années, la providence du pauvre, le soutien de l'orphelin, la consolation des affligés, l'amie
de tous C'est un témoignage de reconnaissance que
je lui dois personnellement et que d'ailleurs tous ceux qui l'ont connue me reprocheraient de ne pas exprimer en leur nom.
CHAPITRE XIX
MADAME LA MARQUISE DE LA TOUR-DU-PIN, NÉE PRINCESSE HONORINE DE MONACO, DE 1855 A 1879
Mme Honorine-Camille-Athénaïs Grimaldi, princesse de Monaco, était fille du prince Jérôme-Joseph de Monaco, frère du prince régnant, et de Françoise Thérèse de Choiseul-Stainville, famille illustre puisque l'aïeule de Mme de la Tour-du-Pin était mariée à un prince de Condé. Du côté maternel elle était petite nièce du duc de Choiseul, le fameux ministre de Louis XV. Née à Paris en 1784, elle passa les premières années de sa vie au milieu des plus terribles épreuves. La mort de sa mère sur l'échafaud, en 1794, dans des circonstances toutes particulières (1), la privation de la vie de famille
(1) La princesse de Monaco (Choiseul-Stainville), mère de Mme de la Tour-du-Pin, le jour et quelques heures même avant la chute de Robespierre (1794) s'était faussement déclarée enceinte dans l'espérance de prolonger ses jours pour voir encore ses enfants mais,
craignant qu'on appelât à sa place quelque autre personne pour compléter le nombre des victimes, elle se hâte d'écrire à Fouquier-Tinville : « Monsieur, si j'ai sali ma bouche par un mensonge, ce n'est point l'espoir de prolonger ma vie, mais seulement pour avoir le temps de
causée forcément par l'émigration de son père, attristèrent profondément sa jeunesse. Mais avec sa foi et forte de la devise de sa maison : « Deo juvante, Dieu aidant », elle a su se créer une vie de charité et d'amour du prochain qui a largement compensé l'absence des joies terrestres qu'elle était en droit d'attendre de sa haute naissance. Mariée en 1804 à Louis-René-Victor, marquis de la Tour-du-Pin, petit neveu de Mme de Saint-Jullien qui lui laissa sa terre de Fontaine, elle adopta la devise de sa nouvelle famille : « Deo juvante, Dieu aidant, courage et loyauté ! »
Mme de la Tour-du-Pin, douée des plus rares qualités d'esprit et de coeur, eut toute sa vie une confiance illimitée en Dieu et en sa divine providence ; elle supporta avec un héroïque courage tous les malheurs qui fondirent sur elle et la loyauté était le propre de toutes ses actions.
M. l'abbé Carra, enfant du pays, a prononcé, le 14 mai 1879, avec le talent que tous ses compatriotes lui connaissent, l'oraison funèbre de Mme de la Tour-du-Pin.
Tour-du-Pin.
Il a dépeint sa belle vie, hélas semée de bien des douleurs, avec une vérité, une précision telle, qu'il
couper mes cheveux, seul legs que je puisse laisser à mes enfants, ne voulant pas qu'ils fussent souillés par le bourreau. »
Elle brisa une vitre et s'en servit pour couper son admirable chevelure blonde, sa plus belle parure.
Ces cheveux sont parvenus à ses enfants et MM. de Chabrillan, ses arrière petits-fils, en possèdent chacun une partie.
Voir, pour tous les détails qui ont précédé la mort de cette princesse, tes Femmes célèbres de la Révolution, par Noisy, 1865 et le journal l'Autorité du 11 février 1892.
ne me reste qu'à conseiller au lecteur de se reporter à cette oraison funèbre qui devrait être entre les mains de tous les habitants de Fontaine et tenir une des premières places dans leurs bibliothèques.
« Après avoir perdu successivement tous les siens : son mari en 1832, son fils (le colonel Aynard mort des suites d'une glorieuse blessure reçue devant Sébastopol en 1855), sa soeur (la marquise de Louvois), le 11 septembre 1860, son gendre (le comte Jules de Chabrillan), le 13 février 1863, sa fille, le 7 avril 1865, enfin ses plus anciens et plus chers amis, Mme la marquise de la Tour-du-Pin, frappée dans ses affections les plus vives, et néanmoins pleine de courage et de grandeur d'âme, se consacre tout entière aux bonnes oeuvres, employant sa fortune au soulagement des pauvres, et son influence, qui était considérable, au service de tous ceux qui recouraient à elle. On ne s'arrêtera pas ici à énumérer ses oeuvres de charité, qui feront le principal sujet et le plus bel ornement de son oraison funèbre (1). »
Mme de la Tour-du-Pin termina sa longue et sainte carrière, à Paris, le 8 mai 1879 ; elle était dans sa 96° année.
Au moment des funérailles de Mme de la Tour-du-Pin, j'ai adressé au journal la Côte-d'Or un article inséré le 19 mai 1879; je demande la permission de le reproduire en partie.
« Depuis les premiers jours de ce mois (mai 1879), la commune de Fontaine-Française était dans l'inquiétude, dans l'anxiété...
(1) Préliminaires de l'oraison funèbre, de M. Carra, page 7, 1879.
« On avait appris que Mme la marquise de la Tour-du-Pin, propriétaire de la terre de Fontaine, était sérieusement malade à Paris et qu'elle avait reçu les derniers sacrements.
« Le mal a fait de rapides progrès ; et le 8 mai, à 8 heures du soir, après avoir éprouvé de cruelles souffrances, Mme de la Tour-du-Pin, âgée de 95 ans et 16 jours, rendait sa belle âme à Dieu, entourée de ses petits enfants, de ses parents, de ses amis et de toute sa maison.
« Mme de la Tour-du-Pin m'avait dit, à plusieurs fois, IIIe montrant au cimetière la place à gauche du tombeau de sa famille : Voilà où je veux être enterrée, dans un caveau que vous me ferez faire, à côté de mon fils, de ma fille et près de ma soeur.
« Ses désirs ont été accomplis.
« Une cérémonie religieuse a eu lieu à Paris dans sa paroisse, Saint-Philippe-du-Roule, mardi dernier. Les parents, les amis y étaient nombreux, et parmi les notabilités on remarquait M. le duc de Chartres, M. de Mac-Mahon, l'ancien président, M. le marquis de Bouillé, ancien ambassadeur en Espagne, etc., etc.
« Le corps de celle, qu'à bien juste titre, nous pleurons, a été ramené, après cette cérémonie, à Fontaine-Française où il est arrivé mercredi, à cinq heures du matin.
« Une chapelle ardente avait été préparée dans la grande salle des gardes du château ; une draperie noire aux franges d'argent et aux écussons des la Tour-du-Pin et des Monaco était tendue à la porte principale du château. L'église aussi était toute tendue en noir avec les mêmes écussons.
« Toute la population de Fontaine a voulu, avant la
cérémonie religieuse, qui a eu lieu à dix heures et demie, aller encore visiter sa bienfaitrice, lui faire ses adieux, prier pour elle et jeter l'eau bénite...
« De deux en deux heures, tous les jours depuis le décès, le glas funèbre était sonné. Dans la commune de Chaume, dont la famille de la Tour-du-Pin était souveraine, et à Courchamp où ses largesses ont aidé à restaurer l'église et le presbytère, les cloches aussi ont annoncé aux habitants la fin de celle qui les avait tant aidés par sa haute et puissante protection et par sa générosité.
« A dix heures et demie précises (1) M. le curé doyen, accompagné de seize prêtres, a fait la levée du corps et le cortège s'est immédiatement mis en marche pour l'église. Un maître de cérémonie, venu de Paris, présidait à l'ordre et à la bonne tenue.
« Le deuil était conduit par les deux petits-fils de la défunte, MM. Fortuné de Chabrillan, allié à la noble famille des Croy et Robert de Chabrillan, lieutenant-colonel au 12e chasseurs, par M. le marquis Humbert de la Tour-du-Pin, M. le marquis Grimaldi des Baux, M. le marquis de Saint-Seine, M. l'abbé Carra, ses régisseurs et les amis les plus intimes.
« Les coins du poêle étaient tenus par Mmes Gascon, Compagnot, Emarot et Ferrey.
« Immédiatement après le cercueil porté par huit hommes, tous les serviteurs de la maison portant des couronnes et des fleurs, les gardes sur les côtés, puis venait le deuil et une foule immense, au moins huit cents personnes, tant de Fontaine que des villages voisins.
(1) 14 mai 1879.
Aussi l'église a-t-elle été insuffisante pour contenir cette foule empressée, qui nous a édifiés par son calme, son recueillement et la douleur peinte sur tous les visages.
« Avant l'absoute M. l'abbé Carra, aumônier du lycée de Dijon, enfant de Fontaine-Française, a prononcé l'éloge funèbre de la défunte, Mme la princesse Honorine-Camille-Athénaïs de Grimaldi de Monaco, marquise de la Tour-du-Pin de Gouvernet de la Charce.
« M. l'abbé Carra, avec le talent qu'on lui connaît, malgré l'émotion qu'il éprouvait, les pleurs même qu'il versait, a retracé en termes pleins de justesse, avec des détails intimes des plus intéressants, les qualités, les vertus, la charité, la grandeur d'âme de Mme de la Tour-du-Pin. Il l'a fait en paroles si touchantes, il a rappelé, avec tant d'émotion, cette bonté, ces vertus, les charmes de celle que nous regretterons à jamais, que les assistants ont versé d'abondantes larmes.
« Ah ! ces larmes exprimaient bien le chagrin, la douleur de tous, car la perte que nous faisons est immense, irréparable... Pas un pauvre qui ne reçut, connu ou non, une large aumône; pas une famille qui ne profita des démarches, de la protection ou de l'inépuisable charité de ce noble coeur.
« Jamais Mme do la Tour-du-Pin n'a refusé son appui : son coeur, comme sa maison, était toujours ouvert à tous et sa joie était grande quand, doutant de sa puissance, elle avait pu être utile à quelqu'un, soulager une infortune, protéger celui-ci, élever celui-là...
« Elle faisait la charité pour l'amour de Dieu et de son prochain ! Jamais sa main gauche n'a su ce que donnait sa main droite
« Mais je m'arrête, une voix plus autorisée, une plume plus savante rediront cette vie si bien remplie, si pleine de bienfaits. Aussi suis-je ici l'interprète de tout le pays, de tous ceux qui ont connu Mme la marquise, en priant M. l'abbé Carra d'écrire l'oraison funèbre qu'il a prononcée et de la publier.
« Il aura, lui aussi, la joie de laisser à tous ceux qui ont aimé, qui ont vénéré la noble marquise, une notice de sa belle vie, une histoire vraie de celle qui a consacré toute son existence à faire le bien.
« C'est un des plus beaux exemples à donner à la génération du XIXe siècle.
« Hélas ! le moment de se séparer de celle que nous pleurerons longtemps encore est arrivé, le caveau, préparé par ses ordres, se fermait à midi et demi, après avoir reçu sa dépouille couverte de fleurs, de couronnes, des larmes et des bénédictions de tous. »
Mme de la Tour-du-Pin donnait beaucoup : il ne me convient pas de chercher à lever le voile dont elle couvrait ses charités. Il me sera permis cependant de parler des bienfaits publics dont profite notre bourg.
C'est d'abord à Mme de la Tour-du-Pin que l'on doit la maison d'école des filles qu'elle a fait construire en 1857 et qui a coûté 23.000 francs.
Puis la salle d'asile bâtie en 1858 et qui a coûté 7000 francs.
Enfin, pour dédommager le curé d'une partie de son jardin, cédé pour la construction de la maison d'école des filles, elle acquit de ses deniers une vigne dont désormais le curé aura la jouissance.
Mme de la Tour-du-Pin a doté le bureau de bienfaisance d'une rente annuelle et perpétuelle de 600 fr. ; une autre rente de 1600 francs, laissée à la Fabrique,
est destinée aux frais et au service des secours à domicile pour les indigents qui reçoivent gratuitement les soins médicaux et les médicaments.
Beaucoup de riches ornements, bien des meubles de l'église sont dus à la libéralité de Mme de la Tour-du-Pin.
Son dernier don est le beau chemin de croix qui orne aujourd'hui les murs si nus de l'église.
A l'occasion d'alignements, Mme de la Tour-du-Pin a toujours cédé gracieusement et gratuitement à la commune les terrains nécessaires à l'élargissement des voies publiques et à l'amélioration des dessertes agricoles.
Tous ces bienfaits perpétueront à jamais son souvenir, et de tous côtés j'entends exprimer l'espoir que ses descendants se feront une gloire de suivre les bons exemples qu'elle leur a donnés.
Le marquis Louis-Gabriel Aynard, fils de Mme la Marquise de la Tour-du-Pin, a laissé aussi parmi nous des souvenirs qui ne s'effaceront pas. Digne fils de sa mère, il avait reçu d'elle tous les dons, les vertus et les qualités. Je n'entrerai dans aucun détail sur sa vie si bien remplie, elle a été écrite par plusieurs de ceux qui l'avaient connu et apprécié, et le récit de ses derniers moments et de ses obsèques a été rédigé par le comte Jules de Chabrillan, son beau-frère. Je possède une copie de ce récit dans ma bibliothèque.
On me permettra encore, je l'espère, de reproduire les deux articles suivants que j'avais envoyés au journal la Côte-d'Or, et qui ont été insérés dans son numéro du 22 novembre 1855. Ils rappellent, en quelques mots, ce qu'a été le marquis de la Tour-du-Pin et peignent à grands traits sa vie si pleine de gloire et de vertu.
« Samedi dernier 17 novembre, ont eu lieu, sans pompe, les funérailles de M. le marquis de la Tour-du-Pin, mort le 11, à Marseille. Il y était arrivé depuis quelques jours seulement, couvert de la gloire qu'il avait acquise depuis deux ans en Crimée, où il servait la France, comme volontaire, avec le grade de colonel d'état-major.
« M. de la Tour-du-Pin a été enterré au cimetière de Fontaine-Française au milieu d'un nombreux concours de parents et d'amis. Il avait dit avant sa mort : je veux être enterré à Fontaine au milieu de mes amis... Nous avons voulu une dernière fois honorer celui qui fut toujours un père pour nous et qui versa si généreusement son sang pour la défense de la justice, du droit et de la religion. Son tombeau sera modeste, mais il sera souvent visité par ses concitoyens ; souvent ils iront y pleurer la mort prématurée de l'héroïque capitaine qui n'avait cessé de leur donner pendant sa vie des preuves de son courage, de son désintéressement et de son amitié... »
« On nous écrit encore de Fontaine-Française :
« Il est des noms dans notre belle patrie qui perpétuent les grandes traditions de la valeur et du dévouement : des coeurs qui sont animés de cet amour bienveillant de l'humanité qui ne fait aucune acception de rang, qui n'admet aucune distinction d'origine. Tel était, dans nos contrées, M. Louis-Gabriel Aynard, marquis de la Tour-du-Pin de Gouvernet de la Charce, colonel d'état-major, commandeur de l'ordre impérial de la Légion d'honneur et commandeur de l'ordre royal de Dannebrog de Danemark qui vient de descendre dans la tombe.
« Je ne vous dirai pas comment, pendant vingt ans,
il a combattu en Afrique au milieu de nos braves légions ; comment le Danemark, dans sa dernière guerre, le compta parmi ses plus dignes défenseurs ; comment il a, au bruit du canon, sur les rives du Bosphore, sollicité comme une faveur de reprendre du service (1), et comment enfin il a succombé sous le poids de son intrépide dévouement à l'âge de 49 ans (2).
« Mais ce que je puis vous dire, ce sont les bienfaits qu'il répandait sans cesse autour de lui : il n'y avait pas ici une infortune qu'il ne soulageât, pas un malheureux qu'il ne cherchât à consoler ; et parmi ceux-là mêmes qui ne se rendaient pas bien compte de la source de la bienfaisance dont ils étaient l'objet, j'ai souvent su reconnaître la main protectrice et discrète de M. de la Tour-du-Pin.
« Sa perte a donc excité parmi nous des regrets universels dont la trace ne s'effacera pas plus que le souvenir de ses inépuisables bienfaits. »
(1)Une surdité prématurée avait brisé sa carrière militaire, et il avait été obligé, par suite de cette infirmité, de quitter le service actif.
(2)Un éclat d'obus lui a fait une blessure mortelle à la prise de la tour Malakoff.
Le lecteur a déjà vu, au chapitre du combat du 5 juin 1595, que Jacques de Matignon, comte de Thorigny, était un des ancêtres des la Tour-du-Pin de la Charce de Fontaine.
En effet un Goyon ou Guyon de Matignon, descendant de Jacques, dont la famille était originaire de Bretagne, épousa, sous Louis XIV, l'héritière de la principauté de Monaco. Il abandonna son nom, prit celui de sa femme et devint ainsi, parle mariage de la princesse Honorine-Camille-Athénaïs Grimaldi de Monaco avec le marquis René de la Tour-du-Pin, l'ancêtre de cette dernière famille dont un des descendants, le comte Fortuné de Chabrillan, est actuellement propriétaire de la terre de Fontaine (1).
(1) Guigues de Moreton (Noir, More), comte de Chabrillan, porte: D'azur à une tour crénelée de cinq pièces, sommée de trois donjons crénelés chacun de trois pièces, le tout d'argent maçonné de sable, la tour ouverte en flanc senestre, à la patte d'ours mouvant du quartier sénestre de la pointe de l'écu et touchant à la porte de la tour.
L'écu sommé d'une couronne fleuronnée à toque de gueules, à houppe d'or et tenu par deux lions contournés ayant la même couronne.
Cimier : Une patte d'ours d'or.
Cri : Moreton, Moreton.
Devise : Antes quebrar que doblar.
(Plutôt rompre que ployer).
M. Paul Gaffarel a fait paraître, en 1886, une brochure très intéressante à propos de Jacques de Matignon. Avec sa gracieuse autorisation je me plais à la reproduire ici.
La maison de Moreton est des plus anciennes de France. Elle possède des titres du xe et du XIe siècles.
C'est le 6 mai 1430 que de Moreton acquit par échange du dauphin (Louis XI) la seigneurie de Chabrillan, qui fut érigée en marquisat au mois d'octobre 1674.
LETTRES
ADRESSÉES AU MARÉCHAL DE MATIGNON
PAR
CATHERINE DE MEDICIS HENRI III ET MARGUERITE DE NAVARRE (Extrait des Archives du château de Fontaine-Française)
« M. le comte de Chabrillan possède, dans les archives de son château de Fontaine-Française (Côte-d'Or), un manuscrit intitulé : « Recueil des lettres originales, écrites par les Roys et Reines de France à Jacques de Matignon, comte de Thorigny, baron de Saint-Lo, prince de Mortagne, maréchal de France, chevalier des ordres du Roy, lieutenant-général en Normandie, gouverneur de Guyenne, maire de Bordeaux, etc., mort en l'année 1597. » C'est un volume in-folio, le troisième d'une collection dont nous parlerons tout à l'heure. Il est relié en veau fauve, avec le chiffre de Grimaldi-Monaco, couronné, sur les plats. Il contient les lettres adressées au maréchal de Matignon, de 1585 à 1597.
« Comme le maréchal de Matignon fut un des personnages les plus en vue du XVIe siècle, qu'il fut mêlé aux affaires diplomatiques, aux intrigues secrètes, et aux opérations militaires, que la reine Catherine de Médicis l'honora de sa confiance, que le parti catholique le compta au nombre de ses membres les plus influents, et que, sur la fin de sa vie, il combattait encore aux côtés de Henri IV, lors de la charge brillante qu'exécuta ce prince à la bataille de Fontaine-Française, nous avions pensé, à l'aide de ces documents inédits, refaire la biographie de ce guerrier diplomate. Ayant
appris que son Altesse Sérénissime, le prince régnant de Monaco possédait dans ses archives deux volumes de lettres également adressées à Matignon, nous lui avions demandé, ainsi qu'à M. le comte de Chabrillan, l'autorisation de nous servir des deux volumes de Monaco et du volume de Fontaine-Française. Son Altesse Sérénissime nous a fait savoir que son archiviste préparait justement la publication à laquelle nous avions songé. M. le comte de Chabrillan, aussitôt informé, a gracieusement mis son manuscrit, qui formait le troisième volume de la collection, dont les deux premiers volumes sont conservés à Monaco, à la disposition de M. l'archiviste de Monaco, et c'est ainsi qu'il nous a fallu renoncer à la publication d'une correspondance inédite, pleine de renseignements curieux, et qui aurait fait honneur à la Société Bourguignonne d'histoire et de géographie.
« M. le comte de Chabrillan, à défaut du manuscrit que des convenances de famille et l'antériorité des travaux entrepris par M. l'archiviste de Monaco, l'obligeaient à communiquer à d'autres personnes, nous a autorisé à publier quelques lettres extraites de la correspondance du maréchal. Ces lettres ont été copiées sur l'original au château de Fontaine-Française, par notre collègue M. Grigne. On jugera, par ces extraits trop courts, de l'importance et de l'intérêt du manuscrit, que doivent prochainement publier d'autres érudits plus heureux que nous ne l'avons été.
« PAUL GAFFAREL. »
Du 1er février 1585.
Mon cousin ayant pasé par ysi ce porteur qui vient de la Cour, et vous va trouver, je vous ay vouleu fayre ce mot pour vous dire que comme je pensois m'en aller le Roy de Navarre m'a mandé qu'il désiroit me voir ce que luy ay acordé pourveu que ce soyt entre cy et dimanche prochain et verray si sera myeulx conseillé que l'aultre foys qu'il vynt car de changer de langage je ne le puys ny ne le veulx si vous faytes byen et quelque chose d'importanse cela vous aydera à fayre byen isy que je prye à Dyeu m'en faire la grase afin que ce pauvre Royaume qui est si affligé puisse reprandre ses esprits car je ne vys jamais tant de pytyé qu'il y en a isi, je croy que de vostre cousté vous n'en avez pas moyns je prye Dyeu qu'il vous en face sortyr et tous ces maulx et qu'il vous doynt la grase de continuer nostre bonheur. De Nyort, ce premier jour de février 1585. Signé votre bonne cousine Caterine.
A mon consyn Monsyeur le mareschal de Matygnon.
(Sans date).
Mon cousin je aysté bien marrye de ce mal qu'aves eu et byen ayse de ce que aves recouvert vôtre bonne santé, laquelle Dyeu vous conserve afin que longuement servyez nostre Roy comme aves tousjours si byen fest le Roy envoyé pardella ce present porteur pour visiter M. Du Meyne et moy je ayté byen ayse d'avoir ceste
occasion pour vous fayre ce mot et vous prier de vous asseurer que n'auré jeames une meilleure amye ni desire plus votre conservation que je feiz.
Votre bonne cousine Caterine.
A mon cousin Monsieur le mareschal de Matignon.
7 février 1587.
Mon cousin je vous fais ceste lettre expressément pour vous dire qu'ayant esté adverty que la Royne d'Angleterre a faict en son Royaume arrester les navires et marchandises de mes subjects j'ay advisé d'en user de mesme à l'endroict des siens et des navires et marchandises qui sont à présent es ports et havres de Mon Royaume à eulx appartenants, affin que mes subjects soient desdommagez des pertes qu'ils pourroyent encourir pour ce regard, au moyen de quoi je vous prie incontinent la présente receue faire arrester et saisir soubs ma main tous les navires et marchandises qui se trouveront à Bourdeaux appartenants aux Angloys et tenir la main que le semblable soit faict aux aultres havres de mon pays de Guienne que besoing sera ; ed affin que les dits Angloys ne se puissent Prévaloir d'autres commoditez du bien de mes dits subjects que de celluy qu'ils ont deja arresté d'aultant qu'aucuns d'iceulx qui ont accoûtumé de trafficquer en Angleterre ignorans ce qui est arrivé pourroient continuer leur commerce, vous ferez faire deffences à Mes dits subjects de l'exercer avec les dits Angloys ny d'aborder en Angleterre pour quelque cause et occasion que ce soit, sur peine de désobéissance, mais
parce que c'est chose qui requiert dilligence et que j'ay à coeur vous pourvoierez le plus promptement que faire se pourra, m'advertirez de la réception de la présente, et de l'ordre que vous aurez donné sur le contenu d'icelle laquelle n'estant pour aultre effect, je prie Dieu, mon cousin, qu'il vous ait en sa sainte et digne garde. Escrit à Paris ce septieme jour de febvrier 1587.
HENRY, et plus bas DENEUFVILLE.
Lesdits Angloys ont aussi arresté de ne payer leurs debtes à mes subjects. Partant vous ferez en conséquence nouvelles deffenses à mes subjects de payer aus dits Angloys ce qu'ils leur peuvent debvoir jusque à ce que j'en aye aultrement ordonné.
A taon cousin le mareschal de Matignon, mareschal de France.
30 mars 1588.
Mon cousin, la dame de Plassac désire s'acheminer aux beins en Bearn pour sa santé, je vous prie lui accorder ung passeport pour elle son train et ceulx qui la conduiront puis la ville de Pons jusques aux beins, affin qu'elle face son voyage en toute seureté, et oultre l'obligation que lesdits Plassac et elle vous en auront ce me sera beaucoup de contantement de voir que ma recommandation ne leur soit inutile, et sur ce mon cousin je prie Dieu vous avoir en sa garde. De Saint Jehan d'Angely le trentième mars 1538. Votre plus affectionné cousyn et amy HENRY.
A mon cousin Monsieur le mareschal de Matignon.
(Sans date).
Mon cousin M. de Belièvre vous aura desja faict antandre ce qu'il a fait avec le Roy mon mary avant qu'il arrivat M. de Chantenot étoit venu de sa part qui m'avoit aporté toutes les asseurances de sa bonne volonté que je pouvois desirer comme aussy de la resolution en quoi il est de me voir bien tost avec luy ce qui m'a esté encores confirmé par Frontenac qui m'a parlé de sorte que je panse avoir occasion d'espérer tout bien et de croire que je voire une pronte fin aux longueurs qui m'ont aporté tant de peine, et vous suplie de croire qu'une des occasion qui me fait autant souheter d'estre auprès de luy est le désir de nous voir tous deux bien ensemble, estimant que c'est le bien general et le nostre tous trois en particulier, car l'experience du passé nous a assez appris combien la mauvaise intelligence de mon mary avec ceux qui tient le lieu que vous soustenez aportoit de mal pour le repos public car estant byen vous en trouverez toutes choses plus faciles à accommoder et le Roy mon mary en sera plus honnoré et respecté et moy plus contante. Le Roy mon mary se plaint par la depaiche de M. de Revant de la reponse que luy en a faicte M. de Belièvre ce qui ne m'avoit peu affligée. Toutesfois ayant depuis parlé à M. de Belièvre, il m'a dit n'en avoir occasion je croy qu'il y a des personnes qui ont l'esprit continuellement bandé à inventer de nouveaux sujets pour entretenir et acroitre le mal et moy miserable je porte la peine de tout, or patience j'espère que je trouveray autant de secours en Dieu que j'éprouve de malice aux
hommes. Je vous supplie faire estat de la vollonté que j'ay perpétuellement de vous servir et me tenir pour votre affectionnée et meilleure cousine MARGUERITTE. A mon cousin Monsieur le mareschal de Matignon.
(Sans date).
Mon cousin je vous mercie de la paine que vous avez prise de me faire part de vos nouvautées qui d'isy a dis ans eussent este telles an ce dessert ou ne voules estre et n'abborder si ne vous ont pleu me les faire voir je trouve ces réglemens si beaux et si magnifiques que je ne puis faire autre chose qu'admirer cette grandeur et an demeurer aussi ravie que le feurent anciennemant les Gaulois entrant à Rome voyant les senateurs avec leurs barbes venerables et leur robbe de pourpre. C'est un grand contentemant à ceux nés comme moy François de voir une si belle espéranse de revoir ancore fleurir la France je m'asseure qu'on ressent aussy la même joye et pour ne ravoir de nouvelles dignes de vous mon cousin je prieray Dieu qu'il vous ait en sa sainte garde.
Votre plus affectionnée et meilleure cousine MARGUERITTE.
A mon cousin Monsieur le mareschal de Matignon.
Dans les chapitres suivants, Eglise, Château le
lecteur trouvera des répétitions de diverses parties des chapitres précédents.
C'est à dessein qu'il en a été et qu'il en sera ainsi, parce que ces derniers chapitres, comme celui du Combat du 5 juin 1595, ont déjà fait et pourront encore faire l'objet de tirages à part, lesquels seraient incomplets si ces répétitions n'existaient pas.
CHAPITRE XX
L'ÉGLISE
L'église de Fontaine-Française, située à l'extrémité sud du village, au milieu du cimetière, n'offre absolument rien de remarquable.
Bâtie en partie sur les fondations d'une ancienne église dont le choeur et une chapelle, existant encore aujourd'hui, montrent la marque des XIIIe et XIVe siècles, elle se compose d'une grande et unique nef formée de sept travées avec une voûte en pierre à plein cintre, du style roman imité sans décoration.
Cette nef a 33m30 de longueur et 9m50 de largeur. Dans cet espace s'alignent, sur trois rangs, des bancs en bois, vieux, en partie brisés, très irréguliers et produisant un fort vilain effet.
La voûte, haute de 8m50 à la clef, est supportée de chaque côté par des murs percés de six fenêtres cintrées, sans ornement, et par neuf piliers avec contreforts extérieurs, le tout d'une rare simplicité.
L'ensemble est dénué de tout caractère architectural.
La nef fait suite au choeur et au sanctuaire, dont la voûte en deux travées est d'un tout autre aspect. Ici,
CHEVET ET CIMETIÈRE DE L'ÉGLISE
le style est roman avec fortes et belles nervures d'arêtes reposant, à la retombée, sur des demi-chapiteaux aux angles et sur des chapiteaux entiers avec pilastres au milieu. Cette partie de l'ancienne église a 11m40 de longueur et 6m70 de largeur.
A la quatrième travée se trouvent, à droite et à gauche, deux portes : celle de droite donne accès dans une chapelle dite des Gevrey, du style gothique flamboyant, par conséquent plus récente que le choeur et le sanctuaire, et renfermant la tombe des deux frères jumeaux fils de Jean III de Longvic qui a probablement doté ladite chapelle.
Sur la clef de voûte, à la jonction des nervures, on distingue un écusson portant une étoile ou rose des vents à sept pointes, posée sur une ancre de marine. On aura sans doute voulu reproduire une partie des armes de l'amiral Philibert Chabot, qui épousa, en 1526, Mme de Gevrey de Fontaine, veuve de Jean III de Longvic, mort en 1520.
La pierre tombale des Gevrey est plate et représente en pied, revêtus de leurs habits sacerdotaux, les deux frères sous une sorte de baldaquin gothique, d'une fine découpure, remarquable par sa régularité et sa légèreté, au-dessus duquel on lit en assez gros caractères : Deux frères germains. L'inscription très effacée que je donne plus loin est en caractères gothiques majeurs et se trouve entre les lignes de l'encadrement. On peut facilement y lire que les deux frères ont été inhumés, l'un, le 10 janvier et l'autre le 28 avril de l'an 1525.
Cette chapelle des Gevrey a eu ses desservants spéciaux, appelés Familiers et ses revenus particuliers. Il n'y a pas bien longtemps encore qu'on y officiait. Le marguillier Febvre y a reçu le sacrement de ma¬
riage. On peut regretter que M. le curé Rose en ait fait démolir l'autel en 1851 (1).
Espérons qu'un jour cet autel sera rétabli et qu'on rendra à la chapelle des Gevrey sa première destination.
En face, à gauche, se trouvait une chapelle semblable, dite des Douze Apôtres, où se voyaient toutes leurs statues. Cette chapelle, probablement ruinée au moment de la chute de la grande voûte, n'a pas été relevée ; la porte seule, style roman, avec croix latine, existe encore.
Le clocher, assez bien conservé, est de la même époque que le choeur. Il est lourd, massif, à petits modillons blasonnés, comme la partie ancienne de l'église ; ses quatre fenêtres à plein cintre sont géminées avec colonnettes rondes au milieu et indiquent bien le XIIIe siècle ou au plus le commencement du XIVe (2).
Le coq placé au haut de la croix, formé d'une simple plaque de cuivre découpée, porte différentes dates gravées dans le métal : 1606, 1727, 1777 et 1853, époques de réparations de l'église et du clocher.
Pour soutenir ce clocher au moment des grosses réparations, on a eu la malheureuse idée de bâtir un mur de refend et de soutènement, percé d'une voûte ogivale tellement étroite et basse que, du bas de l'église, on voit à peine le maître-autel. Ce mur de refend
(1)La table en pierre de cet autel sert aujourd'hui de marche d'escalier dans la maison Frenette (Henri), rue de l'Eglise.
(2)Au moment des troubles, craignant pour leurs titres précieux, au nombre de 47, les habitants les placèrent le 6 juillet 1697 dans les combles, sur le choeur de l'église, dans un coffre solide avec armature en fer et rosses serrures, comme la porte qui fermait cette cachette.
est du plus mauvais effet et gâte complètement l'intérieur de l'édifice.
Le banc du seigneur était placé au choeur, en face des chantres. Il appartient au château et il est encore occupé aujourd'hui par le propriétaire de la terre de Fontaine-Française.
Le choeur, les bancs et la tribune, qui se trouve au-dessus de la principale porte, peuvent contenir environ 650 personnes, c'est-à-dire près des trois cinquièmes de la population actuelle de Fontaine.
Tout est, je le répète, d'une simplicité remarquable dans notre église. Et cependant M. le curé Dard a fait d'assez grandes dépenses, il y a quelques années, pour réparer et remettre à neuf le maître-autel et les deux petits autels appuyés contre le mur de refend du clocher, l'un à droite, dédié à la vierge Marie, et l'autre, à gauche, dédié à saint Eloi, patron des cultivateurs, des maréchaux et des orfèvres.
Ces travaux, la belle croix et les quatre statues que M. le curé a fait placer au-dessus de la baie ogivale du choeur, ont embelli cette partie de l'église, bien nue et bien mal entretenue auparavant.
Mme la marquise de la Tour-du-Pin est morte, regrettant, m'a-t-elle dit souvent, de n'avoir pas profité du moment de la vente de la maison Claudon, notaire, et de celles donnant sur la place pour acheterces immeubles et faire construire, « en ce lieu, une belle et vaste église remplaçant la vilaine église actuelle » qu'elle ne pouvait pas supporter...
L'ancien Chemin de Croix, composé de mauvaises gravures enluminées renfermées sous verre dans des cadres en bois sans aucune valeur, a été remplacé, en 1878 aux frais de Mme de la Tour-du-Pin, par un beau
Chemin de croix en peinture à l'huile sur cuivre rouge avec encadrement en bois doré.
Le carrelage du sanctuaire, en marbre de Fouvent, est un don de M. le comte Jules de Chabrillan, qui l'a fait poser vers 1852.
Le retable de l'autel principal, ou maître-autel, d'une belle architecture, le seul où on officie (quoique les petits autels latéraux soient pourvus de pierres consacrées), est orné d'une peinture à l'huile sur toile, représentant saint Sulpice, le patron de la paroisse, sous le vocable duquel elle était placée dès 865, au moment de la donation faite de cet autel à Egil, abbé de Flavigny, par l'évêque de Langres.
Le tabernacle, en bois doré d'un beau fini, a été donné par M. le Marquis de la Tour-du-Pin, à l'occasion du baptême de la grosse cloche dont il était le parrain. La lampe en cuivre style Louis XIII est également un de ses dons.
Dans la nef il n'y a que trois tableaux sans valeur : l'un d'eux est l'oeuvre de Mme veuve Lebon. Ce tableau représente la Vierge Immaculée. L'autre, placé en face, est une ancienne toile, la Vierge à la chaise ? Le Christ vis-à-vis la chaire est beaucoup mieux.
Cinq lustres, dons de personnes pieuses, ornent un peu cette nef et font un très bel effet lorsque tous les flambeaux qu'ils portent sont allumés, ce qui n'a lieu que pour les grandes fêtes.
Les ornements et les vases sacrés ne sont pas riches. Ils sont en nombre suffisant pour les besoins de l'église, mais n'ont rien qui puisse les faire remarquer.
Mme de la Tour-du-Pin a fait don d'une partie de ces ornements, ainsi que de nappes d'autel et beaucoup d'objets de lingerie fine à l'usage du culte.
Il y a environ soixante ans, on voyait encore, sur l'abside, une énorme caisse, remplie de parchemins, papiers divers, titres, etc., qui y avait été placée au moment de la Révolution. On appelait cette caisse le Trésor. Assurément ces papiers avaient de la valeur ; malheureusement les enfants, qui fréquentaient l'école de M. Lyon, y puisaient à volonté. La caisse est déposée dans la chapelle des Gevrey mais les papiers ont fini par disparaître. C'est regrettable car il pouvait se trouver dans ce Trésor des pièces curieuses, intéressant l'histoire de Fontaine, et peut-être des titres qui auraient pu éviter bien des procès soit à la commune, soit aux particuliers.
La sonnerie, composée de quatre cloches, est parfaitement harmonisée et passe pour l'une des plus belles de nos environs.
La plus grosse cloche appelée le Bourdon (1), du poids de 1535 kilogrammes, date de 1846. Le parrain et la Marraine sont M. le Marquis Aynard de la Tour-du-Pin et Mme de Chabrillan, sa soeur, représentés par M. Louis Magnieux, régisseur, et Mlle Borne, fille du maître de forges. Dans l'inscription on lit qu'elle a été fondue par Rozier, sous l'administration de M. Rozat, maire, M. Rose étant curé-doyen de la paroisse. C'est une singularité remarquable.
La cloche seconde appelée la cloche du Temps, du Poids d'environ 1000 kilog., a été baptisée le mardi 5 juillet 1729, avant midi, par M. Morelet, prêtre, prieur, curé de Fontaine.
Parrain, M. le marquis de la Tour-du-Pin de la
(1) Quand on a fondu cette cloche on s'est servi du métal de l'ancienne, dont le parrain avait été François de la Rochefoucault, seigneur de Fontaine-Française en 1649. Elle pesait 1536 kilog.
Charce, seigneur de Fontaine, souverain de Chaume, etc. Marraine, Mme Marie-Suzanne de Prévost-Lansac, épouse de haut et puissant seigneur messire Henri de Bourdeille, marquis dudit, etc.
En présence de Jean-Baptiste Ardouhin, prêtre de la chapelle des Gevrey, familier d'icelle, de Pierre Léauté, prêtre vicaire et de deux fabriciens. Elle fut refondue en 1783, bénite par le curé prieur Bellon, sous le nom de Sainte-Anne. Parrain, M. de Saint-Jullien, seigneur dé Fontaine, marraine, son épouse Louise-Charlotte de la Tour-du-Pin, représentée par la baronne Poncin.
La 3e cloche appelée cloche du Salut, du poids d'environ 600 kilog., était, d'après le dire des anciens, au château, et on l'aurait donnée et transportée à l'église lors de la démolition du vieux castel. La dénomination de Salut s'expliquerait facilement. On la sonnait lorsqu'il y avait danger et pour que les habitants se rendissent au château afin de se défendre dans le but du salut général. Elle fut certainement refondue car elle eut au siècle dernier pour parrain M. de Saint-Jullien et pour marraine dame Barbe Quirot, épouse de M. de Valoux, seigneur d'Orain. Le baptême eut lieu en présence de M. Nicolas Japiot, curé de Chazeuil.
Enfin la 4e est une petite cloche du poids de 400 à 500 livres, particulièrement destinée à sonner les messes basses. Sur cette cloche on lit en gothique du XVIe siècle, l'inscription suivante :
† 1543. EUT PAREIN JEHAN DE SAQUENEY ESCUYER,
SIEUR DE FOULAIN ET CAPITAINE DE FONTENNE F.
ET MARAINE CHRESTIENNE,
FE D'HON. HOM JEHAN BROICHENET.
La cloche du Temps est, dit-on encore, ainsi nommée parce qu'on la sonnait au moment des orages pour éloigner le tonnerre, et la cloche du Salut a conservé son nom parce que, transportée à l'église, comme je le dis plus haut, elle a été spécialement destinée à appeler les fidèles au salut, cérémonie qui avait lieu autrefois tous les jours, le soir, à l'église de Fontaine.
Quand une personne meurt, on distingue facilement, à la sonnerie, si c'est un chef de famille, une jeune personne ou un enfant.
Ainsi, on sonne le Bourdon et la cloche du Temps pour un chef de famille, homme ou femme marié ou l'ayant été. Pour un célibataire adulte, garçon ou fille, on sonne la cloche du Temps et celle du Salut. Enfin, Pour un enfant au-dessous de sept ans, on ne sonne que la petite cloche.
Lorsqu'on veut appeler du secours dans le cas d'un incendie, on sonne le bourdon. Tout le monde connaît cet appel.
Le cimetière (1), qui entoure l'église, n'a de remarquable que les tombes d'une partie de la famille de la Tour-du-Pin.
Ces tombes sont placées au chevet de l'église, derrière la sacristie, et composées de quatre caveaux séparés.
Dans celui de droite a été inhumée Mme la marquise de Louvois, soeur de Mme de la Tour-du-Pin, morte à Fontaine-Française, le 11 septembre 1860.
(1) Jusqu'en 1831 les inhumations de Fontenelle se bfirent au cimetière de Fontaine. Les gens de Fontenelle avaient le droit de passer leurs morts par le sentier de la corvée qui commençait au chemin de l'Etang Chaumont (l'ancien chemin de Mirebeau) et aboutissait au cimetière derrière l'église. Ce sentier avait six pieds de largeur.
Dans celui du milieu, le colonel Aynard de la Tour-du-Pin, mort à Marseille en 1855, et sa soeur Mme de Chabrillan, morte à Fontaine le 7 avril 1865.
A gauche, Mme la marquise de la Tour-du-Pin, décédée à Paris, en 1879, à l'âge de 95 ans.
Enfin à côté Mme F. de Chabrillan, morte le 2 juillet 1887.
« C'est ici, » m'a dit plusieurs fois Mme la Marquise de la Tour-du-Pin (et je me plais à le répéter), lorsque je me trouvais avec elle au cimetière, au moment où je faisais édifier la croix en marbre blanc élevée à la mémoire de sa tante, Mme de Saint-Jullien, « c'est ici que je veux être enterrée, dans un caveau que vous me ferez faire à côté de mon fils, de ma fille et près de ma soeur ».
De simples pierres tombales avec inscriptions en lettres dorées, sur marbre noir, recouvrent les caveaux ; le tout est entouré d'une grille en fer sans aucun ornement.
La tombe de Mme de Saint-Jullien, au cimetière de l'Est à Paris, est beaucoup plus simple. Elle n'a aucune grille ni entourage et se compose d'une dalle d'environ 2 mètres de longueur sur 1 mètre de largeur et 0m25 d'épaisseur, et d'un petit socle de 0m50 à 0m80 de largeur et 0m30 d'épaisseur, placé en tête de la dalle et supportant une borne debout de 1 mètre de hauteur, arrondie à la partie supérieure, sur laquelle est gravée l'inscription suivante :
CI-GIT ANNE-MARIE-MADELEINE-CHARLOTTE-AUGUSTE DE LA TOUR-DU-PIN,
VEUVE DE M. DE SAINT-JULLIEN,
NÉE LE 9 DÉCEMBRE 1729, MORTE LE 9 MAI 1820
Mme de la Tour-du-Pin, la bienfaitrice de la commune, avait vu, avec le plus grand contentement, la municipalité lui abandonner gratuitement la place occupée par les tombeaux de son fils et de sa soeur. Nous avons vu aussi qu'elle a su largement reconnaître les marques de l'intérêt que la commune lui a témoigné dans ces douloureuses circonstances.
On oublie vite les bienfaits. Les héritiers de la noble et sainte marquise, la providence du pays, ont dû payer sa place au cimetière, quand la population attendait de l'administration municipale de l'époque qu'elle agît comme avait fait sa devancière au moment de la mort du colonel de la Tour-du-Pin (1).
Mais revenons à l'église et à sa fondation qui remonte certainement à 630, lorsque Amalgaire, duc amovible de Bourgogne, fonda l'abbaye de Bèze qu'il donna à son fils Waldelène avec bien des dépendances, entre autres Fontanas où Waldelène, premier abbé de Bèze, aura probablement élevé un autel s'il n'en existait pas auparavant.
Nous avons vu qu'en 865, une église existait à Fontaine. On lit, en effet, à la bibliothèque nationale, dans un manuscrit latin (17720, chartularium Buhericenum, p. 44) :
« Isaac, évêque de Langres, donne à Egil, abbé de Flavigny, en 865, deux autels consacrés à l'honneur de
(1) On comprend d'autant moins qu'on ait fait payer la place de Mme de la Tour-du-Pin qu'on est persuadé que l'espace, occupé aujourd'hui par les tombes de la famille, appartenait aux la Charce, seigneurs de Fontaine, et que c'était le lieu de leur sépulture. Je donne cette note comme je l'ai reçue de M. Louis Magnieux, ancien intendant du château, sans avoir pu en vérifier l'exactitude.
saint Pierre, le prince des apôtres, dans deux églises de la maison de Pierre et à Acellis ; et un autre autel dédié en l'honneur de saint Sulpice, évèque et confesseur (1), autel qui est dans l'église de Fontaine (in Eclesia Fontanis), ladite église construite dans le pays des Attories ou Attuariens (in pago attoariensi) et dépendant du bénéfice du droit monacal de Flavigny ».
L'abbaye de Bèze fut brûlée et ravagée par les Sarrasins, en 722, détruite par le feu cinq fois en cinq siècles, et avait besoin d'un réformateur au xe siècle. Ces faits nous ouvrent une porte pour expliquer la substitution de Flavigny à Bèze pour la desserte de l'église de Fontaine. Peut-être, en ce moment-là, l'abbaye de Bèze n'avait-elle pas un assez grand nombre de moines pour les envoyer desservir les paroisses voisines et l'évêque de Langres fut-il obligé de s'adresser à une autre abbaye.
Quoi qu'il en soit, une mense fut de bonne heure attachée à l'église de Fontaine pour l'entretien du religieux chargé de la paroisse, car « en 998, Heldric, abbé de Flavigny, accorde à Gérard (miles quidam nomine Girardus) et à ses deux fils, Gérard et Humbert, un domaine appartenant à l'abbaye et situé sur le territoire de Fontaine (Fontanas videlicet nuncupatam Attoriensi comitatis conjacentem) (2).
Cependant cette possession de l'église de Fontaine
(1)Saint Sulpice, dit le Débonnaire, d'une des plus illustres familles du Berry, élevé dans les sciences et la piété, distribua tous ses biens aux pauvres quand il en fut maître. Ordonné prêtre, le roi Clotaire II le choisit pour son aumônier et il accompagna partout ce prince même en temps de guerre. En 624 il fut évêque de Bourg et mourut en 644.
(2) Histoire de la maison de Vergy, de Duchesne. Preuves.
n'exista pas sans contestation, car Hugues, racontant ce qu'il a fait en qualité d'abbé de Flavigny, dit qu'il a payé trente-cinq sous pour le rachat de l'église de Fontaine. « In redemptionem ecclesiae de Fontanis, 35 soldos dedi. » Ceci se passait en 1098 et Dom Nicolas de la Salle, dans sa Chronique de Vabbaye de Saint-Pierre de Flavigny, croit qu'il s'agit de Fontaine-Françoise et traduit en conséquence (1).
En 1154, le pape Anastase IV confirma à l'abbaye de Flavigny la possession de plusieurs églises entre autres celle de Fontaine (ecclesiam sancti Sulpicii de Fontanis) (2).
En 1211, le pape Innocent III confirma encore à l'abbaye de Flavigny la possession de vingt-quatre églises, entre autres celle de Fontaine (3).
Fontaine avec son église est donc un ancien domaine d'abord de l'abbaye de Bèze, puis de l'abbaye de Flavigny, « comme cela est prouvé par le XXIe titre du Cartulaire de Flavigny ».
Cette obédience ne fut érigée en prieuré que lorsqu'il commença d'y avoir des offices perpétuels et en titre au monastère de Flavigny, vers l'an 1300.
Une charte, du mardi après la fête de saint André, 1330 , qui se trouve aux archives de la Côte-d'Or (H. 210) est donnée en présence du Révérend Père dom Pois, moine du monastère de Flavigny, prieur de Fontaine-Françoise... « presentibus religioso viro fratre Petro
(1) L'original de cette chronique est conservé aux archives de la Côte-d'Or, manuscrit n° 138.
(2) Pérard, page 236.
(3)Archives de la Côte-d'Or, H. 187.
dom Pois, monaco dicti monasterii (de Flavigny) priore de Fons-Franceoïses ».
Mais les nouveaux prieurs ne gardèrent pas longtemps les charges exclusives de leur bénéfice : « Au mois d'août 1318, par transaction, le Prieur de Fontaine cède, quitte et délaisse au Recteur de la paroisse (le desservant, curé ou vicaire) tant pour lui que pour ses successeurs, moyennant dix livres tournois de pension annuelle et perpétuelle, toutes les offrandes des oblations et tous les droits qui lui appartiennent du patronage de l'église paroissiale, à la réserve des dixmes, terres, prés, cens, etc. (1).
Cette pièce me semble la vraie charte de l'établissement des curés de Fontaine-Française. Jusque-là, le prieur avait pu se faire aider dans ses fonctions curiales par des prêtres séculiers ; mais ce n'est qu'en 1318 que ces prêtres obtiennent une position à peu près indépendante du prieur et peuvent prendre le titre de curé. A la vérité, le prieur n'abandonnant au curé que les oblations des fidèles, ne se montre pas généreux ; d'autres curés primitifs, en pareil cas, abandonnèrent le quart des dixmes au curé pour lui permettre de vivre.
Voici donc, à partir de 1318, quelle fut la situation respective du Prieur et du Curé. Le prieur conserva le titre de curé primitif et son bénéfice fut composé des dixmes, de terres, prés, cens, etc., sur Fontaine, sans compter son patronage sur d'autres églises (2).
(1)Archives de la Côte-d'Or.
(2)Un prieuré était un bénéfice. Le titulaire n'habitait pas toujours son prieuré. Il en prenait ordinairement possession le jour de la fête patronale. Il nommait le curé desservant et fixait sa cote-part dans les revenus.
Le curé de Fontaine, au contraire, n'eut d'abord pour vivre que les offrandes et les oblations en usage et les droits casuels, sur lesquels il devait payer au prieur une pension annuelle de dix livres en signe de dépendance.
« Dans un chapitre tenu à Flavigny, en 1273, le droit de présentation aux cures fut cédé à l'abbé seul par les moines qui se réservèrent cependant les quatre cures de Flavigny, Vitteaux, Fontaine et Venarey (1). » Courtépée ajoute : « les quatre prieurés de Saint-Germain-la-Feuille, de Chanceaux, de Fontaine-Françoise, de Grignon et même celui de Saint-Georges, sont claustraux et tenus par des religieux. »
Un jugement rendu par le parlement de Dôle, en faveur de Dom Etienne Pardessus, prieur de Saint-Sulpice de Fontaine, le 12 avril 1564, prouve également que ce prieuré était office claustral (2). Mais nous ne trouvons nulle part qu'il était l'office claustral du prieur de Fontaine. .
Courtépée dit encore (3) que les bénédictins de Flavigny ont desservi l'église de Fontaine jusqu'en 1611. La transaction de 1318 paraît en opposition avec cette affirmation. Peut-être y eut il des intérims qui furent remplis par les prieurs jusqu'en 1611. En tous cas il y eut des prieurs de Fontaine jusqu'à la révolution de 1789. Jacques de Val, en 1636, moine de Flavigny, bénédictin, était prieur de Fontaine et le dernier, Dom Zacharie Merle, prêtre religieux bénédictin des Blancs-Manteaux, prit possession du prieuré en 1783.
(1) Description du duché de Bourgogne, art. Flavigny.
(2) Histoire de sainte Reine, page 212, Ansard, 1783.
(3) Courtépée, art. de Fontaine-Française.
Le prieuré de Fontaine, dont les bâtiments se trouvaient où est aujourd'hui le presbytère, possédait de grands privilèges reconnus par un acte de 1634. Déjà en 1591, le 15 février, il avait été établi un compte de ce prieuré et de ses annexes pour les années 1589 et 1590. Malheureusement je n'ai pu retrouver ces comptes qui sont seulement rappelés dans l'acte de 1634 (1).
Cet acte présentait alors, d'abord à l'évêque le candidat à la cure et fixait sa cote-part dans les revenus ; plus tard, comme on l'a vu, l'abbé de Flavigny reprit pour la plus grande partie ses droits de patronage.
D'autre part le prieur était chargé d'entrenir le choeur de l'église et le clocher, les bâtiments du prieuré, les granges et dépendances.
Tous les seigneurs de Fontaine ont doté son église ; Antoine d'Arnault, lui-même, fait, en novembre 1657, sur la terre de Fontaine, une donation annuelle de 90 livres (2) ; Antoine d'Arnault était cependant protestant.
La voûte de la nef qui ne s'étendait alors que de cinq travées, c'est-à-dire jusqu'aux 3es piliers, à 23m,66 du choeur, était effondrée depuis plusieurs années. On ne pouvait sans danger y laisser pénétrer les fidèles, le choeur seul était en bon état. La communauté fit à grands frais consolider cette voûte, et, en automne 1728, les travaux étaient assez avancés pour que, sans crainte d'accidents, on pût reprendre le cours régulier des offices. Cet état de choses est constaté par un certificat du 3 novembre 1728, dressé par messire Morelet, prê-
(1)Archives du château de Fontaine.
(2) Ibid.
tre, prieur, curé de Fontaine, qui certifie que « la nef a été mise en sûreté et que l'on peut sans crainte, avec le bon plaisir de M. Gagne, grand vicaire et officiai de Mgr l'évêque de Langres, y dire la messe jusqu'au mois d'avril 1729, temps auquel on pourra continuer les réparations. »
« Par autorisation spéciale, M. Antoine-Bernard Gagne, doyen de l'église de Saint-Etienne de Dijon, vicaire général et officiai de l'évêque duc de Langres, et pair de France, l'interdit prononcé sur l'église de Fontaine est levé jusqu'à la fête de Pâques de l'année 1729, temps auquel on promet de travailler efficacement aux réparations urgentes de la dite église.
« Donné à Dijon, le 6 novembre 1728.
« Signé : GAGNE, vicaire général. »
Dans leurs remontrances aux États généraux du pays et du duché de Bourgogne, en 1735, les habitants de Fontaine exposent entre autres faits de pauvreté..., « par un autre surcroît de malheur la nef de leur église est tombée en ruines par vétusté, le rétablissement est a leur charge et n'ayant pu y pourvoir jusqu'à présent, la dite église est interdite et les services ne se font que dans le choeur où les pauvres suppliants ne sont pas en sûreté de leur vie et courent risque à tous moments d'être écrasés sous les ruines de la dite église dont le établissement, pour ce qui peut être à leur charge, leur coûtera plus de 12.000 livres, sans qu'ils aient aucun fonds, pour y fournir, en sorte qu'ils seront obligés d'imposer sur eux la somme nécessaire pour pourvoir aux dites réparations... et que le culte et le service de Dieu est préférable à toutes choses... »
Les habitants n'obtinrent aucun secours des Etats de Bourgogne. Cependant, tant la foi était grande et la pratique de la religion observée, des mesures furent prises pour reconstruire la nef. Des dons, des emprunts, des sacrifices de tous genres permirent aux habitants de relever leur édifice, mais quelle différence avec ce qui était démoli...
On a bien voulu faire du roman, du plein cintre, mais tellement simple, tellement nu que cette grande nef n'a aucun caractère, aucun cachet et n'appartient à aucune époque.
La première pierre de cette construction fut solennellement posée et bénite le 12 mai 1739.
Voici la teneur du procès-verbal qui en fut dressé :
« L'an mil sept cent trente-neuf, le douzième de may, à dix heures du matin, à l'issue de la messe, je soussigné, Nicolas Billard, prestre, curé de Fontaine-Françoise, certifie avoir fait, en vertu du pouvoir qui m'en a esté accordé par Mgr l'évesque de Lengres, la bénédiction de la première pierre de la nef de l'église du dit Fontaine qui a esté bastie par M. Jacques Redart, entrepreneur, avec son fils et M. Vincent Debian, aux frais et dépens des sieurs habitants de Fontaine-Françoise et Fontenelle, leur anexe, en l'honneur de Dieu et de saint Sulpice, patron titulaire de la dite église, assisté de maître Jean-Baptiste Ardouhin, prestre familier et chapelain de la chapelle des Gevrey, érigée à côté de la nef de la dite église, de maître Dominique Brouhot, notaire royal et recepveur en exercice de la fabrique de la dite église, maître Jean-Baptiste Fay le jeune, marchand, controlleur d'icelle aussy en exercice, en présence desquels la première pierre a esté posée au nom de la Très Sainte Trinité et de Saint Sulpice au
premier demi-pilier qui sera à gauche en entrant en la dite église (1) par maître Claude Jacquinot, marchand de fer à Dijon, bienfaiteur de cette église, dont et de quoy nous avons dressé le présent procès-verbal et nous sommes soussignés avec les sieurs Ardouhin et Fay le jeune et autres.
« Signé, Bouchot, Fay, Claudon, Fourcault, Abraham Redard, Biot, Pichanget, Gosthiot, Ardouhin, prestre et Billard, curé (2). »
La nef fut reconstruite en 1739 sur cinq travées, ainsi que le constate le procès-verbal de la pose de la première pierre du 12 mai 1739. Mais la voûte ne fut refaite qu'en 1777, alors qu'on allongea l'église de deux travées, c'est-à-dire de deux fois la largeur de la tribune lui paraît être de cette époque.
J'ai toujours entendu dire que c'est M. de Saint-Jullien qui a subvenu aux frais de cet allongement et de l'édification du portail.
Il y avait alors trois prêtres à Fontaine, servis par un seul domestique. Le curé, prieur de Saint-Sulpice, le desservant de Notre-Dame et de la chapelle des Gevrey et un vicaire.
Sous forme de capitation, un droit de deux livres par enfant était perçu par le curé sur les habitants.
Les grandes personnes payaient trois livres. Il ne m'a pas été possible de découvrir quand a commencé est impôt ni quand il a pris fin.
Les difficultés étant survenues, au milieu du XVIIIe siè-
(1) C'est aujourd'hui le 3e pilier à gauche en entrant, l'église ayant été allongée de deux travées en 1777. (2) Registre de l'état civil de Fontaine.
cle, sur le prélèvement de la dîme due au curé, un procès s'ensuivit :
Par arrêt du 12 avril 1769, de la Cour des Aydes de Paris, le curé de Fontaine est autorisé, pour l'avenir, à percevoir la dîme à raison de 24 gerbes 2 sur 303 journaux de terre, au lieu de la percevoir, comme il le faisait ci-devant, sur la semée de huit éminettes d'un boisseau comble et sur 344 journaux 1 quartier 1/2 de terre.
« Ordonne en outre, le dit arrêt, que le curé de Fontaine percevra la dixme, toujours à raison de 24 gerbes 2, sur 80 arpents de terre pour remplacer à la dite cure le dixième de la dixme sensuelle qu'elle prenait sur 800 journaux de terre et bois autrefois (1). » L'église de Fontaine a dû être érigée en doyenné peu après l'établissement d'un évêché à Dijon (1731). En 1790 le titre de doyen fut aboli, mais l'évêque de Dijon, Mgr Rivet, le rétablit en 1854, non seulement à Fontaine, mais dans tout le diocèse.
Déjà en 1802, par suite d'accord entre les autorités civiles et religieuses, le diocèse de Dijon fut formé du département de la Côte-d'Or et de celui de la Haute-Marne (jusqu'en 1822), alors le département de la Côte-d'Or fut canoniquement divisé en 36 cantons religieux correspondant aux 36 cantons civils.
Il y eut 4 archiprêtrés, celui de Dijon compris, 14 doyennés, dont Fontaine-Française faisait partie.
A Fontaine-Française, comme dans bien d'autres paroisses, il existait de singulières coutumes. Ainsi sur les anciens registres de l'état civil, et on peut dire jusqu'à la fin du siècle dernier, on remarque que les veu-
(1) Archives du département, E, 292. Titres de la Baronnie.
ves étaient loin d'attendre dix mois, comme la loi le veut aujourd'hui, pour convoler en de nouvelles noces. On trouve, en effet, des actes de mariage faits dès le lendemain de l'inhumation du premier ou du second mari. Il suffisait, pour que le mariage pût avoir lieu, que la veuve déclarât au prêtre célébrant et jurât : quelle n'est pas grosse...
Les sages-femmes, appelées autrefois matrones, étaient nommées par les femmes mariées, dans l'église et par élection. Le dimanche, avant la réunion, le curé l'annonçait au prône et en fixait l'heure qui était habituellement à l'issue des vêpres. Les femmes se réunissaient alors à l'église, on votait non sans que souvent il y eût discussion passant à la dispute et à quelques soufflets échangés.
La matrone choisie était acclamée et elle pouvait entrer aussitôt en fonction.
L'église de Fontaine a servi, comme on le sait, de sépulture à dix des combattants du 5 juin 1595.
Elle renferme les sépultures de plusieurs seigneurs, de nombreux prêtres et de diverses personnes de distinction.
La plus ancienne est celle de Philiberte de Vergy, fille de Jehan I de Vergy, « sénéchaux de Bourgongne », morte en 1318.
La pierre tombale de Philiberte de Vergy, qui était au choeur de l'église, a été transportée dans la chapelle des Gevrey, lorsque M. le comte de Chabrillan a doté, en 1857, l'église du pavage du choeur en marbre de Fouvent, remplaçant ainsi d'anciennes dalles tombales qui devaient être dans un complet état de vétusté.
La tombe des deux frères jumeaux, dits les Gevrey,
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fils de Jehan III de Longvy, qui se trouve dans la chapelle de leur nom, porte en gothique l'inscription suivante : « Cy gisent discrettes personnes mestres Gérard et Dymoinche Gevrey, frères germains, prestres chanoines de Champlitte, lesquels ont fait refondre (rebâtir) cette chapelle, lequel aîné trépassa le 10e jour du moys de janvier et ledit Dymoinche, le 28e jour du mois de apvril 1525. Priez Dieu pour eulx. »
Dans le XVIe siècle, les frères Hugon, l'un, Jean II, chevalier et l'autre prieur de Saint-Sulpice, ont leur sépulture dans l'église de Fontaine, dont ils furent les restaurateurs et les bienfaiteurs.
Cette famille Hugon, qui devait être de haute origine, s'établit à Fontaine au XIIIe siècle. Elle quitta le pays lorsque Louis XI fit la conquête du duché de Bourgogne en 1477.
On lit dans l'Histoire d'Autrey par l'abbé Mouton : « Les Hugon ayant quitté Fontaine et ayant laissé pour marque de leur antiquité honorable la peinture de Jean II ès l'un des vantaux du tableau sur le grand autel et celle du sieur son frère prieur de Fontaine-Françoise ès l'une des maîtresses verrières ayant à côté de lui, peintes les armes qu'ils portaient : d'azur à trois bris d'huis ou gonds d'argent, de plus, une fondation en ladite église, assignée par Jean Hugon, sur une faux de pré appelée la faux des deux épées, acquise du prix que Jean Hugon y gagna de son temps, par ses armes, duquel prix il acheta un pré qu'il donna pour la rétribution de ladite fondation (1). »
(1) Préliminaires sur les deux familles Hugon défendues, à propos d'un procès, par Tripart et Berryer. Besançon, imprimerie Jacquin, p. 3, 1866.
Catherine d'Arnault, épouse de Jacques de Mazel, seigneur de Fontaine, fut inhumée dans le choeur de l'église, le 30 novembre 1691, ainsi que le constatent les registres de l'état civil, alors tenus par les curés.
Presque tous les curés, jusqu'au XVIIIe siècle, entre autres messire Prudent Labotte, Jehan Labotte le Vieil, Buvée, docteur en théologie, Minard, Morelet, etc., reposent dans notre église.
Les Labotte portaient d'argent à la branche de laurier de sinople issant d'une botte de sable, accompagnée en pointe d'un croissant d'or et de dextre et de sénestre de deux étoiles de même.
A. côté des pierres tombales de Philiberte de Vergy et des frères Gevrey, on trouve, dans la chapelle des Gevrey et très bien conservée, la pierre tombale qui porte l'inscription suivante :
CI-GIT : Mre PRUDENT BROUHOT,
PRESTRE FAMILIER DE L'ÉGLISE DE CÉANS ET CHAPELLIN DE CETTE CHAPELLE QUI DÉCÉDA LE 14 AOUST 1671, AGÉ DE 66 ANS.
DIEU AYT SON AME.
Puis les tombes de François Quirotet de son épouse; sur la première on lit :
CI-GIT : FRANÇOIS QUIROT,
CONSEILLER DU ROY, GREFFIER EN CHEF,
GARDE DES ARCHIVES DE LA CHAMBRE DES COMPTES, COUR DES AYDES, DOMAINES ET FINANCES DE DOLE, ÉPOUX DE DAME JEANNE ARDOUHIN, COLATRICE DE CETTE CHAPELLE,
LEQUEL EST DÉCÉDÉ LE 30 OCTOBRE 1732,
ÂGÉ DE QUATRE-VINGT ET UNE ANNÉE.
DIEU AYT SON AME. AINSI SOIT-IL.
Sur celle de son épouse :
CI-GIT : JEANNE ARDOUHIN,
ÉPOUSE DE NOBLE FRANÇOIS QUIROT,
CONSEILLER DU ROI, ETC
DÉCÉDÉE LE 29 SEPT. 1725. DIEU AYT SON AME.
Malheureusement, la plupart des tombes des XVIe et XVIIe siècles ont été brisées ou déplacées lors des réparations faites à l'église dans le siècle dernier, et les débris de ces tombes, épars dans le pavage de la grande nef, ne peuvent nous fournir que des renseignements très incomplets.
On enterrait dans l'église en plusieurs endroits désignés : au choeur (les seigneurs et la plupart des prêtres), sous le portail, sous le chapiteau, auprès de la grande porte, dans la chapelle des Gevrey, devant la chapelle de la sainte Vierge, vers les fonts baptismaux, devant la chapelle Saint-Georges qui pouvait bien se trouver où est aujourd'hui l'autel Saint-Eloi, etc.
Voici la nomenclature des prêtres inhumés dans l'église depuis le commencement du XVIIe siècle. Je n'ai rien trouvé précédant cette époque.
En 1605, Mre Nicolas Labotte, curé-prieur de Fontaine ;
1671, Prudent Brouhot, prêtre familier de la chapelle des Gevrey ;
1686, Mre Prudent Labotte, curé-prieur ;
1714, Bénigne Courvoisier, ancien curé de Dampierre-sur-Vingeanne ;
1718, Didier Bonneviot, chapelain de la chapelle des Gevrey ;
1733, Charles Morelet, prieur-curé de Fontaine, et Simond Minard, ancien curé de Fontaine ;
1740, Mre Arduin, prêtre familier de Fontaine ;
1759, Mre Michel, chanoine de la Sainte-Chapelle de Dijon ;
1760, Mre Prodon, ci-devant curé de Fontaine ; 1767, Rebillier, prêtre familier ;
1779, J.-B. Ancemot, ancien chanoine de Semuren-Brionnais, né à Fontaine ;
1784, Eloi-Félix Ardouhin, ancien curé de Fontaine et Fontenelle, prêtre familier de la paroisse. Je rappellerai ici que Fontaine-Française est une des premières paroisses de France où on ait tenu des registres de l'état civil. Ils commencent en 1556.
Suivant ces registres, 98 inhumations ont été faites dans l'église, de 1669 à 1784.
Il me paraît intéressant de citer, comme personnages marquants, les noms qui suivent, en dehors des prêtres dont la liste a été donnée plus haut, et des tombes détruites qui se trouvent dans la chapelle des Gevrey.
1674, d'Ornano, Jean-Gaston, comte de Bobigny, capitaine au régiment de la Feuillie ;
1678, Buvée, François, notaire royal, procureur d'office ;
1688, Tournois, Anne, épouse de noble Jean-Jacques de Foulon, seigneur de Mirande, née à Fontaine ;
1691, d'Arnault, Anne-Catherine, épouse de M. Jacques de Mazel, seigneur de Fontaine ;
1694, de Chahut, Charlotte, fille de M. de Chabut, seigneur de Percey-le-Grand ;
1700, d'Audresson, Anne et François, jumeaux, agés de sept jours, nés de Nicolas d'Audresson, capitaine de cavalerie, seigneur de Saint-Martin et de dame Béatrix de Fontenet ;
1702, De Gigolez, Denise, veuve de Jacques de Fontenet de la Motte, lieutenant-colonel de cavalerie ;
1703,de Lurens, Françoise, épouse de noble Alexandre de Fontenet, capitaine d'infanterie et propriétaire de la rente ou fief de la Craye ;
1710, dame de Chaillon de Frémont, épouse de François Miche du Fays (le Fahy), major au régiment de Montboisier ;
1714, Noble de Fontenet, Alexandre, ci-devant capitaine au régiment de Vaugrenant, propriétaire de la rente ou fief de la Craye ;
1720, de Fontenet, Joseph-Hubert, capitaine au régiment de Bauffremont ;
1725, Dame Ardouhin, Jeanne, femme de noble François Quirot ;
1725, Dame Buvée, Jeanne, femme de noble Jean-Michel, seigneur d'Attricourt, conseiller du roi ;
1727, Dame Claude de Mazel, veuve de Louis de la Tour-du-Pin, dame de Fontaine-Française ;
1730, Jehan Michel, conseiller du roi, greffier en chef du bureau des finances, maire perpétuel de Fontaine-Française ;
1746, Haut et puissant Seigneur, Jacques de la Tour-du-Pin, chevalier, marquis de la Charce, seigneur de Fontaine, Fouvent, la Ferté, etc., souverain de Chaume ;
1754, d'Attricourt, François-Armand, fils de Hugues-Jacques d'Attricourt, écuyer, capitaine au régiment de Rouergue (1) ;
1774, Michel, Michelle, veuve de Bénigne Guillardet,
(1) Il y avait au commencement du XVIIIe siècle beaucoup de soldats à Fontaine, c'est ce qui explique les inhumations, dans l'église, de plusieurs officiers, de leurs femmes et même de leurs enfants.
seigneur d'Avot, avocat général à la Chambre des comptes de Dijon.
Je terminerai ce chapitre par la nomenclature des curés de Fontaine, suivant les notes que j'ai pu recueillir, assez incomplètes d'ailleurs, depuis 1556, époque vers laquelle le curé de Fontaine a commencé de tenir le registre des baptêmes, mariages et enterrements.
Mais on trouve déjà, en 1445, Robert Duchet, curé de Fontaine et aussi chapelain du château.
En 1464, Messire Nicolas de Saigney.
Dom Miguel-le-Brun, prieur, prend le titre de Curé primitif de l'église de Saint-Sulpice de Fontaine. Il vivait encore vers 1556.
Messire (1) Nicolas Labotte est curé et prieur de Fontaine pendant quarante-huit ans, de 1557 à 1605. C'est lui qui a écrit les relations du combat du 5 juin 1595 sur le registre des baptêmes.
Son neveu, Messire Prudent Labotte, aussi prieur, lui succède. Il a été curé pendant cinquante-deux ans, de 1605 à 1657.
Je trouve dans les archives du château la note suivante : « le 21 août 1657, honorable et discrète personne Messire Prudent Labotte a résigné sa cure de Fontaine-Françoise en faveur de M. Buvée, docteur en Sainte-Théologie, qui en a pris possession le lundi 10 novembre 1657. »
M. Buvée signe les registres, pour la dernière fois, le 5 janvier 1669 ; il a été curé pendant 12 ans.
(1) Je me sers de ce titre de Messire parce que je l'ai trouvé sur les actes authentiques de l'époque, sachant bien qu'un prieur doit être nommé Dom et non Messire.
Les actes sont ensuite signés Meschine, curé, jusqu'au 7 juin. Et dès le 24 novembre 1669, jusqu'au 26 janvier 1670, M. de la Loge, curé, signe alternativement avec M. Senelle, prêtre régulier.
M. Fanuol ou Fanuel, prêtre, signe du 11 février 1670 au 9 juillet 1671.
Il a pour successeur M. Minard, prêtre curé, du 11 juillet 1671 au 2 avril 1672 ; et de là au 24 février 1691 il signe les registres alternativement avec M.Bonneviot, prêtre familier de la chapelle des Gevrey, Montvoisin, curé de Dampierre, Morelet, prêtre et Théophane de Saint-Aignan, supérieur des capucins d'Is-sur-Tille, en l'absence du curé Minard, qui a pour successeur M. Morelet Charles, prieur, prêtre et curé, du 2 mars 1691 au mois de mars 1733, soit 42 ans.
Il a pour successeur M. Billard, qui signe avec le prêtre Arduin de 1733 au 16 décembre 1741.
A cette date M. Prodhon ou Prodon est curé, et il exerce son ministère avec M. Fourcault, prêtre (parent du célèbre empailleur d'oiseaux) jusqu'en 1759.
Le 11 mai 1759, M. Arduin, qui était déjà prêtre familier de la chapelle des Gevrey, devint curé de Fontaine et signe les actes jusqu'au 30 janvier 1781, 22 ans, avec Rebelier, devenu prêtre familier et Pelletier, desservants.
M. Bellon succède à M. Arduin et signe les actes du 4 février 1781 au 26 novembre 1792, l'an II de la République. Je crois qu'il a dû exercer pendant la Révolution, mais d'une manière très irrégulière et certainement secrète. En 1803 il est nommé curé d'Orain.
M. Poupas est nommé curé de Fontaine en 1799. En 1802, l'évêque le change et nomme M. Claude-Bénigne Lompré ; mais il est probable qu'il ne fut pas installé,
car le 28 pluviôse an XI (1802) les habitants et le con seil réclament le maintien de M. Poupas, aimé et estimé de toute la commune. L'évêque fit droit.
Il meurt le 16 août 1806, à l'âge de 45 ans et est remplacé par M. Barnaveaud, le 2 novembre de la même année.
Il a pour successeur, en 1818, M. Vincent Maillard, qui meurt le 7 décembre 1827, à l'âge de 60 ans.
M. Oudot, qui lui succède pendant huit ans, a été ensuite curé de Notre-Dame de Dijon, et est mort à Chalindrey, son pays natal.
La nomination de M. Oudot à Notre-Dame de Dijon laissa, pendant deux ans environ, veuve de tout titulaire l'église de Fontaine, par suite de difficultés suscitées à l'administration diocésaine de Mgr Rey, alors évêque de Dijon. C'est ce qui explique la nomination à cette époque d'un pro-curé de Fontaine. Ce fut l'abbé Drouelle, actuellement curé de Beaumont-sur-Vin-geanne, qui fut délégué sous ce titre au sortir de son ordination et prit soin de cette paroisse du 10 juin 1834 au 12 octobre 1835.
M. Lévêque, Jean, qui succéda réellement à M. Oudot, en 1836, meurt à Fontaine le 17 février 1838, âgé de 60 ans.
M. Rose, nommé en 1838, occupe la cure de Fontaine jusqu'au mois d'août 1855. Il se retire pendant quelques années dans la petite paroisse de Courchamp et meurt à Dijon, en 1876. On a ramené son corps à Fontaine où il est inhumé.
M. Dard, pendant si longtemps notre digne et bon curé, est arrivé à Fontaine le 29 août 1855 et a été installé le 3 septembre, jour de la fête patronale.
Après 31 ans de sacerdoce à Fontaine-Française,
M. l'abbé Dard, aimé, vénéré et respecté de tous ses paroissiens, sans exception, a été atteint d'une terrible maladie qui l'a cloué pendant des années sur son lit de douleur.
Obligé de démissionner, il meurt à Fontaine le 15 février 1891, a été inhumé au cimetière de cette paroisse et remplacé par M. l'abbé Contausset, curé de Trouhans, âgé de 63 ans.
Sur la proposition de Mgr Lecot, évêque de Dijon, M. Contausset a été agréé par décret présidentiel du 20 novembre 1886.
Sa nomination par Monseigneur est du 6 décembre suivant. Il est arrivé à Fontaine le 15 et a été installé le dimanche 19 par M. l'abbé Bourgeois, curé-doyen de Mirebeau, au milieu d'un grand concours de fidèles.
Des pensions ont été accordées aux ci-devant ecclésiastiques du canton de Fontaine-Française, à la charge du Trésor National, par la loi du 2e jour complémentaire ou des sans-culotides de l'an II, savoir :
A Bellon Pierre, ex-curé de Fontaine, 800 livres, 44 ans.
Cimeret, Nicolas, ex-bénédictin, de Fontaine, 1200 livres, 72 ans.
Morelet, Antoine, ex-bernardin, de Fontaine, 1000 livres, 67 ans.
Simonin, Pierre, ex-religieux à Saint-Seine, 800 livres, 46 ans.
Deléry, Julien, ex-curé de Sacquenay et Courchamp, 1200 livres, 72 ans.
Le François, Nicolas, ex-bernardin, de Sacquenay, 1000 livres, 68 ans.
Il est bon d'expliquer que Sacquenay était alors du
doyenné et du canton de Fontaine. Montigny-sur-Vin-geanne était le chef-lieu d'un autre canton, comprenant toutes les communes sur la Vingeanne depuis Pouilly jusqu'à Courchamp.
OMISSIONS
Le tabernacle du maître autel et la lampe, dons de M. Aynard de la Tour-du-Pin, sont style Louis XIII, d'une réelle beauté et de grande valeur.
L'ancien tableau représentant saint Sulpice a été détruit au moment de la révolution. On dit que ceux-là même qui en étaient les auteurs, pleins de remords, ont réparé leur faute en donnant à l'église le tableau qui existe aujourd'hui. Un peintre de talent, venu de Paris, en 1845, pour restaurer les tableaux du château, a fait l'éloge de cette peinture, qu'il a trouvée bien dessinée, bien peinte et ayant une certaine valeur.
Saint Sulpice, revêtu de ses habits sacerdotaux, est en prière, agenouillé et a une pose très naturelle, nous montrant bien le saint en oraison.
L'ancienne croix, que M. Dard a fait remplacer, avait aussi été descendue lorsque l'église a dû être fermée au moment de la révolution. Mais avant qu'elle ne fût remise en place, les habitants, hommes, femmes et enfants allaient souvent prier au pied de cette croix qu'ils vénéraient et dont ils déploraient le déplacement.
CHAPITRE XXI
L'ANCIEN CHATEAU
Jusqu'au commencement du XVIe siècle, le château, ancienne forteresse, composé d'un donjon de 100 pieds de hauteur avec pont-levis, entouré de quatre courtines aux murs épais de plus de six pieds flanqués aux angles de quatre grosses tours de 10 mètres de diamètre, avait à peu près la forme carrée. Les courtines et les tours étaient crénelées et avaient des machicoulis ; une terrasse couverte en plomb courait le long de toutes ces constructions.
Ces dernières parties de l'édifice étant probablement en mauvais état, le cardinal de Givry, évêque de Langres, frère du seigneur de Fontaine, et coseigneur de cette terre dont il faisait sa résidence habituelle, répara le château, le fit embellir et construisit un étage sur la courtine du côté de l'étang Pagosse et sur la partie au sud jusque contre le donjon, où se trouvait l'unique porte armée d'une herse en fer et précédée d'un pont-levis. C'est alors que furent établies des charpentes et des couvertures en tuiles sur les tours et les courtines.
Le plan, levé en 1727 par le géomètre Cheuzy d'Argillière, et que j'ai copié dans les archives du château,
Ancien Chasteau de Fontaine Françoise 1727.
et figurez par Cheuzy
arpenteur demeurant à Argillière au mois d'avril 1727 à la réquisition et ordre de Monsieur le Marquis de la Oharse Seigr du dit fontainne et autre lieux, Seigr et Gouverneur de Niom en Dauphiné etc.
donne exactement la figure du château-fort tel qu'il a été depuis le commencement du XVIe siècle jusqu'au moment de sa démolition (1).
En fait de description détaillée de cette forteresse je ne possède qu'un EXTRAIT SOMMAIRE du rapport des sieurs Philibert et Cournault, du 18 septembre 1752, portant reconnoissance et état de la Seigneurie de Fontaine-Françoise (2).
Je ne copie de ce rapport que ce qui concerne le château et ses principales dépendances.
ARTICLE 1er.
« Le Château consistant dans un donjon en tour carrée où est la porte d'entrée, une grande cour carrée où sont les bâtiments qui consistent dans un grand corps de logis, avec deux ailes en avance dans la cour ; dans le bas une grande salle (la salle des gardes) au bout de laquelle, du côté du midi, est un grand appartement consistant en un salon, chambre, cabinet et garde-robe ; de l'autre côté un petit vestibule où est l'escalier de pierre, ensuite une grande chambre (la salle à manger actuelle et la bibliothèque) et joignant est la Chapelle (aujourd'hui la cuisine) qui a des revenus et dont le chapelain est à la nomination du seigneur de Fontaine.
« Au-dessus une grande salle et mêmes appartements qu'au bas excepté que sur la chapelle est une
(1) On ignore la date do la construction de l'ancien château que de Saint-Jullien a fait démolir ; mais ce qu'on sait par les anciennes chartes c'est qu'en 1098 il existait déjà un manoir à Fontaine-Française, ou maison-forte construite par les Fouvent. Cet extrait se trouve aux archives du château.
chambre ; dans les deux ailes à côté du corps de logis il n'y a que les gros murs, la charpente et la couverture qui est en tuiles plates plombées. Sous l'aile du côté du midi est une cave (1). Il y a des réparations à faire dans le corps de logis, le tout est couvert en tuiles partie plombées. Lesdits bâtiments et cour sont entourés d'un grand fossé taillé dans le roc. A côté de la porte du donjon, à droite en entrant, est un corps de logis où se trouvent les cuisines et offices qui ont aussi besoin de réparations.
« Autour du fossé, en dehors, des côtés du levant, midi et couchant, est une terrasse dont les murs sont détruits en partie ; celle du couchant est ornée de parterres ; au-dessous du même côté est une pièce d'eau et des canaux servant de réservoirs à mettre du poisson qui s'étendent jusqu'à un ancien étang à présent en pré l'Etang Dessus, lesquels canaux et pièces d'eau sont partie remplis de terre amenée par les eaux.
« Au couchant de la terrasse qui tient trois côtés des fossés du château un petit potager, d'environ un quart de journal ; dans lequel il y a un petit bosquet de charmille au bout du jardin en bize et le logement du jardinier dont partie est tombée en ruines.
« Au nord du fossé est la basse-cour très spacieuse.
(1) Il n'est pas question de souterrain et cependant il en existait un, car je me souviens qu'en 1852, la voûte d'un souterrain qui se trouvait vers l'angle ouest du château était effondrée laissant béante une large excavation. On a comblé cette excavation. Ce souterrain, qui se dirigeait du côté de l'étang, pouvait avoir 1m 50 de largeur et 2m 30 de hauteur, sous la voûte. Il devait servir soit à amener à volonté les eaux dans les fossés, soit comme passage secret pour entrer au château ou en sortir.
« A côté de la deuxième baie de porte d'entrée (sur la rue de France) à gauche en entrant, un petit bâtiment servant de logement au fermier, couvert en laves et en assez bon état.
« A droite de cette même porte d'entrée, cinq toits à porcs, des poulaillers en très mauvais état et qui ont besoin d'être réparés à neuf.
« De l'autre côté de la basse-cour, joignant le mur qui est au couchant, un grand pressoir non banal garni de ses aiguilles et mares, le tout en bon état.
« Près du pressoir, un grand colombier en pied, sous lequel est une chambre et une cave. Le colombier n'est pas peuplé suffisamment.
« Au fond de la cour, du côté du septentrion, une grange couverte en tuiles servant à mettre les dixmes en assez bon état. Une autre grange plus petite, servant à mettre les grains de la ferme et cinq écuries dans le même corps de bâtiment (toutes ces constructions étaient appliquées contre la face intérieure des remparts ou courtines).
ARTICLE 2.
« Le parc situé près de la basse-cour près lequel il Y a une grande allée de gros arbres très anciens et allant sur toute la longueur du parc, depuis la porte d'entrée, sur la rue de France, jusqu'à l'autre porte qui est au mur du levant ; de chaque côté de ladite allée sont deux allées à l'extrémité desquelles sont des bosquets en charmes bien venants.
« A l'entrée du parc, à gauche, en entrant par la Porte de la rue de France, joignant ladite grande allée, un grand jardin potager garni d'arbres fruitiers et entouré de murs ; de l'autre côté, vis-à-vis le potager,
est une vigne appelée de la basse-cour, d'environ 38 ouvrées (aujourd'hui le verger) ; le tour du parc est en allées garnies d'espaliers, de contre-espaliers, de treilles à raisins et charmille ; le restant du parc en terre labourables, partagées en trois saisons, de chacune environ 14 journaux, lesdites teres garnies d'arbres fruitiers en plein vent. »
On voit que le potager, le parc et le verger étaient sensiblement autrefois ce qu'ils sont aujourd'hui ; du moins ils occupent exactement les mêmes emplacements.
Tels ils étaient d'ailleurs en 1640, ainsi que le montre le plan dressé par Schalle, du finage de Fontaine-Française.
Les fossés du château étaient à volonté remplis d'eau au moyen d'un canal voûté, haut de près de cinq pieds, qui partait des anciens marais et canaux (aujourd'hui l'étang du château) et traversait en biais, d'amont à l'aval, le parterre jusqu'au pied de la tour ouest, emplacement qu'occupent actuellement les cuisines.
J'ai encore vu ce souterrain et je me souviens qu'il y a une trentaine d'années, M. le comte de Chabrillan, le père du propriétaire actuel, passant un jour vers l'angle ouest du château, s'engloutit dans une espèce de précipice et ne se fit heureusement aucun mal. C'était la voûte du souterrain qui venait de s'effondrer.
J'aurais voulu qu'on réparât ce passage. On s'est contenté de combler l'excavation.
De l'ancien château il ne reste que la courtine, du côté de l'étang, contre laquelle on a appliqué de la taille qui forme la façade actuelle.
En 1373 le château fut assiégé par le sire de Mirebeau, qui dut lever le siège sur l'ordre formel de la duchesse de Bourgogne.
CHATEAU DE FONTAINE - FRANÇAISE
FAÇADE DE LA COUR D'HONNEUR
CHAPITRE XXII
LE NOUVEAU CHATEAU
Le château, bâti de 1754 à 1758, sur une partie de l'ancienne forteresse, faisant face à l'étang Pagosse, avec ses deux ailes en retour, quoique d'une architecture assez lourde, produit cependant une impression grandiose (1).
Evidemment M. de Saint-Jullien, en l'édifiant, s'est inspiré du château de Versailles pour la forme, la disposition et l'aménagement des parterres et des plantations qui l'entourent.
Les routes des environs furent redressées et changées de place de manière à se diriger toutes sur la vaste coupole qui surmonte l'édifice ; de larges avenues, plantées d'arbres, furent tracées ; le parc fut dessiné dans le style de Lenôtre et rappelle les dispositions de celui de Dijon.
En raison de la longueur de l'édifice, la façade du château, sur la cour d'honneur, paraît écrasée ; cepen-
(1) On a vu dans un chapitre précédent que la construction du grand château a coûté 338,938 livres 5 sols 11 deniers et celle du petit château 39,667 livres.
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dant l'architecture, style Louis XIV, en est nette et sévère. Les ouvertures du rez-de-chaussée, d'une hauteur de 4 mètres 1/2, sont ornées aux clés de têtes ou mascarons, sculptés avec grand soin, représentant toutes des figures allégoriques.
La corniche est superbe, à gros modillons, et produit le plus bel effet. Le fronton du milieu était autrefois orné des armes de M. de Saint-Jullien. Ces armes ont disparu. Un dôme de vastes proportions, terminé par une plate-forme à 25 mètres de hauteur au-dessus du sol, donne au toit un caractère particulier ; il renferme l'horloge et si on veut y monter, on est récompensé de ses peines par la vue d'un vaste et riant panorama.
La façade du côté de l'étang est toute en pierre de taille. C'est un placage fait contre l'ancienne courtine, sur 72m50 de longueur et 15 mètres de hauteur. L'aspect de cette façade, en raison de l'abaissement du sol et du bel escalier, tout en pierre de taille à double rampe qui l'ornemente, est grandiose et du plus bel effet.
Du côté de la cour d'honneur, un perron de quatre à cinq marches donne accès au château et on se trouve dans le vestibule servant aussi de cage au grand et vaste escalier qui conduit au premier étage.
Ce vestibule est orné de deux écussons, objets d'art, en pierre de Tonnerre.
Celui de Philibert ou Philippe Chabot, seigneur de Fontaine, de 1526 à 1543, est au haut de la porte de la salle des gardes, et celui du cardinal de Givry, Claude de Longvy, coseigneur de Fontaine, de 1505 à 1561, est au-dessus de la porte du corridor à droite qui conduisait à la chapelle qu'il avait édifiée en 1536.
A gauche du vestibule est la grande salle des gardes, longue de 13 mètres, large de 9 et haute de près de 5. Le pavage est en marbre de Fouvent, losangé gris et jaune. Eclairée par quatre hautes portes vitrées, dont celles du couchant sont percées dans des murs de deux mètres d'épaisseur, cette salle est sans contredit la plus belle du château.
Une cheminée en pierre noire, Henri II, d'une remarquable sculpture, ornée de bas-reliefs représentant les quatre saisons, occupe le fond de la salle. Sur cette cheminée est le buste de Henri IV, de grandeur naturelle et son chiffre est gravé sur le milieu de la bande supportée par deux cariatides (1).
Le plafond, entouré d'un large encadrement, est à panneaux sculptés, ornés de caissons et de rosaces, le tout d'un beau fini et de très bon goût.
La colonnade du pourtour de cette salle et la corniche sont de l'ordre toscan.
Cinq tapisseries à grands personnages, de haute lisse et de production italienne, apportées au château par le cardinal de Givry, à ce qu'on assure, dans le XVIe siècle, couvrent les quatre murs. Elles représentent la vie d'Alexandre le Grand.
Celle au couchant montre Alexandre, jeune encore, domptant Bucéphale (tête de boeuf) : « Quel cheval, dit-il, vont perdre ces gens-là pour ne pas savoir s'en servir... »
Au nord, on trouve le couronnement d'Alexandre,
(1) En 1882, Paul Gasc, élève de Dameron, premier grand prix de Rome, en 1890, a retenu et réparé toutes les sculptures des bas-reliefs. C'est lui qui a aussi sculpté sur le milieu de la frise le monogramme d'Henri IV. Il avait commencé ses études de sculpture chez M. Schanoski, de Dijon.
roi de Macédoine, 336 avant J.-C.; à gauche de la cheminée, son mariage ; à droite, on voit Alexandre recevant les envoyés de Darius Godoman, roi de Perse, qu'il vient de vaincre, 333.
Enfin, la tapisserie qui se trouve au levant représente Alexandre allant visiter la reine de Perse, captive, mère de Darius.
Ces tapisseries sont encore en parfait état de conservation et elles font un magnifique effet dans cette grande salle, surtout avec les beaux fauteuils Louis XIV en tapisserie d'Aubusson, les consoles Louis XV, la commode italienne, la table genre Louis XVI de Mazaros et les autres objets des XVIe et XVIIe siècles qui la meublent (1).
De la salle des gardes, on entre dans un premier salon, autrefois le billard, dans lequel se trouvent cinq grandes peintures sur toile, représentant en pied d'abord : Henri IV, tout costumé de noir, ayant derrière lui, en fond une image de la bataille du 5 juin 1595. C'est une copie du portrait si connu de Porbus. A gauche, en entrant, Charles, sire de Matignon (2), comte de Thorigny, né en 1564, mort en 1648. Du même côté, Jacques, sire de Matignon, maréchal de France,
(1)A Fontaine-Française, peut-être comme dans bien d'autres endroits, de temps immémorial, il était d'usage, le jour de chaque mariage, d'aller danser dans la grande salle du château. On rendait ainsi visite au seigneur qui honorait souvent le bal de sa présence.
Cet usage s'est perdu, mais celui d'envoyer un gâteau au seigneur la veille du mariage, s'est conservé pendant longtemps, et le jour de la noce les jeunes époux allaient faire une visite au château.
(2)Sous Louis XIV la fille unique du prince de Monaco, Louise-Hippolyte Grimaldi, porta par son mariage la principauté de Monaco à une branche de la maison de Goyon de Matignon. C'est ce qui explique la présence au château de Fontaine-Française de ces divers portraits.
gouverneur de Guyenne, maire de Bordeaux, né en 1526, mort en 1597, compagnon de Henri IV à la bataille de Fontaine-Française, dont j'ai eu l'occasion de parler déjà. De l'autre côté, à droite, en entrant : « Joachim de Matignon, lieutenant général en Normandie, mort en 1549. Et Aloin Goyon de Matignon, seigneur de Villiers, fils de Jean de Matignon et de Marguerite de Mauny. Il se retira en Flandre, auprès de Louis XI encore dauphin, revint avec lui et commanda une des deux compagnies de gentilshommes entretenues pour sa garde. Bailly de Gaen en 1465, il fut, fait grand écuyer de France en 1467 et mourut à Caen où il fut enterré en 1490. »
Le panneau en face de la cheminée est orné d'une grande tapisserie de 5 mètres de longueur et 3 de hauteur, représentant, d'après l'Albane, et de grandeur naturelle, Diane chasseresse, frappant d'un trait un sanglier furieux, au milieu d'une mêlée d'hommes et de chiens blessés.
Cette tapisserie est d'une très grande valeur.
Ce salon a environ neuf mètres au carré. Les murs en sont boisés de haut en bas avec sculpture rapportée. Il est meublé de canapés, fauteuils et chaises Louis XV, en tapisserie à petits points du commencement de Beauvais, représentant des sujets tirés des fables de Lafontaine. Les consoles sont Louis XVI ainsi que les autres meubles.
A la suite se trouve le grand salon, éclairé par quatre hautes fenêtres. Les murs sont boisés sur toute leur hauteur avec appliques de sculptures en bas-relief.
Les meubles sont blancs et or et recouverts d'une étoffe en reps de soie brochée rouge, style Louis XV.
Dans ce grand salon, les panneaux sont Louis XIV, les torchères et la pendule Louis XV et les consoles Louis XVI.
On y voit deux tableaux. L'un représente une mère tenant son enfant qui appuie sa tête sur son sein. C'est une belle peinture, mais elle n'est pas signée. On croit que c'est le portrait de Cl. de Braubach, comtesse de Choiseul, et on l'attribue à Simon Vouet.
L'autre est Philis de la Tour-du-Pin, tenant un cor de la main gauche et de l'autre la laisse de son chien. Au haut de ce tableau, on lit cette inscription écrite en lettres noires sur un champ d'or :
« Philis de la Tour-du-Pin, de la Charce, peint par Mignard l'an 1692. »
« Le duc de Savoie ayant fait une irruption en Dauphiné, Philis se mit à la tête des vassaux du marquis de la Charce, son père, fit couper les ponts et garder les passages, battit l'ennemi en plusieurs rencontres et prêta un tel appui au maréchal de Cattinat, que non seulement, par ordre de Louis XIV, son portrait, son écusson et ses armes furent déposés au trésor de Saint-Denis, mais encore une pension de 2.000 livres lui fut accordée comme à un brave officier. L'ordre de Saint-Louis, dit Voltaire à ce sujet, n'était pas encore institué. »
« Philis mourut à Nyons en 1703. »
On montre, dans ce salon, un casque en fer et le devant d'une cuirasse du temps de Henri IV. La cuirasse a été percée d'une balle.
Dans les salons durez-de-chaussée, comme les grands appartements, les pendules, les vases, les candélabres, les lustres, les bronzes, les meubles, etc. sont d'une très grande richesse et appartiennent généralement
aux époques Louis XIV et Louis XV avec quelques Louis XVI.
Le marquis Aynard de la Tour-du-Pin, qu'à juste titre on a appelé un puits de science, a fait de grandes réparations, de 1843 à 1848, dans l'intérieur du château. On y trouve à chaque instant les preuves de son goût éclairé et de ses connaissances artistiques.
Il ne choisissait que des hommes de valeur, de vrais artistes, pour exécuter les travaux qu'il entreprenait.
Depuis quelques années, de nouveaux aménagements intérieurs ont été faits ; ils rendent l'habitation plus commode et plus agréable. Mais revenons à notre description.
A l'angle sud du château, joignant le grand salon, est l'appartement de Mme de Chabrillan, jadis celui de Mmede Saint-Jullien. Sa chambre à coucher est tendue en damas de soie jaune et tout l'ameublement, en velours d'Utrech également jaune, de l'époque Louis XV et Louis XVI, est en parfaite harmonie avec la tenture. On y remarque deux toiles de l'ancienne collection Thiers : un combat de cavalerie de Pierre Wouwremans et un paysage historique de Francisque. Ensuite une aquarelle de Lebarbier, M. de la Tour-du-Pin enrôlant des militaires. Deux autres peintures remarquables : Mme de Gouville, soeur du maréchal de Tour-ville, et la maréchale de Villeroi, par Mignard.
Enfin une autre peinture de Carmontel, la princesse de Monaco en peignoir.
De cette chambre, on a transporté dans une autre deux superbes sépia de Lebarbier, vues dessinées sur place dans un voyage aux Pyrénées, fait par M. de la Tour-du-Pin, Béthune et Lebarbier.
C'est dans cette chambre, qu'à cette époque on appelait le petit salon, que, jusqu'à son accident arrivé en octobre 1870, Mme la marquise se tenait, recevait les visites et qu'elle passait ses soirées. Je n'oublierai jamais avec quelle grâce, quelle bonté et quelle aménité elle accueillait les personnes qui avaient le bonheur d'être admises à ces soirées si pleines de charme et d'attraits.
A gauche enfin, dans l'aile du levant, est l'appartement de M. le comte de Chabrillan, dans lequel on remarque plusieurs portraits de famille.
A droite du grand escalier, toujours au rez-de-chaussée, un large corridor conduit à la salle à manger et aux offices.
Dans ce corridor se trouvent deux superbes lavabos de pied en chêne sculpté Louis XIV, et une large vitrine dans laquelle on a réuni aiguières et plats dorés, vieux cristaux de Rouen et de Nevers, aux armes de la Tour-du-Pin, ainsi que d'autres belles et anciennes faïences de Rouen et de Nevers aux mêmes armes.
La salle à manger, très haute de plafond, entièrement boisée, avec sculptures sur panneaux, peut facilement contenir vingt-quatre convives. Elle est ornée de cinq dessus de portes représentant des natures mortes par Gall.
Nous trouvons ensuite la bibliothèque (1), riche de plus de 5000 volumes, et la nouvelle chambre des archives à la hauteur de la galerie de cette bibliothèque.
(1) Sur la cheminée est une superbe encre de Chine dessinée en 1761 par Lejolivet, architecte des écoles et voyer de la ville de Dijon.
C'est un projet de la scène du théâtre qui a été construit dans les combles du château, où Voltaire a eu sa loge.
A l'angle ouest se trouve la cuisine, vaste pièce, à l'immense manteau de cheminée, qui a été installée dans l'emplacement de la chapelle dont le lecteur connaît l'ancienne magnificence.
Enfin dans le pavillon nord les offices et la lingerie avec ses dépendances.
Si nous montons maintenant le grand escalier, nous y trouvons d'abord, sur un palier, le buste en pierre de Louis XVIII (1), puis deux portraits en pied à l'huile, médiocres comme peinture et; n'ayant qu'un intérêt de famille, représentant Isabeau de France, Palatine de Bourgogne, fille du roi Philippe VI et de Jeanne de Bourgogne, et Guy VIII de la Tour-du-Pin, Dauphin de Viennois, qu'elle épousa le 17 mai 1323. Guy est représenté avec la croix sur la poitrine en costume de chevalier de Jérusalem. « Pour reconnaître la part qu'il avait prise à la victoire de Cassel, où il commandait une aile, il reçut en don de Philippe VI la résidence de la reine douairière Clémence, d'où vint le nom de Maison aux Dauphins donné à cet hôtel qui est devenu l'hôtel de ville de Paris. »
Nous arrivons ensuite dans une immense galerie, à l'architecture toscane, d'une hauteur de 4m50, d'une longueur de 64 mètres, à l'extrémité sud de laquelle se trouve la chapelle placée sous, le vocable de N.-D. et dont les murs sont en stuc. La galerie pourrait servir de nef (2) à la chapelle dans laquelle on a célé-
(1) Celui qui faisait pendant à Henri IV sur le monument élevé par Mme de Saint-Jullien en Pré Morot.
(2) Cette galerie, ayant 64 m. de longueur et la chapelle 6 m. 50, cela fait en tout 70 m. 50 de longueur d'une extrémité à l'autre, non compris les deux fenêtres percées dans des murs de 1 mètre d'épaisseur chacun, soit en tout 72 m. 50, longueur totale du château.
bré les offices jusqu'en 1820, conformément à l'autorisation renouvelée depuis le rétablissement du culte en France, et qui en avait été donnée à M. de Saint-Jullien, le 10 août 1758, par Mgr l'évêque de Langres, Gilbert de Montmorin, suzerain du seigneur de Fontaine-Française (1).
En retour au nord, deux chambres avec lits à colonnes, toutes deux entièrement tendues d'anciennes tapisseries de Flandre très curieuses et particulièrement conservées, nommées des verdures, reproduisant des sujets champêtres de Téniers, bals, jeux, banquets, etc. On voit sur l'une d'elle le château de Saint-Cloud avec ses jets d'eau et ses cascades. Des copies de Wateau remplissent le haut des panneaux des cheminées ornées de glaces aux encadrements de bois dorés, finement sculptés, du XVIIe siècle. L'ameublement de ces deux chambres est Louis XIV et Louis XV.
A droite de la chapelle on montre aux visiteurs la chambre, prise dans la tour sud-ouest, où Henri IV coucha, le soir de la bataille du 5 juin. C'est cette chambre que Mme de la Tour-du-Pin avait choisie pour son appartement particulier.
Je passerai sous silence les petits appartements et j'arriverai de suite à la grande chambre dite Royale connue aussi sous le nom de chambre aux grands personnages, parce que les murs étaient recouverts des grandes tapisseries qu'on a depuis placées dans la salle des gardes.
(1) M. le comte de Chabrillan, propriétaire actuel, a de nouveau obtenu un bref de Sa Sainteté le Pape Léon XIII, daté de Rome du 24 avril 1885, pour faire célébrer la messe et autres offices dans la chapelle castrale.
Cette chambre, aujourd'hui tapissée en soie rouge cerise, a des fauteuils or et damas soie rouge aussi cerise, Louis XIV, le lit et les autres meubles sont Louis XV.
Le lit placé d'équerre au mur est d'une richesse de tenture peu commune, brochée de soie, aux couleurs très voyantes sur fond de damas de satin blanc, le baldaquin, les rideaux et la couverture sont chargés de figures allégoriques quelque peu légères, de fleurs, d'oiseaux, le tout brodé à la main.
Il est d'une très grande valeur et l'un des meubles les plus curieux du château.
Sur toute la longueur de la galerie, éclairée par huit hautes fenêtres, s'ouvrent de grands et petits appartements de maîtres, avec chambres de domestiques espacées très ingénieusement pour faire face à tous les besoins du service.
Dans toutes ces chambres on trouve de vieux meubles et des portraits de famille dont quelques-uns ne sont pas sans valeur.
Au second étage, dans les combles, on voit encore l'appartement de M. de Saint-Jullien, le fils, mais abandonné depuis sa mort. A côté est le garde-meubles et diverses pièces où on retire les objets mis au rebut ou ceux qui peuvent servir dans des circonstances données.
On compte dans le château cinquante chambres en y comprenant les salons, les appartements de maîtres, les cuisines, offices et chambres de domestiques ; quatre-vingt-cinq grandes fenêtres et vingt louvres éclairant les façades et les combles (4).
(1) Les platines des cheminées sont aux armes des la Tour-du-Pin,
C'est dans ces derniers, sous le dôme, que se trouvaient la salle de théâtre et la loge dite de Voltaire, dont j'ai parlé dans les chapitres précédents.
La cour d'honneur, appelée vulgairement \e parterre, n'a dit-on pas sa pareille en France sous le rapport de la régularité de sa plantation de tilleuls, datant de 1760, taillés en portiques avec plateforme supérieure ressembant en été à un pré vu de l'étage.
Cette plantation, qui forme un grand fer à cheval en face du château et des rectangles aux autres côtés, est composée de 392 tilleuls, tous de la même grosseur et d'une remarquable régularité de végétation, bien qu'ils soient plantés dans un sol qui n'a pas un mètre d'épaisseur reposant sur une roche plate.
Un des plus grands agréments de cette habitation est la communication établie entre le château et la forêt par le parc et par une avenue dans laquelle on est sûr de trouver en été le calme et l'ombre tant recherchés des promeneurs.
Cette avenue, se développant sur plus d'une lieue de longueur, est connue sous le nom d'Avenue Honorine, prénom de Mme la marquise de la Tour-du-Pin.
Pour démontrer combien, à l'époque de l'embellissement de Fontaine-Française, par M. de Saint-Jullien, on admirait ses travaux, je donne ici : un « Extrait de relation aussi succincte qu'exiguë d'un voiage fait en Bourgogne l'année 1783, inédite, attribuée à un secrétaire de Buffon. »
« Je quittai cette belle source (la Bèze) pour aller à Fontaine-Françoise, maison de campagne qui appartient
Saint-Jullien et les dernières placées, comme celle de la salle des gardes, aux armes des Moreton de Chabrillan.
à M. de Saint-Julien, où l'art, le goût, l'opulence paraissent s'être épuisés pour en faire un lieu de délices. Les parcs, les eaux, les bois percés simétriquement, tout a été imaginé pour en rendre les dehors agréables. Les jardins sont vastes et dessinés avec art, à chaque pas on voit des objets nouveaux et intéressants, icy c'est l'humble tilleul uni au charme qui forment des voûtes de différentes formes sous lesquelles on peut se promener à l'ombre (le jour) dans les moments du jour où le soleil a le plus de force. Plus loin est un bosquet de lilas et de chèvrefeuilles où la reine des fleurs paraît dans tout son éclat et mêle son parfum à celui de ses compagnes, là sont des cabinets charmants où l'on rêve à ses plaisirs et où le désir naît en admirant la nature (1). »
(1) On lit dans la Presse Grayloise, du 21 août 1891, à la fin du feuilleton qui a pour titre : Esquisse historique et description du Bourg de Fontaine-Française, par Camille Rochard (Professeur au collège de Gray) :
... « Le Fontaine actuel mérite d'être visité : il charme les étrangers et il a même eu l'honneur d'inspirer les poètes. »
FONTAINE-FRANÇAISE.
Le temps est lourd, le ciel gris,
L'été bientôt expire ;
Enfin je puis quitter Paris,
J'étouffais, je respire :
Le coin riant et sans pareil,
Où je vais, à mon aise,
M'enivrer d'air et de soleil Est.... Fontaine-Française.
Nous voilà partis. En wagon L'heure fuit comme un songe ;
Je lis et je suis à Dijon Avant que je n'y songe ;
M. de Saint-Jullien avait formé un projet qui malheureusement n'a pu être réalisé. Il voulait, dit-on, prolonger, jusqu'au fourneau, sur une longueur d'environ une demi-lieue, les deux banquettes qui forment aujourd'hui encore les réservoirs à poisson. C'eût été une autre promenade délicieuse et qui ne l'eût pas cédé en charmes à l'avenue Honorine.
Je trouve dans de vieux comptes que les travaux de
La diligence, au lieu de dix, Nous martyrise seize ;
Mais nous gagnons le Paradis Et.... Fontaine-Française.
Beau château, coquettes maisons, Forêts, parcs pleins d'ombrage,
Grands étangs, vastes horizons, Ah ! le joli village !
Sur ses plus anciens habitants A peine l'âge pèse ;
On est jeune à quatre-vingts ans A Fontaine-Française.
Grâce au travail nul n'y connaît La misère ou la gêne ;
Et content de peu chacun est Sans envie et sans haine.
La loi de l'hospitalité Est là toute écossaise,
Thémis vit dans l'oisiveté A Fontaine-Française.
Ame noble, coeur bienfaisant, Madame la Marquise
Avec tous, bourgeois, paysans, Est d'une grâce exquise;
Sa main répand à l'infini L'or qui soulage, apaise,
Aussi son nom est-il béni A Fontaine-Française.
la première partie qui existe de cette avenue dans l'étang, ont été exécutés, vers 1777, par les ouvriers de la localité ainsi que le déversoir de l'étang Pagosse, ou du château, à raison de huit sols par jour, sous la surveillance et la direction de M. Vernier, alors garde-chasse général du domaine, grand-père maternel de M. Louis Magnieux, ancien régisseur.
On raconte dans le pays que sur la demande de M. de Saint-Jullien, le régiment de la Charce devait être cantonné à Fontaine-Française et employé aux terrassements.
La mort de M. de Saint-Jullien, arrivée en 1788 et les évènements de la fin du siècle dernier, arrêtèrent l'exécution de ce projet.
Dès l'aube courir dans les bois,
Aller à la nuit close
Dans le parc rêver quelquefois,
Ah 1 quelle douce chose I
Je resterais jusqu'à demain Couché sous ce mélèze...
Mais l'appétit prend le chemin De Fontaine-Française.
Hélas ! il n'est pas de beau jour Qui ne fuie et s'achève....
Une semaine en ce séjour A passé comme un rêve ;
Il faut vous quitter, bois ombreux,
Pour l'ardente fournaise.
Que tes habitants sont heureux, O Fontaine-Française...
V. DUMAREST.
Les personnes, possesseurs de cette histoire, qui visiteront le château, me sauront gré, j'ose l'espérer, de leur donner, chambre par chambre, la description complète des principaux tableaux qui s'y trouvent en dehors de ceux dont j'ai parlé qui se voient dans les salons, la salle à manger, etc.
1° Chambre de Madame la Comtesse, au rez-de-chaussée
Mlle de Villeroy, bonne peinture.
Princesse de Monaco (par Mignard).
Mme de Gouville.
Combat de cavaliers (par Wouvermans).
Paysage (par Francisque).
Archevêque de Reims (photographie).
Enrôlement de volontaires (pastel), par M. de la Tour-du-Pin, tenant sa bourse.
Le Marquis de la Tour-du-Pin vers 1730.
Victor-Charles de la Tour-du-Pin la Charce, mort sur l'échafaud, 1794.
La Princesse de Monaco, née Choiseul, morte sur
l'échafaud, 1794.
Marquis de la Tour-du-Pin, petit cadre.
Mme de Chabrillan, sa soeur, petit cadre.
Marie Catherine de Brignolé, princesse de Monaco, depuis princesse de Condé (par Carmontel, 1780).
René de la Tour-du-Pin et Honorine de Monaco, 1805.
2° Chambre de M. le Comte, au rez-de-chaussée.
Comte de Moreton de Chabrillan (Charles-Fortuné), capitaine aux hussards de la garde royale, né en 1796, mort en 1863.
Guigues de Moreton de Chabrillan (Charles-Fortuné), colonel de la légion de la Drôme, né en 1771, mort en 1817, son père.
Marquis Grimaldi des Baux, 1846.
Eléonore d'Orléans, femme de Charles de Matignon, comte de Thorigny (par Mignard).
Henry de France et Mademoiselle.
Comte de Chambord.
Anne-Françoise, Princesse de Croÿ, mariée en 1864 au comte Fortuné de Chabrillan (peint par la Princesse de Croy Solre, sa soeur).
Tableau tiré de l'Oiseau bleu.
Marquis Aynard de la Tour-du-Pin, colonel blessé à la prise de Malakof.
Joséphine Philis de la Tour-du-Pin, Comtesse de Chabrillan (par Henry, 1832).
Duchesse de Choiseul, petit cadre rond.
Duc de Choiseul, ministre de Louis XV, petit cadre rond.
3° Chambre n° 3, à l'étage, dite de Henri IV.
Charlotte de laTour-du-Pin, Comtesse de Chabrillan, peinture (par Laurent).
Marquis Aynard de la Tour-du-Pin, colonel, son frère.
Château de Ray-sur-Saône.
Louise de Lagrange, Comtesse de Béthune, soeur de la reine Sobieska, peinture.
Château d'Ancy-le-Franc.
Marquis de la Tour-du-Pin, fusain.
Prince de Monaco, son cousin.
Charlotte de la Tour-du-Pin, Comtesse de Chabrillan (enfant).
4° Chambre n° 7.
M. de Saint-Jullien fils, peinture.
Charlotte Doyle, 1807, depuis Mme Davison, pastel. Princesse Joseph de Monaco, veuve en première noce de M. Doyle, 4807, pastel.
Célina Doyle, pastel.
Christine de Saxe, peinture.
5° Chambre n° 9.
Ruines du temple de Diane, à Nîmes (par Champlain, 1825, effet de nuit).
Cascade des Pyrénées, à Cauterets (aquarelle de Lebarbier).
Cascade des Pyrénées sur le chemin de Barèges (par Lebarbier).
M. de Saint-Jullien fils, pastel.
Cardinal de Choiseul, pastel.
Stanislas Jablonowski, peinture.
Comtesse de Béthune.
Baronne de Deux-Ponts.
6° Chambre n° 12
Honorine de Monaco,
Fusains, par Charlotte de la Tour-du-Pin.
Me de la Tour-du-Pin,
Honoré, prince de Monaco, son cousin, ,
Raoul de la Tour-du-Pin,
Célina Doyle,
Comte de Forbin des Issards.
Charles de Matignon, peinture,
Fusains, par Charlotte de la Tour-du-Pin.
Charlotte de la Tour-du-Pin, comtesse de Chabrillan,
Marquis Aynard de la Tour-du-Pin, son frère,
René de la Tour-du-Pin de la Charce,
Moines rançonnés.
Et quantité d'autres tableaux, mignatures, gravures de prix, dans les autres chambres, dont la nomenclature serait trop longue.
CHAPITRE XXIII
LA CHAPELLE DU CHATEAU
La plus ancienne chapelle qu'on connaisse au château de Fontaine-Française est celle qui fut bâtie en 1297 par Jean Ier de Vergy, sous le vocable de Notre-Dame.
Elle était située devant le château, vers l'angle nord (sur le chemin de France), à peu près dans l'endroit où se trouve aujourd'hui le cabinet rond de verdure, entre le petit monument de Henri IV et la grille qui conduit au parc.
L'époque de la construction de cette ancienne chapelle indique probablement le moment de la construction du donjon et de la forteresse que M. de Saint-Jullien a fait démolir en 1754, quoiqu'un manoir existât bien avant en ce lieu, déjà en 1098.
Bâtie à peu près à la même époque que la chapelle de Fouvent-le-Haut, dont on vantait la richesse, celle du château de Fontaine était aussi merveilleusement belle. Jeanne de Vienne, femme de Jean de Longvy II, y fut inhumée en 1474. Elle renfermait encore d'autres sépultures seigneuriales.
Un titre du 23 février 1450 dit que « Jehan de
Longvy, seigneur de Gevrey et de Fontaine, nomme chapelain de la chapelle Notre-Dame du château Robert Brichet. »
Mais, les guerres aidant, le temps qui détruit tout a vu disparaître cette chapelle.
En 1536, Claude de Longvy, cardinal de Givry, évêque de Langres, duc et pair de France, coseigneur de Fontaine (1), qui faisait sa résidence habituelle au château, transporta pour sa commodité ou peut-être par cause de vétusté, l'ancienne chapelle, qui était devant le château, comme nous l'avons dit, dans le château même, à l'angle ouest, où M. de Saint-Jullien, sans respect pour le lieu saint et les seigneurs qui y étaient inhumés, établit les cuisines de son nouveau château.
Cette nouvelle chapelle était d'une richesse extraordinaire. « Il n'y manquait qu'un étui pour un si beau bijou », disait-on. L'aménagement en était superbe, les dorures et les tapisseries n'y étaient pas épargnées ; elle était voûtée en pierre et bien éclairée. Les armes du cardinal s'y trouvaient en vingt endroits différents (2).
Le cardinal de Givry mourut en 1561, dans son château de Mussy, « de chagrin », dit un contemporain, « d'avoir vu le protestantisme envahir son évêché. »
Le cardinal de Givry, tout en conservant à la nouvelle chapelle le vocable de l'ancienne (comme souvenir des Vergy), voulut sans doute y adjoindre un se-
(1)Et par conséquent, son propre suzerain, en sa qualité de comte de Montsaugeon, duc et pair de France.
(2)Le cardinal de Givry portait : écartelé aux 1 et 4 d'azur à la bande d'or, qui est Longvy ; aux 2 et 3, d'azur au sautoir de gueules accompagné de douze fleurs de lis d'or, qui est l'évêché de Langres.
cond vocable, car en 1544-1545, sous François Chabot, le chapelain Hugues Jacquinot prétendait être en droit de jouir de la moitié de la dîme sur le finage de Fontaine, qu'il disait avoir été donnée par les anciens seigneurs « pour dotation de la dite chapelle Saint-Sébastien. » Tandis que le 12 novembre 1591, messire Simon Labotte, prêtre du diocèse de Langres, est nommé « chapelain de la chapelle Notre-Dame du château, » qu'il dessert jusqu'à sa mort.
En 1513, le 16 février, Catherine de Silly, épouse de Henri Chabot, nomme chapelain de la chapelle Saint-Sébastien du château, Charles Labotte, clerc du diocèse de Langres, en remplacement de Philippe Jacquinot, qui se fait « hermitte ». Charles Labotte dessert la chapelle jusqu'en 1639. En cette même année, sous François de la Rochefoucault, la chapelle castrale est indiquée comme étant sous le vocable de Notre-Dame, et le 13 septembre 1658, Claude Buvée, prieur, curé de Fontaine, est nommé chapelain de la chapelle Notre-Dame du château, par Catherine d'Arnault, épouse de Jacques de Mazel, seigneur de Fontaine, au détriment de Jean Bichot, chapelain en exercice.
Voici pourquoi Claude Buvée est nommé chapelain:
Antoine d'Arnault devenu, en 1656, seigneur de Fontaine, par l'acquisition de cette terre, professait la religion soi-disant réformée. Il ferma nécessairement la chapelle du château, supprima le chapelain dont il n'avait que faire et chargea le curé de Fontaine d'acquitter les fondations, sans doute en conformité d'une clause de l'acte de vente.
Jean Bichot, chapelain de la chapelle Notre-Dame du château, n'accepta pas la suppression de son emploi, et le 22 juin 1661, somma Antoine d'Arnault, seigneur
de Fontaine, de lui laisser l'entrée libre de ladite chapelle pour qu'il puisse y faire la desserte qu'il dit être d'une messe le samedi de chaque semaine.
L'instance se termina au profit du seigneur qui nomma néanmoins, la même année, le 13 novembre, Alexandre de Grignoncourt, au titre de chapelain.
Sous Antoine d'Arnault, Jacques de Mazel et Catherine d'Arnault, son épouse, professant tous la religion réformée, Charles-Alexandre de Grignoncourt, désigné seulement clerc du diocèse de Toul, nous paraît être un chapelain commendataire ou bénéficiaire.
A cette époque, les revenus de la chapelle du château consistaient dans le produit de 33 journaux et demi trois quarts de terre, outre la Charme Robert de six journaux deux tiers et quatre faulx (1) deux tiers et demi de pré appelé alors le pré des Minimes, aujourd'hui des Mineurs.
Le 19 juillet 1688, l'abbé de Grignoncourt résigna ses fonctions et son bénéfice en faveur de messire Simon Minard, curé de la paroisse de Saint-Sulpice de Fontaine. Un évènement important venait d'avoir lieu au château.
En ce moment les abjurations du protestantisme étaient nombreuses et à Fontaine-Française en particulier, seigneurs et habitants venaient de rentrer dans le giron de l'église catholique.
Voici la copie textuelle de l'acte d'abjuration faite en la chapelle du château par Catherine d'Arnault et plusieurs personnes de sa suite.
Jacques de Mazel ne fit son abjuration aux Capucins de Dijon, que le 31 janvier 1686.
(1) La faulx est équivalente au journal de 34a 28e.
« Ce jourd'hui dimanche neuf décembre 1685, en la chapelle du chasteau de Fontaine-Françoise, environ deux heures après midy, dame Catherine d'Arnault, femme et compagne de Mre Jacques de Mazel, escuier, seigneur et dame dudit Fontaine, dame Claude de Mazel, leur fille, femme et compagne de M. le marquis de la Charce, damoiselle Judith Bernier de la ville de Paris de présent audit Fontaine, Isabeau Caperon, femme de chambre de ladite dame de Mazel, Jeanne Anthoine, femme de chambre de ladite marquise de la Charce et Daniel Loppin, fils de Daniel Loppin de Mirebeau, aâgé de quatorze ans, laquais de ladite dame marquise ont fait abjuration de la religion soi-disant réformée, de laquelle ils faisaient profession et de toutes hérésies, et promis de vivre et mourir dans la foyet obéissance des commandements de Dieu et de l'église catholique, apostolique et romaine, entre les mains du révérend père Célestin d'Auxonne, capucin, gardien du couvent de Dijon de présent faisant la mission audit Fontaine-Françoise, ayans tous les susnommés prêté serment par l'imposition de la main sur le saint Evangile en tel cas requis et reçue l'absolution en présence de discrette personne Mre Simon Minard, prestre bachelier en théologie, curé dudit Fontaine, le révérend père Claude de Diion, capucin dudit couvent, Mre Jean Michel, notaire royal et M. Simon Jacquinot, procureur fiscal en la justice dudit Fontaine et Labotte d'Orrain qui se sont soussignés avec les dames, damoiselles et Jeanne Anthoine, Célestin d'Auxonne, Minard curé, Claude de Diion, Labotte d'Orrain, Tournois, Jacquinot, Michel, notaire. »
Le château n'ayant pas été habité pendant un certain nombre d'années (peut-être pour cette cause ou
pour d'autres inconnues) on ne célébrait plus les offices dans la chapelle castrale. M. le marquis de la Charce, seigneur de Fontaine, par une lettre, sans date, écrite de sa main, demanda à Mgr l'évêque de Langres l'autorisation de continuer, ainsi que cela avait été accordé par NN. SS. à ses prédécesseurs, la célébration de la sainte messe les fêtes, les dimanches et autres jours. — L'autorisation, écrite au bas de la supplique, est du 6 juin 1736 et signée : † G. évêque de Langres. Il y avait cependant un chapelain nommé Etienne Paul de Tourres de Saint-Florent, mais il est probable qu'il n'habitait même pas Fontaine et que c'était le curé de Fontaine qui devait user de cette autorisation.
Un incident survint : un prêtre non autorisé ayant dit la messe dans la chapelle, celle-ci se trouva interdite par le fait et cet interdit ne fut levé qu'en 1741, le 3 novembre, par Didier Durand, prêtre, docteur en théologie de la Faculté de Paris, officiai du diocèse de Langres pour partie du comté de Bourgogne et curé de Domarien, lequel en dressa procès-verbal en vertu d'un pouvoir spécial.
Le procès-verbal se continue ainsi : ... « Après avoir fait notre prière, nous avons observé que ladite chapelle était située dans un endroit reculé du château, hors du bruit et du tumulte. Les murs qui sont surmontés d'une voûte de pierre cintrée nous ont paru en bon état et ladite chapelle suffisamment éclairée. L'autel de pierre, sur lequel se trouvent des marques de consécration, est garni de deux gradins sur lesquels il y a un crucifix et deux chandeliers de cuivre argenté et quelques vases de faïence ornés de fleurs. Les images en pierre qui accompagnent l'autel repré¬
sentent la sainte Vierge et saint Antoine et sont d'une forme décente, l'autel est couvert de deux nappes pliées en double, et devant l'autel est un marche-pied de bois.
« Dans ladite chapelle se trouvent deux armoires fermant à clef dans l'une desquelles nous avons trouvé dans un étui d'étoffe de soie doublé de toile blanche, un calice d'argent avec sa patène. La coupe du calice est dorée en dedans aussi bien que la patène ; il est d'un poids suffisant et assuré sur son pied.
« Dans ladite armoire nous avons aussi observé qu'il y avait quatre chasubles avec des étoles, manipules et voiles de calice, savoir : une chasuble soie verte et argent... ; nous avons déplus trouvé dans ladite armoire quatre corporaux, six purificatoires, ensuite deux aubes, six amicts, trois nappes d'autel et deux essuie-mains, un missel romain, deux burettes et un plat de cuivre argenté avec une clochette, le tout en bon et dû état.
« Nous étant ensuite adressé à la personne de haut et puissant seigneur Jacques-Philippe-Auguste de la Tour-du-Pin, marquis de la Charce et seigneur dudit Fontaine, pour savoir si d'autres ecclésiastiques que ceux approuvés dans le diocèse de Langres n'auraient pas célébré la sainte messe dans ladite chapelle, il nous aurait répondu qu'un prêtre du diocèse de Dijon, vicaire de la Sainte-Chapelle et non approuvé dans celui de Langres, s'était trouvé par hasard à Fontaine, avait célébré la sainte messe dans ladite chapelle castrale, il y avait environ six ans, dont et de ce que ci-dessus nous avons dressé le présent procès-verbal.
« Et ledit jour en vertu des pouvoirs à nous conférés et accordés par Monseigneur l'Illustrissime et Révéren¬
dissime Evêque duc de Langres, mentionnés en notre commission du 21 octobre présent mois, nous commissaire susdit, ayant trouvé ladite chapelle castrale en bon et dû état, fournie de tout ce qui est nécessaire pour la célébration de la sainte messe, l'avons relevée de l'interdit encouru par le seul fait sur ce qu'un ecclésiastique non approuvé dans le diocèse y a célébré la sainte messe, etc... Et nous nous sommes soussigné avec mondit Jacques-Philippe-Auguste de la Tour-du-Pin et Félix Ardouhin, prêtre desservant la cure de Fontaine-Française qui ont assisté à la présente visite.
« Signé : LA TOUR-DU-PIN, DURAND, ARDOUHIN. »
Voici le passage de l'ordonnance épiscopale de 1736 qui avait rendu nécessaire la mission de Didier Durand :
« Nous, Gilbert de Montmorin de Saint-Hérem... ordonnons que la moitié des domestiques ira les dimanches et fêtes aux offices de la paroisse, voulons que ladite chapelle soit interdite, ipso facto, si aucun prêtre régulier ou séculier, autre qu'approuvé de notre diocèse y célèbre la sainte messe, défendons qu'on y administre aucun sacrement sans notre permission et qu'on y suspende une cloche pour appeler les fidèles, etc... »
Le nouveau château, commencé en 1754, est achevé complètement en 1758. M. de Saint-Jullien demande alors à l'évêque de Langres l'autorisation de faire dire la messe dans la nouvelle chapelle du château.
Cette chapelle est située au premier étage, dans l'aile gauche du château, à l'extrémité de la grande galerie aux arcades toscans, qui lui sert de nef et qui a 64 mètres de longueur, sur trois de largeur et plus de qua¬
tre de hauteur. La chapelle elle-même a plus de six mètres de longueur. Elle est d'une remarquable simplicité et sans aucune décoration. Les murs sont recouverts d'une couche de stuc et l'autel est peint dans le même genre. Deux reliquaires fort riches et deux statues, avec le bref de S. S. Léon XIII du 24 avril 1805, en ornent les murs.
La permission donnée à M. de Saint-Jullien est ainsi conçue : « Gilbert de Montmorin de Saint-Hérem, par la grâce de Dieu et du Saint-Siège apostolique, évêque duc de Langres, pair de France, commandeur de l'ordre du Saint-Esprit,
« Nous permettons à M. et Mme de Saint-Jullien de faire célébrer la messe dans leur chapelle castrale de Fontaine-Françoise, lorsque l'un d'eux sera présent, par tel prêtre qu'ils jugeront à propos, soit séculier, soit régulier, même d'un diocèse étranger.
« Donné à Langres sous notre seing et le contreseing de notre secrétaire, le dix du mois d'août milsept cent cinquante-huit.
« Signé : G, Evêque de Langres.
« Le secrétaire : « Peigney. »
La nouvelle chapelle, remise sous le simple vocable de Notre-Dame, n'avait alors que des chapelains en titre et quasi bénéficiaires. Dans l'acte de levée d'interdit que nous avons rapporté, le chapelain en titre, Etienne-Paul de Tourres de Saint-Florent, ne paraît pas. Le 12 août 1754, au moment de la reconstruction du château, M. de Saint-Jullien nomma messire David Bellet de Tavernost, clerc tonsuré du diocèse de Lyon, chapelain de la chapelle Notre-Dame du château, par suite du décès de Paul de Tourres.
Ces nominations de chapelains, faites par le seigneur, sans participation de l'évêque qui seul pouvait conférer le pouvoir de remplir des fonctions spirituelles, et cette désignation du dernier chapelain sous le titre de simple tonsuré, prouvent qu'il ne s'agit ici que des revenus attachés à la chapelle castrale. L'église, n'ayant pas reconnu cette fondation de bénéfice, ne s'occupait pas d'y pourvoir et se contentait d'accorder l'autorisation de célébrer la sainte Messe dans l'oratoire. Par suite, les seigneurs n'étaient liés que par l'intention de leurs prédécesseurs, mais si cette intention les empêchait de rentrer eux-mêmes en possession des terres dont le revenu était affecté aux fondations religieuses de leur chapelle castrale, ils pouvaient en disposer en faveur de qui ils voulaient, sauf au bénéficier de faire acquitter à ses frais les charges de la donation.
Les premiers fondateurs de l'oratoire du château en avaient fait jouir des prêtres approuvés du diocèse et ceux-ci avaient accepté d'en acquitter les charges dans l'oratoire même ; ces premières dispositions changèrent forcément lorsque le propriétaire du château ne fut plus un catholique, et ses successeurs, redevenus catholiques, continuèrent, pendant quelque temps encore, le système adopté par les non-catholiques, ne sentant pas le besoin d'avoir un aumônier dans leur maison.
Les choses changèrent en 4772. Le 26 février de cette année, M. de Saint-Jullien nomma Eloi-Félix Ardouhin, curé de Fontaine, aux fonctions de chapelain de la chapelle du château, et à la mort de ce dernier, arrivée en 1781, son successeur, M. Bellon, le remplaça comme chapelain jusqu'en 1792, au moment où le séquestre et les scellés furent mis sur le chà¬
teau. Mme de Saint-Jullien, veuve depuis 1788, habitait alors Paris.
Elle revint à Fontaine au commencement de ce siècle, au moment du Concordat, et en l'an XII, elle adressa une demande à l'évêque de Dijon pour être autorisée à faire célébrer de nouveau la messe dans sa chapelle castrale.
Cette demande dut être transmise au nouveau gouvernement qui s'arrogeait le pouvoir d'accorder ces autorisations. La demande fut accueillie favorablement par Napoléon et Mgr Reymond, évêque de Dijon, par une lettre du quatrième jour complémentaire de l'an XII, en informait Mme de Saint-Jullien en ces termes : « ...le gouvernement accorde l'autorisation de dire la messe dans la chapelle domestique dépendante de la maison que vous habitez dans la commune de Fontaine-Française. »
La chapelle du château est toujours sous le vocable
de Notre-Dame.
On y a célébré les offices depuis le rétablissement du culte en France après la Révolution, jusqu'à la mort de Mme de Saint-Jullien arrivée en 1820 (Mme de Saint-Jullien avait été ondoyée dans l'ancienne chapelle le 15 décembre 1729).
Il peut paraître étonnant que Mme la marquise de la Tour-du-Pin, devenue invalide en 1870, n'ait pas fait célébrer les offices dans sa chapelle. Il fallait, il est vrai, une autorisation, mais la chapelle n'avait pas besoin d'une nouvelle consécration. M. de Chabrillan, s'adressa à Rome, et par un bref du 24 avril 1885, S. S. le pape Léon XIII daigna lui permettre de faire célébrer la messe et « autres offices » dans la chapelle castrale.
La première messe y a été dite en octobre 1885, par M. l'abbé Thiers, précepteur, et Mme la comtesse de Chabrillan a pourvu elle-même à tous les besoins du culte.
Enfin, par autorisation spéciale de Mgr Lecot, le nouveau curé-doyen de Fontaine-Française (1886), M. Contausset, pourra biner tous les dimanches et célébrer
célébrer messe dans la chapelle castrale.
Fontaine-Française, 13 janvier 1887.
TABLE DES MATIÈRES
Pages
DÉDICACE. . . .
5
NOTE DE L'AUTEUR
7
I. Epoque gauloise et romaine. Moeurs, religion . . . .
9
Les voies romaines
18
II. Epoque burgonde et origine du pays des Attuariens. .
21
Premiers rois burgondes
23
III. Origine de Fontaine-Française ................
30
IV. Description générale de Fontaine-Française. Résumé historique
34
Fortifications de Fontaine-Française ................
36
Salubrité
45
Production agricole de 1812 à 1882
47
Fontaine Henri IV
49
Chapelle N.-D. de la Motte .....
50
Notice sur le R. P. Fourcault
54
— le Général Gandil .................
66
— Mgr Jules Carra...
58
Anciens poids et mesures
59
V. Essai étymologique des noms des lieux-dits . . . .
62
VI. Partie chronologique de l'histoire de Fontaine-Française
71
Fontaine-Française sous les Burgondes et les comtes Attuariens .............
71
Supplice de Brunehaut
72
Fondation de l'abbaye de Bèze .......
74
Explication et étymologie des divers titres de la noblesse
75
Pages
seigneurs féodaux, leur pouvoir ........
81
Liste des seigneurs de Fontaine-Française depuis 960 à nos jours
86
VII. Fontaine-Française sous les seigneurs de Fouvent, de 950 à 1202
87
De la féodalité, régime, etc
90
Droit des seigneurs féodaux.
92
De la mainmorte
95
Marques de la justice seigneuriale
96
Famines et mortalités
98
Souveraineté des évêques de Langres
100
Usages du XIIe siècle
104
VIII. Fontaine-Française sous les seigneurs de Vergy, de 1202 à 1385
107
Le château de Vergy.
107
Guillaume Ier de Vergy, de 1202 à 1240
110
Donations de Guillaume de Vergy .................
111
Des léproseries et des lépreux.
117
Henri Ier de Vergy, de 1240 à 1258
122
Fontaine prend pour la première fois la dénomination de française
125
Jean Ier de Vergy, de 1258 à 1310 ..................
126
Langue d'Oc et Langue d'Oil
131
Guillaume III de Vergy, de 1310 à 1360
133
Etablissement de la gabelle
135
La Peste-noire ou grand-mort
137
Jean III de Vergy, de 1360 à 1379
138
Henriette de Vergy, de 1379 à 1385
138
Siège de Fontaine, en 1373
142
IX. Fontaine-Française sous Jean de Vienne, seigneur de Pagny, de 1385 à 1427
146
De la Justice aux XIVe, XVe et XVIe siècles et singulières moeurs
154
X. Fontaine-Française sous les seigneurs do Longvy, de 1427 à 1526
167
Mathieu de Longvy, de 1427 à 1435 . . . .
57
Jean II de Longvy, de 1435 à 1462 .......
58
1 erres de surséance
60
Famille Hugon de Fontaine
65
Pages
De la tour d'Anthoison
167
Franchises de Fontaine
168
Girard Ier de, Longvy, de 1462 à 1481 ....
170
Reprise de fief ou acte de foy et hommage, acte très intéressant.
170
Terrier ou triage de 1464, noms des lieux-dits . .
174
Noms des principaux habitants en 1464 .....
175
Jean III de Longvy, de 1481 à 1520 et Françoise de Longvy, de 1520 à 1526
179
Donation à Jehan Robelot .....
182
Doléances des habitants à Mme de Gevrey ....
186
Claude de Longvy, cardinal de Givry, de 1505 à 1561.
188
De la chapelle du château
190
Puissance des évêques de Langres
192
XI. Fontaine-Française sous les seigneurs de Chabot-Charny, de 1526 à 1638 ......
195
Philippe ou Philibert Chabot, de 1526 à 1543 . . .
195
Légende de chasse de Philippe
202
François Chabot, de 1543 à 1599
203
Premiers registres de l'état civil, en 1557....
208
Souveraineté de Chaume
213
XII. Combat du 5 juin 1595 à Fontaine-Française. . .
219
Monuments élevés à Fontaine en souvenir de ce combat
250
Les trois visions de Childéric
255
Henri Chabot, de 1599 à 1628
257
Jacques Chabot, de 1628 à 1630 et Marie de Loménie, de 1630 à 1638 ......
261
Dénombrement de la terre de Fontaine en 1629, reprise de fief.
266
Description détaillée de la seigneurie et de ses droits.
267
Les estangs et suite des droits du seigneur . . .
270
Invasion de Gallass en 1636
274
Procès-verbal de 1644, constatant les dégâts causés à Fontaine par l'armée de Gallass
282
XIII. Fontaine-Française sous François de la Rochefoucault, de 1638 à 1656
286
Reprise de fief de Berthaut
287
Noms des lieux-dits et plan de 1640
288
Division du finage en trois sections de trois épies chacune, en 1651
291
Pages
XIV. Fontaine-Française sous Antoine d'Amault, de 4656 à 1677
294
Acte de la vente de la terre de Fontaine, en 1656 . .
295
Le protestantisme à Fontaine
299
Recherche des communes, en 1666, description de Fontaine et de sa seigneurie
302
Nombre des habitants en 1666
304
XV. Fontaine-Française sous Jacques de Mazel et Catherine d'Arnault, de 1677 à 1684 ....
308
Dénombrement et reprise de fief, en 1677, de la terre de Fontaine
309
Le four banal
311
XVI. Fontaine-Française sous les la Tour-du-Pin de la Charce, de 1684 à 1748
314
Louis Ier de la Tour-du-Pin et Claude de Mazel, de 1684 à 1714
314
Origine et généalogie des la Tour-du-Pin
316
Claude de Mazel épouse séparée
320
Création des offices de maires, Jean Michel, 1or maire de Fontaine ; leur nomination
325
Progrès de l'agriculture
328
Canal de la Marne à la Saône. ...
329
Dénombrement des habitants, en 1695 .....
330
Procès entre le château et les curés
331
Confirmation des privilèges accordés aux habitants de Fontaine-Française ...........
334
Jacques Philippe de la Tour-du-Pin, de 1714 à 1748
336
Baptême de Mme de Saint-Jullien
340
Premier évêque de Dijon .....
343
Rachat des charges de maires, remontrances des habitants de Fontaine en raison de la pauvreté de cette communauté 346 et
351
Levée de l'interdit de la chapelle du château, en 1741, sa description
354
Reconstruction de la nef de l'église, pose de la première pierre, en 1739
356
Rôle du sel, en 1743
358
Gestion des finances de la communauté
XVII. Fontaine-Française sous M. Bollioudde Saint-Jullien, de 1748 à 1788
361
Pages
Origine des Saint-Jullien
362
Démolition du vieux château fort, en 1754 . . . .
364
Rachat de Fontaine, Fontenelle, Chaume, etc. ...
367
Construction du nouveau château, de 1754 à 1758 . .
369
Notes sur la chapelle du château
371
Emprunt de la communauté de Fontaine
374
Déclaration de là terre de Fontaine pour la louer, en 1760
375
Relèvement des signes patibulaires ou des fourches, en 1760 ....
n
380
Construction du petit château, de 1762 à 1767 . . .
381
Bâtiment de la dîme, rendement des terres . . . .
383
Vigne dite la Marquise, à Courchamp
384
Dénombrement et reprise de fief de la terre de Fontaine, en 1767 ..........
387
Embellissement de Fontaine et situation de la communauté
389
Premier partage des bois d'affouage
393
Rachat, par M. de Saint-Jullien, de Courchamp, Sacquenay, Montormentier, etc
394
Voltaire à Fontaine-Française ................
394
Mort de M. de Saint-Jullien, le fils, 1782 ..............
395
Déclaration et état général de Fontaine, Chaume et Berthaut, en 1783, par le contrôleur de Bourgogne . .
396
Valeur des terres, prés, etc., en 1783
397
Importation de la pomme de terre à Fontaine, en 1820.
397
Cens, corvées, etc., dus au seigneur par les habitants, en 1786.
398
XVIII. Fontaine-Française sous Mme do Saint-Jullien, de 1788 à 1820
400
Dénombrement, situation de Fontaine au moment de la révolution de 1789 et en 1792
401
Détention de Mme de Saint-Jullien, 1792
403
Emprunt forcé de l'an IV
405
Taxes sur le pain, le blé et autres céréales pendant la révolution . . .
406
NOTE DE L'AUTEUR ....................
409
XIX. Mme la marquise de la Tour-du-Pin, née princesse Honorine de Monaco
411
Pages
Son oraison funèbre et ses funérailles à Fontaine-Française
443
Les libéralités de Mme de la Tour-du-Pin
416
Le Marquis Aynard de la Tour-du-Pin, son fils . . .
417
Le maréchal de Matignon et les lettres à lui adressées par Catherine de Médicis, Henri III et Marguerite de Navarre
420
XX. Notice sur l'église de Fontaine-Française ................
431
XXI. Notice sur l'ancien château
461
XXII. Le nouveau château, époque actuelle
465
Poème de V. Dumarest . . .
477
XXIII. Notice sur la chapelle du . .
485
DIJON. — IMPRIMERIE DARANTIERE, RUE CHABOT-CHARNY, 65.